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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Buonotourist v Commission (Judgment) French Text [2018] EUECJ T-185/15 (11 July 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T18515.html Cite as: EU:T:2018:430, [2018] EUECJ T-185/15, ECLI:EU:T:2018:430 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL -
ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
11 juillet 2018 (*)
« Aides d’État – Entreprise exploitant des réseaux de liaisons par autobus dans la Regione Campania – Avantage – Service d’intérêt économique général – Compensation tarifaire pour des obligations de service public versée à la suite d’une décision d’une juridiction statuant en dernier ressort – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur – Aides existantes et aides nouvelles – Règlement (CEE) no 1191/69 – Conditions d’exemption de l’obligation de notification – Article 4, paragraphe 5, et article 7, paragraphe 6, du règlement (CE) no 659/99 – Compétences respectives de la Commission et des juridictions nationales en matière de contrôle des aides d’État – Autorité de la chose jugée d’un jugement d’une juridiction nationale supérieure – Application dans le temps des règles de droit matériel – Confiance légitime – Sécurité juridique »
Dans l’affaire T‑185/15,
Buonotourist Srl, établie à Castel San Giorgio (Italie), représentée par Mes G. Capo et L. Visone, avocats,
partie requérante,
soutenue par
Associazione Nazionale Autotrasporto Viaggiatori (ANAV), établie à Rome (Italie), représentée par Me M. Malena, avocat,
partie intervenante,
contre
Commission européenne, représentée par Mme L. Armati, MM. G. Conte et P.-J. Loewenthal, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2015/1075 de la Commission, du 19 janvier 2015, relative à l’aide d’État SA.35843 (2014/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par l’Italie – Compensation complémentaire de service public en faveur de Buonotourist (JO 2015, L 179, p. 128),
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de MM. M. Prek, président, E. Buttigieg et B. Berke (rapporteur), juges,
greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 15 septembre 2017,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 La requérante, Buonotourist Srl, est une société privée qui exploite des services de transport public local sur la base de concessions régionales et municipales. L’activité de la requérante a été régie, au fil des années, par des dispositifs législatifs et réglementaires successifs.
Cadre législatif et réglementaire national régissant les activités de la requérante
2 L’exploitation des lignes d’autobus a commencé en 1972, en application d’une première concession ministérielle. À la suite du transfert aux Régions des compétences en matière de transport public local par le decreto del Presidente della Repubblica, no 5/1972, Trasferimento alle regioni a statuto ordinario delle funzioni amministrative statali in materia di tranvie e linee automobilistiche di interesse regionale e di navigazione e porti lacuali e dei relativi personali ed uffici (décret du président de la République sur le transfert aux Régions à statut ordinaire des fonctions administratives étatiques en matière de chemins de fer et des lignes automobiles d’intérêt régional et de navigation et des ports sur les lacs et du personnel et des bureaux relatifs) du 14 janvier 1972 (GURI no 19 du 22 janvier 1972, S.O.), la Regione Campania (Région Campanie, Italie, ci-après la « Région ») a promulgué la legge regionale no 40/75 sui trasporti pubblici in concessione, sulla incentivazione alla costituzione ed al potenziamento dei Consorzi tra Comuni e Province, nonché sull’equiparazione del trattaemnto economico e normativo del personale addetto alle autolinee in concessione e contributi di esercizio alle autolinee (loi régionale no 40/75 sur les transports publics en régime de concession, sur l’incitation à la constitution et au renforcement des consortiums entre communes et provinces ainsi que sur la reconnaissance du traitement économique et réglementaire du personnel opérant sur les lignes en concession et les subventions à l’exploitation desdites lignes), du 26 mai 1975 (GURI no 204 du 1er août 1975 et BU Campania no 26, ci-après la « loi régionale no 40/75 »), qui visait à réglementer les concessions d’exploitation des services de transport public, sur la base du plan régional des transports.
3 Aux termes de l’article 10 de la loi régionale no 40/75, « l’exercice des services de transport public, transféré à la compétence de la Région, […] est en principe donné en concession, selon les lignes directrices du plan régional des transports, aux consortiums entre communes et provinces, à des entreprises partiellement ou totalement publiques ou à d’autres demandeurs […] »
4 En vertu de l’article 11 de la loi régionale no 40/75 :
« La concession de services de transport public a normalement la même durée que le plan régional des transports, avec possibilité pour la Région d’y mettre fin à l’échéance de la concession elle-même.
[…]
En cas de présentation d’une demande de renonciation à ou de cession d’une concession de lignes d’autobus ou de modification substantielle du service, la Région a le droit de soumettre à restructuration et révision toutes les concessions régionales dont le concessionnaire demandeur est titulaire.
[…]
En cas de résolution des concessions, au sens de l’alinéa précédent, il y a lieu de fixer à la charge de la Région et en faveur du concessionnaire qui cesse le service une indemnité égale au fonds de commerce, dans la mesure de la seule différence entre les recettes et les dépenses relatives à une annualité de produits – évaluée comme moyenne des trois dernières années – dans l’hypothèse de coefficients d’exploitation inférieurs à 1,0 .»
5 L’article 13 de la loi régionale no 40/75 disposait :
« Les mesures de concession et de révocation des concessions sont adoptées par délibération de l’Exécutif régional sur proposition de l’Assesseur aux transports.
[…]
L’Exécutif régional, agissant sur proposition de l’Assesseur aux transports, définit dans le cahier des charges de la concession les conditions de déroulement du service de transport public et en particulier les itinéraires, les tarifs, le programme d’exploitation et tout autre élément jugé nécessaire aux fins de l’efficacité du service ; il procède également à la modification du cahier des charges si des exigences publiques survenues a posteriori l’imposent.
L’attestation relative au cahier des charges de la concession est délivrée par l’Assesseur aux transports […] »
6 Aux termes de l’article 14, premier alinéa, sous b), de la loi régionale no 40/75 :
« Quand le concessionnaire ne lance pas le service dans le délai établi ou l’abandonne, l’interrompt ou commet de graves irrégularités ou n’obtempère pas aux dispositions qui lui sont adressées par l’administration régionale ou, en tout état de cause, ne se conforme pas aux obligations découlant du cahier des charges de la concession ou imposées par une loi ou un règlement ou pour les contrats de travail en vigueur, la résolution sera effectuée par l’Exécutif régional à l’échéance de la seconde mise en demeure adressée au concessionnaire. La seconde mise en demeure est notifiée dans les 10 jours de la date à partir de laquelle l’acte administratif visé dans la mise en demeure antérieure est devenu exécutoire. »
7 La legge regionale no 15/78, Riordino e coordinamento tariffario dei servizi di trasporto di concessione regionale (loi régionale no 15/78, portant réorganisation et coordination tarifaires des services de transport en concession régionale), du 19 juin 1978 (BU Campania no 28, du 26 juin 1978, ci-après la « loi régionale no 15/78 »), avait comme objet de réaliser la coordination tarifaire des services de transports sur le territoire de la Région en vue d’une définition d’une coordination organique entre les différents secteurs, comme il est prévu à son article 1er.
8 L’article 2 de la loi régionale no 15/78, intitulé « Tarifs », était libellé comme suit :
« Aux services, [indiqués à l’article précédent,] s’applique le tarif kilométrique no 1, classe II, en vigueur pour les chemins de fer de l’État.
Dans le but d’atteindre la coordination progressive des tarifs, le prix des billets ordinaires de course simple […] ne devra pas être inférieur au tarif 14 des chemins de fer de l’État et, en tout état de cause, non supérieur à 100 lires dans la première phase d’application de la présente loi […] »
9 L’article 3 de la loi régionale no 15/78, intitulé « Calcul des prix », disposait :
« Le prix des billets ordinaires pour voyageurs est calculé sur la base des distances résultant du tableau polymétrique approuvé pour chaque service de transport public […] »
10 La legge regionale no 16/83, Interventi regionali in materia di servizi di trasporto pubblico locale per viaggiatori (loi régionale no 16/83 sur les interventions régionales en faveur des services de transport public local pour les voyageurs), du 25 janvier 1983 (GURI no 118 du 2 mai 1983 et BU Campania no 11, ci-après la « loi régionale no 16/83 »), a, ensuite, institué la méthode du « coût économique standardisé » comme base pour le calcul des compensations dues aux entreprises exerçant des services de transport public local dans la Région. Cette méthode prévoyait l’utilisation des paramètres fixés par cette loi régionale, tels que le nombre de kilomètres attribués par rapport à ceux effectivement parcourus, le nombre de salariés et d’autobus, variable en fonction du type de service fourni, le statut juridique et économique du personnel, la taille de l’entreprise et les coûts des autobus.
11 L’article 1er de la loi régionale no 16/83 prévoyait que « [l]’Exécutif régional octroie les compensations à l’exploitation aux entités locales et aux entreprises publiques et privées exerçant les services de transport public local, en régime de concession régional […] dans les limites du poste de budget prévisionnel annuel correspondant ».
12 L’article 2 de la loi régionale no 16/83 était libellé comme suit :
« Les redevances visées à l’article premier sont déterminées par le Conseil régional annuellement pour chaque exploitation au plus tard le 31 décembre de l’année précédant celle à laquelle se rapportent les redevances, en calculant :
a) le coût économique standardisé des services au regard de critères et de paramètres relevant d’une gestion rigoureuse et efficiente, ventilé par catégorie et mode de transport, et compte tenu, au moyen d’analyses comparatives, de la qualité du service offert et des conditions dans lesquelles il est fourni ;
b) les recettes présumées du trafic découlant de l’application de tarifs minimaux établis par la Région. Ces recettes doivent couvrir le coût réel du service, au moins dans la mesure devant être établie annuellement pour les différentes zones environnementales homogènes du territoire national par décret du Ministre des transports, au sens de l’article 6, point b), premier alinéa, de la loi no 151 du 10 avril 1981. En tenant compte des subventions liées aux investissements réalisés pour la mise en œuvre des programmes économiques, le Conseil régional fixe chaque année la hausse du ratio recettes/coûts qui doit être assuré au niveau régional à travers les tarifs, ainsi qu’à travers les mesures d’organisation et de restructuration des entreprises et par l’adoption de mesures d’organisation du trafic appropriées ;
c) la subvention à verser pour couvrir la différence entre les coûts et les recettes visés aux points a) et b).
Le versement des subventions prévues par la présente loi a lieu par anticipation trimestrielle, sur la base des parcours autorisés au cours de l’année précédant celle à laquelle se rapporte la subvention, la compensation étant ensuite effectuée selon les modalités prévues aux articles suivants.
Les pertes et déficits éventuels non couverts par les subventions régionales telles que définies ci-dessus restent à la charge des exploitations ou entreprises de transport individuelles. »
13 L’article 4 de la loi régionale no 16/83 disposait :
« Pour les services d’autobus de ligne pour voyageurs, le coût économique standardisé visé au premier paragraphe, sous a), de l’article 2 est exprimé en lires par autobus/kilomètre et est déterminé pour chaque entreprise sur la base des paramètres d’utilisation des véhicules et du personnel définis à l’article 7 en calculant :
a) le coût kilométrique du personnel, à déterminer sur la base du coût d’un conducteur de ligne de niveau 7 et ancienneté 0, avec les correctifs suivants pour tenir compte des réalités de l’entreprise :
[…]
b) le coût kilométrique pour la consommation de carburants, lubrifiants et pneumatiques, à déterminer pour des véhicules en bon état d’entretien et d’efficacité, en prenant comme base des autobus de grande capacité desservant des lignes extra-urbaines de terrain plat, avec les correctifs indiqués dans les alinéas suivants ;
c) le coût kilométrique des entretiens, à déterminer par référence à l’entretien ordinaire nécessaire pour assurer de bonnes conditions d’efficacité de l’exploitation sur des lignes d’autobus extra-urbaines de terrain plat, avec les correctifs indiqués aux alinéas suivants ;
d) le coût kilométrique des amortissements des autobus, à déterminer sur la base d’une période d’amortissement de huit ans, par référence au prix catalogue d’un autobus extra-urbain de grande capacité de la quatrième année précédant celle à l’examen, avec les correctifs indiqués aux alinéas suivants ;
e) le coût kilométrique de la taxe de circulation et de l’assurance responsabilité civile et incendie des autobus, à déterminer par référence à un autobus extra-urbain de grande capacité, avec les correctifs indiqués aux alinéas suivants ;
f) le coût kilométrique des dépenses générales et diverses, à déterminer sur la base du coût moyen par autobus correspondant à des critères de saine et efficiente gestion, différencié par rapport aux catégories d’entreprises suivantes :
[…]
g) le coût kilométrique des amortissements ou locations d’installations et de bâtiments, à déterminer sur la base du coût annuel par autobus correspondant à des critères de bonne et efficiente gestion, différencié en fonction des mêmes catégories d’entreprises que celles mentionnées sous f) […] »
14 L’article 6 de la loi régionale no 16/83 disposait :
« Le coût économique standardisé est déterminé au préalable en calculant tous les éléments visés aux articles 4 et 5, respectivement pour les services routiers et à installations fixes, sur la base des prix au 1er juillet de l’année précédant celle à laquelle la subvention se réfère et en appliquant au coût ainsi déterminé les coefficients d’inflation prévus au regard également des programmes gouvernementaux en matière de politique économique et, pour le seul coût kilométrique du personnel, avec une référence éventuelle à divers coefficients d’inflation déjà connus à la date visée au premier alinéa de l’article 2 ci-dessus et découlant de l’application de renouvellements de contrats nationaux ou de normes contenues dans une loi. »
15 L’article 17 de la loi régionale no 16/83, tel que modifié par l’article 10 de la legge regionale no 13/84, Modifiche ed integrazioni alla legge regionale 25 gennaio 1983, no 16 (loi régionale no 13/84, modifiant et intégrant la loi régionale no 16/83), du 15 mars 1984, no 13 (BU Campania no 20, du 2 avril 1984, ci-après « la loi régionale no 13/84 ») disposait :
« Tant que la [R]égion n’aura pas procédé à une réorganisation tarifaire à l’échelon régional, dans le cadre des mesures d’organisation et de restructuration de l’entreprise et des mesures d’organisation du trafic pour la poursuite des objectifs visés à l’article 6, sous b), de la loi no 151 du 10 avril 1981, il y a lieu d’appliquer le régime tarifaire découlant de la loi régionale no 15 du 19 juin 1978, modifiée et complétée par la loi régionale no 38 du 16 octobre 1978, avec les modifications indiquées dans les alinéas suivants.
À compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, l’article 3 de la loi régionale no 38 du 16 octobre 1978 est abrogé, de sorte que les prix des abonnements seront déterminés sur la base de l’article 4 de la loi régionale no 15 du 19 juin 1978.
Les augmentations du prix des abonnements découlant de l’application de l’alinéa antérieur seront appliquées graduellement et ne pourront dépasser :
[…]
À compter du trentième jour après la date d’entrée en vigueur de la présente loi, le tarif minimum pour les services urbains est fixé à 300 lires ; le tarif minimum pour le service extra urbain est fixé à 400 lires.
Les dispositions du présent article sont appliquées également au service des concessions municipales, pour lesquelles les limites tarifaires du présent article constituent la mesure minimum praticable.
Par dérogation aux deux alinéas précédents, l’Exécutif régional peut prévoir des variations tarifaires lorsque les recettes de trafic obtenues par l’application du système tarifaire minimal visé par la présente loi additionnées à la contribution annuelle d’exploitation sont inférieures au coût standardisé établi au sens de la présente loi.
Les variations tarifaires visées aux alinéas précédents peuvent également être appliquées par les municipalités pour les services urbains. »
16 En outre, la legge regionale no 9/87, Disciplina e coordinamento tariffario dei servizi di trasporto di competenza regionale (loi régionale no 9/87, portant discipline et coordination tarifaire des services de transport de compétence régionale), du 26 janvier 1987 (BU Campania du 2 février 1987, ci-après la « loi régionale no 9/87 »), énonçait, à son article 6, que « le prix des billets ordinaires pour voyageurs [était] calculé sur la base des distances résultant du tableau polymétrique approuvé pour chaque service de transport public local ».
17 L’article 9, paragraphe 1, de la loi régionale no 9/87 était libellé comme suit :
« Le prix des abonnements est calculé en multipliant le prix d’une course simple par le nombre de courses suivant :
a) abonnements ordinaires :
– à la quinzaine : 26 courses ;
– mensuels : 50 courses ;
b) abonnements spéciaux pour les salariés visés à l’article 8 :
– hebdomadaires : 10 ou 20 courses ;
– bihebdomadaires : 20 ou 24 courses ;
– mensuels : 44 courses ;
et en appliquant sur le montant ainsi obtenu une réduction de :
– 50 % pour les abonnements ordinaires jusqu’à 30 km ;
– 55 % pour les abonnements ordinaires au-delà de 30 km ;
– 55 % pour les abonnements spéciaux pour les salariés jusqu’à 30 km ;
– 60 % pour les abonnements spéciaux pour les salariés au-delà de 30 km. »
18 L’article 13 de la loi régionale no 9/87 conférait au service régional des transports la mission de vérifier que les tarifs adoptés par chaque entreprise correspondaient aux tarifs autorisés selon les critères prévus par cette loi.
19 À partir de 2002, l’exploitation du service de transport public local dans la Région a été réglementée par des contrats de services spécifiques, dénommés « ponts », en attendant la mise en œuvre des procédures de concours nécessaires.
Recours introduits par la requérante devant les juridictions nationales
20 Par recours du 5 janvier 2007, la requérante a demandé au Tribunale amministrativo regionale di Salerno (tribunal administratif régional de Salerne, Italie) de constater son droit à percevoir de la Région la somme de 5 567 582,57 euros, due à titre de compensation des charges économiques encourues pour la mise en œuvre des obligations de service public (ci-après les « OSP ») découlant des concessions accordées par la Région pour les années 1996 à 2002 (ci-après la « période considérée »), en vertu du règlement (CEE) no 1191/69 du Conseil, du 26 juin 1969, relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO 1969, L 156, p. 1), et de la condamner au paiement de ladite somme.
21 Par jugement no 2245, du 28 août 2008, le Tribunale amministrativo regionale di Salerno (tribunal administratif régional de Salerne) a rejeté le recours, en estimant que la requérante n’avait pas le droit de percevoir une compensation pour les désavantages économiques découlant de l’imposition d’OSP sans avoir demandé au préalable la suppression de ces dernières.
22 La requérante a fait appel contre le jugement du Tribunale amministrativo regionale di Salerno (tribunal administratif régional de Salerne) devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie). Par décision no 4683, du 27 juillet 2009, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a accueilli le recours, en concluant que la requérante avait droit à la compensation demandée conformément aux articles 6, 10 et 11 du règlement no 1191/69, dès lors que l’on ne saurait refuser à une entreprise qui fournit un service public le remboursement des coûts réellement supportés aux fins de l’exécution de ce service, même en l’absence de demande préalable de suppression des OSP.
23 Selon le Consiglio di Stato (Conseil d’État), le montant exact de la compensation due à la requérante devait être déterminé par la Région sur la base de données fiables provenant des comptes de la société, attestant la différence entre les coûts imputables à la partie de l’activité de la requérante concernée par les OSP et les recettes correspondantes.
24 La Région n’ayant pas déterminé le montant de la compensation, la requérante a introduit une procédure judiciaire d’exécution de la décision no 4683, du 27 juillet 2009, devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État). Au cours de cette procédure judiciaire, deux commissaires ad acta (experts) différents ont dû être nommés par ordonnances no 8737/2010, du 13 décembre 2010, et no 5880/2011, du 7 novembre 2011. Ladite procédure s’est achevée par la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) no 5650, du 7 novembre 2012, et a fixé le montant de la compensation due pour les obligations tarifaires à 838 593,21 euros, augmenté de 272 979,13 euros d’intérêts au 30 septembre 2012, somme qui aurait dû être liquidée par le commissaire ad acta compétent dans les 30 jours, à savoir le 7 décembre 2012.
25 Il ressort du point 9 de la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) no 5650, du 7 novembre 2012, que les deux experts ont exclu le droit à la compensation telle qu’elle était prévue par l’article 10 du règlement no 1191/1969 (obligation d’exploiter ou de transporter), tout en concluant tous les deux que la requérante avait reçu une compensation insuffisante pour les années 1998 à 2000, en application de la formule arithmétique prévue à l’article 11 du règlement no 1191/1969 (obligation de nature tarifaire). Tandis que le premier expert avait considéré qu’il n’aurait pas été opportun de recourir à une « méthode inductive » pour calculer les coûts supplémentaires supportés par la requérante aux fins de la couverture des coûts tarifaires et avait proposé de calculer la compensation complémentaire ex æquo et bono, le second expert avait calculé la somme due, à titre de compensation, en se fondant sur une telle méthode. Au point 13 de cette décision, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a choisi la méthode de calcul inductive, qui avait été appliquée par la même juridiction dans différentes décisions précédentes, et qui devait être considérée comme un choix définitif.
26 Le 13 décembre 2012, la Région, en attendant la liquidation par le commissaire, a introduit une demande de mesures provisoires visant la suspension de la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) no 5650, du 7 novembre 2012, au motif que le paiement de la somme susvisée constituait une aide d’État. Ladite demande a été rejetée le 19 décembre 2012. Le 21 décembre 2012, le commissaire désigné a adopté la décision de liquidation et a engagé la somme de 1 134 156 euros sur le compte de gestion de la Région.
Procédure administrative
27 Le 5 décembre 2012, les autorités italiennes ont notifié à la Commission européenne, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, une aide d’État consistant en une compensation complémentaire accordée à la requérante, en exécution de la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) no 5650, du 7 novembre 2012, pour la prestation des services de transport de voyageurs par autobus sur la base des concessions délivrées par la Région au cours de la période considérée.
28 Cette mesure a été traitée comme une mesure non notifiée étant donné que, selon les informations dont disposait la Commission, la Région était tenue de verser à la requérante la compensation complémentaire qui lui était due à partir du 7 décembre 2012, à savoir après la notification par l’État italien, mais avant que la Commission ait pris sa décision.
29 Par lettre du 20 février 2014, la Commission a notifié à la République italienne sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.
30 Les autorités italiennes ont présenté leurs observations sur la décision d’ouverture par lettres datées des 21 et 24 mars 2014. La requérante a présenté des observations sur l’ouverture de la procédure formelle d’examen le 25 mars 2014, sur lesquelles les autorités italiennes ont transmis leurs commentaires le 11 juillet 2014 ainsi que des informations complémentaires par lettre du 15 septembre 2014.
Décision attaquée
31 Le 19 janvier 2015, la Commission a adopté la décision attaquée. La mesure faisant l’objet de cette décision est le versement à la requérante d’une compensation complémentaire à hauteur de 1 111 572 euros, effectuée par la Région, en exécution de la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) no 5650, du 7 novembre 2012.
32 En premier lieu, aux paragraphes 54 à 69 de la décision attaquée, la Commission a constaté que la mesure en cause était imputable à l’État, impliquait l’utilisation de ressources étatiques, procurait un avantage économique à la requérante, avait un caractère sélectif et pouvait fausser la concurrence au point d’affecter les échanges entre États membres. Dans ce cadre, la Commission a relevé que la mesure en cause ne remplissait pas les deux premières des conditions identifiées par la Cour dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415) (ci-après les « conditions Altmark »). En effet, d’une part, ni les autorités italiennes ni la requérante n’avaient été en mesure de présenter un mandat relatif à la période considérée et cette dernière n’avait pas été en mesure de préciser les obligations qui lui avaient été imposées et qui pourraient constituer des OSP. D’autre part, la Commission a observé que, en l’absence de données fiables indispensables, la compensation accordée en vertu de la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) se fondait exclusivement sur un calcul ex posteffectué selon une méthode inductive. En outre les critères sur la base desquels les experts désignés par le Consiglio di Stato (Conseil d’État) avaient calculé la prétendue sous-compensation n’avaient pas été définis au préalable. Par conséquent, deux des conditions Altmark, qui sont cumulatives, n’étant pas remplies, il n’y avait pas lieu d’apprécier le respect en l’espèce des autres conditions Altmark. La Commission en a conclu, au paragraphe 70 de la décision attaquée, que la mesure en cause constituait une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
33 En deuxième lieu, la Commission a examiné, aux paragraphes 72 à 88 de la décision attaquée, la question de savoir si la mesure en cause pouvait être considérée, au regard de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1191/69, comme une compensation exemptée de l’obligation de notification préalable prévue par l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
34 Dans le cadre de cet examen, aux paragraphes 75 à 81 de la décision attaquée, la Commission a vérifié si les autorités italiennes avaient imposé unilatéralement à la requérante des OSP, au sens de l’article 1er du règlement no 1191/69. À cet égard, la Commission a considéré que ni les autorités italiennes ni la requérante n’avaient été mises en mesure de présenter un mandat relatif à la période considérée. En effet, premièrement, le modèle de concession standard 1972/1973, prévoyant à ses points 2, 9 et 10 certaines OSP, n’était en vigueur que jusqu’en 1973 et ne concernait donc pas la période considérée ; deuxièmement, les cahiers des charges des concessions, définissant les modalités de fourniture des services de transport public, ne démontraient pas que ces modalités avaient été imposées unilatéralement par la Région ; troisièmement, la méthode utilisée par les experts désignés par le Consiglio di Stato (Conseil d’État) pour calculer la sous-compensation alléguée ne faisait pas référence à de telles OSP ; quatrièmement, si l’imposition de certaines OSP pouvait être inférée de la loi régionale no 16/83, l’article 2 de ladite loi prévoyait uniquement que « les pertes et déficits éventuels non couverts par les subventions régionales […] rest[aient] à la charge des exploitations » ; cinquièmement, si certains actes régionaux invoqués par la requérante indiquaient l’existence de certaines obligations contractuelles au cours de la période considérée, ces actes n’indiquaient pas clairement d’obligations susceptibles de constituer des OSP, tout en étant de possibles indices de leur existence éventuelle et, en tout état de cause, leur nature contractuelle en excluait l’imposition unilatérale. S’agissant, plus particulièrement, de l’existence d’une obligation tarifaire justifiant la compensation complémentaire tarifaire constituant la mesure d’aide en cause, la Commission a considéré qu’elle ne disposait d’aucun élément démontrant que de telles obligations avaient été effectivement imposées à la requérante. D’une part, le modèle de concession standard 1972/1973 imposant des prix fixes ne concernait pas la période considérée et, d’autre part, l’article 2 de la loi régionale no 16/83 ne prévoyait que des tarifs minimaux, ne relevant pas d’une obligation tarifaire au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 1191/69, car cette disposition ne s’appliquait pas aux obligations découlant de mesures générales de politique des prix relatives à l’ensemble des activités économiques ou à des mesures prises en matière de prix et de conditions générales de transport en vue de l’organisation du marché des transports ou d’une partie de celui-ci. En tout état de cause, la Commission a exclu l’existence d’une imposition unilatérale d’OSP, dès lors que la requérante avait pris l’initiative de demander le renouvellement des concessions pour l’ensemble des sept années de la période considérée.
35 Deuxièmement, aux paragraphes 82 à 87 de la décision attaquée, la Commission a vérifié si la compensation octroyée à la requérante était conforme à la méthode commune de compensation prévue par le règlement no 1191/69. À cet égard, la Commission a relevé que, même si l’existence d’OSP était démontrée, la compensation pour les services de la requérante n’était pas conforme à la méthode commune de compensation prévue par le règlement no 1191/69 pour pouvoir être exemptée de l’obligation d’information préalable prévue à l’article 17 de ce règlement. En effet, d’une part, la requérante exerçant également des activités autres que celles associées à l’imposition d’OSP, elle aurait dû tenir une comptabilité séparée pour ses activités. En n’ayant pas démontré avoir respecté cette obligation, l’argument selon lequel, en vertu du droit national, l’obligation de conservation de l’intégralité de la documentation comptable et administrative pour la période considérée avait expiré n’était pas pertinent. Une telle obligation ne pouvait en tout état de cause pas primer sur les obligations découlant du règlement no 1191/69. D’autre part, le calcul de la compensation complémentaire sur la base d’une méthode inductive, admise par le Consiglio di Stato (Conseil d’État), n’était pas conforme à l’article 13 de ce règlement, exigeant que l’administration fixe d’avance le montant de ladite compensation.
36 La Commission en a conclu que la compensation complémentaire n’était pas dispensée de la procédure d’information préalable prévue à l’article 17 du règlement no 1191/69.
37 En troisième lieu, aux paragraphes 89 à 102 de la décision attaquée, la Commission a examiné la compatibilité de la mesure en cause avec la législation en vigueur à la date d’adoption de la décision attaquée, à savoir le règlement (CE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements no 1191/69 et (CEE) no 1107/70 du Conseil (JO 2007, L 315, p. 1). Après avoir relevé que la mesure notifiée ne respectait pas certaines obligations, prévues par l’article 3 de ce règlement, imposant que l’octroi d’une compensation en contrepartie de la réalisation d’OSP soit inscrit dans le cadre d’un contrat de service public, par l’article 4 dudit règlement, en ce qui concernait le contenu du contrat de service public, et par son article 6, paragraphe 1, ainsi que par son annexe, relatifs à la séparation des comptes du bénéficiaire de la compensation et aux modalités à suivre pour déterminer le montant maximal de la compensation, la Commission en a conclu que la compensation décidée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État) n’avait pas été versée conformément audit règlement et, partant, que la mesure en cause était incompatible avec le marché intérieur.
38 Par ailleurs, aux paragraphes 103 à 109 de la décision attaquée, la Commission a exclu que la compensation accordée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État) ait pu constituer l’octroi de dommages et intérêts visant à indemniser la requérante en raison de l’imposition illégale d’OSP. À cet égard, la Commission a relevé qu’il ressortait de la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) no 5650, du 7 novembre 2012, que celui-ci avait reconnu le droit de la requérante à percevoir une compensation sur le fondement des articles 6, 10 et 11 du règlement no 1191/69. La Commission a ajouté que, en tout état de cause, l’octroi d’une indemnisation en faveur de la requérante, pour une prétendue imposition unilatérale et illégale d’OSP, calculée selon la méthode commune de compensation visée par le règlement no 1191/69, porterait atteinte aux articles 107 et 108 TFUE, car elle aboutirait, du point de vue de la requérante, au même résultat qu’une compensation pour OSP pour la période concernée alors que les cahiers des charges de concession qui régissaient les services en cause n’étaient pas conformes aux exigences substantielles du règlement no 1191/69, ni à celles du règlement no 1370/2007. De plus, elle a constaté que l’article 2 de la loi régionale no 16/83 prévoyait que les éventuels pertes et déficits non couverts par les subventions publiques resteraient à la charge du prestataire du service.
39 Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :
« Article premier
L’aide d’État d’un montant de 1 111 572 EUR, que la République italienne a illégalement accordée à Buonotourist en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], n’est pas compatible avec le marché intérieur.
Article 2
1. La République italienne est tenue de se faire rembourser l’aide visée à l’article 1er par le bénéficiaire.
2. Les montants à récupérer sont majorés d’intérêts à compter du 21 décembre 2012 jusqu’à leur remboursement total.
3. Les intérêts sont calculés sur une base composée conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 et au règlement (CE) no 271/2008 de la Commission.
Article 3
1. La récupération de l’aide visée à l’article 1er est immédiate et effective.
2. La République italienne garantit l’exécution de la présente décision dans les quatre mois suivant la date de sa notification.
Article 4
1. Dans les deux mois de la notification de la présente décision, la République italienne transmet les informations suivantes à la Commission : a) le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès du bénéficiaire ; b) une description détaillée des mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision ; c) les documents attestant que le bénéficiaire a été mis en demeure de rembourser l’aide.
2. La République italienne tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales prises pour mettre en œuvre la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide visée à l’article 1er. Elle transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, les informations relatives aux mesures déjà adoptées et prévues pour se conformer à la présente décision. Elle fournit aussi des informations détaillées concernant les montants d’aide et d’intérêts déjà récupérés auprès du bénéficiaire.
Article 5
La République italienne est destinataire de la présente décision. »
Procédure et conclusions des parties
40 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 avril 2015, la requérante a introduit le présent recours.
41 La Commission a déposé son mémoire en défense le 15 juillet 2015.
42 La requérante a déposé la réplique le 21 septembre 2015. La Commission a déposé la duplique le 4 novembre 2015.
43 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 juillet 2015, CTP – Compagnia Trasporti Pubblici SpA, Atap – Azienda Trasporti Automobilicisti Pubblici delle Province di Biella e Vercelli SpA, Actv SpA, Ferrovie Appulo Lucane Srl, Asstra Associazione Trasporti et Associazione Nazionale Autotrasporto Viaggiatori (ANAV) ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.
44 Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal (ancienne composition) du 8 septembre 2016, il a été fait droit à la demande d’intervention uniquement en ce qui concernait ANAV. Ladite demande a été rejetée pour le surplus.
45 Par décision du président du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la deuxième chambre.
46 L’intervenante a déposé son mémoire en intervention le 24 octobre 2016.
47 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 décembre 2016, la Commission a présenté ses observations sur le mémoire en intervention. La requérante n’a, quant à elle, pas présenté d’observations sur ce mémoire.
48 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, a posé des questions aux parties et a demandé à la requérante de produire des documents.
49 Les parties ont répondu à ces questions et la requérante a déféré à cette demande dans le délai imparti.
50 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 15 septembre 2017.
51 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler et déclarer nulle et non avenue la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
52 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
53 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler et déclarer nulle et non avenue la décision attaquée ;
– déclarer que la décision attaquée est erronée et totalement nulle et non avenue, en ce qu’elle estime que les sommes allouées à titre de compensations doivent s’analyser comme une mesure non notifiée constituant une aide d’État incompatible avec le marché intérieur ;
– déclarer que la décision attaquée est erronée et nulle dans son intégralité, en ce qu’elle prévoit des mesures opérationnelles pour la récupération de l’aide.
En droit
54 À l’appui de son recours, la requérante soulève huit moyens. Le premier est tiré de la violation des articles 93, 107, 108 et 263 TFUE, lus conjointement avec l’article 17 du règlement no 1191/69, du détournement de pouvoir, de l’incompétence et de la violation du droit à une procédure équitable. Le deuxième est tiré de la violation de l’article 4 du règlement (CE) no 659/99 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), en ce qui concerne les articles 107 et 108 TFUE, de la violation de l’équité dans la procédure et du détournement de pouvoir. Le troisième est tiré de la violation et d’une fausse interprétation des articles 93 à 108 TFUE, lus conjointement avec l’article 17 du règlement no 1191/69 et l’article 9 du règlement no 1370/2007, de la violation des principes de protection de la confiance légitime, tempus regit actum et de rétroactivité des décisions juridictionnelles, du détournement de pouvoir, de l’absence de cohérence logique, de l’irrationalité, du caractère extrêmement anormal et du défaut de motivation. Le quatrième est tiré de la violation de l’article 1er, sous f) et g), et des articles 4, 7 et 15 du règlement no 659/99, des articles 93, 107 et 108 TFUE, du détournement de pouvoir, de l’absence totale d’une condition requise, de la violation des articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), des articles 258 et suivants TFUE et de l’article 17 du règlement no 1191/69. Le cinquième est tiré de la violation des articles 93, 107, 108 et 267 TFUE, des articles 6 et 13 de la CEDH, de l’incompétence, du détournement de pouvoir et de la violation du principe de l’autonomie procédurale. Le sixième est tiré de la violation des articles 6, 7 et 13 de la CEDH, des articles 93 à 108 et 258 et suivants TFUE, lus conjointement avec l’article 101 de la Constitution de la République italienne, de l’article 2909 du code civil italien, de l’incompétence, du détournement de pouvoir et de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique. Le septième est tiré de la violation des articles 11 et 17 du règlement no 1191/69, des articles 93 à 108 TFUE, du détournement de pouvoir, du défaut de motivation, de l’instruction insuffisante et du caractère erroné de la condition préalable. Le huitième est tiré de la violation des articles 1er à 11 et 17 du règlement no 1191/69, des articles 93 à 108 TFUE, des « articles 44 à 46 et 48 du règlement de procédure du Tribunal no 659/1999 », du détournement de pouvoir, du défaut d’instruction et de motivation et du caractère erroné de la condition préalable.
55 Selon la Commission, les moyens invoqués par la requérante à l’appui de son recours soulèvent, de manière confuse et peu structurée, plusieurs griefs dont il est difficile de saisir la portée exacte, qui seraient, en partie, uniquement énoncés dans leur intitulé, sans être développés dans le corps du texte et qui n’indiqueraient pas les points de la décision attaquée qui sont contestés. Partant, une partie de ces griefs ne respecteraient pas les conditions formelles établies par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.
56 Le Tribunal estime qu’il convient d’analyser conjointement les différents griefs formulés dans le cadre des moyens soulevés par la requérante, en s’attachant à leur substance plutôt qu’à leur intitulé et en les réorganisant à cette fin. Par conséquent, il y a lieu d’examiner, en premier lieu, les quatrième et huitième moyens, dans le cadre desquels sont regroupés les griefs visant à remettre en cause les appréciations de la Commission selon lesquelles, premièrement, la mesure d’aide constituait une aide nouvelle, les critères matériels prévus par le règlement no 1191/69 n’étant pas respectés en l’espèce, et deuxièmement, les deux premières conditions Altmark ne seraient pas remplies. En deuxième lieu, il y a lieu d’examiner le septième moyen, par lequel la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir analysé les conditions de l’avantage et de l’affectation des échanges entre États membres avant d’analyser les conditions Altmark. En troisième lieu, il y a lieu d’examiner le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 5, et de l’article 7, paragraphe 6, du règlement no 659/99. En quatrième lieu, il convient d’analyser conjointement les premier, cinquième et sixième moyens, invoquant l’incompétence de la Commission pour adopter la décision attaquée et la violation des principes de la force de chose jugée et de l’autonomie de la procédure. Enfin, en cinquième lieu, le troisième moyen, visant à remettre en cause l’appréciation de la Commission relative à la compatibilité de la mesure d’aide en cause, sera examiné.
Sur les quatrième et huitième moyens
57 Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante allègue, en substance, que la Commission n’aurait pas dû adopter la décision attaquée, dès lors que la compensation faisant l’objet de la mesure en cause constituait une aide existante, dispensée de l’obligation d’information préalable, en vertu de l’article 17 du règlement no 1191/69, comme le Consiglio di Stato (Conseil d’État) l’avait affirmé dans sa décision no 4683, du 27 juillet 2009. En tout état de cause, la Commission n’aurait pas pu qualifier d’aide illégale la compensation reçue par la requérante, car de telles compensations sont en principe compatibles avec le marché intérieur, aux termes de l’article 93 TFUE.
58 Selon la Commission, l’argumentation présentée dans le cadre du quatrième moyen ne satisfait pas aux exigences minimales de clarté requises pour être recevable, dès lors qu’elle se traduirait par une simple pétition de principe, dans la mesure où la requérante n’allègue aucune erreur de fait ou de droit entachant les paragraphes 71 à 88 de la décision attaquée, contenant les raisons pour lesquelles elle a considéré que la mesure en cause ne pouvait pas être exemptée en vertu du règlement no 1191/69.
59 Toutefois, il ressort d’autres points de la requête, notamment formulés dans le cadre du huitième moyen, et de la réplique, qui se réfèrent substantiellement à cette question, que la requérante a entendu contester cette conclusion de la Commission. Pour cette raison, il convient d’apprécier ensemble les différents arguments formulés sous ces deux moyens.
60 En premier lieu, selon la requérante, la Commission confond la date de versement des sommes dues à titre de compensation avec la date d’entrée en vigueur de la mesure que cette compensation réglementait, en transformant ainsi une aide existante en une aide non notifiée. La mesure à l’origine de la compensation, qui lui a été reconnue par le Consiglio di Stato (Conseil d’État) à la suite d’un long contentieux, serait entrée en vigueur le 1er juillet 1969 et serait fondée sur l’article 11 du règlement no 1191/69. Par conséquent, la mesure d’aide en cause constituerait une aide existante et aucune autre mesure n’aurait été instituée. En outre, un régime d’aide institué dans un marché initialement fermé à la concurrence devrait être considéré, lors de la libéralisation de ce marché, comme un régime d’aide existant, dans la mesure où il ne relevait pas, au moment de son institution, du champ d’application de l’article 108, paragraphe 1, TFUE, uniquement applicable dans les secteurs ouverts à la concurrence. Le secteur des transports publics locaux aurait été ouvert à la concurrence par le biais du règlement no 1370/2007, entré en vigueur le 3 décembre 2009, alors que le régime d’aide en cause préexistait. Par conséquent, la Commission, en adoptant la décision attaquée, aurait violé l’article 108 TFUE.
61 En deuxième lieu, selon la requérante, la Commission a commis une erreur en considérant, au paragraphe 61 de la décision attaquée, que l’existence d’OSP unilatéralement imposées n’avait pas été démontrée et donc que la première condition Altmark n’était pas remplie.
62 En réalité, la compensation faisant l’objet de la mesure d’aide en cause trouverait sa justification dans l’obligation tarifaire qui était unilatéralement imposée à la requérante pour l’exécution d’OSP et donc dans l’article 11 du règlement no 1191/69. De telles OSP lui auraient été imposées, en vertu de l’article 10 de la loi régionale no 40/75, sur la base d’une concession dont la durée correspondait à l’application du plan régional des transports, avec la possibilité pour la Région de la révoquer à l’échéance de la concession, en vertu de l’article 11 de cette loi. Une telle concession aurait donc été unilatéralement imposée et révoquée par l’exécutif régional, conformément à l’article 13 de cette loi, sans possibilité pour le concessionnaire d’objecter ou de renoncer à une concession isolée, sous peine d’être soumis à une procédure de révision et de restructuration et à une éventuelle révocation de toutes les concessions régionales dont il était titulaire. En outre, en vertu de l’article 13, paragraphe 3, de la loi régionale no 40/75, il aurait incombé à l’exécutif régional de définir les OSP dans le cahier des charges, parmi lesquelles figuraient des obligations tarifaires, la violation desdites OSP étant prévue comme cause de résolution de la concession, aux termes de l’article 14 de ladite loi régionale et étant soumise à la vérification par l’assesseur aux Transports de la Région.
63 La requérante précise que, d’une part, ce cadre législatif n’a pas changé à la suite de la promulgation de la loi régionale no 16/83, qui a institué le paramètre du « coût économique standardisé » pour compenser les déficits d’exploitation découlant de l’obligation de respecter les OSP, déterminé d’année en année par l’exécutif régional et, d’autre part, les OSP et notamment les obligations tarifaires ont été initialement imposées non dans le cahier des charges, mais par le biais de plusieurs actes décisionnaires spécifiques, adoptés par l’exécutif régional. Ces actes démontreraient que l’exécutif régional a imposé concrètement des tarifs et des ajustements réguliers, qui étaient des tarifs fixes prédéfinis par l’autorité administrative, dont les concessionnaires ne pouvaient pas s’écarter, et non des simples tarifs minimaux, comme la Commission l’a conclu, en se référant à l’article 2 de la loi régionale no 16/83 prévoyant que l’exécutif régional avait uniquement le pouvoir de déterminer des tarifs minimaux.
64 En outre, les articles 2 à 6 et 9 de la loi régionale no 9/87 auraient introduit une réglementation encore plus stricte que la précédente, en déterminant automatiquement les tarifs des services de transport public local, en les assimilant aux tarifs prévus pour les chemins de fer de l’État et en empêchant les entreprises d’avoir la moindre marge discrétionnaire lors de la détermination des tarifs, tout en attribuant des pouvoirs dérogatoires à la seule administration régionale. En vertu de l’article 14 de la loi régionale no 9/87, la violation de ces dispositions aurait empêché les concessionnaires de percevoir les subventions régionales. Enfin, l’abrogation de la loi régionale no 9/87 par la legge regionale no 7/2000, Disposizioni Finanziarie e Tariffarie Regionali in materia di Trasporti (loi régionale no 7/2000, portant dispositions financières et tarifaires en matière de transports), du 28 mars 2000 (GURI, série spéciale no 3, et BU Campania no 17, ci-après la « loi régionale no 7/2000 ») et ensuite par la legge regionale no 3/2002, Riforma del Traspporto Pubblico Locale e Sistemi di Mobilità della Regione Campania (loi régionale no 3/2002 portant réforme des transports publics locaux et des systèmes de mobilité de la Région Campanie), du 28 mars 2002 (GURI no 25, série spéciale no 3, du 22 juin 2002 et BU Campania no 19, ci-après la « loi régionale no 3/2002 »), n’aurait pas entraîné la disparition du principe de la fixation d’autorité et unilatérale des tarifs des services de transport public local.
65 En conclusion, le transport public local aurait été régi par la Région au moyen de réglementations successives prises par l’exécutif régional en conformité avec le plan régional des transports et aurait changé uniquement à compter de 2002, lorsque des contrats de service spécifiques auraient été conclus avec les entreprises déjà titulaires des concessions, dans l’attente de l’achèvement des procédures d’appel d’offres. Ces contrats auraient ensuite été prorogés d’année en année jusqu’en 2015, et aucune procédure d’appel d’offres n’aurait encore été effectuée, de sorte que le marché serait encore fermé à la concurrence.
66 En troisième lieu, la requérante allègue que la Commission aurait commis une erreur, au paragraphe 62 de la décision attaquée, en concluant que la compensation qui lui a été accordée a été quantifiée non pas sur la base de paramètres définis ex ante, mais en recourant à la méthode de calcul définie ex post, en dépit de la deuxième condition Altmark.
67 En effet, d’une part, l’article 1er du règlement no 1191/69, qui impose aux entreprises de transport public l’obligation de tenir une comptabilité séparée pour les activités d’exploitation exercées en régime de soumission aux OSP et pour toute autre activité, n’exigerait pas de séparer les comptes « par centres de coût », permettant l’extrapolation des recettes et des coûts pertinents pour chaque ligne, comme la Commission l’aurait retenu. La requérante aurait respecté une telle disposition, en fournissant les « modèles E » à la Région, des notes envoyées annuellement à l’administration résumant les données figurant dans le bilan et dans lesquels les données relatives au déroulement de l’activité soumise aux OSP étaient exposées séparément de celles relatives aux autres activités économiques. La Commission ne saurait douter de la fiabilité de ces données ainsi que de la tenue par la requérante d’une comptabilité séparée pour les activités soumises aux OSP et ses affirmations seraient démenties par les preuves qu’elle a apportées pendant la procédure administrative et dûment jointes au présent recours.
68 D’autre part, la méthode de calcul inductive, employée par les experts auxquels le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a confié la tâche de calculer le montant de la compensation due à la requérante, aurait été à tort refusée par la Commission. En effet, elle ne différerait pas en substance de la méthode de calcul prévue par l’article 11 du règlement no 1191/69.
69 Par ailleurs, dans la mesure où la Commission conteste que les obligations tarifaires prétendument imposées à la requérante par la Région auraient entraîné des surcoûts de gestion devant être couverts par des compensations, la requérante affirme qu’une telle circonstance a été définitivement établie par le Consiglio di Stato (Conseil d’État) et que la Commission doit dûment motiver la contestation d’un fait acquis, en invoquant la preuve contraire. En outre, une obligation tarifaire, à la différence des obligations d’exploitation et de transport, serait indifférente à une hypothétique diversification de l’activité de transport d’une entreprise. En effet, les lignes en concession seraient prédéterminées par la Région, par kilomètre, nombre de trajets, fréquence et tarifs imposés. Le préjudice serait donc une donnée objective, structurée par l’article 11 du règlement no 1191/69. Ainsi, l’obligation tarifaire légale, prévue à l’article 17 de la loi régionale no 16/83, tel que modifiée par l’article 10 de la loi régionale no 13/84, serait reproduite dans les cahiers des charges gardés par la Région, dans lesquels figureraient les « coûts économiques standardisés » et les tarifs imposés par kilomètre, et dont la requérante demande le versement au dossier. Cela résulterait également d’une note de l’assesseur aux Transports de la Région.
70 En outre, dans la mesure où la Commission souligne que les seules compensations que pouvaient escompter les entreprises chargées d’assurer les transports publics locaux étaient celles issues de l’article 2 de la loi régionale no 16/83, la requérante allègue que les versements liés à l’application de cette disposition mettaient en œuvre des contributions publiques ayant une nature et une fonction totalement différentes de celles des compensations régies par le règlement no 1191/69. Les premières viseraient, en effet, à permettre aux entreprises fournissant des transports publics locaux de faire face à des éventuels déficits liés à l’application des tarifs imposés et donc à des bénéfices limités, alors que les secondes viseraient à permettre à ces entreprises d’aligner leurs résultats sur ceux qui seraient obtenus dans le cadre d’un marché libéralisé, en neutralisant ainsi l’incidence et l’impact des OSP. L’article 2 de la loi régionale no 16/83 ne constituerait donc nullement la mise en œuvre sur le plan national du règlement no 1191/69.
71 La Commission conteste ces arguments.
Observations liminaires
72 En premier lieu, il convient de relever que certains des griefs formulés dans les intitulés des quatrième et huitième moyens ne sont aucunement développés dans le corps du texte de la requête correspondant à ces moyens. Il en va notamment ainsi pour les griefs tirés de la prétendue violation des articles 4, 7 et 15 du règlement no 659/99, des articles 6 et 13 de la CEDH et des articles 258 et suivants TFUE. En outre, la requérante ne précise pas en quoi la Commission aurait commis un détournement de pouvoir. Partant, ces griefs ne sont pas recevables et doivent être rejetés en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991.
73 En deuxième lieu, la requérante fait référence, dans l’intitulé du huitième moyen, à la violation des « articles 44 à 46 et 48 du règlement de procédure du Tribunal no 659/1999 ». Cela semble constituer une erreur de plume. Or, le règlement no 659/99 n’ayant pas d’articles numérotés de 44 à 46 ou 48 et la requérante n’ayant aucunement clarifié en quoi la Commission aurait pu violer les dispositions portant la même numérotation du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, il y a lieu de rejeter ce grief comme irrecevable, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement du Tribunal du 2 mai 1991.
74 Par conséquent, seuls les griefs relatifs à la violation des articles 93, 107 et 108 TFUE, lus conjointement avec l’article 1er, sous f) et g), du règlement no 659/99, des dispositions pertinentes du règlement no 1191/69 et au défaut d’instruction méritent d’être analysés.
75 En troisième lieu, il convient de subdiviser les arguments présentés dans le cadre de ces deux moyens en deux branches : la première relative à l’erreur prétendument commise par la Commission en considérant que la mesure d’aide en cause constituait une aide nouvelle devant être notifiée et la seconde relative à l’erreur prétendument commise par la Commission en considérant que deux des conditions Altmark n’étaient pas réunies en l’espèce et que, par conséquent, la compensation complémentaire octroyée à la requérante constituait une aide.
Sur la première branche relative à l’erreur prétendument commise par la Commission en considérant que la mesure d’aide en cause constituait une aide nouvelle non exemptée de l’obligation de notification
76 La requérante fait valoir, en substance, d’une part, que la mesure à l’origine de la compensation litigeuse, qui lui a été octroyée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État), était fondée sur le règlement no 1191/69 et était entrée en vigueur le 1er juillet 1969, avant la libéralisation du marché des services de transports publics locaux, lorsqu’elle ne relevait pas du champ d’application de l’article 108 TFUE et, d’autre part, que le versement de cette compensation en exécution de la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) no 5650, du 7 novembre 2012, ne constituait pas une nouvelle mesure, entrée en vigueur à la date dudit versement, à savoir le 21 décembre 2012.
77 La Commission répond que, si la requérante estime que la compensation litigieuse constitue une aide existante parce qu’elle aurait été instituée le 1er juillet 1969, en application du règlement no 1191/69, ce grief serait introduit tardivement au stade de la réplique et devrait être déclaré irrecevable et en tout état de cause non fondé, dès lors que la mesure en cause consisterait en l’octroi, en vertu de la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) no 5650, du 7 novembre 2012, d’une compensation complémentaire versée le 21 décembre 2012. En revanche, si la requérante considère que ladite compensation était exemptée de l’obligation de notification au motif qu’elle remplissait les critères matériels prévus par le règlement no 1191/69, il lui incomberait de démontrer que tel était le cas en l’espèce.
78 S’agissant de la recevabilité de cette branche, remise en cause par la Commission, il y a lieu de considérer que les arguments développés à cet égard par la requérante dans le cadre de la réplique précisent certains points de la requête dans lesquels elle affirme que les sommes ayant été reconnues comme lui étant dues s’inscrivent de plein droit dans le cadre des aides existantes. Par conséquent, les arguments présentés au stade de la réplique constituent l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, que ce soit directement ou implicitement, et qui présente un lien étroit avec celui-ci. Partant, cette branche doit être déclarée recevable (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2015, Italie/Commission, T‑527/13, EU:T:2015:429, point 43 et jurisprudence citée).
79 S’agissant du bien-fondé de cette branche, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, aux termes de l’article 93 TFUE, « [s]ont compatibles avec les traités les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public ».
80 En outre, l’article 108 TFUE prévoit des procédures distinctes selon que les aides sont existantes ou nouvelles. Alors que les aides nouvelles doivent, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, être notifiées préalablement à la Commission et ne peuvent être mises à exécution avant que la procédure ait abouti à une décision finale, les aides existantes peuvent, conformément à l’article 108, paragraphe 1, TFUE, être régulièrement exécutées tant que la Commission n’a pas constaté leur incompatibilité. Les aides existantes doivent être considérées comme étant légales aussi longtemps que la Commission n’a pas constaté leur incompatibilité avec le marché intérieur (voir, par analogie, arrêt du 16 avril 2015, Trapeza Eurobank Ergasias, C‑690/13, EU:C:2015:235, point 37 et jurisprudence citée).
81 De plus, l’article 1er, sous b), du règlement no 659/99 prévoit qu’il faut notamment entendre par « aide existante » :
« iii) toute aide qui est réputée avoir été autorisée conformément à l’article 4, paragraphe 6, du présent règlement, ou avant le présent règlement, mais conformément à la présente procédure ;
[…]
v) toute aide qui est réputée existante parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l’évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l’État membre. Les mesures qui deviennent une aide suite à la libéralisation d’une activité par le droit communautaire ne sont pas considérées comme une aide existante après la date fixée pour la libéralisation ».
82 L’article 1er du règlement no 1191/69, tel que modifié par le règlement (CEE) no 1893/91 du Conseil, du 20 juin 1991 (JO 1991, L 169, p. 1), était libellé comme suit :
« 1. Le présent règlement s’applique aux entreprises de transport qui exploitent des services dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.
Les États membres peuvent exclure du champ d’application du présent règlement les entreprises dont l’activité est limitée exclusivement à l’exploitation de services urbains, suburbains ou régionaux.
[…]
3. Les autorités compétentes des États membres suppriment les obligations inhérentes à la notion de service public, définies dans le présent règlement, imposées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.
[…]
5. Toutefois, les autorités compétentes des États membres peuvent maintenir ou imposer les obligations de service public visées à l’article 2 pour les services urbains, suburbains et régionaux de transport de voyageurs. Les conditions et les modalités, y compris les méthodes de compensation, sont arrêtées aux sections II, III et IV.
Lorsqu’une entreprise de transport exploite à la fois des services soumis à des obligations de service public et d’autres activités, lesdits services publics doivent faire l’objet de divisions particulières satisfaisant au moins aux conditions suivantes :
a) les comptes correspondant à chacune de ces activités d’exploitation sont séparés et la part des actifs correspondants est affectée selon les règles comptables en vigueur ;
b) les dépenses sont équilibrées par les recettes d’exploitation et les versements des pouvoirs publics, sans transfert possible de ou vers un autre secteur d’activité de l’entreprise.
6. Par ailleurs, les autorités compétentes d’un État membre peuvent ne pas appliquer les paragraphes 3 et 4, dans le domaine des transports de voyageurs, aux prix et conditions de transport imposés dans l’intérêt d’une ou de plusieurs catégories sociales particulières. »
83 L’article 2 du règlement no 1191/69 disposait :
« 1. Par obligations de service public, il faut entendre les obligations que, si elle considérait son propre intérêt commercial, l’entreprise de transport n’assumerait pas ou n’assumerait pas dans la même mesure, ni dans les mêmes conditions.
2. Les obligations de service public au sens du paragraphe 1 comprennent l’obligation d’exploiter, l’obligation de transporter et l’obligation tarifaire.
[…]
5. Est considérée au sens du présent règlement comme obligation tarifaire, l’obligation pour les entreprises de transport d’appliquer des prix fixés ou homologués par voie d’autorité contraires à l’intérêt commercial de l’entreprise et résultant soit de l’imposition, soit du refus de modification de mesures tarifaires particulières, notamment pour certaines catégories de voyageurs, certaines catégories de produits ou pour certaines relations.
Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas aux obligations découlant de mesures générales de politique des prix s’appliquant à l’ensemble des activités économiques ou de mesures prises en matière de prix et conditions généraux de transport en vue de l’organisation du marché des transports ou d’une partie de celui-ci. »
84 L’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1191/69 énonçait ce qui suit :
« Il appartient aux entreprises de transport de présenter aux autorités compétentes des États membres des demandes de suppression de tout ou partie d’une obligation de service public si cette obligation entraîne pour elles des désavantages économiques. »
85 L’article 6, paragraphe 1, de ce règlement prévoyait que, « [d]ans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur du présent règlement, les entreprises de transport présentent aux autorités compétentes des États membres les demandes visées à l’article 4 ».
86 Aux termes de l’article 6, paragraphe 2, dudit règlement, « [l]es décisions de maintien ou de suppression à terme de tout ou partie d’une obligation de service public prévoient, pour les charges qui en découlent, l’octroi d’une compensation déterminée conformément aux méthodes communes prévues aux articles 10 à 13 ».
87 En vertu de l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 1191/69, « [l]es autorités compétentes des États membres prennent des décisions dans un délai d’un an à compter de la date de la présentation de la demande en ce qui concerne les obligations d’exploiter et de transporter et dans un délai de six mois en ce qui concerne les obligations tarifaires ».
88 L’article 10 dudit règlement, tel que modifié par le règlement no 1893/91, disposait :
« 1. Le montant de la compensation prévue à l’article 6, dans le cas d’une obligation d’exploiter ou de transporter, est égal à la différence entre la diminution des charges et la diminution des recettes de l’entreprise pouvant résulter de la suppression de la totalité ou de la partie correspondante de l’obligation en cause pendant la période de temps considérée.
Toutefois, si le calcul des désavantages économiques a été fait en ventilant les coûts totaux supportés par l’entreprise au titre de son activité de transport entre les différentes parties de cette activité de transport, le montant de la compensation est égal à la différence entre les coûts affectables à la partie de l’activité de l’entreprise concernée par l’obligation de service public et la recette correspondante. »
89 L’article 11 du règlement no 1191/69, tel que modifié par le règlement no 1893/91, était libellé comme suit :
« 1. Le montant de la compensation prévue à l’article 6 et à l’article 9, paragraphe 1, dans le cas d’une obligation tarifaire, est égal à la différence entre deux termes :
a) Le premier terme est égal à la différence entre, d’une part, le produit du nombre des unités de transport escomptées :
soit par le tarif le plus favorable pouvant être revendiqué par les usagers, si l’obligation en cause n’existait pas
soit, à défaut d’un tel tarif, par le prix que l’entreprise aurait appliqué dans le cadre d’une gestion commerciale qui tiendrait compte des coûts de la prestation en cause ainsi que de la situation du marché et, d’autre part, le produit du nombre des unités de transport effectives par le tarif imposé pendant la période de temps considérée.
b) Le deuxième terme est égal à la différence entre le coût qui résulterait de l’application soit du tarif le plus favorable, soit du prix que l’entreprise aurait appliqué dans le cadre d’une gestion commerciale et le coût qui résulte de l’application du tarif imposé.
2. Lorsqu’en raison de la situation du marché, la compensation calculée en application du paragraphe 1 ne permet pas de couvrir les coûts totaux du trafic soumis à l’obligation tarifaire en cause, le montant de la compensation prévue à l’article 9, paragraphe 1, est égal à la différence entre ces coûts et les recettes de ce trafic. Les éventuelles compensations déjà effectuées au titre de l’article 10 sont prises en considération dans ce calcul. »
90 L’article 12 du règlement no 1191/69 énonçait :
« Pour la détermination des coûts qui résultent du maintien des obligations, il est tenu compte d’une gestion efficace de l’entreprise et d’une fourniture de services de transport d’une qualité adéquate.
Les intérêts afférents au capital propre peuvent être déduits des intérêts comptables. »
91 L’article 13 du règlement no 1191/69 disposait :
« 1. Les décisions prises en vertu des articles 6 et 9 fixent d’avance le montant de la compensation pour une période qui est au moins d’une année. Elles fixent en même temps les facteurs qui peuvent entraîner une correction des montants.
2. La correction des montants visés au paragraphe 1 est effectuée chaque année après la clôture des comptes de l’exercice de l’entreprise.
3. Le paiement des compensations fixées d’avance est effectué au moyen de versements échelonnés. Le paiement des montants dus en raison d’une correction visée au paragraphe 2 est effectué immédiatement après la fixation des corrections. »
92 Aux termes de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1191/69, « [l]es compensations qui résultent de l’application du présent règlement sont dispensées de la procédure d’information préalable prévue à l’article [108, paragraphe 3, TFUE] ».
93 En l’espèce, il convient d’examiner si la compensation litigieuse était une mesure instituée par la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) no 5650, du 7 novembre 2012, ou si elle trouvait effectivement son origine dans le cadre législatif régissant les OSP auxquelles était soumise la requérante et en vertu desquelles le Consiglio di Stato (Conseil d’État) aurait reconnu son droit à cette compensation, comme la requérante le prétend.
94 À cet égard, il y a lieu de souligner que, au paragraphe 10 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, d’après les informations fournies par les autorités italiennes, la Région avait déjà versé à la requérante une compensation pour couvrir les frais d’exploitation et de gestion du service de transport public fourni et pour les investissements, pour la période considérée. Cette compensation ayant été accordée à la requérante plus de dix ans avant la première lettre de renseignements envoyée par la Commission, elle n’a pas fait l’objet de la décision attaquée, dans la mesure où ses pouvoirs en matière de récupération des aides étaient prescrits, en vertu de l’article 15 du règlement no 659/99. Toutefois, la requérante a demandé à la Région, en janvier 2007, l’octroi d’une compensation complémentaire, pour les obligations tarifaires auxquelles elle aurait été soumise en vertu de l’article 11 du règlement no 1191/69. C’est cette compensation complémentaire qui lui a été effectivement accordée, à la suite d’une procédure judiciaire au niveau national, le 21 décembre 2012.
95 Afin de déterminer si cette deuxième compensation pouvait être qualifiée d’aide existante, en vertu de l’article 1er, sous b), v), du règlement no 659/99, ne devant pas être notifiée préalablement, comme la requérante le prétend, il convient donc d’apprécier si elle pouvait être fondée effectivement sur l’article 11 du règlement no 1191/69 et, en dernière instance, si ladite compensation remplissait les critères matériels prévus par le règlement no 1191/69, afin de pouvoir être exemptée de l’obligation de notification préalable en vertu de l’article 17, paragraphe 2, de celui-ci.
96 Au paragraphe 73 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que la dispense de l’obligation de notification prévue à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1191/69 concernait uniquement la compensation d’OSP imposées unilatéralement à une entreprise au sens de l’article 2 du même règlement, calculée selon la méthode décrite aux articles 10 à 13 dudit règlement.
97 Par conséquent, la Commission a, en premier lieu, analysé l’existence d’OSP imposées unilatéralement. Aux paragraphes 76 à 79, compris au point 6.2, sous i), de la décision attaquée, la Commission a relevé, premièrement, que le modèle de concession qui lui a été fourni concernait une autre entreprise et la seule période allant d’avril 1972 à décembre 1973 et donc qu’il ne concernait pas la période considérée ; deuxièmement, que la loi régionale no 16/83, citée par la Région et par la requérante comme base juridique de la compensation litigieuse, n’indiquait pas clairement d’obligations susceptibles de constituer des OSP, tout en étant de possibles indices de leur existence éventuelle et, troisièmement, qu’elle ne disposait d’aucun élément de preuve démontrant qu’une obligation tarifaire avait été effectivement imposée à la requérante, dès lors que le point 27 du modèle de concession fourni, fixant des tarifs, n’était pas pertinent pour la période concernée et que la loi régionale no 16/83 ne prévoyait que des tarifs minimaux, ce qui excluait l’existence d’une obligation tarifaire générale.
98 Au paragraphe 80, compris au point 6.2, sous i), de la décision attaquée, la Commission a retenu que, en tout état de cause, il n’apparaissait pas que les éventuelles OSP imposées à la requérante l’avaient été unilatéralement, compte tenu du fait que cette dernière avait demandé le renouvellement des concessions pour l’ensemble des sept années de la période considérée.
99 La requérante, contrairement à ce que la Commission fait valoir, conteste ces conclusions.
100 Elle soutient, notamment, que les OSP relatives au service de transport fourni lui avaient été unilatéralement imposées, au sens de l’article 2 du règlement no 1191/69, en vertu de l’article 10 de la loi régionale no 40/75, sur la base d’une concession dont la durée correspondait à l’application du plan régional de transports.
101 En vertu de l’article 13 de la loi régionale no 40/75, les concessions de services de transport public et la révocation de ces dernières étaient adoptées par délibération de l’exécutif régional sur proposition de l’assesseur aux Transports. L’exécutif régional, agissant sur proposition de l’assesseur aux Transports, définissait dans le cahier des charges de la concession les conditions de déroulement du service et en particulier les itinéraires, les tarifs, le programme d’exploitation et tout autre élément jugé nécessaire aux fins de l’efficacité du service. L’attestation relative au cahier des charges était délivrée par l’assesseur aux Transports. L’article 14 de la loi régionale no 40/75 prévoyait en outre la sanction de la résolution des concessions en cas de non-respect par le concessionnaire des obligations découlant du cahier des charges ou imposées par la loi.
102 La requérante précise que, malgré ce que prévoyait cette disposition, les OSP et notamment les obligations tarifaires ont été, en réalité, initialement imposées non dans des cahiers des charges, dont un modèle avait été préparé sans jamais être paraphé, mais par les biais de plusieurs actes décisionnaires spécifiques, adoptés par l’exécutif régional.
103 Ce cadre législatif n’aurait pas, selon la requérante, été modifié par la loi régionale no 16/83 qui a institué, à son article 2, le paramètre du « coût économique standardisé » pour compenser les déficits d’exploitation découlant de l’obligation de respecter les OSP et qui était déterminé année par année par l’exécutif régional, ainsi qu’il ressortirait des délibérations nos 915/99, 916/99, 3079/2000, 3080/2000 et 6224/2001 de ce dernier.
104 Ensuite, la requérante allègue que, en vertu des articles 2 à 6 et 9 de la loi régionale no 9/87, les tarifs des services de transport public local auraient été automatiquement fixés, en les assimilant aux tarifs prévus pour les chemins de fer de l’État, tout en attribuant des pouvoirs dérogatoires à l’administration régionale. En vertu de l’article 14 de la loi régionale no 9/87, la violation de ces dispositions aurait empêché les concessionnaires de percevoir les subventions régionales.
105 En réponse à une question écrite du Tribunal et lors de l’audience, la requérante a, en outre, précisé que l’article 2 de la loi régionale no 15/78 avait imposé l’homologation des tarifs pour les transports régionaux et que l’article 3 de la même loi avait fixé les prix des billets ordinaires pour voyageurs sur la base des distances résultant du tableau polymétrique approuvé par la Région. En particulier, elle s’est référée à une délibération de l’assesseur aux Transports du 20 février 1987, qui imposait à toutes les entreprises le respect des tarifs indiqués dans le tableau annexe.
106 À cet égard, la compensation complémentaire ayant été octroyée à la requérante par le Consiglio di Stato (Conseil d’État) sur le fondement de l’article 11 du règlement no 1191/69, à savoir en tant que compensation pour une obligation tarifaire, il appartient au Tribunal de contrôler l’existence effective d’une telle obligation, au sens de l’imposition de prix fixes ou homologués par voie d’autorité, aux termes de l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 1191/69.
107 En premier lieu, en ce qui concerne l’existence d’une obligation tarifaire unilatéralement imposée, il y a lieu de relever que, comme le fait remarquer la Commission, l’article 2 de la loi régionale no 16/83 prévoyait uniquement des tarifs minimaux. Il en va de même en ce qui concerne l’article 17 de la loi régionale no 16/83, tel que modifié par l’article 10 de la loi régionale no 13/84, et l’article 1er, paragraphe 2, de la loi régionale no 9/87, à laquelle renvoie l’article 17 de la loi régionale no 16/83, ainsi que les articles 2 et 3 de la loi régionale no 9/87, qui font tous référence à des tarifs minimaux.
108 Or, comme le soutient à juste titre la Commission, des tarifs minimaux n’entrent pas dans la notion de « prix fixés ou homologués par voie d’autorité », au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 1191/69.
109 En deuxième lieu, en ce qui concerne les délibérations de l’exécutif régional auxquelles fait référence la requérante afin de démontrer que des tarifs étaient effectivement imposés unilatéralement, c’est à juste titre que la Commission affirme que ces dernières se limitent à corriger a posteriori les paramètres de calcul du « coût économique standardisé » et n’ont, par conséquent, aucune valeur probante s’agissant de l’existence de prétendues obligations tarifaires. En outre, la Commission a précisé, en réponse à une question écrite posée par le Tribunal, que ces délibérations n’ont jamais été produites pendant la procédure administrative devant elle. Par conséquent, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas les avoir prises en compte dans son examen. Par ailleurs, la note de l’assesseur aux Transports, bien que produite par la requérante pendant la procédure administrative, se limite, comme le souligne à bon droit la Commission, à indiquer aux entreprises actives dans le secteur des transports qu’elles doivent éviter des augmentations de tarifs lors du passage de la lire italienne (ITL) à l’euro.
110 En troisième lieu, s’agissant de la délibération de l’assesseur aux Transports du 20 février 1987, il y a lieu de relever que cette dernière semble effectivement faire référence à une obligation pour toutes les entreprises exerçant les services de transport de respecter les tarifs fixés dans le tableau annexé à celle-ci. Toutefois, une telle délibération n’ayant pas été produite devant la Commission pendant la procédure administrative, elle ne pouvait pas être prise en compte par cette dernière dans le cadre de son examen et partant ne saurait constituer un élément susceptible d’entacher d’illégalité la décision attaquée. En effet, il ressort de la jurisprudence qu’il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’éventuels éléments de fait ou de droit qui auraient pu lui être présentés pendant la procédure administrative, mais qui ne l’ont pas été, la Commission n’étant pas dans l’obligation d’examiner d’office et par supputation quels étaient les éléments qui auraient pu lui être soumis (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Wam Industriale/Commission, T‑303/10, non publié, EU:T:2012:505, point 119 et jurisprudence citée).
111 En quatrième lieu, s’agissant du modèle de concession 1972/1973, fourni par la requérante pendant la procédure administrative, fixant des tarifs à l’opérateur intéressé, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la Commission a pu l’écarter, dès lors qu’il ne se référait pas à la période concernée.
112 Par ailleurs, s’agissant de la contestation de l’intervenante, n’ayant pas été avancée par la requérante, selon laquelle la compensation complémentaire faisant l’objet de la décision attaquée pourrait être regardée comme l’indemnisation d’un préjudice, comme la Commission le relève à juste titre, le Tribunal a déjà tranché cette question au point 102 de l’arrêt du 3 mars 2016, Simet/Commission (T‑15/14, EU:T:2016:124), en précisant qu’une telle indemnisation ne saurait échapper à la qualification d’aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
113 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission aucune erreur d’appréciation en ce qu’elle a retenu, au paragraphe 79 de la décision attaquée, qu’elle ne disposait d’aucun élément démontrant que des obligations tarifaires avaient effectivement été imposées à la requérante.
114 Dès lors, il n’y a pas lieu d’analyser le caractère unilatéral d’une telle prétendue obligation tarifaire.
115 En outre, étant donné que les critères matériels du règlement no 1191/69 doivent être remplis cumulativement, l’existence d’une obligation tarifaire imposée unilatéralement faisant défaut, il n’est pas nécessaire d’examiner si la compensation complémentaire octroyée à la requérante remplissait les autres critères matériels prévus par ledit règlement.
116 En tout état de cause, à supposer même que le critère relatif à l’existence d’une obligation tarifaire imposée unilatéralement puisse être considéré comme ayant été rempli, il convient de préciser que la Commission a, à bon droit, exclu que le critère relatif à la fixation ex ante du montant de la compensation pour une telle obligation, prévu par l’article 13 du règlement no 1191/69, était rempli.
117 En effet, aucune des dispositions législatives ou réglementaires invoquées par la requérante dans le cadre de la procédure administrative ou, en tout état de cause, en cours d’instance, ne fixe le montant de la compensation pour l’obligation tarifaire prétendument imposée à la requérante.
118 D’une part, l’article 2 de la loi régionale no 16/83 se réfère uniquement à des critères de calcul de la compensation à l’exploitation, comme le confirme le renvoi à l’article 1er de cette loi, qui confère à l’exécutif régional la compétence d’octroyer les « compensations à l’exploitation » aux entreprises exerçant les services de transport. Or, la compensation à l’exploitation ne fait pas l’objet de la compensation complémentaire octroyée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État) sur le fondement de l’article 11 du règlement no 1191/69.
119 D’autre part, dans la mesure où la requérante affirme, en réponse à une question écrite posée par le Tribunal, que le critère de calcul de la compensation pour l’obligation tarifaire serait implicitement inclus dans les dispositions réglementaires imposant cette dernière et serait notamment donné par la différence entre les tarifs fixes prévus dans la délibération de l’assesseur aux Transports et le tarif applicable en l’absence d’OSP, il convient de rejeter cet argument, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 110 ci-dessus.
120 Il en découle que, à défaut de respect d’au moins l’un des critères matériels prévus par le règlement no 1191/69, la Commission a, à juste titre, conclu que la mesure d’aide en cause ne pouvait pas être exemptée de l’obligation de notification préalable en vertu de l’article 17, paragraphe 2, de ce règlement. Partant, ladite mesure ne pouvait pas être considérée comme une aide existante, contrairement à ce qu’affirme la requérante, mais constituait une aide nouvelle, devant être notifiée conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE et ne pouvant pas être exécutée avant que la Commission adopte une décision déclarant sa compatibilité avec le marché intérieur, comme il ressort de la jurisprudence rappelée au point 80 ci-dessus.
Sur la deuxième branche relative à l’erreur prétendument commise par la Commission en considérant que deux des conditions Altmark n’étaient pas réunies
121 À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
122 En outre, selon une jurisprudence constante, la qualification d’aide, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions visées par cette disposition soient remplies. Ainsi, premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources de l’État, deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres, troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire et, quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt du 8 mai 2013, Libert e.a., C‑197/11 et C‑203/11, EU:C:2013:288, point 74 et jurisprudence citée).
123 Toutefois, ne relève pas de l’article 107, paragraphe 1, TFUE une intervention étatique considérée comme une compensation représentant la contrepartie de prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des OSP, de sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d’un avantage financier et que ladite intervention n’a donc pas pour effet de placer ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises concurrentes (arrêts du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 87, et du 8 mai 2013, Libert e.a., C‑197/11 et C‑203/11, EU:C:2013:288, point 84).
124 Cependant, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’État, quatre critères doivent être satisfaits cumulativement (voir, en ce sens, arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 88).
125 Premièrement, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’OSP et ces obligations doivent être clairement définies (arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 89). La notion d’OSP au sens de ce premier critère correspond à celle de service d’intérêt économique général visée à l’article 106, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 162).
126 Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente (arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 90).
127 Troisièmement, la compensation ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des OSP, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 92).
128 Quatrièmement, lorsque le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’OSP, dans un cas concret, n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir les services en cause au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 93).
129 En l’espèce, la requérante allègue que la Commission a commis une erreur, en considérant, au paragraphe 61 de la décision attaquée, que l’existence d’OSP unilatéralement imposées n’avait pas été démontrée et donc que la première condition Altmark n’était pas remplie.
130 Or, il ressort de l’analyse effectuée aux points 106 à 114 ci-dessus que la Commission a, à juste titre, conclu, sur la base des éléments de preuve fournis pendant la procédure administrative, à l’inexistence en l’espèce d’une obligation tarifaire imposée à la requérante, indépendamment de son caractère unilatéral.
131 Il en découle que la conclusion à laquelle la Commission est parvenue au paragraphe 61 de la décision attaquée sur le fondement de la même constatation, s’agissant de la première condition Altmark, selon laquelle l’entreprise bénéficiaire devait effectivement être chargée de l’exécution d’OSP et ces obligations devaient être clairement définies, n’est pas non plus entachée d’illégalité.
132 En outre, dès lors que les quatre conditions Altmark doivent être satisfaites cumulativement pour que la compensation d’OSP imposées dans le cadre d’un service économique d’intérêt général puisse échapper à la qualification d’aide d’État, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas satisfaite suffit à conclure à l’existence d’un avantage et donc à la qualification d’aide de la compensation en question.
133 Il n’y a donc pas lieu d’examiner l’appréciation de la Commission, au paragraphe 62 de la décision attaquée, concernant la seconde condition Altmark relative à l’existence de paramètres de calcul de la compensation préalablement établis de manière objective et transparente.
134 En tout état de cause, à supposer même que la première condition Altmark ait été remplie, il convient de souligner, comme il a déjà été précisé aux points 117 à 119 ci-dessus, qu’aucune des dispositions législatives ou réglementaires invoquées par la requérante dans le cadre de la procédure administrative ou en cours d’instance ne définit ex ante de critères de calcul de la compensation pour l’obligation tarifaire qui aurait prétendument été imposée à la requérante, comme l’exige la deuxième condition Altmark.
135 Par conséquent, la requérante n’a pas démontré l’existence de critères de calcul de la compensation de l’obligation tarifaire établis ex ante.
136 Il découle de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter les quatrième et huitième moyens dans leur intégralité.
Sur le septième moyen
137 Dans le cadre de ce moyen, la requérante fait valoir que, selon la jurisprudence, avant d’exclure que des subventions publiques constituent des aides d’État, en raison des quatre conditions Altmark, les conditions prévues par l’article 107, paragraphe 1, TFUE doivent être analysées. À cet égard, premièrement, la Commission aurait méconnu, au paragraphe 65 de la décision attaquée, le fait que le marché des transports publics locaux dans la Région n’était pas ouvert à la concurrence d’entreprises des autres États membres, ni même à celle des entreprises italiennes. La condition de l’affectation des échanges et de la distorsion de la concurrence ne serait donc pas remplie. Deuxièmement, dès lors qu’une mesure peut être qualifiée d’aide en raison de ses effets réels et concrets sur les échanges et sur la libre concurrence, la Commission aurait dû prouver la forme et la nature du prétendu avantage de la requérante et du préjudice subi par les concurrents. Dès lors que la compensation complémentaire octroyée à la requérante n’était que la compensation de l’obligation tarifaire à laquelle elle était soumise, la condition de l’existence d’un avantage ferait également défaut.
138 La Commission conteste ces arguments.
139 Ce moyen doit être compris comme visant à remettre en cause l’appréciation de la Commission concernant la qualification d’aide de la compensation complémentaire litigieuse, premièrement, s’agissant de la condition de l’existence d’un avantage et, deuxièmement, s’agissant de la condition de l’affectation des échanges et de la distorsion de la concurrence.
140 En premier lieu, s’agissant de la condition relative à l’existence d’un avantage, il ressort de l’analyse effectuée aux points 106 à 114 et 130 à 132 ci-dessus que la compensation complémentaire octroyée à la requérante ne pouvait être regardée comme la compensation d’obligations tarifaires qui lui auraient été imposées. Elle ne pouvait, par suite, être considérée comme une aide existante et constituait une aide illégale, le critère de l’avantage ayant été rempli dès lors qu’au moins une des conditions Altmark n’était pas respectée. La requérante ne remet pas utilement en cause cette conclusion par les arguments qu’elle avance dans le cadre de ce moyen. Ce grief doit partant être rejeté.
141 En deuxième lieu, s’agissant de la condition tenant à la distorsion de la concurrence et des échanges entre États membres, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, aux fins de la qualification d’une mesure nationale d’aide d’État, il y a lieu non d’établir une incidence réelle de l’aide en cause sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si cette aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence. En particulier, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position de certaines entreprises par rapport à celle d’autres entreprises concurrentes dans les échanges entre États membres, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide. À cet égard, il n’est pas nécessaire que les entreprises bénéficiaires participent elles-mêmes aux échanges entre États membres. En effet, lorsqu’un État membre octroie une aide à des entreprises, l’activité intérieure peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec la conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer le marché de cet État en sont diminuées (voir arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C‑518/13, EU:C:2015:9, points 65 à 67 et jurisprudence citée).
142 Par ailleurs, selon la jurisprudence de la Cour, il n’existe pas de seuil ou de pourcentage au-dessous duquel il est possible de considérer que les échanges entre les États membres ne sont pas affectés. En effet, l’importance relativement faible d’une aide ou la taille relativement modeste de l’entreprise bénéficiaire n’excluent pas a priori l’éventualité que les échanges entre les États membres soient affectés. Dès lors, la condition selon laquelle l’aide doit être de nature à affecter les échanges entre les États membres ne dépend pas de la nature locale ou régionale des services de transport fournis ou de l’importance du domaine d’activité concerné (arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C‑518/13, EU:C:2015:9, points 68 et 69).
143 En outre, la circonstance qu’un secteur économique a fait l’objet d’une libéralisation au niveau de l’Union européenne est de nature à caractériser une incidence réelle ou potentielle des aides sur la concurrence, ainsi que leur effet sur les échanges entre États membres (voir arrêt du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, EU:C:2006:8, point 142 et jurisprudence citée).
144 Au paragraphe 65 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la requérante n’avait pas contesté que la mesure d’aide en cause était entrée en vigueur le 21 décembre 2012, à savoir bien après que le marché des transports publics de voyageurs s’était ouvert à la concurrence et que, étant donné que la mesure produisait ses effets sur le marché au moment où elle était versée, c’était en référence à ce moment qu’il convenait d’apprécier si ladite mesure était susceptible de fausser la concurrence ou d’affecter les échanges entre les États membres.
145 Aux paragraphes 66 et 67 de cette décision, la Commission a observé que plusieurs États membres avaient commencé à ouvrir le marché des transports publics à des entreprises établies dans d’autres États, que certaines entreprises proposaient déjà leurs services dans un État différent de celui de leur établissement et que la mesure en cause était donc susceptible de fausser la concurrence.
146 Enfin, au paragraphe 68 de la décision attaquée, la Commission a constaté que la requérante était active sur d’autres marchés, tels que celui de la location, et qu’elle se trouvait donc en concurrence avec d’autres entreprises établies dans d’autres États membres et actives sur ces marchés.
147 À cet égard, dans la mesure où la requérante conteste que le marché italien des transports publics était ouvert à la concurrence d’entreprises établies dans d’autres États membres et où elle allègue que la mesure d’aide en cause ne pouvait partant pas avoir des effets réels et concrets sur les échanges et sur la concurrence, il suffit de constater qu’il ressort directement de la jurisprudence rappelée au point 141 ci-dessus que, dans le domaine des aides d’État, la Commission n’est pas tenue d’établir une incidence réelle de l’aide en cause sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si cette aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence.
148 Or, les éléments que la Commission a pris en compte dans le cadre de cette appréciation, aux paragraphes 66 à 68 de la décision attaquée, sont de nature à démontrer que l’octroi de la mesure d’aide en cause était susceptible d’affecter les échanges entre États membres et de fausser la concurrence, à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 141 à 143 ci-dessus.
149 En effet, en premier lieu, la circonstance que le marché des transports publics soit ouvert à la concurrence, même dans des États différents de celui dans lequel la requérante est active, démontre que des entreprises étrangères pourraient vouloir fournir leurs services de transport public sur le marché italien, notamment local ou régional, où la requérante a bénéficié de la mesure d’aide.
150 En deuxième lieu, l’activité intérieure peut se trouver maintenue ou augmentée du fait de la mesure d’aide octroyée, avec la conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer ledit marché en sont diminuées.
151 En troisième lieu, la circonstance que la requérante était en concurrence avec des entreprises d’autres États membres également sur d’autres marchés sur lesquels elle était active, non contestée par cette dernière, constitue également un élément de nature à démontrer que l’octroi de la mesure d’aide en cause était susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Partant, ce grief est également voué au rejet.
152 En ce qui concerne le grief tiré du défaut de motivation, uniquement présent dans l’intitulé du moyen, il suffit de constater, d’une part, que la requérante n’a aucunement développé ce grief et, d’autre part, que, en tout état de cause, la requérante a été en mesure de contester le bien-fondé de l’appréciation de la Commission et le Tribunal a été en mesure d’exercer son contrôle de légalité de la décision attaquée à cet égard, comme il ressort de l’analyse effectuée aux points 144 à 151 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01, EU:T:2004:222, point 67, et du 9 décembre 2015, Grèce et Ellinikos Chrysos/Commission, T‑233/11 et T‑262/11, EU:T:2015:948, point 215). Dès lors, ce grief doit également être écarté.
153 Par ailleurs, il convient de relever que certains des griefs énoncés dans l’intitulé de ce moyen ne sont pas suffisamment développés dans le corps des écritures de la requérante. Il en va notamment ainsi en ce qui concerne la violation des articles 93 à 108 TFUE (à l’exception éventuellement et implicitement de l’article 107 TFUE dont relève l’appréciation des conditions de l’existence d’un avantage et de l’affectation des échanges entre États membres), des articles 11 et 17 du règlement no 1191/69, le détournement de pouvoir, le défaut d’instruction et le caractère erroné de la condition préalable. Ces griefs doivent donc être déclarés irrecevables en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991.
154 Il découle de tout ce qui précède que ce moyen doit être entièrement rejeté.
Sur le deuxième moyen
155 En premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission n’aurait pas dû prendre en considération la notification reçue par la Région, dès lors que cette dernière n’avait pas de compétence pour y procéder. Le fait que c’est la Région qui a notifié l’aide à la Commission serait démontré par la demande de sursis à l’exécution de la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) no 5650, du 7 novembre 2012, introduite par la Région, dans laquelle il était précisé que cette dernière avait notifié la mesure à la Commission par voie électronique le 5 décembre 2012 à 10 h 08. La Région aurait dû être traitée comme une partie intéressée, en tant que partie ayant succombé dans la procédure devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État), pouvant tout au plus introduire une plainte devant la Commission en vertu de l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 659/99. Par conséquent, la Commission n’aurait pas pu fonder sa décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, ni sa décision finale sur l’incompatibilité de l’aide, sur cette notification. Cette condition préalable faisant défaut, la Commission aurait violé l’article 108 TFUE.
156 En deuxième lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir indûment considéré la compensation litigeuse, notifiée le 5 décembre 2012, comme une mesure non notifiée. En effet, contrairement à ce que la Commission a retenu, ladite compensation n’aurait pas été versée avant le 13 décembre 2012, date à laquelle la Commission a décidé de traiter l’aide comme une mesure non notifiée.
157 En troisième lieu, dès lors que la mesure constituait une aide notifiée, la Commission aurait violé le délai prévu à l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 659/99 pour l’adoption de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen au titre de l’article 4, paragraphe 5, dudit règlement, la notification ayant été reçue par la Commission le 13 décembre 2012 et ladite décision ayant été adoptée le 20 février 2014. À l’expiration dudit délai, la mesure aurait dû être considérée comme autorisée. Il en découlerait que la décision définitive du 19 janvier 2015 déclarant l’incompatibilité de la mesure d’aide ayant été adoptée 25 mois après la notification, elle serait dépourvue de cause efficiente, entachée de détournement de pouvoir et violerait l’équité de la procédure ainsi que l’article 7, paragraphe 6, du règlement no 659/99.
158 La Commission conteste ces arguments.
159 Aux termes de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, « [l]a Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides ».
160 L’article 4 du règlement no 659/99 est libellé comme suit :
« Examen préliminaire de la notification et décisions de la Commission
1. La Commission procède à l’examen de la notification dès sa réception. Sans préjudice de l’article 8, elle prend une décision en application des paragraphes 2, 3 ou 4.
2. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision.
3. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article [107, paragraphe 1, TFUE], ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun (ci-après dénommée “décision de ne pas soulever d’objections”). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée.
4. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article [108, paragraphe 2, TFUE] (ci-après dénommée “décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen”).
5. Les décisions visées aux paragraphes 2, 3 et 4 sont prises dans un délai de deux mois. Celui-ci court à compter du jour suivant celui de la réception d’une notification complète. La notification est considérée comme complète si, dans les deux mois de sa réception ou de la réception de toute information additionnelle réclamée, la Commission ne réclame pas d’autres informations. Le délai peut être prorogé par accord mutuel entre la Commission et l’État membre concerné. Le cas échéant, la Commission peut fixer des délais plus courts.
6. Lorsque la Commission n’a pas pris de décision en application des paragraphes 2, 3 ou 4 dans le délai prévu au paragraphe 5, l’aide est réputée avoir été autorisée par la Commission. L’État membre concerné peut alors mettre à exécution les mesures en cause après en avoir avisé préalablement la Commission, sauf si celle-ci prend une décision en application du présent article dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de cet avis. »
161 L’article 7 du règlement no 659/99 dispose :
« 1. Sans préjudice de l’article 8, la procédure formelle d’examen est clôturée par voie de décision conformément aux paragraphes 2 à 5 du présent article.
[…]
6. Les décisions prises en application des paragraphes 2, 3, 4 et 5 doivent l’être dès que les doutes visés à l’article 4, paragraphe 4, sont levés. La Commission s’efforce autant que possible d’adopter une décision dans un délai de dix-huit mois à compter de l’ouverture de la procédure. Ce délai peut être prorogé d’un commun accord entre la Commission et l’État membre concerné.
7. À l’issue du délai visé au paragraphe 6, et si l’État membre concerné le lui demande, la Commission prend, dans un délai de deux mois, une décision sur la base des informations dont elle dispose. Le cas échéant, elle prend une décision négative, lorsque les informations fournies ne permettent pas d’établir la compatibilité. »
162 En vertu de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 659/99, « [l]orsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu’en soit la source, elle examine ces informations sans délai ».
163 L’article 13 du règlement no 659/99 dispose :
« 1. L’examen d’une éventuelle aide illégale débouche sur l’adoption d’une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4. Dans le cas d’une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la procédure est clôturée par voie de décision au titre de l’article 7. Au cas où un État membre omet de se conformer à une injonction de fournir des informations, cette décision est prise sur la base des renseignements disponibles.
2. Dans le cas d’une éventuelle aide illégale et sans préjudice de l’article 11, paragraphe 2, la Commission n’est pas liée par le délai fixé à l’article 4, paragraphe 5, à l’article 7, paragraphe 6, et à l’article 7, paragraphe 7. »
164 Il ressort de la jurisprudence que la Commission est tenue d’examiner la compatibilité de l’aide projetée avec le marché intérieur, même dans le cas où l’État membre méconnaît l’interdiction de mise à exécution des mesures d’aide et que l’aide est, partant, illégale (arrêt du 5 mars 2015, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português, C‑667/13, EU:C:2015:151, point 60 et jurisprudence citée).
165 Selon la jurisprudence, en l’absence de notification du régime litigieux, il ressort sans équivoque du libellé de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 659/99 et de celui de l’article 7, paragraphe 6, dudit règlement que ces dispositions ne sont pas applicables. En outre, l’article 13, paragraphe 2, de ce règlement prévoit expressément que, dans le cas d’une éventuelle aide illégale, la Commission n’est pas liée par les délais fixés, notamment, à l’article 4, paragraphe 5, et à l’article 7, paragraphe 6, du même règlement. De même, en l’absence de notification du régime litigieux, la Commission n’est pas soumise à la règle du délai d’examen de deux mois prévu à l’article 4, paragraphe 5, du règlement en cause (voir arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, points 74 et 75 et jurisprudence citée).
166 En l’espèce, il ressort des paragraphes 1 et 2 de la décision attaquée, que les autorités italiennes ont notifié à la Commission le 5 décembre 2012 l’octroi de la compensation litigieuse. Cette notification a été enregistrée sous le numéro SA.35843. Toutefois, depuis le 13 décembre 2012, elle a été traitée comme une mesure non notifiée étant donné que, selon les informations dont disposait la Commission, la Région était tenue de verser à la requérante la compensation complémentaire qui lui était due à partir du 7 décembre 2012, c’est-à-dire après que le gouvernement italien avait notifié la mesure à la Commission, mais avant que celle-ci ait pris sa décision.
167 En premier lieu, il découle du point 120 ci-dessus que la compensation complémentaire octroyée à la requérante n’était pas exemptée de l’obligation de notification en vertu de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1191/69 et devait donc être notifiée à la Commission, en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
168 En deuxième lieu, s’agissant du grief tiré de l’absence d’une condition préalable pour pouvoir adopter la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen ou la décision finale déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur, du fait que la notification aurait été effectuée par la Région et non par le gouvernement italien, ce grief est inopérant, dans la mesure où, comme le souligne à juste titre la Commission, celle-ci est compétente pour se prononcer en matière d’aides octroyées par les États membres même en violation de l’obligation d’information préalable, ainsi qu’il ressort des articles 10 et 13 du règlement no 659/99.
169 En troisième lieu, s’agissant du grief tiré du fait que la Commission aurait commis une erreur en décidant de traiter l’aide comme une mesure non notifiée, dès lors qu’elle n’avait pas été versée à la date où la Commission a pris cette décision, il convient de souligner que, bien que la compensation complémentaire litigieuse n’ait été versée que le 21 décembre 2012, à savoir après le 13 décembre 2012, date à laquelle la Commission a pris sa décision de considérer l’aide comme une mesure non notifiée, en tout état de cause, l’aide a effectivement été versée le 21 décembre 2012, soit avant le terme du délai de deux mois fixé à l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 659/99. Partant, ce grief est inopérant.
170 En quatrième lieu, en ayant à juste titre traité l’aide en cause comme une mesure non notifiée et donc comme une aide ayant été illégalement octroyée, la Commission n’était pas tenue de respecter les délais prévus à l’article 4, paragraphe 5, et à l’article 7, paragraphe 6, du règlement no 659/99, en vertu de l’article 13 de celui-ci et de la jurisprudence rappelée au point 165 ci-dessus.
171 En tout état de cause, d’une part, en ce qui concerne le délai prévu par l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 659/99, même si celui-ci avait dû s’appliquer en vertu de l’article 4, paragraphe 6, de ce règlement, l’État italien n’aurait pu mettre en œuvre la mesure d’aide en cause qu’après en avoir avisé préalablement la Commission, à moins que celle-ci n’ait adopté une décision dans les quinze jours ouvrables à compter de la réception de cet avis. En l’espèce, il ne ressort pas du dossier que l’État italien ait préalablement informé la Commission avant de mettre à exécution cette mesure.
172 Par ailleurs, dans ces circonstances, comme le souligne à juste titre la Commission, la requérante ne saurait affirmer non plus que l’aide en cause était devenue une aide existante au sens de l’article 1er, sous b), iii), du règlement no 659/99, qui définit comme telle toute aide qui est réputée avoir été autorisée conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 659/99.
173 D’autre part, en ce qui concerne le délai prévu par l’article 7, paragraphe 6, du règlement no 659/99 pour que la Commission adopte une décision à l’issue de la procédure formelle d’examen, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 165 ci-dessus qu’il n’était pas non plus applicable en présence d’aides ayant été illégalement octroyées.
174 De surcroît, le grief, uniquement présenté dans l’intitulé de ce moyen, relatif au détournement de pouvoir, n’ayant aucunement été développé par la requérante dans le corps du texte, il convient de le rejeter en tant qu’irrecevable, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991.
175 Il découle de tout ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les premier, cinquième et sixième moyens
176 La requérante allègue que, dès lors que la compensation complémentaire lui ayant été octroyée entrait dans le champ d’application du règlement no 1191/69 et que celui-ci devait être appliqué directement par le juge national, il doit être considéré que le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a exercé ses prérogatives de juge national dans l’application du droit de l’Union et a statué définitivement sur ladite compensation. En vertu du principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, les juges nationaux seraient tenus de garantir l’exécution des obligations de l’Union dans l’exercice de leurs fonctions et seraient les mieux placés pour apprécier, au regard des particularités de l’espèce, la nécessité d’une décision préjudicielle pour rendre leur jugement.
177 Le juge national ne pourrait pas se défaire de la fonction qui lui est assignée par l’article 101, deuxième phrase, de la Constitution italienne.
178 Le Consiglio di Stato (Conseil d’État) aurait décidé de ne pas poser une question préjudicielle à la Cour, comme la Région l’avait demandé dans la procédure devant lui et sans qu’il existe d’obligation de renvoi, en constatant que, dans la mesure où la compensation faisant l’objet de la mesure en cause entrait dans le champ d’application des articles 11 et 17 du règlement no 1191/69 et de l’article 93 TFUE, il n’existait aucun doute sur la portée objective de ces dispositions et il n’y avait pas lieu d’appliquer les articles 4 à 6 dudit règlement, invoqués par la Région.
179 La Commission n’aurait donc plus eu de compétence pour revenir sur une décision ayant acquis force de chose jugée, en vertu de l’article 2909 du code civil italien et en application du principe général de sécurité juridique. Une telle démarche violerait également le principe de l’autonomie procédurale, relatif à l’absence d’obligation d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant l’autorité de la chose jugée, même si cela permet de remédier à une violation du droit de l’Union. En outre, les principes de protection de la confiance légitime et de séparation des pouvoirs ainsi que l’article 258 TFUE auraient également été violés, dans la mesure où la Commission n’aurait aucune fonction juridictionnelle.
180 La Commission conteste ces arguments.
181 Aux termes de l’article 108, paragraphe 1, TFUE :
« La Commission procède avec les États membres à l’examen permanent des régimes d’aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché intérieur. »
182 En vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, « [s]i, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l’article 107, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine ».
183 À titre liminaire, en premier lieu, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’article 107, paragraphe 1, TFUE se réfère à des aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État, « sous quelque forme que ce soit ». Par conséquent, l’interprétation des dispositions en matière d’aides accordées par les États, au lieu de se fonder sur des critères formels, doit s’inspirer de la finalité desdites dispositions qui, conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous b), TFUE, visent à assurer que la concurrence ne soit pas faussée. Il s’ensuit que toutes les subventions menaçant le jeu de la concurrence et émanant du secteur public tombent sous le coup des dispositions susmentionnées sans qu’il soit requis que ces subventions soient accordées par le gouvernement ou par une administration centrale d’un État membre (voir, par analogie, arrêt du 12 décembre 1996, Air France/Commission, T‑358/94, EU:T:1996:194, point 56 et jurisprudence citée).
184 Au contraire, le juge national, qui est chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l’Union, a également l’obligation d’assurer le respect de ces normes (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 1978, Simmenthal, 106/77, EU:C:1978:49, point 21). Ce principe doit s’appliquer également à l’égard des décisions qu’une juridiction nationale statuant en dernier ressort doit adopter (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2003, Köbler, C‑224/01, EU:C:2003:513, point 45).
185 En deuxième lieu, en matière d’aides d’État, les juridictions nationales peuvent être saisies de litiges les obligeant à interpréter et à appliquer la notion d’aide, visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en vue de déterminer si une mesure étatique instaurée sans tenir compte de la procédure de contrôle préalable de l’article 108, paragraphe 3, TFUE devrait ou non y être soumise. De même, afin de pouvoir déterminer si une mesure étatique instaurée sans tenir compte de la procédure d’examen préliminaire devait ou non y être soumise, une juridiction nationale peut être amenée à interpréter la notion d’aide. En revanche, les juridictions nationales ne sont pas compétentes pour statuer sur la compatibilité d’une aide d’État avec le marché intérieur. Il ressort en effet d’une jurisprudence constante que l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aides ou d’un régime d’aides avec le marché intérieur relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle du juge de l’Union (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juillet 2007, Lucchini, C‑119/05, EU:C:2007:434, points 50 à 52 et jurisprudence citée).
186 En troisième lieu, l’application des règles en matière d’aides d’État repose sur une obligation de coopération loyale entre, d’une part, les juridictions nationales et, d’autre part, la Commission et les juridictions de l’Union, dans le cadre de laquelle chacune agit en fonction du rôle qui lui est assigné par le traité FUE. Dans le cadre de cette coopération, les juridictions nationales doivent prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du droit de l’Union et s’abstenir de prendre celles qui sont susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité UE, ainsi qu’il découle de l’article 4, paragraphe 3, TUE. Ainsi, les juridictions nationales doivent, en particulier, s’abstenir de prendre des décisions allant à l’encontre d’une décision de la Commission (arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 41).
187 En quatrième lieu, la jurisprudence reconnaît l’importance que revêt le principe de l’autorité de la chose jugée tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux. En effet, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que les décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause. Partant, le droit de l’Union n’impose pas dans tous les cas à une juridiction nationale d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant force de chose jugée à une décision juridictionnelle, même si cela permettait de remédier à une violation du droit de l’Union par la décision en cause (voir arrêt du 22 décembre 2010, Commission/Slovaquie, C‑507/08, EU:C:2010:802, points 59 et 60 et jurisprudence citée).
188 Toutefois, l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aides ou d’un régime d’aide avec le marché intérieur relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle du juge de l’Union. En application du principe selon lequel les juridictions nationales sont liées par la décision d’ouverture de la Commission, le droit de l’Union s’oppose à ce que l’application du principe d’autorité de la chose jugée fasse obstacle à la récupération d’une aide d’État octroyée en violation du droit de l’Union et dont l’incompatibilité a été constatée par une décision de la Commission devenue définitive (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2014, Zweckverband Tierkörperbeseitigung/Commission, T‑309/12, non publié, EU:T:2014:676, point 246 et jurisprudence citée).
189 En l’espèce, dès lors que la mesure en cause ne peut pas être regardée comme une aide existante, ni parce qu’elle ne constituait pas une aide existante au moment de sa mise en vigueur [aux termes de l’article 1er, sous b), v), du règlement no 659/99] comme il ressort du point 120 ci-dessus, ni parce qu’elle devait être réputée avoir été autorisée conformément à l’article 4, paragraphe 6, de ce règlement [aux termes de l’article 1er, sous b), iii), de celui-ci], comme il ressort du point 172 ci-dessus, ladite mesure constituait une aide nouvelle. De plus, il ressort du point 170 ci-dessus que celle-ci constituait également une aide illégale.
190 Il découle nécessairement de la jurisprudence citée aux points 183 et 186 ci-dessus, d’une part, que la Commission avait compétence pour examiner, en vertu de l’article 108 TFUE, la compensation complémentaire octroyée à la requérante, qui constituait la mesure d’aide illégale en cause, et, d’autre part, que la circonstance que ladite mesure ait fait l’objet d’une décision d’une juridiction supérieure nationale ne fait pas obstacle à la reconnaissance de cette compétence. En effet, de la même manière que l’application du principe d’autorité de la chose jugée ne saurait faire obstacle à la récupération d’une aide d’État octroyée en violation du droit de l’Union et dont l’incompatibilité a été constatée par une décision de la Commission devenue définitive, comme il ressort du point 188 ci-dessus, ledit principe ne saurait empêcher cette dernière de constater l’existence d’une aide d’État illégale, quand bien même une telle qualification aurait été écartée antérieurement par une juridiction nationale statuant en dernier ressort. Partant, les arguments avancés par la requérante tirés, premièrement, de l’article 2909 du code civil italien, deuxièmement, du prétendu choix dont aurait disposé le Consiglio di Stato (Conseil d’État) quant à l’opportunité de saisir la Cour d’une question préjudicielle ou, troisièmement, des obligations de celui-ci au titre de l’article 101 de la Constitution italienne ne sont pas susceptibles de remettre en cause cette conclusion en l’espèce. En particulier, s’agissant de ce dernier, il convient de souligner que la question que pose la présente affaire n’est pas celle de savoir si l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) demeure dans le cadre tracé par la loi, mais si l’autorité de la chose jugée dont il est revêtu s’oppose à la décision attaquée de la Commission.
191 Par ailleurs, cette conclusion ne saurait, non plus, être remise en question par la jurisprudence qu’invoque la requérante, à savoir l’arrêt du 22 décembre 2010, Commission/Slovaquie (C‑507/08, EU:C:2010:802, points 52 à 57), dès lors que cette affaire concernait un contexte factuel spécifique, différent et non transposable à la présente affaire, dans laquelle la partie requérante voulait remettre en cause la compétence exclusive de la Commission pour la qualification d’aide d’une mesure étatique sur le fondement du principe de l’autorité de la chose jugée.
192 En outre, dans la mesure où la requérante invoque la confiance légitime, il suffit de rappeler qu’une confiance légitime dans la régularité d’une aide d’État ne saurait en principe, et sauf circonstances exceptionnelles, être invoquée que si cette aide a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 108 TFUE (arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, point 134), ce qui n’est pas le cas en l’espèce, comme il ressort des points 166 à 171 ci-dessus.
193 Il découle de tout ce qui précède que les moyens tirés de l’incompétence de la Commission pour vérifier la compatibilité avec le marché intérieur de la mesure en cause et pour adopter la décision attaquée, de la violation des article 93, 107 et 108 TFUE ainsi que des principes de l’autonomie de procédure, de l’autorité de la chose jugée, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime doivent être rejetés.
194 Il convient par ailleurs de noter que, en ce que la requérante fait référence, dans le cadre de l’intitulé des premier, cinquième et sixième moyens, à la violation des articles 258 et suivants, 263 et 267 TFUE et des articles 6, 7 et 13 de la CEDH, à la violation du droit à une procédure équitable et au détournement de pouvoir, la simple énonciation, dans l’intitulé des moyens, de ces griefs, sans qu’elle soit accompagnée par le moindre développement dans le corps des écritures de la requérante, ne saurait être considérée comme répondant aux exigences minimales de forme requises par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991. Ces griefs doivent partant être rejetés en tant qu’irrecevables.
195 Les premier, cinquième et sixième moyens doivent donc être rejetés dans leur intégralité.
Sur le troisième moyen
196 La requérante conteste le choix de la Commission, indiqué au paragraphe 92 de la décision attaquée, d’examiner la compatibilité de la mesure « notifiée » au regard du règlement no 1370/2007, qui est entré en vigueur le 3 décembre 2009 et a abrogé le règlement no 1191/69, en méconnaissant que les faits auxquels la mesure se réfère remontaient à l’année 1998 et que le recours national initial ayant conduit au versement de la compensation complémentaire à la requérante a été introduit le 7 juillet 2009. À cet égard, elle rappelle la jurisprudence selon laquelle les règles de droit matériel, en vue de garantir le respect du principe de sécurité juridique, doivent être interprétées comme ne visant pas des situations acquises antérieurement à leur date d’entrée en vigueur.
197 En outre, l’inapplicabilité du règlement no 1370/2007 découlerait également de la portée substantielle de ce règlement, qui exige que les OSP et les compensations qui y sont relatives soient réglementées dans le cadre d’un contrat de service. En revanche, il serait constant que les OSP en cause ont été unilatéralement réglementées, imposées et exigées par la Région dans les cahiers de charge de concession en exécution de la loi régionale no 40/75, puis de la loi régionale no 16/83, conformément au plan régional des transports. Aucun contrat de service n’aurait donc jamais été conclu dans la Région. Partant, la diversité substantielle entre les régimes des transports publics locaux instaurés respectivement par le règlement no 1191/69 et par le règlement no 1370/2007 ne permettrait pas d’appliquer les paramètres de ce dernier avec effet rétroactif, dans la mesure où les notions sur lesquelles se fondent les deux textes ne sont pas comparables, même en recourant à la règle transitoire prévue à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 1370/2007.
198 L’application du règlement no 1370/2007 en l’espèce violerait également les principes de non-rétroactivité des lois, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, revêtant, eu égard à une réglementation susceptible de comporter des charges financières, une importance particulière.
199 En tout état de cause, l’appréciation portée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État), dans sa décision no 4683, du 27 juillet 2009, sur le droit de la requérante à la compensation complémentaire en cause ne pourrait être écartée sur la base du règlement no 1370/2007, entré en vigueur le 3 décembre 2009, la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) no 5650, du 7 novembre 2012, par laquelle la liquidation de la compensation a été ordonnée, n’étant qu’un jugement d’exécution du premier arrêt. Ainsi, la réglementation applicable passerait de substantielle à procédurale, par la volonté de la Commission d’ancrer l’appréciation de la compatibilité de la mesure en cause dans la législation en vigueur non à la date où le droit a été reconnu par le juge, mais à la date où la chose jugée a été effectivement exécutée. Dès lors que la Commission a apprécié la compatibilité de la mesure en cause exclusivement à la lumière du règlement no 1370/2007, elle aurait commis une erreur de droit.
200 La Commission conteste ces arguments.
201 Les arguments formulés par la requérante dans le cadre du présent moyen peuvent être, en substance, subdivisés en deux branches, la première, tirée de l’erreur de droit et de la violation des principes de non-rétroactivité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime et, la seconde, tirée de la violation de l’obligation de motivation.
202 En outre, il convient de constater que les griefs, énoncés dans l’intitulé de ce moyen, tirés de la violation des articles 93 à 108 TFUE lus conjointement avec l’article 17 du règlement no 1191/69 et l’article 9 du règlement no 1370/2007 ainsi que du « caractère extrêmement anormal » ne sont pas suffisamment développés dans le corps du texte relatif à ce moyen. Ils doivent, partant, être déclarés irrecevables, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991.
Sur l’erreur de droit et la violation des principes de non-rétroactivité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime
203 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une règle nouvelle s’applique en principe immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne (voir arrêt du 6 juillet 2010, Monsanto Technology, C‑428/08, EU:C:2010:402, point 66 et jurisprudence citée). La Cour a également jugé que le principe de protection de la confiance légitime ne saurait être étendu au point d’empêcher, de façon générale, une règle nouvelle de s’appliquer aux effets futurs de situations nées sous l’empire de la règle ancienne (voir arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen, C‑303/13 P, EU:C:2015:647, point 49 et jurisprudence citée).
204 En revanche, les règles de l’Union de droit matériel doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leur finalité ou de leur économie qu’un tel effet doit leur être attribué (voir arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen, C‑303/13 P, EU:C:2015:647, point 50 et jurisprudence citée).
205 S’agissant de la question de savoir si une aide relevait d’une situation acquise antérieurement à la date d’entrée en vigueur du règlement no 1370/2007 ou d’une situation née sous l’empire du règlement no 1191/69 mais dont les effets se déployaient encore à cette date, la Cour a déjà jugé que les dispositions transitoires énoncées à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 1370/2007 avaient prévu que les contrats de service public en cours à la date du 3 décembre 2009 « [pourraient] se poursuivre jusqu’à leur expiration », dans la limite des durées maximales fixées par cette disposition et sous réserve que ces contrats aient été « attribués conformément au droit communautaire et au droit national ». Or, en vertu de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1191/69, les compensations versées à une entreprise de transport, en contrepartie des charges résultant d’OSP qui lui étaient imposées, étaient dispensées de l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE lorsqu’elles satisfaisaient aux conditions énoncées aux sections II à IV de ce règlement. De telles aides étaient, en effet, considérées par ledit règlement comme compatibles avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen, C‑303/13 P, EU:C:2015:647, points 51 et 52).
206 Au paragraphe 89 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, étant donné qu’il n’avait pas été démontré que la mesure en cause était dispensée de la procédure d’information préalable prévue à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1191/69 et qu’elle constituait une aide, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il convenait d’en examiner la compatibilité avec le marché intérieur.
207 Au paragraphe 92 de cette décision, la Commission a retenu qu’un tel examen devait être conduit au regard de la législation en vigueur à la date de l’adoption de la décision attaquée, c’est-à-dire au regard du règlement no 1370/2007, en relevant en outre que la compensation complémentaire litigieuse avait déjà été versée à la date d’entrée en vigueur de ce règlement.
208 La requérante conteste ce choix des règles matérielles applicables à l’examen de la compatibilité de la mesure, en considérant, en substance, qu’il viole les principes de non-rétroactivité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. En outre, elle fait valoir que, le règlement no 1370/2007 se fondant sur la notion de contrat de service public, alors qu’en l’espèce aucun contrat n’aurait été conclu par la Région, ce choix impliquerait une application illogique de ces règles, insurmontable même en recourant à la règle transitoire prévue à l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement.
209 La question faisant l’objet du présent moyen a déjà été examinée par la Cour dans l’arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen (C‑303/13 P, EU:C:2015:647). Les parties ont eu l’occasion de se prononcer sur les conséquences à tirer de cet arrêt, prononcé après la fin de la procédure écrite dans la présente affaire, en réponse à une question écrite posée par le Tribunal ainsi que lors de l’audience.
210 En premier lieu, il ressort de cet arrêt que, eu égard au principe jurisprudentiel selon lequel les règles de l’Union de droit matériel doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur, rappelé au point 204 ci-dessus, la question de savoir si une aide relève d’une situation acquise antérieurement à la date d’entrée en vigueur du règlement no 1370/2007 ou d’une situation née sous l’empire du règlement no 1191/69, mais dont les effets se déployaient encore à cette date, doit être tranchée sur la base du moment auquel une telle aide a été versée.
211 En effet, d’une part, des aides versées à une entreprise de transport public à une date où le règlement no 1191/69 était encore en vigueur et qui respectaient les conditions énoncées aux sections II à IV de ce règlement relevaient d’une situation définitivement acquise antérieurement à l’entrée en vigueur du règlement no 1370/2007. D’autre part, des aides, instituées avant l’entrée en vigueur de ce règlement, mais versées après une telle date, devaient être analysées quant à leur légalité et à leur compatibilité à l’aune de ce dernier règlement (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen, C‑303/13 P, EU:C:2015:647, points 54 et 55).
212 Il en découle que la compatibilité avec le marché intérieur de la compensation complémentaire octroyée à la requérante devait être appréciée à la lumière de la réglementation en vigueur au moment où celle-ci a été versée, que la Commission a identifié, au paragraphe 92 de la décision attaquée, comme étant le 21 décembre 2012.
213 Or, d’une part, la requérante allègue que la Commission aurait de manière contradictoire considéré que l’aide était exécutée à la date de la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) no 5650, du 7 novembre 2012, au paragraphe 2 de la décision attaquée, alors que, au paragraphe 92 de cette dernière, elle a pris en compte comme date de versement de l’aide le 21 décembre 2012.
214 À cet égard, il y a lieu d’observer que, même si la Commission avait fait référence, au paragraphe 92 de la décision attaquée, à la date de la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) no 5650, du 7 novembre 2012, le règlement no 1370/2007 aurait été en tout état de cause la réglementation applicable ratione temporis dans le cadre d’un tel examen en vertu de l’arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen (C‑303/13 P, EU:C:2015:647). Partant, cet argument est inopérant.
215 D’autre part, la requérante considère que la Commission aurait dû prendre en compte la date de la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) no 4683, du 27 juillet 2009, et non la date à laquelle, selon la Commission, l’aide devait être regardée comme ayant été exécutée, à savoir la date de la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) no 5650, du 7 novembre 2012.
216 Cet argument doit être rejeté dès lors que l’arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen (C‑303/13 P, EU:C:2015:647), a établi comme critère d’application dans le temps des règles à la lumière desquelles analyser la compatibilité de l’aide la date à laquelle ladite aide est exécutée ou versée et que la date de versement de l’aide (c’est-à-dire la date de l’inscription de la somme sur le passif des comptes annuels de la Région), ainsi que le confirme la requérante, était le 21 décembre 2012.
217 En deuxième lieu, il convient de souligner que l’arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen (C‑303/13 P, EU:C:2015:647), a déjà pris en considération les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime dans son évaluation, comme il ressort du point 50 de cet arrêt. Par conséquent, une telle interprétation des règles matérielles applicables dans le temps ne saurait être considérée comme étant contraire à ces principes.
218 En troisième lieu, il convient de relever que l’arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen (C‑334/07 P, EU:C:2008:709), invoqué par la requérante, n’est pas pertinent en l’espèce dès lors que les circonstances de la présente affaire sont différentes des circonstances dans lesquelles ledit arrêt a été rendu (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen, C‑303/13 P, EU:C:2015:647, point 57).
219 En tout état de cause, il convient de souligner, à l’exemple de la Commission, que, même s’il devait être conclu que la compatibilité de la mesure d’aide en cause devait être appréciée à l’aune du règlement no 1191/69, les conditions énoncées aux sections II à IV de ce règlement n’étaient pas remplies en l’espèce, comme il ressort de l’analyse effectuée aux points 106 à 120 ci-dessus.
220 Par ailleurs, compte tenu du fait que la Commission a fait application à bon droit des règles définies par le règlement no 1370/2007, les arguments de la requérante, relatifs à une interprétation illogique et irrationnelle du règlement no 1370/2007 à une situation dans laquelle un contrat de service public n’avait pas été conclu mais où les OSP trouvaient leur origine dans un régime de concession, ne sauraient non plus prospérer.
221 Il découle de tout ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur de droit ou de violation des principes de non-rétroactivité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime que la Commission a décidé, au paragraphe 92 de la décision attaquée, d’examiner la compatibilité avec le marché intérieur de la compensation litigieuse à la lumière du règlement no 1370/2007.
Sur la violation de l’obligation de motivation
222 S’agissant du grief tiré de la violation de l’obligation de motivation, la requérante fonde l’existence d’un tel défaut de motivation, premièrement, sur le fait que la Commission aurait analysé la compatibilité avec le marché intérieur de la mesure d’aide en cause uniquement à la lumière du règlement no 1370/2007 et, deuxièmement, sur le fait que l’application de ce dernier règlement serait illogique.
223 D’une part, en ce qui concerne le prétendu défaut de motivation découlant d’une analyse de la compatibilité à la lumière du seul règlement no 1370/2007, il convient de souligner que, bien que la Commission ait analysé la compatibilité de l’aide en question, dans le cadre du point 6.3 de la décision attaquée, sur la base du seul règlement no 1370/2007, elle n’a pas omis de vérifier si ladite aide respectait les conditions établies aux sections II à IV du règlement no 1191/69, contrairement à ce que la requérante prétend. En effet, une telle analyse a été effectuée au point 6.2, paragraphes 71 à 88, de la décision attaquée.
224 Dès lors, la décision attaquée doit être considérée comme étant suffisamment motivée, en ayant permis à la requérante de contester son bien-fondé et au juge de l’Union d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63).
225 D’autre part, en ce qui concerne la prétendue application illogique du règlement no 1370/2007, il convient de considérer que la requérante vise, en réalité, à contester le caractère logique du choix opéré par la Commission, voire le bien-fondé de son choix, dont découlerait le caractère illogique de la motivation à cet égard. Par conséquent, il suffit de renvoyer aux considérations formulées au point 220 ci-dessus et de rappeler que l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 181 et jurisprudence citée).
226 Il découle de ce qui précède que le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation doit également être rejeté.
227 Dès lors, le troisième moyen doit être rejeté dans son intégralité.
228 Aucun des moyens soulevés par la requérante n’étant fondé, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des chefs de conclusions de la requérante tendant à obtenir une déclaration de nullité de la décision attaquée, ni sur les chefs de conclusions propres de l’intervenante, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.
Sur la demande de mesures d’instruction
229 La requérante a demandé au Tribunal d’ordonner l’audition d’un témoin, en tant que mesure d’instruction au titre de l’article 91, sous d), du règlement de procédure, dont la nécessité découlerait de l’exigence qui incombe au Tribunal de reconstituer un cadre factuel le plus complet possible afin de trancher le litige de façon éclairée.
230 La Commission considère que la demande de mesure d’instruction introduite par la requérante n’est pas justifiée.
231 À cet égard, il y a lieu de souligner que cette demande doit être considérée comme irrecevable en vertu de l’article 88, paragraphe 2, du règlement de procédure, la requérante n’ayant pas exposé les raisons pour lesquelles elle n’a pu présenter cette demande qu’au stade de la réplique, et, en tout état de cause, comme non fondée, dès lors que la mesure sollicitée n’est pas de nature à établir les circonstances de fait que la requérante vise à clarifier. En effet, d’une part, la soumission effective des entreprises exerçant le transport public local dans la Région à des OSP, portant notamment sur les tarifs, se prête à être démontrée par l’indication de la disposition législative imposant, notamment, l’obligation tarifaire à laquelle ces entreprises étaient soumises ainsi que des éventuels autres actes administratifs d’exécution d’une telle disposition, et non par une preuve par témoins. D’autre part, le fait que les concessions de services de transports étaient prorogées unilatéralement par la Région, sans qu’aucune demande de prorogation ait été introduite par les concessionnaires, se prête plus à une preuve documentaire qu’à une preuve par témoins.
232 Compte tenu de ce qui précède, la demande de mesure d’instruction est rejetée.
Sur les dépens
233 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
234 En outre, en vertu de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’un intervenant autre que ceux mentionnés aux paragraphes 1 et 2 dudit article supportera ses propres dépens. En l’espèce, l’intervenante, qui est intervenue au soutien de la requérante, supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Buonotourist Srl est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission européenne.
3) Associazione Nazionale Autotrasporto Viaggiatori (ANAV) supportera ses propres dépens.
Prek | Buttigieg | Berke |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2018.
Signatures
Table des matières
Antécédents du litige
Cadre législatif et réglementaire national régissant les activités de la requérante
Recours introduits par la requérante devant les juridictions nationales
Procédure administrative
Décision attaquée
Procédure et conclusions des parties
En droit
Sur les quatrième et huitième moyens
Observations liminaires
Sur la première branche relative à l’erreur prétendument commise par la Commission en considérant que la mesure d’aide en cause constituait une aide nouvelle non exemptée de l’obligation de notification
Sur la deuxième branche relative à l’erreur prétendument commise par la Commission en considérant que deux des conditions Altmark n’étaient pas réunies
Sur le septième moyen
Sur le deuxième moyen
Sur les premier , cinquième et sixième moyens
Sur le troisième moyen
Sur l’erreur de droit et la violation des principes de non-rétroactivité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime
Sur la violation de l’obligation de motivation
Sur la demande de mesures d’instruction
Sur les dépens
* Langue de procédure : l’italien.
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