Shamalov v Council (Common foreign and security policy - Restrictive measures taken in respect of actions undermining or threatening the territorial integrity, sovereignty and independence of Ukraine - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-651/22 (04 September 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T65122.html
Cite as: [2024] EUECJ T-651/22, EU:T:2024:576, ECLI:EU:T:2024:576

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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

4 septembre 2024 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel des fonds – Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Restrictions en matière d’admission sur le territoire des États membres – Liste des personnes, des entités et des organismes faisant l’objet de restrictions en matière d’admission sur le territoire des États membres – Inscription et maintien du nom du requérant sur les listes – Notion de “femme ou homme d’affaires influents” – Article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145/PESC – Article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement (UE) no 269/2014 – Obligation de motivation – Exception d’illégalité – Erreur d’appréciation – Détournement de pouvoir »

Dans l’affaire T‑651/22,

Kirill Shamalov, demeurant à Moscou (Russie), représenté par Me A. Genko, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M.-C. Cadilhac et M. V. Piessevaux, en qualité d’agents, assistés de Mes B. Maingain et A. Vandevelde, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. D. Spielmann, président, Mme M. Brkan et M. S. L. Kalėda (rapporteur), juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 octobre 2022,

–        le mémoire en adaptation déposé au greffe du Tribunal le 24 mai 2023,

à la suite de l’audience du 24 janvier 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Kirill Shamalov, demande l’annulation, premièrement, de la décision (PESC) 2022/582 du Conseil, du 8 avril 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 110, p. 55), et du règlement d’exécution (UE) 2022/581 du Conseil, du 8 avril 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 110, p. 3) (ci-après, pris ensemble, les « actes initiaux »), deuxièmement, de la décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 149), et du règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « premiers actes de maintien »), et, troisièmement, de la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75 I, p. 134), et du règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75 I, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « seconds actes de maintien »), en tant que ces actes (ci-après les « actes attaqués ») le concernent. Le requérant demande, par ailleurs, l’annulation de la décision (PESC) 2022/329 du Conseil, du 25 février 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 50, p. 1) et du règlement (UE) 2022/330 du Conseil, du 25 février 2022, modifiant le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 51, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes du 25 février 2022 »).

I.      Antécédents du litige

2        Le requérant est de nationalité russe.

3        Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16).

4        À la même date, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 269/2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).

5        Le 25 février 2022, eu égard à la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2022/329 modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 50, p. 1), et, d’autre part, le règlement (UE) 2022/330 modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 51, p. 1), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause. Selon le considérant 11 de la décision 2022/329, le Conseil a estimé qu’il convenait de modifier les critères de désignation de façon à inclure les personnes et entités qui apportaient un soutien au gouvernement de la Fédération de Russie ou qui tiraient avantage de ce gouvernement ainsi que les personnes et entités qui lui fournissaient une source substantielle de revenus et les personnes physiques ou morales associées aux personnes et entités figurant sur la liste.

6        L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329 (ci-après la « décision 2014/145 modifiée »), se lit comme suit :

« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :

[…]

g)      à des femmes et hommes d’affaires influents ou des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine,

et les personnes physiques et morales, les entités ou les organismes qui leur sont associés, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent, dont la liste figure en annexe.

2. Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »

7        Les modalités de ce gel de fonds sont définies aux paragraphes suivants du même article.

8        L’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la décision 2014/145 modifiée proscrit l’entrée ou le passage en transit sur le territoire des États membres des personnes physiques répondant à des critères en substance identiques à ceux énoncés à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de cette même décision.

9        Le règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330 (ci-après le « règlement no 269/2014 modifié »), impose l’adoption des mesures de gel de fonds et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145 modifiée. En effet, l’article 3, paragraphe 1, sous a) à g), de ce règlement reprend pour l’essentiel l’article 2, paragraphe 1, sous a) à g), de ladite décision.

10      Dans ce contexte, le 8 avril 2022, le Conseil a adopté les actes initiaux.

11      Par les actes initiaux, le nom du requérant a été ajouté, respectivement, sur la liste annexée à la décision 2014/145 modifiée et à celle figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014 modifié (ci-après les « listes en cause »), aux motifs suivants :

« [Le requérant] est vice-président du conseil de direction de Sibur Holding PJSC, la plus grande entreprise pétrochimique intégrée de Russie.

Il est donc un homme d’affaires influent qui a une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

12      Le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne du 11 avril 2022 (JO 2022, C 157, p. 11), un avis à l’attention des personnes, entités et organismes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145 modifiée par la décision 2022/582 et par le règlement n° 269/2014 du Conseil, mis en œuvre par le règlement d’exécution 2022/581. Cet avis indiquait, notamment, que les personnes concernées pouvaient adresser au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle leurs noms avaient été inscrits sur les listes annexées aux actes initiaux, en y joignant des pièces justificatives.

13      Par un courriel du 6 septembre 2022, le requérant a introduit une demande de réexamen des actes initiaux auprès du Conseil et a demandé à ce dernier la communication du dossier ayant servi de fondement à l’adoption des mesures restrictives le concernant.

14      Par les premiers actes de maintien du 14 septembre 2022, les mesures prises à l’encontre du requérant ont été prolongées jusqu’au 15 mars 2023. Dans les premiers actes de maintien, le Conseil a repris l’ensemble des motifs des actes initiaux.

15      Par une lettre du 15 septembre 2022, le Conseil a répondu à la demande de réexamen du 6 septembre 2022 en rejetant cette dernière et en notifiant au requérant sa décision de maintenir son nom sur les listes en cause. Le Conseil a également communiqué au requérant les informations figurant dans le dossier portant la référence WK 5047/2022 INIT contenant les éléments de preuve le concernant, daté du 5 avril 2022 (ci-après le « premier dossier WK »). Par une lettre du 28 octobre 2022, le requérant a formulé des observations en réponse à la lettre du Conseil du 15 septembre 2022 et demandé le réexamen des premiers actes de maintien.

16      Par une lettre du 22 décembre 2022, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son égard et transmis les informations figurant dans le dossier portant la référence WK 17627/2022 INIT, daté du 14 décembre 2022 (ci-après le « second dossier WK »). Par un courriel du 11 janvier 2023, le requérant a formulé des observations en réponse à la lettre du Conseil du 22 décembre 2022.

17      Par une lettre du 6 février 2023, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son égard et transmis un nouvel exposé des motifs. Par une lettre du 7 mars 2023, le requérant a formulé des observations en réponse à la lettre du Conseil du 6 février 2023.

18      Le 13 mars 2023, le Conseil a adopté les seconds actes de maintien qui ont prolongé les mesures prises à l’encontre du requérant jusqu’au 15 septembre 2023. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ont été modifiés comme suit :

« [Le requérant] est un ancien vice-président du conseil de direction de Sibur Holding PJSC, la plus grande entreprise pétrochimique intégrée de Russie. Il est resté actionnaire de Sibur Holding et a conservé un poste de direction au sein de la société. En outre, il tire avantage de ses liens personnels avec le Kremlin et a occupé des postes à haut niveau dans de nombreuses grandes entreprises russes.

Il est donc un homme d’affaires influent qui a une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

19      Par une lettre du 14 mars 2023, le Conseil a répondu aux demandes de réexamen du 6 septembre et du 28 octobre 2022 et du 11 janvier 2023 du requérant, en rejetant ces dernières et en lui notifiant sa décision de maintenir son nom sur les listes en cause.

II.    Conclusions des parties

20      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués en ce qu’ils le visent ;

–        annuler les actes du 25 février 2022 ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

21      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable en tant qu’il vise à obtenir l’annulation des actes initiaux et des actes du 25 février 2022 ;

–        rejeter le recours comme étant non fondé pour le surplus ;

–        à titre subsidiaire, si les actes attaqués devaient être annulés en ce qu’ils concernent le requérant, ordonner le maintien des effets des décisions 2022/1530 et 2023/572 jusqu’à ce que l’annulation partielle des règlements d’exécution 2022/1529 et 2023/571 prenne effet ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

22      À l’appui de son recours en annulation, le requérant invoque cinq moyens, tirés, le premier d’une erreur d’appréciation, le deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation, le troisième, d’un détournement de pouvoir, le quatrième, d’une exception d’illégalité, et, le cinquième, de l’absence de preuve de sa qualité d’homme d’affaires influent dans le cadre du plein contrôle des décisions du Conseil.

23      Le Conseil ayant soulevé l’irrecevabilité des conclusions du requérant visant à l’annulation des actes du 25 février 2022 et des actes initiaux, il convient d’examiner, de manière préalable, la recevabilité de ces conclusions, avant d’aborder les moyens invoqués par le requérant.

24      Par ailleurs, eu égard au contenu des moyens, il y a lieu d’analyser par la suite, successivement, le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, dès lors qu’il a trait à la légalité externe des actes attaqués, puis le quatrième moyen, tiré d’une exception d’illégalité, le premier moyen, tiré d’une erreur d’appréciation et, le troisième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir, dès lors qu’ils ont trait à la légalité interne desdits actes.

25      Lors de l’audience, le requérant a renoncé au cinquième moyen, ce dont il a été pris acte.

A.      Sur la recevabilité

26      À titre liminaire, le Conseil soulève l’irrecevabilité des conclusions du requérant visant à l’annulation des actes du 25 février 2022 et des actes initiaux. D’une part, le Conseil fait valoir que la demande du requérant, en ce qu’elle vise l’annulation des actes initiaux et des actes du 25 février 2022, a été introduite tardivement et doit donc être déclarée irrecevable. D’autre part, le Conseil précise que les actes du 25 février 2022, en ce qu’ils ajoutent à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée et à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014 modifié un critère prévoyant que sont gelés les fonds et ressources économiques « [d]es femmes et hommes d’affaires influents, [d]es personnes morales, [d]es entités ou organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine » [ci-après le « critère g) »], ne visent pas l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause et, par conséquent, ne le concernent pas directement ou individuellement.

27      Dans la réplique, le requérant soutient que l’ensemble de son recours est recevable. Il précise que l’arrêt du 28 janvier 2016, Azarov/Conseil (T‑332/14, non publié, EU:T:2016:48), indique qu’il est possible de demander l’annulation d’une décision qui modifie des critères d’inscription. Il ajoute que, dans l’arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil (T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674), qui présente une situation analogue à celle du cas d’espèce, le Tribunal a estimé que le recours de la partie requérante était recevable.

28      Premièrement, il y a lieu de relever, à supposer que le Tribunal soit compétent afin d’examiner la légalité de la décision 2022/329, que le recours du requérant en ce qu’il vise les actes du 25 février 2022 est tardif.

29      En effet, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification à la partie requérante ou, à défaut, du jour où celle-ci en a eu connaissance. Selon l’article 59 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de cet acte au Journal officiel de l’Union européenne, le délai est à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de cette publication. Conformément à l’article 60 du même règlement, ce délai doit, en outre, être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

30      En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que les actes du 25 février 2022 ont été publiés au Journal officiel le même jour. Il s’ensuit que le recours introduit le 18 octobre 2022, en ce qu’il vise ces actes, est tardif.

31      Deuxièmement, concernant les actes initiaux, il convient de rappeler que le délai pour l’introduction d’un recours en annulation contre un acte imposant des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité commence uniquement à courir soit à partir de la date de la communication individuelle de cet acte à l’intéressé, si son adresse est connue, soit à partir de la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne, lorsqu’il était impossible de procéder à la communication directe de cet acte à l’intéressé (voir arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil, T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608, point 92 et jurisprudence citée).

32      En l’espèce, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne du 11 avril 2022 (JO 2022, C 157, p. 11), un avis à l’attention des personnes, entités et organismes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145 modifiée par la décision 2022/582 et par le règlement n° 269/2014 du Conseil mis en œuvre par le règlement d’exécution 2022/581. À cet égard, il convient d’ailleurs de relever que le requérant ne soutient pas que le Conseil aurait eu la possibilité de lui notifier directement les actes initiaux et qu’il ne ressort pas non plus du dossier que le Conseil connaissait l’adresse du requérant. En outre, à l’audience, le requérant a indiqué qu’il avait eu connaissance des actes initiaux dès leur adoption. Il s’ensuit que le recours, introduit le 18 octobre 2022, en ce qu’il vise les actes initiaux est tardif. Quant à la mention de l’arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil (T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674), par le requérant, il y a lieu de relever, à l’instar du Conseil, que, dans cette affaire, les actes en cause avaient été contestés dans les délais, de sorte qu’il convient de rejeter cet argument.

33      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté comme étant irrecevable en ce qui concerne la demande d’annulation des actes du 25 février 2022 et des actes initiaux.

B.      Sur le fond

1.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

34      Le requérant soutient, en substance, que le Conseil n’a pas formulé des motifs individuels, spécifiques et concrets de nature à donner une indication suffisante sur le bien-fondé des mesures restrictives prises à son égard et que la lettre du 15 septembre 2022 n’évoque pas non plus les raisons pour lesquelles le Conseil continue de le considérer comme un homme d’affaires influent. Dans la réplique, le requérant précise qu’il conteste, par avance, une éventuelle motivation fondée sur le motif qu’il tirerait avantage de ses « liens personnels avec le Kremlin ».

35      Dans le mémoire en adaptation, le requérant indique en ce qui concerne la mention relative au fait qu’il a conservé un poste de direction au sein de Sibur que cet élément ne corrobore pas le critère g) et que, ainsi, les seconds actes de maintien ne sont pas motivés.

36      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

37      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications des mesures prises aux fins d’en apprécier le bien-fondé et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 50 ; voir, également, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 47 et jurisprudence citée).

38      La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de cet acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par ledit acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est notamment pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, ni qu’elle réponde de manière détaillée aux considérations formulées par l’intéressé lors de sa consultation avant l’adoption du même acte, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 48 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 53).

39      Ainsi, d’une part, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. D’autre part, le degré de précision de la motivation d’un acte doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles celui-ci doit intervenir (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 104 et jurisprudence citée).

40      En outre, la jurisprudence a précisé que la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne devait pas seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considérait, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé devait faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 105 et jurisprudence citée).

41      La question de la motivation, qui concerne une formalité substantielle, est distincte de celle de la preuve du comportement allégué, laquelle relève de la légalité au fond de l’acte en cause et implique de vérifier la réalité des faits mentionnés dans cet acte ainsi que la qualification de ces faits comme constituant des éléments justifiant l’application des mesures restrictives à l’encontre de la personne concernée (voir arrêt du 6 octobre 2015, Chyzh e.a./Conseil, T‑276/12, non publié, EU:T:2015:748, point 111 et jurisprudence citée).

42      En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que le contexte général ayant conduit le Conseil à adopter les actes attaqués est exposé dans les considérants desdits actes. De même, il résulte desdits actes l’indication de la base juridique des premiers et seconds actes de maintien, à savoir l’article 29 TUE et l’article 215 TFUE. La motivation des premiers et seconds actes de maintien est celle exposée aux points 11, 14 et 18 ci-dessus.

43      En deuxième lieu, il résulte de manière suffisamment claire de la lecture de la motivation des premiers et seconds actes de maintien, exposée aux points 11, 14 et 18 ci-dessus, que le Conseil a inscrit le nom du requérant sur les listes en cause en se fondant sur un critère, qui est explicitement mentionné dans les motifs d’inscription, à savoir le critère g). Ainsi, le requérant a pu comprendre que son nom avait été maintenu sur les listes en cause en raison de ce critère.

44      En troisième lieu, concernant les premiers actes de maintien, les motifs visés au point 11 ci-dessus, qui sont les motifs des actes initiaux, mais qui sont restés inchangés dans les premiers actes de maintien, ont permis au requérant de comprendre que son nom avait été maintenu sur les listes en cause en raison du fait qu’il était « vice-président du conseil de direction de Sibur Holding PJSC, la plus grande entreprise pétrochimique intégrée de Russie ».

45      S’agissant des seconds actes de maintien, les motifs visés au point 18 ci-dessus ont permis au requérant de comprendre que son nom avait été maintenu sur les listes en cause dans la mesure où il était « un ancien vice-président du conseil de direction de Sibur Holding PJSC, la plus grande entreprise pétrochimique intégrée de Russie », qu’il était « resté actionnaire de Sibur Holding et a[vait] conservé un poste de direction au sein de la société » et qu’il « tir[ait] avantage de ses liens personnels avec le Kremlin et a[vait] occupé des postes à haut niveau dans de nombreuses grandes entreprises russes ».

46      Il y a donc lieu de relever que les considérations figurant dans la motivation retenue par le Conseil à l’égard du requérant visent à décrire la situation concrète de ce dernier et sont dès lors suffisantes. Il ressort d’ailleurs de la requête, de la réplique et du mémoire en adaptation que le requérant a compris les raisons ayant justifié le maintien de son nom sur les listes en cause.

47      Il convient d’ajouter que le Tribunal est en mesure d’évaluer le bien-fondé des premiers et seconds actes de maintien. En outre, eu égard à la jurisprudence citée au point 41 ci-dessus, les arguments du requérant ayant trait au bien-fondé des motifs retenus par le Conseil à son égard seront analysés dans le cadre du premier moyen, relatif à l’erreur d’appréciation.

48      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

2.      Sur le quatrième moyen, tiré d’une exception d’illégalité

49      À l’appui de son quatrième moyen portant sur une exception d’illégalité du critère g), le requérant soulève trois branches, tirées, la première, de l’absence de lien suffisant entre ce critère et l’objectif poursuivi par les mesures restrictives, la deuxième, d’une violation des principes fondamentaux de l’Union et notamment du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination et, la troisième, de la violation du principe de sécurité juridique.

50      S’agissant de la première branche relative à l’absence de lien suffisant entre le critère g) et l’objectif poursuivi par les mesures restrictives, le requérant soutient, en substance, qu’un groupe très restreint d’hommes d’affaires peut être considéré comme ayant une influence sur le gouvernement de la Fédération de Russie. Il précise que le Conseil, en remplaçant la signification du mot « influent » par « important », use d’un pouvoir discrétionnaire qui lui permet de sanctionner une multitude de personnes qui sont seulement des entrepreneurs en Russie. Il fait valoir que la faculté ouverte au Conseil de sanctionner ainsi des centaines voire des milliers d’hommes ou femmes d’affaires en Russie ne répond pas à l’objectif de réaliser une pression sur les dirigeants de ce pays et qu’il est, par conséquent, manifestement inapproprié au regard du principe de proportionnalité. Il ajoute que le Conseil n’apporte aucune précision sur une catégorie d’entreprises particulière, qui serait particulièrement importante, et que, en tout état de cause, tel ne serait pas le cas de Sibur.

51      S’agissant de la deuxième branche relative à une violation des principes fondamentaux de l’Union et notamment du principe d’égalité et de non-discrimination, le requérant soutient que le critère g) est discriminatoire dès lors qu’il est fondé sur la fortune des personnes inscrites sur les listes en cause et sur le fait que ces dernières exercent leurs activités en Russie. Ainsi, il fait valoir que le critère g) est illégal au regard du principe d’égalité dans la mesure où il ne répond pas à l’objectif politique que les actes attaqués visent à atteindre.

52      S’agissant de la troisième branche relative à la violation du principe de sécurité juridique, le requérant fait valoir que, à défaut de critère précis afin de déterminer la qualité d’homme d’affaires influent, le critère g) doit être considéré comme étant illégal. Il ajoute que le Conseil fluctue dans son interprétation du mot « important » et qu’il ne précise pas non plus la notion de « source substantielle de revenus ».

53      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

54      Selon l’article 277 TFUE, toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union, se prévaloir des moyens prévus à l’article 263, deuxième alinéa, pour invoquer devant la Cour de justice de l’Union européenne l’inapplicabilité de cet acte.

55      L’article 277 TFUE constitue l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester, par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision qui lui est adressée, la validité des actes de portée générale qui forment la base d’une telle décision si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation. L’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question (voir arrêt du 17 février 2017, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑14/14 et T‑87/14, EU:T:2017:102, point 55 et jurisprudence citée).

56      Concernant l’intensité du contrôle juridictionnel, selon une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Cette exigence est expressément consacrée à l’article 275, second alinéa, TFUE (voir arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 58 et jurisprudence citée, et du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 65 et jurisprudence citée).

57      Il n’en demeure pas moins que le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la définition générale et abstraite des critères juridiques et des modalités d’adoption des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 41 et jurisprudence citée). Par conséquent, les règles de portée générale définissant ces critères et ces modalités, telles que les dispositions des premiers et seconds actes de maintien prévoyant le critère g) visé par le présent moyen, font l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint, se limitant à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur de droit ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir [voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, EU:T:2009:266, points 44 et 45, et du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 149 (non publié)].

58      En l’espèce, il résulte de l’article 2 et de l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014 modifié que sont gelés les fonds et ressources économiques :

« […]

g) [d]es femmes et hommes d’affaires influents, [d]es personnes morales, [d]es entités ou organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

59      Le requérant soutient, en substance, premièrement, qu’il n’existe pas de lien suffisant entre le critère g) et l’objectif poursuivi par les mesures restrictives, deuxièmement, que le critère g) enfreint le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination et, troisièmement, qu’il est contraire au principe de sécurité juridique.

–       Sur la première branche, relative à l’absence de lien entre le critère g) et l’objectif poursuivi par les mesures restrictives

60      Il y a lieu de considérer que, par ses arguments visant à soutenir qu’il n’existe pas de lien suffisant entre le critère g) et l’objectif poursuivi par les mesures restrictives, le requérant conteste, en réalité, la proportionnalité du critère g).

61      Or, à cet égard, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (arrêt du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, C‑380/09 P, EU:C:2012:137, point 52).

62      En outre, le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans des domaines qui impliquent de sa part des choix de nature politique, économique et sociale et dans lesquels il est appelé à effectuer des appréciations complexes et seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure adoptée dans ces domaines, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (arrêt du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil, C‑440/14 P, EU:C:2016:128, point 77).

63      En l’espèce, en premier lieu, il y a lieu d’observer que le critère g) s’inscrit dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant les mesures restrictives en cause, à savoir la nécessité, compte tenu de la gravité de la situation, d’exercer une pression maximale sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine ainsi qu’à l’agression militaire de ce pays. Dans cette perspective, les mesures restrictives en cause sont conformes à l’objectif visé à l’article 21, paragraphe 2, sous c), TUE, de préserver la paix, de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité internationale, conformément aux buts et aux principes de la charte des Nations unies signée à San Francisco (États-Unis) le 26 juin 1945 (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 46 et jurisprudence citée).

64      En outre, il existe un lien logique entre, d’une part, le fait de cibler les femmes et les hommes d’affaires influents exerçant leurs activités dans des secteurs économiques fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement, au vu de l’importance que revêtent ces secteurs pour l’économie russe, et, d’autre part, l’objectif des mesures restrictives en l’espèce, qui est d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 49 et jurisprudence citée).

65      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments du requérant relatifs au fait que le Conseil userait d’un pouvoir discrétionnaire lui permettant de sanctionner une multitude de personnes qui sont seulement des entrepreneurs en Russie. En effet, ainsi que le souligne le Conseil, le critère g) vise des femmes et hommes d’affaires « influents » et « ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie » et non tous les entrepreneurs en Russie.

66      Par ailleurs, d’une part, eu égard au libellé du critère g), il y a lieu d’observer que les personnes visées doivent être considérées comme influentes du fait de leur importance dans le secteur dans lequel elles exercent leur activité et de l’importance que revêt ce secteur pour l’économie russe (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 143 et jurisprudence citée).

67      D’autre part, l’objectif des mesures restrictives en cause n’est pas de sanctionner certaines personnes ou entités en raison de leurs liens avec la situation en Ukraine ou de leurs liens avec le gouvernement russe, mais, comme cela est rappelé au point 63 ci-dessus, d’imposer des sanctions économiques à la Fédération de Russie, afin d’accroître la pression sur celle-ci ainsi que le coût de ses actions visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de mettre un terme, aussi vite que possible, à l’agression subie par celle-ci (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 144 et jurisprudence citée). Ainsi, le critère g) ne paraît pas manifestement inapproprié pour réaliser les objectifs légitimes poursuivis mentionnés aux points 63 et 64 ci-dessus.

68      En deuxième lieu, en adoptant le critère g), le Conseil n’est pas allé au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre les objectifs visés à l’article 21 TUE. En effet, ce critère revêt un caractère nécessaire afin d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût de ses actions visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine. En outre, le requérant n’invoque aucune mesure alternative moins contraignante qui aurait permis d’atteindre efficacement les objectifs poursuivis par les mesures restrictives. Par ailleurs, concernant l’argument du requérant relatif à l’absence de précision par le Conseil sur une catégorie d’entreprises particulière qui serait visée par le critère g), il y a lieu de relever qu’une telle précision n’est pas nécessaire étant donné que le critère se concentre sur les activités dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie.

69      En outre, les arguments du requérant concernant l’inscription de son nom sur les listes en cause et sur Sibur relèvent de l’examen de sa situation individuelle et, dès lors, de l’examen du moyen tiré de l’erreur d’appréciation.

70      Il résulte des considérations qui précèdent que le critère g) n’apparaît pas manifestement disproportionné au vu des objectifs poursuivis, conformément à l’article 21 TUE, visant la cessation de la violation flagrante de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de l’indépendance de l’Ukraine. Ainsi, il convient de rejeter l’argument du requérant concernant l’absence de lien suffisant entre ce critère et l’objectif poursuivi par les mesures restrictives.

71      Par conséquent, il convient de rejeter la première branche.

–       Sur la deuxième branche, relative aux principes d’égalité de traitement et de non-discrimination

72      Il ressort de l’argumentation du requérant qu’il soulève la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination. Or, à cet égard, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement, qui constitue un principe fondamental de droit, interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (arrêt du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, EU:T:2009:266, point 135).

73      Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que le critère g) n’établit pas une discrimination fondée sur la fortune des personnes visées par les mesures restrictives fondées sur ce critère. En effet, ainsi que cela a été indiqué au point 66 ci-dessus, il convient de constater que les personnes visées doivent être considérées comme influentes du fait de leur importance dans le secteur dans lequel elles exercent leur activité et de l’importance que revêt ce secteur pour l’économie russe (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 143 et jurisprudence citée).

74      Par ailleurs, le critère g) vise les femmes et hommes d’affaires influents ayant une activité « dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie », de sorte qu’il doit être également démontré que le secteur dans lequel ils interviennent fournit une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie. En outre, le critère g) s’applique indépendamment de la nationalité des personnes visées.

75      Par conséquent, il convient de rejeter la deuxième branche.

–       Sur la troisième branche, relative au principe de sécurité juridique

76      Il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique implique que la législation de l’Union soit claire et précise et que son application soit prévisible pour les justiciables (voir arrêts du 5 mars 2015, Europäisch-Iranische Handelsbank/Conseil, C‑585/13 P, EU:C:2015:145, point 93 et jurisprudence citée, et du 17 février 2017, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑14/14 et T‑87/14, EU:T:2017:102, point 192 et jurisprudence citée).

77      En l’espèce, le requérant soutient que le critère g) ne répond pas à ce principe dans la mesure où il n’est pas suffisamment précis.

78      À cet égard, il y a lieu de relever, concernant le critère g), que son libellé vise de façon suffisamment claire et précise notamment les femmes et hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe. Eu égard au libellé de ce critère, il y a lieu d’observer que les personnes visées doivent être considérées comme influentes du fait de leur importance dans le secteur dans lequel elles exercent leur activité et de l’importance que revêt ce secteur pour l’économie russe (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 45 et jurisprudence citée).

79      Par ailleurs, le critère g) s’inscrit, ainsi qu’il ressort des points 63 et 64 ci-dessus, dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant les mesures restrictives en cause, à savoir la nécessité, compte tenu de la gravité de la situation, d’exercer une pression sur les autorités russes afin que celle-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine.

80      En outre, le pouvoir d’appréciation conféré au Conseil par le critère g) est contrebalancé par une obligation de motivation et des droits procéduraux renforcés (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2014, National Iranian Oil Company/Conseil, T‑578/12, non publié, EU:T:2014:678, point 122 et jurisprudence citée).

81      Il s’ensuit que le critère g) répond au degré de prévisibilité requis par le droit de l’Union et que ce grief doit être écarté.

82      Partant, il y a lieu de rejeter la troisième branche et, par conséquent, l’exception d’illégalité soulevée par le requérant dans le cadre du quatrième moyen.

3.      Sur le premier moyen, tiré d’une erreur « manifeste » d’appréciation

83      Dans le cadre de ce moyen, le requérant soutient que le Conseil a commis une erreur « manifeste » d’appréciation en inscrivant et en maintenant son nom sur les listes en cause. Il fait valoir, en substance, dans une première branche, que les éléments de preuve apportés par le Conseil ne sont pas probants, dans une deuxième branche, que le Conseil n’a pas apporté la preuve d’une « influence » de sa part et, dans une troisième branche, que les informations le visant sont obsolètes.

84      Le Conseil conteste le bien-fondé de ce moyen.

a)      Considérations liminaires

85      Tout d’abord, il importe de relever que ce moyen doit être considéré comme tiré d’une erreur d’appréciation, et non d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, s’il est certes vrai que le Conseil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour déterminer au cas par cas si les critères juridiques sur lesquels se fondent les mesures restrictives en cause sont remplis, il n’en reste pas moins que les juridictions de l’Union doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 58).

86      Ensuite, il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

87      C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121, et du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, point 57).

88      L’appréciation du bien-fondé de ces motifs doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre la personne sujette à une mesure restrictive et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99 et jurisprudence citée).

89      Par ailleurs, il importe de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures restrictives, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur la liste en cause ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (voir arrêt du 27 avril 2022, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑108/21, EU:T:2022:253, point 55 et jurisprudence citée ; arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 168).

90      Pour justifier le maintien du nom d’une personne sur la liste, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de la personne concernée sur la liste, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et, d’autre part, le contexte n’a pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes (arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 99). Ledit contexte inclut non seulement la situation du pays à l’égard duquel le système de mesures restrictives a été établi, mais également la situation particulière de la personne concernée [voir arrêts du 9 juin 2021, Borborudi/Conseil, T‑580/19, EU:T:2021:330, point 60 (non publié) et jurisprudence citée, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 169 et jurisprudence citée]. De même, le maintien sur la liste en cause est justifié au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, au regard du fait que les objectifs visés par les mesures restrictives n’auraient pas été atteints (arrêts du 27 avril 2022, Boshab/Conseil, T‑103/21, non publié, EU:T:2022:248, point 121, et du 27 avril 2022, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑108/21, EU:T:2022:253, point 56 ; voir également, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 83 et 84).

91      C’est à l’aune de ces principes jurisprudentiels qu’il convient de déterminer si le Conseil a commis une erreur d’appréciation en considérant que, en l’espèce, il existait une base factuelle suffisamment solide pouvant justifier, d’une part, les premiers actes de maintien et, d’autre part, les seconds actes de maintien.

b)      Sur les éléments de preuve produits par le Conseil

92      En l’espèce, pour justifier l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, le Conseil a fourni le premier dossier WK, dont le contenu est présenté ci-après :

–        un extrait du site Internet de l’United States Department of the Treasury (département du Trésor des États-Unis d’Amérique) consulté en mars 2022 (pièce no 1 du premier dossier WK) ;

–        un extrait du site Internet de l’Office of Financial Sanctions Implementation (OFSI, bureau chargé de la mise en œuvre des sanctions financières) du Trésor du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande consulté en mars 2022 (pièce no 2 du premier dossier WK) ;

–        un extrait du site Internet Wikipédia consulté en mars 2022 (pièce no 3 du premier dossier WK) ;

–        un extrait du site Internet Organized Crime and Corruption Reporting Project consulté en mars 2022 (pièce no 4 du premier dossier WK) ;

–        un extrait du site Internet Forbes consulté en mars 2022 (pièce no 5 du premier dossier WK) ;

–        deux extraits du site officiel de Sibur consultés en mars 2022 (pièces nos 6 et 7 du premier dossier WK) ;

–        un article de presse de Intellinews consulté en mars 2022 (pièce no 8 du premier dossier WK).

93      S’agissant des seconds actes de maintien, le Conseil s’est fondé sur des éléments de preuves supplémentaires dans le second dossier WK, dont le contenu est présenté ci-après :

–        un extrait du site Internet Lansing Institute consulté en novembre 2022 (pièce no 1 du second dossier WK) ;

–        un article de presse de l’agence de presse Interfax  consulté en novembre 2022 (pièce no 2 du second dossier WK) ;

–        un article de presse de Forbes consulté en novembre 2022 (pièce no 3 du second dossier WK) ;

–        un extrait du site Internet Tek-All.ru consulté en novembre 2022 (pièce no 4 du second dossier WK) ;

–        un article de presse du Financial Times consulté en novembre 2022 (pièce no 4 bis du second dossier WK) ;

–        un article de presse de Le Monde consulté en novembre 2022 (pièce no 5 du second dossier WK) ;

–        un article de presse du Daily Mail consulté en novembre 2022 (pièce no 6 du second dossier WK).

c)      Sur la première branche, tirée de l’absence de valeur probante des preuves produites par le Conseil

94      Le requérant fait valoir, en substance, que les éléments de preuve avancés par le Conseil ne satisfont pas aux exigences de la jurisprudence en matière de standard et de qualité de la preuve. À cet égard, il indique que les pièces contenues dans le premier dossier WK font référence à des informations sommaires et obsolètes. Il précise que les éléments de preuves démontrant qu’il fait l’objet de sanctions de la part du Royaume-Uni ou des États-Unis d’Amérique ne peuvent constituer qu’un indice et ne peuvent pas fonder des mesures restrictives, que les pièces nos 4 et 8 du premier dossier WK sont des extraits de sites Internet sans valeur probante et que des informations extraites du site Internet Wikipédia (pièce no 3 du premier dossier WK) ne sauraient se voir accorder de valeur probante.

95      Le requérant ajoute, en substance, que les éléments de preuve du second dossier WK ne contiennent pas d’éléments convaincants et fiables et qu’il en est de même des annexes produites par le Conseil dans le mémoire en défense.

96      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

97      Il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’activité du juge de l’Union est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. À cet égard, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue en tenant compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 114 et jurisprudence citée).

98      En l’absence de pouvoirs d’enquête dans des pays tiers, l’appréciation des autorités de l’Union doit, de fait, se fonder sur des sources d’information accessibles au public, des rapports, des articles de presse, des rapports des services secrets ou d’autres sources d’information similaires (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 115 et jurisprudence citée).

99      En outre, il importe de relever que, la situation de conflit dans lequel la Fédération de Russie et l’Ukraine sont impliquées rend en pratique particulièrement difficile l’accès à certaines sources, l’indication expresse de la source primaire de certaines informations ainsi que l’éventuel recueil de témoignages de la part de personnes acceptant d’être identifiées. Les difficultés d’investigation qui s’ensuivent peuvent ainsi contribuer à faire obstacle à ce que des preuves précises et des éléments d’information objectifs soient apportés (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 116 et jurisprudence citée).

100    En l’espèce, premièrement, pour justifier l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause dans le cadre des premiers actes de maintien, le Conseil s’est fondé sur le premier dossier WK. À cet égard, le requérant conteste la crédibilité et la fiabilité des pièces nos 1, 2, 3, 4 et 8 du premier dossier WK.

101    Concernant les pièces nos 1 et 2 du premier dossier WK, qui sont des extraits du site Internet du département du Trésor des États-Unis d’Amérique et du site Internet du bureau chargé de la mise en œuvre des sanctions financières du Trésor du Royaume-Uni indiquant que le requérant est soumis à des mesures restrictives de la part des États-Unis d’Amérique et du Royaume-Uni, il y a lieu de relever que, par ses arguments, le requérant ne remet pas en cause la fiabilité de ces pièces, mais soutient seulement que des mesures restrictives d’États tiers ne peuvent fonder des mesures restrictives de l’Union. Partant, les informations d’identification présentes dans les pièces nos 1 et 2 du premier dossier WK peuvent être prises en compte.

102    Concernant la pièce no 3 du premier dossier WK, il y a lieu de relever que, bien qu’il s’agisse d’un extrait du site Internet Wikipédia, qui est une encyclopédie collective en ligne, ces informations peuvent toutefois venir corroborer des informations tirées d’autres sources [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2023, QF/Conseil, T‑386/22, non publié, EU:T:2023:670, point 36 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 1er février 2023, Krematorium am Waldfriedhof Schwäbisch Hall/EUIPO (aquamation), T‑319/22, non publié, EU:T:2023:30, point 28 et jurisprudence citée]. Ainsi, la pièce no 3 ne saurait être dénuée de toute valeur probante. En tout état de cause, les informations contenues dans cette page Wikipédia, relatives au fait que le requérant serait actionnaire à hauteur de 3,8 % de Sibur, ne sont pas en substance contestées par ce dernier et peuvent donc être prises en compte dans l’analyse du moyen relatif à l’erreur d’appréciation.

103    Concernant les pièces nos 4 et 8 du premier dossier WK, qui sont, respectivement, un extrait du site Internet Organized Crime and Corruption Reporting Project et un article de presse de Intellinews, le seul argument du requérant est tiré de ce que ces documents sont des extraits de sites Internet d’investigation sans valeur probante, sans étayer cet argument, de sorte qu’il n’est pas de nature à remettre en cause la fiabilité de ces pièces. Par conséquent, la valeur probante de ces pièces ne saurait être écartée.

104    Deuxièmement, pour justifier l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause dans le cadre des seconds actes de maintien, le Conseil s’est également fondé sur le second dossier WK. À cet égard, le requérant conteste la crédibilité et la fiabilité de l’ensemble des pièces du second dossier WK.

105    Concernant la pièce no 1 du second dossier WK, qui est un extrait du site Internet Lansing Institute, le requérant fait valoir que cette organisation non gouvernementale provenant des États-Unis d’Amérique, a une ligne éditoriale très marquée politiquement et alignée sur les intérêts de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Néanmoins, à supposer même que l’argument du requérant puisse être suivi sur ce point, cela ne saurait enlever toute valeur probante à ce document.

106    S’agissant de la pièce no 2 du second dossier WK, qui est un article de presse de Interfax, cet article relate le fait que le requérant est actionnaire de Sibur à hauteur de 3,8 %, ce qu’il ne conteste pas.

107    Concernant la pièce no 3 du second dossier WK, qui est un article de presse de Forbes, le requérant dénonce le titre « racoleur » de cet article. Néanmoins, un tel argument, qui ne porte finalement pas sur la substance de l’article, ne saurait remettre en cause la valeur probante de ce dernier.

108    S’agissant de la pièce no 6 du second dossier WK, qui est un article de presse du Daily Mail, le requérant soutient qu’il ne s’agit pas d’une source sérieuse et que l’article concerne sa vie privée. À cet égard, il convient de relever que le fait qu’il s’agisse d’un journal populaire ne constitue pas un élément susceptible de lui enlever toute valeur probante.

109    En outre, concernant les pièces nos 4, 4 bis et 5 du second dossier WK, il y a lieu de relever que les arguments du requérant ont trait à l’analyse de l’erreur d’appréciation et non à la valeur probante des éléments de preuve. Il en est de même pour les annexes du mémoire en défense du Conseil. Dès lors, ces derniers seront examinés dans le cadre des deuxième et troisième branches du premier moyen, tirées respectivement de l’absence de preuve d’une « influence » et du caractère obsolète des informations visant le requérant.

110    Il ressort des considérations qui précèdent que, compte tenu de la situation de conflit dans lequel la Fédération de Russie et l’Ukraine sont impliquées et en l’absence de pouvoirs d’enquête du Conseil dans des pays tiers (voir la jurisprudence citée aux points 97 à 99 ci-dessus), la valeur probante des pièces nos 1, 2, 3, 4 et 8 du premier dossier WK et de l’ensemble des pièces du second dossier WK ne saurait être écartée.

111    Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être rejetée.

d)      Sur les deuxième et troisième branches du premier moyen, tirées respectivement de l’absence de preuve d’une « influence » et du caractère obsolète des informations visant le requérant

112    À titre liminaire, concernant le critère g), il convient de constater que ce critère emploie la notion de « femme ou homme d’affaires influent » en corrélation avec l’exercice d’une « activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement [russe] », sans autre condition concernant un lien, direct ou indirect, avec ledit gouvernement. La finalité poursuivie par ce critère est en effet d’exercer une pression maximale sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et politiques déstabilisant l’Ukraine ainsi qu’à l’agression militaire de ce pays (arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 138).

113    À cet égard, il existe un lien logique entre le fait de cibler les hommes et femmes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques fournissant des revenus substantiels au gouvernement russe, d’une part, et l’objectif des mesures restrictives en l’espèce, qui est d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que d’accroître le coût des actions de cette dernière visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, d’autre part (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 139 et jurisprudence citée).

114    Toutefois, rien dans les considérants ou les dispositions de la décision 2014/145 modifiée et du règlement no 269/2014 modifié ne permet de conclure qu’il incomberait au Conseil de démontrer l’existence d’un lien étroit ou d’une interdépendance entre, d’une part, la personne dont le nom est inscrit sur les listes en cause et, d’autre part, le gouvernement russe ou ses actions compromettant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 140).

115    À cet égard, il ne saurait être inféré de la jurisprudence relative au critère de l’« homme d’affaires influent » appliqué dans le cadre des mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne que la notion de « femme et homme d’affaires influent », utilisée dans le cadre du critère appliqué en l’espèce, impliquerait l’obligation pour le Conseil de démontrer l’existence de liens étroits ou d’interdépendance avec le gouvernement russe (arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 141).

116    Une telle interprétation se heurterait non seulement au libellé du critère g), mais également à l’objectif visé.

117    En effet, d’une part, eu égard au libellé du critère, il y a lieu de relever que les personnes visées doivent être considérées comme influentes du fait de leur importance dans le secteur dans lequel elles exercent leur activité et de l’importance que revêt ce secteur pour l’économie russe. À cet égard, la notion d’« hommes d’affaires influents » doit donc être comprise comme visant l’importance de ces derniers au regard, notamment, de leurs statuts professionnels, de l’importance de leurs activités économiques, de l’ampleur de leurs possessions capitalistiques ou de leurs fonctions au sein d’une ou de plusieurs entreprises dans lesquelles ils exercent ces activités (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 143 et jurisprudence citée).

118    D’autre part, l’objectif des mesures restrictives en cause n’est pas de sanctionner certaines personnes ou entités en raison de leurs liens avec la situation en Ukraine ou de leurs liens avec le gouvernement russe, mais d’imposer des sanctions économiques à la Fédération de Russie, afin d’accroître la pression sur celle-ci ainsi que le coût de ses actions visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de mettre un terme, aussi vite que possible, à l’agression subie par celle-ci (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 144 et jurisprudence citée).

119    C’est à l’aune de ces considérations qu’il y a lieu d’apprécier si le Conseil a commis une erreur d’appréciation en estimant que le requérant était un homme d’affaires influent ayant une activité dans un secteur économique qui fournissait une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie.

120    La deuxième et la troisième branche du présent moyen se recoupant, il y a lieu de les examiner ensemble. En outre, une distinction doit être faite entre les premiers actes de maintien, d’une part, et les seconds actes de maintien, d’autre part.

1)      Sur les premiers actes de maintien

121    Concernant la deuxième branche, tirée de l’absence de preuve d’une « influence » du requérant, ce dernier soutient qu’il est un homme d’affaires russe et qu’il est un cadre de Sibur, mais que le Conseil n’a pas apporté de preuve de son influence. Le requérant ajoute que, au contraire, le Conseil s’appuie, dans la lettre du 15 septembre 2022, sur le fait qu’il serait divorcé de la fille du président Poutine depuis plusieurs années, ce qui impliquait qu’il n’avait pas, à la date des actes attaqués, l’influence qu’il aurait pu avoir dans le passé. Il indique que l’interprétation du Conseil de la notion d’influence est en contradiction avec son propre dossier de preuve, qui vise à démontrer son influence sur le pouvoir politique russe. Il précise qu’il ne peut être exigé de lui qu’il apporte la preuve qu’il n’exerce pas d’influence sur le pouvoir russe sans pour autant renverser la charge de la preuve. Il ajoute que Sibur n’est pas une société apportant un financement substantiel à la Fédération de Russie, qu’elle n’est pas un exportateur de premier plan tel que Gazprom, qu’elle n’a pas pour actionnaire l’État et ne lui paie pas de dividendes et que l’ensemble du secteur pétrochimique fournit 0,81 % des recettes du budget fédéral. Enfin, le requérant souligne qu’il n’a pas participé à la réunion organisée par le président Poutine le 24 février 2022 et que le nom d’une personne visée pour son lien d’association a déjà été retiré desdites listes, à la suite d’un divorce.

122    Concernant la troisième branche, tirée du caractère obsolète des informations visant le requérant, ce dernier fait valoir que, par un courriel du 6 septembre 2022 adressé au Conseil, il a démontré qu’il n’occupait plus des fonctions supérieures au sein de Sibur ayant motivé l’adoption des actes initiaux. Il précise que la composition du nouveau conseil de direction a fait l’objet d’une publication et que son retrait était antérieur à l’adoption des actes initiaux. Il souligne que, malgré ces éléments, le Conseil a choisi de maintenir son nom sur les listes en cause en précisant que bien qu’il fut un actionnaire minoritaire de Sibur, il était tout autant capable d’influencer les activités de cette société. À cet égard, le requérant soutient que l’influence visée par les actes attaqués concerne la politique russe et non celle qu’une personne peut exercer dans une société dans laquelle ladite personne exerce des responsabilités et que, en tout état de cause, son statut d’actionnaire minoritaire de Sibur ne permet pas de présumer la moindre influence en Russie. Le requérant ajoute que, selon la pièce no 5 du premier dossier WK, il serait la 151e fortune en Russie, ce qui serait éloigné du « premier cercle ». Il indique que, à supposer que le Conseil puisse se prévaloir d’une présomption selon laquelle tout dirigeant d’une grande entreprise russe aurait une influence en Russie, cette dernière résulterait en une discrimination « de classe » et une rupture dans l’État de droit.

123    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

124    Il convient de rappeler que lorsque le maintien du nom de la personne ou de l’entité concernée sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives est fondé sur les mêmes motifs que ceux qui ont justifié l’adoption de l’acte initial sans que de nouveaux éléments aient été retenus à son égard, le Conseil n’est pas tenu, pour respecter son droit d’être entendu, de lui communiquer à nouveau les éléments retenus à charge (arrêt du 22 juin 2022, Haswani/Conseil, T‑479/21, non publié, EU:T:2022:383, point 85 ; voir également, en ce sens, arrêt du 7 avril 2016, Central Bank of Iran/Conseil, C‑266/15 P, EU:C:2016:208, points 32 et 33).

125    En l’espèce, les motifs retenus dans les premiers actes de maintien qui se rattachent au critère g) sont identiques aux motifs des actes initiaux et ont trait au fait que le requérant était « vice-président du conseil de direction de Sibur Holding PJSC, la plus grande entreprise pétrochimique intégrée de Russie ». Pour justifier ce maintien, le Conseil s’est fondé sur les mêmes éléments de preuve que ceux figurant dans le premier dossier WK. Il convient donc de vérifier si l’ensemble des éléments de preuve soumis par le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe et constitue un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer les motifs d’inscription figurant dans les premiers actes de maintien.

126    À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé aux points 89 et 90 ci-dessus, compte tenu de la nature conservatoire et, par définition, provisoire des mesures restrictives en cause, le Conseil est tenu, lors du réexamen périodique de celles-ci, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures afin de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des personnes et entités concernées ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion en ce qui concerne celles-ci. Pour justifier le maintien du nom d’une personne sur la liste en cause, le Conseil peut se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale du nom de la personne concernée sur la liste, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et, d’autre part, le contexte, qui inclut également la situation particulière de la personne concernée, n’a pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes.

127    Or, s’agissant, premièrement, du contexte général de la situation de l’Ukraine en ce qui concerne les menaces à son intégrité territoriale, à sa souveraineté et à son indépendance, celui-ci est resté inchangé entre l’adoption des actes initiaux et celle des premiers actes de maintien. De même, les mesures restrictives sont toujours justifiées au regard de l’objectif poursuivi, à savoir exercer une pression maximale sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et politiques déstabilisant l’Ukraine ainsi qu’à l’agression militaire de ce pays, et accroître le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

128    Deuxièmement, concernant la situation individuelle du requérant au moment de l’adoption des premiers actes de maintien, il y a lieu de relever ce qui suit.

129    En l’espèce, il convient de relever que la base factuelle du motif retenu dans les premiers actes de maintien à l’égard du requérant, qui se rattache au critère g), se réfère à sa fonction de vice-président du conseil de direction de Sibur.

130    À cet égard, il ressort du premier dossier WK que le requérant est mentionné à plusieurs reprises comme étant le vice-président du conseil de direction de Sibur. En effet, la pièce no 6, qui est un extrait du site Internet officiel de Sibur, consulté en mars 2022, le présente comme occupant ce poste. Les pièces nos 2, 3, 5 et 8 du même dossier mentionnent également sa qualité de vice-président du conseil de direction de Sibur.

131    Cependant, le requérant conteste le fait que, au moment de l’adoption des premiers actes de maintien, il était toujours vice-président du conseil de direction de Sibur.

132    À cet égard, concernant ce poste, il a produit une attestation de Sibur dans son courriel du 6 septembre 2022 adressé au Conseil, indiquant que, au 1er avril 2022, il avait été transféré du poste de « vice-président du comité de direction de Sibur Holding » au sein du « comité de direction du président du comité de direction de Sibur Holding », au poste de « responsable du développement durable » au sein du « comité de direction du dirigeant de Sibur Holding ».

133    Or, il y a lieu de constater à titre liminaire, à l’instar du Conseil, que l’avis du 11 avril 2022 (JO 2022, C 157, p. 11) à l’attention des personnes, entités et organismes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145 modifiée par la décision 2022/582 et par le règlement n° 269/2014 du Conseil mis en œuvre par le règlement d’exécution 2022/581 indiquait que le requérant pouvait adresser une demande de réexamen au Conseil avant le 1er juin 2022.

134    En premier lieu, il y a lieu de relever que le requérant ne s’est manifesté que le 6 septembre 2022 auprès du Conseil, à savoir quelques jours seulement avant l’adoption des premiers actes de maintien le 14 septembre 2022. Par conséquent, il y a lieu de constater que l’information relative au transfert du requérant au poste de « responsable du développement durable » au sein du « comité de direction du dirigeant de Sibur Holding » n’a pas été transmise en temps utile au Conseil afin de lui permettre de la vérifier et de la prendre en compte lors de l’adoption des premiers actes de maintien.

135    En deuxième lieu, il y a lieu de relever que la valeur probante de l’attestation de Sibur produite par le requérant, qui émane de la société dans laquelle il est impliqué, doit être relativisée en application de la jurisprudence citée au point 97 ci-dessus.

136    En troisième lieu, il convient de relever que le libellé de cette attestation indique que, au 1er avril 2022, le requérant avait été transféré du poste de « vice-président du comité de direction de Sibur Holding » au sein du « comité de direction du président du comité de direction de Sibur Holding » au poste de « responsable du développement durable » au sein du « comité de direction du dirigeant de Sibur Holding ».

137    Cependant, ainsi que l’a souligné le Conseil, il ressort de cette attestation et des écritures du requérant une certaine confusion quant à ses fonctions et à l’identification des différents organes au sein de Sibur.

138    À cet égard, la pièce no 6 du premier dossier WK, qui est un extrait du site Internet officiel de Sibur auquel le Conseil a eu accès le 18 mars 2022, identifie le requérant comme étant « vice-président du conseil de direction » (Deputy Chairman of the Management Board) de Sibur, ce qui correspond effectivement à l’identification du requérant dans les premiers actes de maintien comme étant « vice-président du conseil de direction de Sibur Holding ». La pièce no 6 du premier dossier WK indique également que le conseil de direction (Management Board) est l’organe exécutif collégial de Sibur.

139    Or, l’attestation fournie par le requérant indique un ancien emploi, à savoir celui de « vice-président du comité de direction de Sibur Holding » au sein d’un « comité de direction du président du comité de direction de Sibur Holding ». Par conséquent, ainsi que le souligne à juste titre le Conseil, il n’est pas avéré que le conseil de direction (Management Board) de Sibur, tel qu’il est indiqué dans les motifs des premiers actes de maintien et dans la pièce no 6 du premier dossier WK, soit le même organe que le « comité de direction du président du comité de direction de Sibur Holding » figurant sur l’attestation produite par le requérant, qui mentionne certes un « comité de direction », mais qui est rattaché, selon son libellé, au « président du Comité de direction de Sibur Holding ».

140    Ainsi, eu égard au fait que le requérant n’a informé le Conseil que quelques jours avant l’adoption des premiers actes de maintien qu’il avait démissionné de son poste de « vice-président du conseil de direction de Sibur Holding » (Management Board) et eu égard à la confusion entretenue par ce dernier quant à cette démission, il y a lieu de considérer que le Conseil a pu, à juste titre, considérer que la situation individuelle du requérant n’avait pas été modifiée au moment de l’adoption des premiers actes de maintien.

141    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments du requérant. En effet, premièrement, il invoque l’extrait du site Internet officiel de Sibur du 23 décembre 2021, relatant des changements dans la composition du conseil d’administration (Board of Directors) de Sibur, ainsi qu’un extrait de l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires de Sibur en date du 17 décembre 2021, visant à démontrer qu’il ne faisait plus partie du conseil d’administration (Board of Directors) de Sibur. Cependant, ces éléments ne concernent pas le conseil de direction (Management Board) de cette société, qui est l’organe visé par les motifs des premiers actes de maintien. Deuxièmement, s’agissant du fait que le Conseil a indiqué, dans les seconds actes de maintien, que le requérant était un « ancien vice-président du conseil de direction de Sibur Holding », il y a lieu de relever que, ainsi que cela a été exposé à l’audience, le Conseil a admis avoir commis une inexactitude sur ce point dans lesdits actes, intervenus subséquemment, ce qui, en tout état de cause, ne saurait affecter la légalité des premiers actes de maintien.

142    Par conséquent, le Conseil n’a pas commis d’erreur de fait en visant le requérant comme étant toujours le « vice-président du conseil de direction de Sibur Holding » à la date des premiers actes de maintien.

143    Il y a donc lieu d’examiner si cette fonction permettait au Conseil de conclure que le requérant était un homme d’affaires influent au sens du critère g).

144    Premièrement, il ressort de la pièce no 6 du premier dossier WK que le conseil de direction (Management Board) au sein duquel le requérant occupait le poste de « vice-président » était l’organe exécutif collégial de Sibur, responsable de la gestion quotidienne des activités du groupe et qui participait au développement et à la mise en œuvre de la stratégie de celui-ci, et que les objectifs principaux de cet organe incluaient la gestion des actifs du groupe afin de maximiser leur valeur et leur rendement, l’amélioration de l’efficacité des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques et la protection des droits et des intérêts des actionnaires. Ainsi, le requérant occupe un poste particulièrement important au sein de Sibur.

145    Concernant Sibur, il ressort des pièces nos 2, 4, 5 et 8 du premier dossier WK que cette société est active dans le domaine de la pétrochimie. Plus précisément, il ressort de la pièce no 7 du premier dossier WK, qui est un extrait du site officiel de Sibur, que son chiffre d’affaires pour la période allant de janvier à septembre 2021 a été évalué à 598 milliards de roubles russes (RUB) (environ 6 milliards d’euros). Par ailleurs, il ressort de la pièce no 8 du premier dossier WK que Sibur était de grande ampleur et de la pièce no 4 du premier dossier WK que cette société était la plus importante en Russie dans le domaine de la pétrochimie. Le requérant reconnaît également que Sibur est un groupe industriel important en Russie.

146    Eu égard à l’ensemble de ces éléments, notamment de la qualité de « vice-président du conseil de direction de Sibur Holding » et de l’importance de Sibur, le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptibles de mettre en évidence le fait que le requérant était un homme d’affaires influent.

147    Au vu de ce qui précède, deuxièmement, il y a lieu d’examiner si le Conseil pouvait, sans commettre d’erreur d’appréciation, considérer que le requérant avait une activité dans des secteurs économiques qui fournissaient une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie à la date des premiers actes de maintien.

148    À cet égard, il importe de souligner qu’il ressort du critère g) que c’est le secteur économique, et non la personne physique ou morale dont le nom est inscrit sur les listes en cause, qui doit constituer une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie.

149    En l’espèce, il ressort des motifs des premiers actes de maintien que le secteur dans lequel le requérant exerce ses activités est celui de la pétrochimie.

150    À cet égard, il convient de relever, ainsi que cela a été évoqué au point 145 ci-dessus, que Sibur, au sein de laquelle le requérant occupait la fonction de vice-président du conseil de direction, est une société de grande ampleur et la plus importante en Russie dans le secteur de la pétrochimie.

151    Or, le secteur de la pétrochimie est particulièrement important en Russie. En effet, ainsi que cela est mentionné au point 145 ci-dessus, il ressort de la pièce no 7 du premier dossier WK que le chiffre d’affaires de Sibur, qui est active dans ce secteur, pour la période allant de janvier à septembre 2021 a été évalué à 598 milliards RUB et que ce chiffre d’affaires a augmenté en 2021 de 62 % par rapport à l’année précédente.

152    Il est vrai que les éléments mentionnés au point 151 ci-dessus représentent l’importance de Sibur et la croissance liée à ses activités. Néanmoins, les profits mentionnés au point 151 ci-dessus ne concernent que la seule société dans laquelle le requérant est impliqué. Par conséquent, les revenus apportés au gouvernement russe par le secteur sont nécessairement plus importants. Ainsi, ces éléments donnent une idée de l’importance et de l’accroissement du secteur de la pétrochimie, qui fournit nécessairement une source de revenus substantielle au gouvernement de la Fédération de Russie. Cela est corroboré par le fait que la pétrochimie consiste à fabriquer des produits secondaires dérivés du pétrole, ainsi que le Conseil l’a souligné dans le mémoire en défense.

153    Par ailleurs, il est vrai que ni la décision 2014/145 modifiée ni le règlement no 269/2014 modifié ne définissent la notion de « source substantielle de revenus ». Il convient cependant de relever que l’emploi de l’adjectif qualificatif « substantielle », qui se rapporte au terme « source », implique que cette source de revenus doit être significative et donc non négligeable. À cet égard il ressort des éléments de preuve produits dans le premier dossier WK, tels qu’ils sont mentionnés au point 151 ci-dessus, que le secteur d’activités dans lequel le requérant est impliqué par l’intermédiaire de Sibur fournit, directement ou indirectement, une source de revenus substantielle au gouvernement de la Fédération de Russie.

154    À cet égard, ainsi que le souligne le Conseil au point 43 de la duplique, le terme « revenus » comprend notamment les gains financiers que le gouvernement russe tire des activités du secteur concerné, tels que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), les cotisations de sécurité sociale, les droits d’accise ou les droits d’exportation et d’importation et toute autre recette parvenant directement ou indirectement au budget de l’État.

155    Partant, eu égard, d’une part, aux activités du requérant dans le domaine de la pétrochimie et plus particulièrement à sa qualité de « vice-président du conseil de direction de Sibur Holding », à l’importance de cette société et à l’importance du secteur de la pétrochimie en Russie, le Conseil pouvait considérer sans commettre d’erreur d’appréciation que le requérant, à la date des premiers actes de maintien, était un homme d’affaires influent ayant des activités dans des secteurs économiques qui fournissaient une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie.

156    Il y a donc lieu d’en conclure que le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptibles de mettre en évidence le fait que le requérant satisfaisait au critère g) concernant les premiers actes de maintien.

157    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments du requérant.

158    En effet, premièrement, s’agissant des arguments du requérant relatifs à son influence, il a été établi à suffisance aux points 144 à 146 ci-dessus qu’il pouvait être considéré comme étant un homme d’affaires influent au sens du critère g), eu égard, notamment à sa qualité de « vice-président du conseil de direction de Sibur Holding » et à l’importance de Sibur.

159    Deuxièmement, s’agissant des arguments du requérant relatifs à la réunion du 24 février 2022 et au retrait du nom d’une personne, inscrite sur les listes en cause en raison d’un lien d’association, à la suite d’un divorce, il y a lieu d’écarter ces derniers comme étant inopérants, dès lors qu’il n’est pas reproché au requérant d’avoir participé à ladite réunion et que son nom n’a pas été inscrit sur les listes en cause eu égard à son lien d’association avec une autre personne inscrite sur lesdites listes.

160    Troisièmement, selon le requérant, Sibur n’apporte pas un financement substantiel à la Fédération de Russie. À cet égard, il convient de souligner que si la propre contribution de Sibur peut être utile pour déterminer son importance économique dans le secteur concerné et ainsi, la qualité d’homme d’affaires influent du requérant ou donner une idée de l’importance et de l’accroissement du secteur, ainsi que cela est indiqué au point 148 ci-dessus, il ressort toutefois du critère g) que c’est le secteur économique, et non la personne physique ou morale dont le nom est inscrit sur les listes en cause, qui doit constituer une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie.

161    Quatrièmement, le requérant soutient que Sibur n’est pas un exportateur de premier plan tel que Gazprom, qu’elle n’a pas pour actionnaire l’État et qu’elle ne lui paie pas de dividendes. À cet égard, il convient de relever que rien dans le libellé du critère g) ne suggère que seules des personnes physiques qui sont impliquées dans des entreprises publiques de premier plan ou versant des dividendes à l’État puissent être visées par ce critère.

162    Cinquièmement, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel l’ensemble du secteur pétrochimique fournit seulement 0,81 % des recettes du budget fédéral, il y a lieu de relever, à l’instar du Conseil, qu’une telle information ne ressort pas du lien Internet produit par le requérant au point 24 de la réplique, de sorte que cette affirmation n’est pas démontrée. En tout état de cause, quand bien même il serait établi que la contribution fiscale directe des entreprises du secteur pétrochimique correspondrait à 0,81 % des recettes du budget fédéral, cela n’implique pas que ledit secteur ne fournit pas une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie. En effet, cet argument fait abstraction du paiement d’autres revenus indirects tels que la TVA perçue sur les produits du secteur, les impôts sur le revenu des employés et les cotisations de sécurité sociale. Or, quand bien même ces impôts sont payés par les consommateurs, les salariés ou les entreprises du secteur selon le cas, il n’en demeure pas moins qu’ils peuvent constituer une source substantielle de revenus et que rien dans le libellé du critère g) ne permet d’exclure leur prise en compte.

163    Partant, le Conseil n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que le requérant satisfaisait au critère g) et que son nom pouvait être maintenu à ce titre sur les listes en cause en ce qui concerne les premiers actes de maintien.

2)      Sur les seconds actes de maintien

164    Dans le mémoire en adaptation, le requérant soutient, en substance, s’agissant des nouveaux motifs le concernant, qu’il n’est pas possible de se référer à des faits obsolètes pour inscrire le nom d’une personne sur les listes en cause. Il indique avoir conservé un poste de direction au sein de Sibur, mais que son poste actuel ne relève pas du critère g). Il ajoute que la mention relative au fait qu’il « tire avantage de ses liens personnels avec le Kremlin », ce qu’il conteste, ne permet pas de justifier le maintien de son nom sur les listes en cause au regard du critère g).

165    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

166    À titre liminaire, le requérant ayant indiqué dans son mémoire en adaptation qu’il entendait se prévaloir de l’ensemble des moyens soulevés dans la requête et la réplique, il y a lieu de prendre en compte lesdits moyens et arguments concernant les seconds actes de maintien.

167    En l’espèce, les motifs retenus dans les seconds actes de maintien qui se rattachent au critère g) sont libellés comme suit :

« [Le requérant] est un ancien vice-président du conseil de direction de Sibur Holding PJSC, la plus grande entreprise pétrochimique intégrée de Russie. Il est resté actionnaire de Sibur Holding et a conservé un poste de direction au sein de la société. En outre, il tire avantage de ses liens personnels avec le Kremlin et a occupé des postes à haut niveau dans de nombreuses grandes entreprises russes. »

168    Premièrement, il convient de relever que le contexte général de la situation de l’Ukraine, en ce qui concerne les menaces à son intégrité territoriale, à sa souveraineté et à son indépendance, est resté inchangé depuis l’adoption des actes initiaux.

169    Deuxièmement, s’agissant de la situation individuelle du requérant, il convient de constater que, outre la modification des motifs concernant sa fonction de vice-président du conseil de direction de Sibur, le Conseil a précisé qu’il était resté actionnaire de cette société et avait conservé un poste de direction au sein de cette dernière. En outre, il a également ajouté un motif relatif au fait que le requérant tirait avantage de ses liens personnels avec le Kremlin et qu’il avait occupé des postes à haut niveau dans de nombreuses grandes entreprises.

170    En premier lieu, s’agissant de la qualité d’actionnaire de Sibur, il ressort du mémoire en adaptation que le requérant ne conteste pas être resté actionnaire à hauteur de 3,8 % de cette société, de sorte que le Conseil a pu considérer à juste titre qu’il était effectivement resté actionnaire de cette société à la date d’adoption des seconds actes de maintien.

171    En effet, il ressort du premier dossier WK que le requérant est mentionné à plusieurs reprises comme étant actionnaire de Sibur (pièces nos 2, 4, 5 et 8 du premier dossier WK). Plus particulièrement, il est indiqué dans la pièce no 4 du premier dossier WK, qui est un extrait du site Internet Organized Crime and Corruption Reporting Project, que le requérant a acquis des actions dans la plus grande société pétrochimique russe équivalant à 380 millions dollars des États-Unis (USD) (environ 350 millions d’euros). La pièce no 5 du premier dossier WK, qui est un extrait du site Internet Forbes, mentionne que le requérant est actionnaire à hauteur de 3,88 % de Sibur. La pièce no 8 du premier dossier WK, qui est un article de presse de Intellinews, indique que le requérant est détenteur d’actions à hauteur de 3,8 % au sein de Sibur et que ces dernières valent plusieurs centaines de millions de dollars.

172    Sur ce point, le requérant a produit un rapport d’audit préparé pour Sibur, datant du 6 juillet 2021. Il ressort de ce dernier qu’il aurait obtenu ces actions par le biais d’un « programme d’intéressement de gestion » et que ces dernières équivaudraient en réalité à 187 millions d’USD (environ 170 millions d’euros) et non à 380 millions d’USD. À cet égard, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la valeur probante d’un tel rapport d’audit, dont la méthodologie repose sur la documentation fournie par l’intéressée, il y a lieu de relever qu’il ressort des pièces nos 2, 4, 5 et 8 du premier dossier WK que le requérant est propriétaire d’actions au sein de Sibur à hauteur de 3,8 % et que ces dernières actions représentaient au moment de leur acquisition, à tout le moins, 187 millions d’USD. Par ailleurs, il ressort de l’annexe A.2.2. de la requête, qui est un extrait de l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires de Sibur en date du 17 décembre 2021, que le requérant a informé le 6 septembre 2022 le Conseil que ces actions lui donnaient des droits de vote au sein de cette société, ce que le requérant a confirmé à l’audience.

173    Par ailleurs, il ressort de la pièce no 2 du second dossier WK, qui est un article de presse de Interfax publié en juin 2022 et dont le requérant ne conteste pas le contenu, que, « [s]elon les résultats du premier semestre, Sibur a versé 110,1 milliards de RUB (environ un milliard d’euros) aux actionnaires ». Il ressort également de la pièce no 3 du second dossier WK, qui est un article de presse de Forbes publié en février 2022, que, à la fin de l’année 2021, « Sibur a[vait] versé à ses actionnaires de généreux dividendes, y compris des actions de Nipigaz », et que le requérant ainsi que deux autres personnes étaient les actionnaires principaux de Nipigaz. Cet article précise que Nipigaz, « qui était une modeste filiale de Sibur, est devenue le plus grand entrepreneur privé de Russie ».

174    Ainsi, ces éléments témoignent de l’importance des avantages perçus par le requérant en tant qu’actionnaire de Sibur, quand bien même il ne serait qu’actionnaire à hauteur de 3,8 % de celle-ci.

175    En second lieu, le requérant reconnaît avoir conservé un poste au sein du « comité de direction du dirigeant de Sibur Holding ». Ainsi, le requérant continue d’exercer une fonction importante au sein d’un organe de direction dans la même société, qui est de grande ampleur, ainsi que cela ressort du point 145 ci-dessus. Par ailleurs, le requérant est resté l’un des treize actionnaires de cette société et conserve des droits de vote liés à ces actions.

176    Eu égard à l’ensemble de ces éléments, notamment à l’importance de Sibur en Russie ainsi que cela ressort du point 145 ci-dessus, à la qualité d’actionnaire du requérant de cette société et à son poste dans un organe de direction, le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptibles de mettre en évidence le fait que le requérant était un homme d’affaires influent.

177    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments du requérant.

178    Concernant l’argument du requérant relatif au fait que son poste de « responsable du développement durable » au sein du « comité de direction du dirigeant de Sibur Holding » ne permettrait pas de le qualifier d’homme d’affaires influent, il convient de relever, ainsi que cela est exposé au point 175 ci-dessus, que le requérant continue d’exercer une fonction au sein d’un organe de direction dans une société de grande ampleur et qu’il est, par ailleurs, resté l’un des treize actionnaires de cette société.

179    S’agissant de l’argument selon lequel il ne serait pas possible pour le Conseil de se référer à d’anciennes fonctions pour inscrire le nom du requérant sur les listes en cause et qu’il ne tirerait pas avantage de liens personnels avec le Kremlin, il a été établi aux points 170 à 175 ci-dessus que le requérant pouvait être considéré comme un homme d’affaires influent eu égard à sa qualité d’actionnaire au sein de Sibur et aux fonctions qu’il occupait dans un organe de direction de cette société. Ainsi, ces motifs des seconds actes de maintien justifient à eux seuls la qualité d’homme d’affaires influent du requérant.

180    Quant à la démonstration de l’existence d’une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, il y a lieu de renvoyer aux points 148 à 155 ci-dessus, qui ont établi à suffisance que le secteur de la pétrochimie, qui est toujours visé dans les seconds actes de maintien, fournit une telle source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie.

181    Il y a donc lieu d’en conclure que le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptibles de mettre en évidence le fait que le requérant satisfaisait au critère g) concernant les seconds actes de maintien.

182    Or, selon la jurisprudence, s’agissant du contrôle de la légalité d’une décision adoptant des mesures restrictives, et eu égard à leur nature préventive, si le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72 et jurisprudence citée).

183    Partant, le Conseil n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que le requérant satisfaisait au critère g) et que son nom pouvait être maintenu à ce titre sur les listes en cause en ce qui concerne les seconds actes de maintien.

184    Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les deuxième et troisième branches et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

4.      Sur le troisième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

185    Le requérant soutient, en substance, que, en inscrivant son nom sur les listes en cause, le Conseil souhaite le sanctionner, de manière détournée, de s’être enrichi grâce à une prétendue proximité familiale avec le président Poutine. Or, il estime que les actes attaqués ne prévoient pas de sanction individuelle pour cette situation. Il précise que le Conseil n’a pas sanctionné le principal actionnaire de Sibur, ce qui témoignerait du détournement de la finalité des actes attaqués.

186    Dans le mémoire en adaptation, le requérant ajoute que le nouveau motif mentionnant qu’il « tire avantage de ses liens personnels avec le Kremlin » n’est pas lié au critère g) et que cette affirmation, dont il conteste la véracité, ne permet pas de démontrer qu’il remplit ce critère.

187    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

188    Selon une jurisprudence constante, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, qu’il a été pris exclusivement, ou à tout le moins de manière déterminante, à des fins autres que celles pour lesquelles le pouvoir en cause a été conféré ou dans le but d’éluder une procédure spécialement prévue par les traités pour parer aux circonstances de l’espèce (arrêts du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 135, et du 25 juin 2020, Vnesheconombank/Conseil, C‑731/18 P, non publié, EU:C:2020:500, point 63).

189    Or, il suffit de relever que le requérant n’a pas fourni de tels indices en l’espèce. En effet, ainsi que cela a été indiqué au point 66 ci-dessus, il y a lieu de considérer que les personnes visées par le critère g) doivent être considérées comme influentes du fait de leur importance dans le secteur dans lequel elles exercent leur activité et de l’importance que revêt ce secteur pour l’économie russe. Ainsi, en l’espèce, eu égard aux conclusions figurant aux points 163 et 183 ci-dessus, comme le souligne le Conseil, les mentions dans le premier dossier WK et dans les motifs des seconds actes de maintien relatifs à la proximité familiale du requérant avec le président Poutine et au fait qu’il tirerait « avantage de ses liens personnels avec le Kremlin » ne sont pas déterminants quant à la démonstration de sa qualité d’homme d’affaires influent au sens du critère g).

190    Par ailleurs, à supposer même que, comme le soutient le requérant, le Conseil ait omis d’adopter des mesures restrictives à l’égard de certaines personnes ou entités répondant au critère en cause et d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments relatifs à ces personnes ou entités, un tel argument doit être écarté, dès lors que, le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que celui de bonne administration doivent se concilier avec le principe de légalité (arrêt du 3 mai 2016, Post Bank Iran/Conseil, T‑68/14, non publié, EU:T:2016:263, point 135 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 59).

191    Or, en l’espèce, ainsi qu’il a été constaté aux points 163 et 183 ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation pour déterminer au cas par cas si les critères juridiques sur lesquels se fondaient les mesures restrictives en cause étaient remplis, décidé de maintenir le nom du requérant sur les listes en cause.

192    Ainsi, en adoptant les premiers et seconds actes de maintien sur la base du critère g), le Conseil, qui a poursuivi l’objectif visant à exercer sur la Fédération de Russie une pression maximale afin qu’elle mette un terme à la guerre en Ukraine, n’a pas entaché ces actes d’un détournement de pouvoir. Il convient dès lors d’écarter le moyen tiré du détournement de pouvoir.

193    Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il convient de rejeter le recours dans son ensemble, comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

IV.    Sur les dépens

194    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Kirill Shamalov est condamné aux dépens.

Spielmann

Brkan

Kalėda

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 septembre 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.

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