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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Italy v Commission (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-695/17 (16 June 2021) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T69517.html Cite as: ECLI:EU:T:2021:374, [2021] EUECJ T-695/17, EU:T:2021:374 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)
16 juin 2021 (*)
« Régime linguistique – Avis de concours généraux pour le recrutement de traducteurs de langues allemande, française, italienne et néerlandaise – Limitation du choix des langues 2 et 3 des concours à l’allemand, à l’anglais et au français – Règlement no 1 – Article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, article 27 et article 28, sous f), du statut – Discrimination fondée sur la langue – Intérêt du service – Proportionnalité – Obligation de motivation »
Dans les affaires T‑695/17 et T‑704/17,
République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,
partie requérante dans l’affaire T‑695/17,
Royaume d’Espagne, représenté par M. L. Aguilera Ruiz, en qualité d’agent,
partie requérante dans l’affaire T‑704/17,
contre
Commission européenne, représentée par M. G. Gattinara, Mme D. Milanowska, MM. N. Ruiz García et L. Vernier, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de l’avis des concours généraux organisés en vue de la constitution de listes de réserve pour le recrutement de traducteurs (AD 5) de langue allemande (EPSO/AD/343/17), de langue française (EPSO/AD/344/17), de langue italienne (EPSO/AD/345/17) et de langue néerlandaise (EPSO/AD/346/17) (JO 2017, C 224 A, p. 1),
LE TRIBUNAL (neuvième chambre),
composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. D. Gratsias (rapporteur) et Mme M. Kancheva, juges,
greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 19 novembre 2020,
rend le présent
Arrêt
I. Antécédents du litige
1 Le 13 juillet 2017, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO), créé par de la décision 2002/620/CE du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, de la Cour de justice, de la Cour des comptes, du Comité économique et social, du Comité des régions et du médiateur, du 25 juillet 2002 (JO 2002, L 197, p. 53), a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis des concours généraux organisés en vue de la constitution de listes de réserve pour le recrutement de traducteurs (AD 5) de langue allemande (EPSO/AD/343/17), de langue française (EPSO/AD/344/17), de langue italienne (EPSO/AD/345/17) et de langue néerlandaise (EPSO/AD/346/17) (JO 2017, C 224 A, p. 1, ci-après l’« avis attaqué »). Il est précisé dans cet avis que, à partir des listes de réserve en question, les institutions de l’Union européenne, « principalement le Parlement européen et le Conseil [de l’Union européenne] », pourront recruter de nouveaux membres de la fonction publique de l’Union et que les postes susceptibles d’être proposés aux lauréats seront situés à Bruxelles (Belgique) ou à Luxembourg (Luxembourg).
2 Selon l’avis attaqué, les fonctions à exercer par les lauréats des concours en question incluent « la traduction à partir d’au moins deux langues sources vers [leur] langue principale, la révision de traductions réalisées à partir de ces langues, des recherches terminologiques ainsi qu’une contribution active aux activités de formation et au développement d’outils informatiques », étant également précisé que « les sujets traités, souvent complexes, sont généralement de nature politique, juridique, économique, financière, scientifique et technique et couvrent tous les secteurs d’activité de l’Union » et que « [c]es tâches requièrent un usage intensif des outils informatiques et bureautiques ».
3 Dans l’introduction de l’avis attaqué, il est indiqué que cet avis et ses deux annexes, dont la première s’intitule « Dispositions générales applicables aux concours généraux » (ci-après les « dispositions générales »), constituent le cadre juridique contraignant applicable aux procédures de sélection concernées.
4 Il est également énoncé, dans l’introduction de l’avis attaqué, que chacun des concours concernés par l’avis attaqué comporte deux options et qu’une inscription n’est possible qu’à un seul concours et à une seule option.
5 Le nombre de lauréats de chaque concours concerné par l’avis attaqué est reparti entre les deux options de la manière suivante :
« […]
Option 1 | Option 2 | |
EPSO/AD/343/17 — DE | 9 | 5 |
EPSO/AD/344/17 — FR | 6 | 7 |
EPSO/AD/345/17 — IT | 10 | 4 |
EPSO/AD/346/17 – NL | 8 | 7 |
[…] »
6 Les exigences linguistiques de chacune des deux options ouvertes aux intéressés sont exposées à la section de l’avis attaqué intitulée « Puis-je poser ma candidature ? », dont le point 2 définit les « [c]onditions particulières ». Il y est, en effet, indiqué que les intéressés doivent maîtriser au moins trois langues officielles de l’Union définies, aux fins de cet avis, de la manière suivante :
« […]
– langue 1 : langue utilisée pour certains tests de type “questionnaires à choix multiple” sur ordinateur et pour les tests de traduction ;
– langue 2 : langue utilisée pour l’acte de candidature, un test de compréhension linguistique, un test de traduction et la communication entre EPSO et les candidats ayant présenté une candidature valable ; elle doit obligatoirement être différente de la langue 1 ;
– langue 3 : langue utilisée pour un test de compréhension linguistique et un test de traduction ; elle doit obligatoirement être différente des langues 1 et 2.
[…] »
7 Selon ce même point, dans le cadre de l’option 1, sont désignées, comme « langue 1 », la « langue du concours » (ci-après la « langue 1 »), comme « langue 2 », une langue obligatoirement différente de la langue 1, à choisir par le candidat parmi l’allemand, l’anglais ou le français (ci-après la « langue 2 »), et, comme « langue 3 », une langue obligatoirement différente des langues 1 et 2, à choisir par le candidat également parmi l’allemand, l’anglais ou le français (ci-après la « langue 3 »).
8 Dans le cadre de l’option 2, sont désignées, comme langue 1, la « langue du concours », comme langue 2, une langue obligatoirement différente de la langue 1, à choisir par le candidat parmi l’allemand, l’anglais ou le français et, comme langue 3, une langue à choisir parmi les 24 langues officielles de l’Union, mais qui « doit obligatoirement être différente des langues 1 et 2 et ne peut pas être l’allemand, l’anglais ou le français ».
9 S’agissant du niveau de connaissance requis, l’avis attaqué exige, au même point 2 de sa section intitulée « Puis-je poser ma candidature ? », une maîtrise parfaite de la langue 1, correspondant au niveau C2 du cadre commun européen de référence pour les langues (ci-après le « CECR »), et une connaissance approfondie des langues 2 et 3, correspondant au niveau C1 du CECR. Il y est également précisé que les niveaux minimaux requis s’appliquent à chaque aptitude linguistique (parler, écrire, lire, écouter) demandée dans l’acte de candidature.
10 Le point 2 de la section de l’avis attaqué intitulée « Puis-je poser ma candidature ? » est, enfin, complété par les indications suivantes :
« La langue 2 doit être l’allemand, l’anglais ou le français.
Compte tenu du volume important de traductions à effectuer et de documents reçus en allemand, en anglais et en français, les candidats doivent proposer au moins l’une de ces langues en plus de leurs langues principales. Pour ces mêmes raisons, les candidats au concours de langue allemande ou française doivent être en mesure de travailler à partir d’une autre de ces trois langues sources au moins. »
11 En ce qui concerne la procédure et les modalités de sélection, tout d’abord, il est indiqué, au point 1 de la section de l’avis attaqué intitulée « Comment serai-je sélectionné ? », que les candidats doivent remplir leur acte de candidature dans la langue qu’ils auraient choisie comme langue 2 et que, dans ce cadre, ils sont également tenus de sélectionner leurs langues 1, 2 et 3. Selon le point 4.4 des dispositions générales, aussi bien la présentation de l’acte de candidature dans une langue autre que celle requise par l’avis de concours que l’absence de déclaration, dans cet acte, de la langue 2 ou du niveau minimal requis pour cette langue risquent d’entraîner une disqualification « à n’importe quelle étape d’une procédure de sélection ».
12 Ensuite, au point 2 de la section de l’avis attaqué intitulée « Comment serai-je sélectionné ? », l’avis attaqué prévoit six tests de type « questionnaires à choix multiple » (QCM) sur ordinateur, dont quatre, à savoir les tests de raisonnement verbal, numérique et abstrait ainsi que le test de maîtrise de la « langue principale », se dérouleront dans la langue 1, tandis que les deux autres, ayant pour objet la compréhension linguistique, le seront respectivement dans la langue 2 et dans la langue 3.
13 En outre, le point 4 de la section de l’avis attaqué intitulée « Comment serai-je sélectionné ? » énonce que, après vérification du respect des conditions d’admission et en fonction des résultats obtenus aux tests de type QCM sur ordinateur, les candidats seront invités à passer deux tests de traduction avec dictionnaire, dont le premier s’effectuera de la langue 2 vers la langue 1 et le second de la langue 3 vers la langue 1.
14 Selon le point 5 de la section de l’avis attaqué intitulée « Comment serai-je sélectionné ? », en fonction des notes globales obtenues aux deux derniers tests mentionnés au point 13 ci-dessus, les candidats participeront à l’ultime étape des procédures de sélection concernées, à savoir aux épreuves du « centre d’évaluation ». Celles-ci consistent à vérifier différentes « compétences générales » des candidats et seront organisées dans la langue 2.
15 Enfin, en ce qui concerne les réclamations relatives aux tests de type QCM, les demandes de réexamen et les réclamations administratives, les dispositions générales indiquent, respectivement, à leurs points 4.2.1, 4.2.2 et 4.3.1, que les candidats intéressés doivent utiliser la langue qu’ils auraient choisie comme langue 2 du concours concerné.
II. Procédure et conclusions des parties
16 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 octobre 2017, la République italienne a introduit son recours dans l’affaire T‑695/17.
17 Par requête déposée au greffe du Tribunal le même jour, le Royaume d’Espagne a introduit son recours dans l’affaire T‑704/17.
18 À l’introduction de ces recours était pendant, devant la Cour, un pourvoi introduit par la Commission européenne le 25 novembre 2016, enregistré sous le numéro d’affaire C‑621/16 P, à l’encontre de l’arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission (T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495). Par ce dernier arrêt, le Tribunal avait annulé les avis des concours généraux EPSO/AD/276/14, organisé pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (AD 5) (JO 2014, C 74 A, p. 1), et EPSO/AD/294/14, organisé pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (AD 6) dans le domaine de la protection des données (JO 2014, C 391 A, p. 1), au motif que la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français, d’une part, du choix de la deuxième langue de ces concours et, d’autre part, des langues de communication entre l’EPSO et les candidats était constitutive d’une discrimination injustifiée en raison de la langue.
19 Le 23 octobre et le 9 novembre 2017, la Commission a demandé, sur le fondement de l’article 69, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la suspension de la procédure, respectivement, dans l’affaire T‑695/17 et dans l’affaire T‑704/17, au regard de l’influence que pourrait avoir, sur les questions posées dans ces affaires, la décision qui allait être rendue par la Cour dans l’affaire C‑621/16 P.
20 Le 24 novembre 2017, la République italienne a fait savoir au Tribunal qu’elle s’opposait à la demande de suspension de la procédure présentée par la Commission dans l’affaire T‑695/17. Le 27 novembre 2017, le Royaume d’Espagne a déclaré ne pas s’opposer à la demande de suspension présentée par la Commission dans l’affaire T‑704/17.
21 Par décisions du président de la cinquième chambre, respectivement du 29 et du 30 novembre 2017, la procédure dans l’affaire T-704/17 et dans l’affaire T-695/17 a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour dans l’affaire C‑621/16 P.
22 Le 26 mars 2019, la Cour a rendu les arrêts Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249) et Commission/Italie (C‑621/16 P, EU:C:2019:251). Par le premier de ces arrêts, la Cour a annulé l’appel à manifestation d’intérêt – Agents contractuels – groupe de fonctions I – chauffeurs (H/F) –EP/CAST/S/16/2016 (JO 2016, C 131 A, p. 1), ainsi que la base de données établie en vertu dudit appel, dans la mesure où le Parlement européen n’avait pas établi que la limitation du choix de la langue 2 de la procédure de sélection en cause aux seules langues allemande, anglaise et française était objectivement et raisonnablement justifiée au regard de l’objectif légitime d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel (arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 79). Par le second arrêt, la Cour a rejeté le pourvoi introduit par la Commission à l’encontre de l’arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission (T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495). À la suite du prononcé de ce dernier arrêt, la procédure a repris dans les présentes affaires.
23 Le 4 avril 2019, le Tribunal a invité les parties dans les présentes affaires, d’une part, à lui soumettre, dans leurs prochaines écritures, leurs observations quant aux conséquences à tirer, pour ces affaires, du prononcé des arrêts du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), et du 26 mars 2019, Commission/Italie (C‑621/16 P, EU:C:2019:251), et, d’autre part, à lui présenter leurs observations sur une éventuelle jonction des présentes affaires aux fins de la phase orale de la procédure ou de la décision mettant fin à l’instance, en application de l’article 68 du règlement de procédure. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.
24 Le 9 juillet 2019, la Commission a déposé les mémoires en défense dans les présentes affaires.
25 Le 17 septembre 2019, la République italienne a déposé la réplique dans l’affaire T‑695/17.
26 Le 23 septembre 2019, le Royaume d’Espagne a déposé la réplique dans l’affaire T‑704/17.
27 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la neuvième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
28 Le 5 novembre 2019, la Commission a déposé la duplique dans l’affaire T‑704/17.
29 Le 6 novembre 2019, la Commission a déposé la duplique dans l’affaire T‑695/17.
30 Le 10 décembre 2019, le Royaume d’Espagne a demandé la tenue d’une audience dans l’affaire T‑704/17.
31 Le 19 décembre 2019, la République italienne a demandé la tenue d’une audience dans l’affaire T‑695/17.
32 Le 2 septembre 2020, la présidente de la neuvième chambre du Tribunal a décidé de joindre les affaires T-695/17 et T-704/17 aux fins de la phase orale de la procédure.
33 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 19 novembre 2020.
34 Dans l’affaire T‑695/17, la République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler l’avis attaqué ;
– condamner la Commission aux dépens.
35 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme dénué de fondement ;
– condamner la République italienne aux dépens.
36 Dans l’affaire T‑704/17, le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler l’avis attaqué ;
– condamner la Commission aux dépens.
37 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours dans son intégralité ;
– condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.
III. En droit
38 À titre liminaire, les parties ayant été entendues sur ce point, le Tribunal décide de joindre les affaires T-695/17 et T-704/17 aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure.
39 À l’appui de son recours dans l’affaire T‑695/17, la République italienne invoque sept moyens, tirés, le premier, d’une violation des articles 263, 264 et 266 TFUE ; le deuxième, d’une violation de l’article 342 TFUE et des articles 1er et 6 du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié (ci-après le « règlement no 1 ») ; le troisième, d’une violation de l’article 6, paragraphe 3, TUE, de l’article 18 TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27, deuxième alinéa, et de l’article 28, sous f), du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») ainsi que de l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de l’annexe III du statut ; le quatrième, d’une violation de l’article 6, paragraphe 3, TUE et du principe de protection de la confiance légitime ; le cinquième, d’un détournement de pouvoir, ainsi que d’une violation des « normes substantielles inhérentes à la nature et à la finalité des avis de concours », en particulier de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27, deuxième alinéa, de l’article 28, sous f), de l’article 34, paragraphe 3, et de l’article 45, paragraphe 1, du statut ainsi que du principe de proportionnalité ; le sixième, d’une violation de l’article 18 et de l’article 24, quatrième alinéa, TFUE, de l’article 22 de la Charte, de l’article 2 du règlement no 1 ainsi que de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, du statut et, le septième, d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, et de l’article 28, sous f), du statut, de l’article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous f), de l’annexe III du statut, du principe de proportionnalité ainsi que d’une « dénaturation des faits ».
40 Dans l’affaire T‑704/17, le Royaume d’Espagne invoque, à l’appui de son recours, trois moyens, tirés, le premier, d’une violation des articles 1er et 2 du règlement no 1, de l’article 22 de la Charte et de l’article 1er quinquies du statut, du fait de la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français du régime de communication entre l’EPSO et les candidats, y compris en ce qui concerne l’acte de candidature, les demandes de réexamen et les réclamations ; le deuxième, d’une violation des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 22 de la Charte, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27 et de l’article 28, sous f), du statut ainsi que de l’article 1er de l’annexe III de ce dernier, en raison de la limitation aux trois langues susmentionnées du choix de la langue 2 et, dans le cadre de l’option 1, de la langue 3 des concours concernés par l’avis attaqué, « les autres langues officielles de l’Union […] étant exclues », et, le troisième, de l’existence d’une discrimination fondée sur la langue prohibée par l’article 1er du règlement no 1, par l’article 22 de la Charte ainsi que par l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, du statut.
41 Il convient de constater, d’emblée, que, par les moyens mentionnés aux points 39 et 40 ci-dessus, aussi bien la République italienne que le Royaume d’Espagne contestent, en substance, la légalité de deux volets du régime linguistique des concours concernés par l’avis attaqué. Ainsi, d’une part, ils contestent les dispositions de l’avis attaqué qui limitent à l’allemand, à l’anglais et au français le choix de la langue 2 de ces concours et, selon les écritures du Royaume d’Espagne et les clarifications fournies par la République italienne dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience, les dispositions qui, dans le cadre de l’option 1 prévue par cet avis, limitent à ces mêmes langues le choix de la langue 3 de ceux-ci (ci-après la « limitation litigieuse »). D’autre part, la République italienne et le Royaume d’Espagne contestent les dispositions dudit avis imposant aux candidats une obligation d’utiliser la langue 2 des concours dans leurs échanges avec l’EPSO, y compris pour la présentation de l’acte de candidature ainsi que d’éventuelles demandes de réexamen ou réclamations (ci-après l’« obligation litigieuse »).
42 Dès lors, il y a lieu d’examiner successivement, à la lumière des moyens invoqués et des arguments présentés par les parties, la légalité de ces deux volets de l’avis attaqué.
A. Sur la légalité de la limitation litigieuse
43 La légalité de la limitation litigieuse, dans le cadre des deux options prévues par l’avis attaqué, fait, en substance, l’objet de l’ensemble des moyens soulevés par la République italienne dans l’affaire T‑695/17, en dehors du sixième moyen, qui porte, lui, sur le second volet de l’avis attaqué, identifié au point 41 ci-dessus. Ce premier volet de l’avis attaqué fait, par ailleurs, l’objet des deuxième et troisième moyens soulevés par le Royaume d’Espagne dans l’affaire T‑704/17.
44 Dans l’affaire T‑695/17, la République italienne fait valoir, notamment, qu’une limitation telle que celle en cause en l’espèce est constitutive d’une discrimination en raison de la langue et que la motivation exposée à cet égard dans l’avis attaqué n’est pas de nature à établir l’existence des besoins réels la justifiant concrètement. En outre, la République italienne allègue un défaut et une insuffisance de motivation de l’avis attaqué, tout en arguant que seules des raisons liées aux exigences spécifiques du service pourraient justifier une discrimination fondée sur la langue.
45 Dans l’affaire T‑704/17 et par son deuxième moyen, le Royaume d’Espagne, tout en alléguant une violation de l’obligation de motivation, soutient, en substance, à titre principal, que la limitation litigieuse ne poursuit aucun objectif légitime d’intérêt général et, à titre subsidiaire, que, à supposer même qu’un tel objectif soit démontré, elle n’est pas proportionnée à ce dernier, ni ne respecte l’équilibre entre les différents intérêts en jeu. Dans le cadre de son troisième moyen, le Royaume d’Espagne fait valoir, en substance, que la limitation litigieuse procède d’un choix arbitraire et dépourvu de fondement qui contraste, notamment, avec le contexte multilingue qui est celui du fonctionnement des institutions concernées par l’avis attaqué, à savoir le Parlement et le Conseil de l’Union européenne.
1. Sur la motivation de l’avis attaqué
46 Il convient de rappeler, d’emblée, que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver les décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels il repose. Si ces motifs comportent des erreurs, celles-ci affectent la légalité au fond de l’acte en cause, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 79 (non publié) et jurisprudence citée].
47 De même, il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Cette exigence doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences prévues par l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 24 juin 2015, GHC/Commission, T‑847/14, EU:T:2015:428, points 30 et 31 et jurisprudence citée).
48 En l’espèce, ainsi qu’il ressort du passage de l’avis attaqué reproduit au point 10 ci-dessus, le régime linguistique des concours en cause est motivé par l’existence d’un « volume important de traductions à effectuer et de documents reçus en allemand, en anglais et en français ».
49 D’une part, il importe de relever que, certes, le fait que cette motivation figure, dans l’avis attaqué, immédiatement après la phrase « [l]a langue 2 doit être l’allemand, l’anglais ou le français » et que le libellé de celle-ci indique que « les candidats doivent proposer au moins l’une de ces langues en plus de leur langue principale » pourrait donner à penser que ladite motivation ne se rapporte qu’au choix de la seule langue 2 des concours en cause. Toutefois, dans la mesure où l’allemand, l’anglais et le français sont les trois langues parmi lesquelles doit s’effectuer aussi bien le choix de la langue 2 des concours en cause que celui de la langue 3 de ces concours dans le cadre de l’option 1, il y a lieu de constater que la motivation en question sert aussi à justifier cette dernière limitation, ce qui est, par ailleurs, confirmé par l’argumentation de la Commission, exposée au point 75 du mémoire en défense dans l’affaire T‑695/17. Il convient, dès lors, de rejeter l’argumentation du Royaume d’Espagne selon lequel la limitation litigieuse ne serait pas motivée en ce qui concerne plus particulièrement le choix de la langue 3 des concours dans le cadre de l’option 1.
50 D’autre part, en dépit de son caractère succinct et quand bien même elle pourrait être considérée comme n’exposant pas l’ensemble des éléments de fait et de droit pertinents en l’espèce, ladite motivation n’en fait pas moins apparaître le raisonnement de l’institution dont relève le service qui en est l’auteur, à savoir l’EPSO.
51 S’agissant de la question de savoir si ce raisonnement est exposé de façon claire et non équivoque au sens de la jurisprudence rappelée au point 47 ci-dessus, il convient de relever que, certes, la formulation retenue dans l’avis attaqué pourrait paraître quelque peu ambiguë. Plus spécifiquement, l’expression « traductions à effectuer […] en allemand, en anglais et en français », prise à la lettre et de manière isolée, pourrait porter à croire que ces trois langues constituent, outre des langues sources, également des langues cibles vers lesquelles devraient être établies les traductions des documents reçus par les services concernés.
52 Cependant, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 47 ci-dessus que la motivation d’un acte doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte. De même, en cas d’ambigüité du texte d’une disposition, cette dernière doit être interprétée à la lumière des finalités de l’acte dont elle fait partie (voir arrêt du 6 septembre 2018, République tchèque/Commission, C‑4/17 P, EU:C:2018:678, point 45 et jurisprudence citée). En l’espèce, il résulte du texte de l’avis attaqué que, au titre des compétences linguistiques exigées (voir points 6 à 9 ci-dessus), les candidats doivent justifier, outre d’une maîtrise parfaite de la langue du concours concerné, d’une connaissance approfondie d’au moins deux autres langues, à partir desquelles seront, notamment, effectués les tests de traduction (voir point 13 ci-dessus).
53 Or, premièrement, les procédures de sélection en cause ne visaient pas le recrutement de traducteurs de langue anglaise, cette dernière n’étant pas désignée en tant que « langue 1 ». Deuxièmement, en ce qui concerne spécifiquement les concours pour le recrutement de traducteurs de langues allemande et française, l’avis attaqué indique expressément, à la suite du motif rappelé au point 48 ci-dessus, que, pour les mêmes raisons, à savoir « [c]ompte tenu du volume important de traductions à effectuer et de documents reçus en allemand, en anglais et en français », « les candidats au concours de langue allemande ou française doivent être en mesure de travailler à partir d’une autre de ces trois langues sources au moins ».
54 Dans l’affaire T‑704/17, le Royaume d’Espagne formule une argumentation spécifique concernant la motivation de l’avis attaqué. Il formule, à cet égard, en substance, deux griefs.
55 D’une part, la motivation en cause ne permettrait pas de comprendre à quoi elle se réfère, étant donné que, s’il s’agit des documents des États membres reçus par les institutions, ces documents sont reçus dans toutes les langues officielles de l’Union, et pas seulement en allemand, français ou anglais.
56 Or, en tout état de cause, il ne ressort aucunement de l’avis attaqué, ni, d’ailleurs, des éléments versés au dossier, que les documents devant être traduits par les services de traduction concernés proviennent exclusivement des États membres. En effet, la motivation figurant dans cet avis ne distingue pas selon l’origine, interne ou externe, des documents en question. L’avis attaqué se borne, en effet, à faire référence aux trois langues dans lesquelles serait rédigé un volume important de ces documents, indépendamment de leur source ou de leur provenance. Partant, la critique formulée sur ce point par le Royaume d’Espagne doit être écartée.
57 D’autre part, il serait difficile, selon le Royaume d’Espagne, de comprendre ce que l’avis de concours, dans sa version espagnole, entend par « traducciones recibidas » (traductions reçues), « car ce s[eraie]nt en principe des documents que l’institution re[cevra]it de l’extérieur, et non des traductions ».
58 Il convient de relever, à cet égard, que la version espagnole de l’avis attaqué comporte l’expression « importante volumen de traducciones y documentos recibidos en alemán, francés e inglés » (important volume de traductions et documents reçus en allemand, en anglais et en français). Or, d’un point de vue strictement grammatical, le participe « recibidos » peut être regardé comme se référant soit au seul substantif « documentos », soit, indistinctement, au substantif « documentos » et au substantif « traducciones ».
59 Cependant, il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 48 et 52 ci-dessus que la motivation d’un acte doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte et être interprétée à la lumière de ses finalités.
60 En l’espèce, il est constant que les procédures de sélection en cause ont pour objet le recrutement de traducteurs de langue allemande, de langue française, de langue italienne et de langue néerlandaise. Ainsi qu’il résulte de l’avis attaqué, « le rôle principal d’un administrateur linguistique (traducteur) est […] [d’effectuer] des traductions de haute qualité dans les délais imposés », et ce « à partir d’au moins deux langues sources vers sa langue principale ». Dans ce cadre, cet avis prévoit, notamment, l’organisation de deux tests de traduction à partir de la langue 2 et de la langue 3 des concours en cause vers la langue principale (langue 1) des candidats (voir point 13 ci-dessus). Force est de constater, eu égard à ces éléments, que les lauréats des concours en cause en l’espèce ne recevront pas des « traductions », puisque ce sont précisément les services au sein desquels ces personnes seront recrutées qui ont pour tâche de réaliser ces dernières.
61 Cette conclusion est, du reste, corroborée par certaines autres versions linguistiques de l’avis attaqué, dont il convient, selon une jurisprudence constante, de tenir compte (voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 1967, van der Vecht, 19/67, EU:C:1967:49, p. 456, et du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a., C‑72/95, EU:C:1996:404, point 28 et jurisprudence citée). En particulier, la version française de cet avis, en utilisant l’expression « volume important de traductions à effectuer et de documents reçus en allemand, en anglais et en français », montre clairement que ce sont uniquement les documents à traduire et non les traductions elles-mêmes qui sont reçues par les services concernés. La même conclusion peut être tirée d’autres versions linguistiques dudit avis qui n’utilisent aucun participe, telles que la version néerlandaise (grote aantal vertalingen en documenten in het Duits, Engels en Frans) ou la version grecque (Λόγω του μεγάλου όγκου μεταφράσεων και εγγράφων από την αγγλική, γαλλική και γερμανική γλώσσα, Lógo tou megálou ónkou metafráseon kai engráfon apó tin anglikí, gallikí kai germanikí glóssa).
62 Par conséquent, il y a lieu de constater que le participe « recibidos » utilisé dans la version espagnole de l’avis attaqué ne vise pas les « traductions » auxquelles se réfère ce même passage de l’avis attaqué et que, partant, la critique formulée sur ce point par le Royaume d’Espagne doit être écartée.
63 Partant, il ne saurait être reproché à l’EPSO, auteur de l’avis attaqué, une violation de l’obligation de motivation. La question du bien-fondé du motif concernant la limitation litigieuse est distincte et sera examinée ci-après.
2. Sur le bien-fondé du motif exposé dans l’avis attaqué concernant la limitation litigieuse
a) Observations liminaires
64 Tant la République italienne dans l’affaire T‑695/17 que le Royaume d’Espagne dans l’affaire T‑704/17 soulèvent des arguments visant à démontrer que la limitation litigieuse constitue une discrimination fondée sur la langue.
65 La Commission réfute cette argumentation, en faisant valoir, notamment, que, au vu du caractère particulier de l’avis attaqué, qui vise au recrutement de traducteurs, et faute pour la République italienne et le Royaume d’Espagne d’avoir contesté la limitation du choix de la langue principale des concours en cause, il serait beaucoup plus difficile que dans le cas d’autres avis de concours d’alléguer une discrimination en raison de la langue sur le seul fondement de la limitation litigieuse.
66 Il convient de rappeler que l’article 1er du règlement no 1 prévoit ce qui suit :
« Les langues officielles et les langues de travail des institutions de l’Union sont l’allemand, l’anglais, le bulgare, le croate, le danois, l’espagnol, l’estonien, le finnois, le français, le grec, le hongrois, l’irlandais, l’italien, le letton, le lituanien, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le suédois et le tchèque. »
67 Il y a lieu de relever, également, que, ainsi qu’il est rappelé au point 67 de l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752), si l’article 1er du règlement no 1 énonce explicitement quelles sont les langues de travail des institutions de l’Union, son article 6 prévoit que celles-ci peuvent déterminer les modalités d’application du régime linguistique établi par ce règlement dans leurs règlements intérieurs respectifs. Au même point de cet arrêt, la Cour a, d’ailleurs, constaté que les institutions concernées par les avis de concours en cause dans cette affaire n’avaient pas déterminé, sur le fondement de l’article 6 dudit règlement, les modalités d’application de ce régime linguistique dans leurs règlements intérieurs.
68 Par ailleurs, l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut dispose que, dans l’application de ce dernier, est interdite toute discrimination, telle qu’une discrimination fondée, notamment, sur la langue. Conformément à l’article 1er quinquies, paragraphe 6, première phrase, du statut, « [d]ans le respect du principe de non-discrimination et du principe de proportionnalité, toute limitation de ces principes doit être objectivement et raisonnablement justifiée et doit répondre à des objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel ».
69 De plus, l’article 28, sous f), du statut prévoit que nul ne peut être nommé fonctionnaire s’il ne justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues de l’Union et une connaissance satisfaisante d’une autre langue de l’Union. Si cette disposition précise que la connaissance satisfaisante d’une autre langue est exigée « dans la mesure nécessaire aux fonctions » que le candidat est appelé à exercer, elle n’indique pas les critères qui peuvent être pris en considération pour limiter le choix de cette langue parmi les langues officielles mentionnées à l’article 1er du règlement no 1 [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 85 (non publié) et jurisprudence citée].
70 De tels critères ne résultent pas non plus de l’article 27 du statut, dont le premier alinéa dispose, sans faire référence à des connaissances linguistiques, que « [l]e recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique la plus large possible parmi les ressortissants des États membres de l’Union » et qu’« aucun emploi ne peut être réservé aux ressortissants d’un État membre déterminé ». Il en va de même du deuxième alinéa de cet article, qui se borne à énoncer que « [l]e principe de l’égalité des citoyens de l’Union permet à chaque institution d’adopter des mesures appropriées si elle constate un déséquilibre important entre nationalités parmi les fonctionnaires, qui ne se justifie pas par des critères objectifs », en précisant, notamment, que « [c]es mesures appropriées doivent être justifiées et ne peuvent jamais se traduire par des critères de recrutement autres que ceux fondés sur le mérite ».
71 Enfin, selon l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut, l’avis de concours peut spécifier éventuellement les connaissances linguistiques requises par la nature particulière des postes à pourvoir. C’est notamment à des concours tels que ceux visant au recrutement de traducteurs que se réfère cette disposition (arrêt du 17 décembre 2015, Italie/Commission, T‑510/13, non publié, EU:T:2015:1001, point 103). Toutefois, il ne découle pas de cette disposition une autorisation générale pour limiter le choix de la langue 2 et, le cas échéant, de la langue 3 d’un concours à un nombre restreint de langues officielles parmi celles mentionnées à l’article 1er du règlement no 1 [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 86 (non publié) et jurisprudence citée].
72 Il ressort de l’ensemble de ces considérations que la limitation du choix de la langue 2 et, le cas échéant, de la langue 3 des candidats à un concours à un nombre restreint de langues, à l’exclusion des autres langues officielles, constitue une discrimination fondée sur la langue, en principe interdite en vertu de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 66). Il est, en effet, évident que, par une telle stipulation, certains candidats potentiels, à savoir ceux qui possèdent une connaissance, en l’occurrence approfondie, d’au moins une des langues désignées, sont favorisés, en ce qu’ils peuvent participer à ce concours et être, ainsi, recrutés en tant que fonctionnaires ou agents de l’Union, alors que d’autres, qui ne possèdent pas une telle connaissance, en sont exclus [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 91 (non publié) et jurisprudence citée].
73 La conclusion qui précède ne saurait être infirmée par l’argument de la Commission selon lequel, en l’absence de contestation de la définition de la première langue des concours en cause, la critique formulée par la République italienne et par le Royaume d’Espagne à l’encontre de la limitation litigieuse serait dénuée de sens. En effet, force est de constater que le besoin des institutions de recruter des traducteurs de langues allemande, française, italienne et néerlandaise, qui n’est, d’ailleurs, aucunement contesté par la République italienne ni par le Royaume d’Espagne, doit être considéré comme étant indépendant du choix de la langue 2 et de la langue 3 des concours en cause, ce besoin n’ayant aucun rapport avec les circonstances évoquées dans le motif de l’avis attaqué cité au point 48 ci-dessus. Plus spécifiquement, la motivation de l’avis attaqué est fondée sur le prétendu « volume important de traductions à effectuer et de documents reçus en allemand, en anglais et en français », motif qui se réfère uniquement aux langues « sources », à savoir aux langues à partir desquelles les traductions en cause doivent être effectuées et non pas aux langues « cibles », à savoir aux langues vers lesquelles les documents en cause doivent être traduits.
74 Est également voué au rejet l’argument que la Commission tire, dans ses écritures déposées dans le cadre de l’affaire T‑695/17, de la possibilité pour les candidats d’utiliser leur langue maternelle pour les tests de type QPM sur ordinateur, la langue des épreuves du centre d’évaluation devant alors être obligatoirement différente. Force est de constater, à cet égard, qu’aucune disposition de l’avis attaqué ne permet de considérer que les candidats seront nécessairement amenés à passer les tests de type QCM sur ordinateur dans leur langue principale, à savoir, en règle générale, leur langue maternelle, et encore moins qu’ils y sont tenus. En effet, rien n’empêche un candidat dont la langue principale ou maternelle est l’allemand, l’anglais ou le français et qui dispose également d’une maîtrise parfaite d’une autre de ces trois langues de déclarer cette dernière langue comme étant sa langue 1 du concours concerné et, ainsi, de passer les autres épreuves prévues par l’avis attaqué dans sa langue principale ou maternelle. Or, un candidat dont la langue principale ou maternelle n’est aucune des trois langues susmentionnées ne serait pas en mesure d’effectuer un choix comparable. L’exemple de test de raisonnement verbal produit par la Commission à l’appui de ses arguments ne saurait remettre en cause cette appréciation, puisqu’il ne saurait être exclu, sur la seule base de ce document, que la connaissance approfondie, voire la maîtrise parfaite, d’une langue autre que la langue principale ou maternelle puisse permettre au candidat concerné de réussir ce type de test.
75 De plus, certes, selon le point 94 de l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752), l’objectif d’assurer aux institutions le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité peut être mieux préservé lorsque les candidats sont autorisés à présenter les épreuves de sélection d’un concours dans leur langue maternelle ou dans la deuxième langue qu’ils considèrent maîtriser le mieux. Toutefois, il ne saurait être déduit de cet arrêt que toute limitation du choix de la langue 2 des candidats serait justifiée à condition que les candidats puissent choisir, parmi les langues proposées par l’avis attaqué, celle qu’ils maîtrisent le mieux après leur langue principale (qui serait, en règle générale, leur langue maternelle). En effet, rien n’exclut que la deuxième langue que lesdits candidats « considèrent maîtriser le mieux », au sens du point 94 de l’arrêt susmentionné, soit une langue autre que l’allemand, l’anglais ou le français [voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 95 (non publié) et jurisprudence citée].
76 Néanmoins, selon la jurisprudence, il ressort de l’ensemble des dispositions susmentionnées que l’intérêt du service peut constituer un objectif légitime pouvant être pris en considération. Notamment, si l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut interdit, certes, toute discrimination fondée sur la langue, l’article 1er quinquies, paragraphe 6, première phrase, du statut prévoit, toutefois, que des limitations à cette interdiction sont possibles, à condition qu’elles soient « objectivement et raisonnablement justifiée[s] » et qu’elles répondent à des « objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel » (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 89).
77 Ainsi, le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union en ce qui concerne l’organisation de leurs services, de même que l’EPSO, lorsque ce dernier exerce, comme en l’espèce, des pouvoirs qui lui sont dévolus par lesdites institutions, se trouve impérativement encadré par l’article 1er quinquies du statut, de telle sorte que les différences de traitement fondées sur la langue résultant d’une limitation du régime linguistique d’un concours à un nombre restreint de langues officielles ne peuvent être admises que si une telle limitation est objectivement justifiée et proportionnée aux besoins réels du service (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 90 et jurisprudence citée).
78 Au vu de tout ce qui précède, dès lors que la limitation litigieuse constitue une différence de traitement susceptible d’être qualifiée de discrimination fondée sur la langue, en principe interdite en vertu de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut (voir point 72 ci-dessus), il y a lieu d’examiner si l’EPSO a pu valablement justifier cette limitation au regard de l’article 1er quinquies, paragraphe 6, première phrase, du statut.
b) Sur l’existence d’une justification de la limitation litigieuse
79 Dans l’affaire T‑695/17, la République italienne fait valoir que les connaissances linguistiques des candidats à un concours tel que les concours en cause doivent faire l’objet d’une évaluation distincte de celle portant sur leurs titres professionnels. En ce qui concerne plus particulièrement le recrutement de traducteurs, les compétences recherchées ne seraient pas seulement linguistiques, mais également culturelles. Ceux-ci devraient être dotés, notamment, d’une capacité de restitution, dans une autre langue que leur langue principale, de textes souvent techniques et complexes.
80 Ensuite, selon la République italienne, toute limitation du choix de la langue 2 d’un concours exige d’établir un lien entre cette langue et les fonctions spécifiques que les lauréats de celui-ci seront appelés à exercer. En l’occurrence, la diversité des situations auxquelles les lauréats des concours concernés feraient face impliquerait de rechercher le plus grand nombre de compétences linguistiques.
81 Dans ce cadre, la République italienne invoque l’arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission (T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495), ainsi qu’une communication électronique du directeur de l’EPSO, en date du 12 mai 2017.
82 La République italienne soulève, par ailleurs, différents arguments mettant en cause les motifs qui figureraient, selon elle, dans l’avis attaqué et seraient tirés, notamment, de la nécessité que les lauréats des concours en cause soient immédiatement opérationnels, des exigences liées aux besoins de communication interne et à l’utilisation de l’allemand, de l’anglais et du français comme langues de travail au sein des institutions de l’Union ainsi que de la nature de la procédure de sélection en cause et de l’existence de contraintes budgétaires.
83 Dans l’affaire T‑704/17, le Royaume d’Espagne fait valoir que les considérations exposées dans l’avis attaqué pour justifier la limitation litigieuse seraient « abstraites » et ne comporteraient pas d’« indications concrètes ».
84 Plus spécifiquement, la limitation litigieuse ne poursuivrait pas un objectif légitime. L’éventail le plus large possible de connaissances linguistiques serait requis pour des traducteurs qui seraient embauchés par le Parlement et le Conseil. En ce qui concerne plus particulièrement le fait que l’allemand fait partie des trois langues proposées aux candidats pour le choix de la langue 2, le Royaume d’Espagne considère que c’est « clairement injustifié ».
85 De surcroît, la limitation litigieuse ne serait pas proportionnée, notamment en ce qu’elle ferait primer l’objectif d’efficacité sur celui de recruter des personnes qui posséderaient les plus hautes compétences professionnelles. Les connaissances linguistiques des candidats aux concours concernés par l’avis attaqué, indispensables pour exercer les fonctions de traducteur, seraient indépendantes des compétences visées à l’article 27 du statut. En outre, l’avis attaqué ne tiendrait pas compte, notamment, de la possibilité pour les lauréats d’acquérir ou d’améliorer la connaissance de certaines langues à la suite de leur recrutement.
86 Enfin et à titre subsidiaire, le Royaume d’Espagne considère qu’il existerait d’autres langues dont l’importance serait équivalente ou supérieure à celle de l’allemand, de l’anglais et du français, telles que l’espagnol, l’italien et le polonais.
87 En réponse aux arguments des parties, la Commission fait valoir que, s’agissant de concours tels que les concours en cause, les compétences professionnelles correspondent aux connaissances linguistiques, les prétendues compétences « culturelles » des candidats étant étrangères aux besoins réels du service. Selon la Commission, la « nature particulière des postes à pourvoir », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous f), de l’annexe III du statut, permet en l’espèce de justifier les connaissances linguistiques exigées.
88 Selon la Commission, la limitation litigieuse est l’expression d’un juste équilibre entre l’intérêt du service, qui suppose de « pouvoir compter sur des fonctionnaires pleinement opérationnels dès leur recrutement », la nécessité de tenir compte de la nature des tests que les candidats doivent effectuer et l’exigence de non-discrimination. La Commission souligne que le juge de l’Union n’a pas rejeté en tant que telle la légitimité de l’objectif de recruter des lauréats opérationnels, objectif lié à l’intérêt du service.
89 La limitation litigieuse constituerait « l’expression d’un besoin bien déterminé des services de traduction » et « quantifié dans l’avis attaqué », « en fonction de la combinaison linguistique couverte par l’option 1 ou 2 ». Plus précisément, ce besoin ne se limiterait pas à la nécessité de disposer de traducteurs de langues allemande, française, italienne ou néerlandaise, mais également de lauréats disposant de connaissances dans des combinaisons spécifiques de langues. En porterait témoignage « l’évolution des demandes des institutions concernées, à savoir, outre le Conseil et le Parlement, la Cour des comptes [européenne], le Comité économique et social [européen] ainsi que le Comité des régions ».
90 Par ailleurs, différents éléments de preuve relatifs à chacune de ces institutions, que la Commission invoque, dans le mémoire en défense, « exclusivement à titre surabondant », seraient de nature à démontrer que « c’est précisément eu égard aux traducteurs qui travaillent en allemand, en français et en anglais que le plus grand besoin en matière de personnel est susceptible d’être déterminé ». En particulier, il résulterait de ces éléments que ces trois langues sont utilisées comme langues « pivot » par les services de traduction concernés. Selon la Commission, la référence, dans l’avis attaqué, au volume important des traductions à effectuer à partir de ces trois langues ne constituerait qu’une « indication supplémentaire » concernant les besoins spécifiques des institutions susmentionnées. Partant, le choix linguistique opérée par l’avis attaqué « ne saurait être arbitraire ou manifestement inapproprié ».
91 En ce qui concerne, en particulier, l’allemand, la Commission considère que la décision de l’inclure en tant que langue 2 relève du pouvoir d’appréciation de la Commission selon le principe d’autonomie administrative visé aux articles 335 et 336 TFUE, de sorte que le contrôle du Tribunal se restreindrait à celui de l’erreur manifeste.
92 Enfin, la Commission soutient que, outre le fait qu’un système de plurilinguisme intégral serait inefficace et économiquement insoutenable, la limitation litigieuse paraît également proportionnée compte tenu de ce que l’allemand, l’anglais et le français seraient les langues étrangères les plus étudiées et parlées en Europe.
93 Dans la réplique déposée dans l’affaire T‑704/17, le Royaume d’Espagne conteste, en particulier, la pertinence des éléments factuels produits par la Commission, en estimant que ceux-ci ne feraient que démontrer une prépondérance de la seule langue anglaise. En réponse à cette argumentation, la Commission rétorque, notamment, que, pris ensemble, les éléments susmentionnés établissent la réalité des besoins invoqués.
1) Sur l’étendue du contrôle juridictionnel en l’espèce et sur la légitimité de l’objectif poursuivi par le biais de la limitation litigieuse
94 Ainsi qu’il a été rappelé aux points 75 à 77 ci-dessus, dans le cadre d’une procédure de sélection de personnel, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer l’intérêt du service ainsi que les qualifications et les mérites des candidats à prendre en considération. Ainsi, il n’est pas exclu que l’intérêt du service puisse nécessiter que les personnes recrutées disposent de connaissances linguistiques spécifiques. Partant, la nature particulière des tâches à accomplir peut justifier un recrutement fondé, notamment, sur une connaissance approfondie d’une langue spécifique (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, points 67 et 68 et jurisprudence citée).
95 Cependant, il incombe à l’institution ayant limité le régime linguistique d’une procédure de sélection à un nombre restreint de langues officielles de l’Union d’établir qu’une telle limitation est bien de nature à répondre à des besoins réels relatifs aux fonctions que les personnes recrutées seront appelées à exercer. En outre, toute condition relative à des connaissances linguistiques spécifiques doit être proportionnée à cet intérêt et reposer sur des critères clairs, objectifs et prévisibles permettant aux candidats de comprendre les motifs de cette condition et aux juridictions de l’Union d’en contrôler la légalité (voir arrêts du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 69 et jurisprudence citée, et du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 93 et jurisprudence citée).
96 Dans ce cadre, il appartient au juge de l’Union d’effectuer un examen in concreto des règles établissant le régime linguistique des concours tels que ceux concernés par l’avis attaqué, dans la mesure où seul un tel examen est susceptible de permettre d’établir les connaissances linguistiques qui peuvent objectivement être exigées, dans l’intérêt du service, par les institutions, dans le cas de fonctions particulières et, partant, si une limitation éventuelle du choix des langues pouvant être utilisées pour participer à ces concours est objectivement justifiée et proportionnée aux besoins réels du service (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 94).
97 Plus particulièrement, le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 104 et jurisprudence citée).
98 À cet égard, d’une part, il convient d’écarter d’emblée l’argumentation de la République italienne tirée de la communication électronique du directeur de l’EPSO, en date du 12 mai 2017 (voir point 81 ci-dessus), dans la mesure où cette dernière porte, ainsi que le relève la Commission, sur une procédure de concours autre que celles concernées par l’avis attaqué et n’est, dès lors, pas pertinente pour la résolution du présent litige.
99 D’autre part, les arguments des parties selon lesquels l’évaluation des compétences professionnelles des candidats devrait être indépendante de leurs connaissances linguistiques sont voués au rejet. En effet, il résulte, certes, de la jurisprudence que, dans le cas des concours visant au recrutement d’autres catégories de fonctionnaires ou d’agents de l’Union, une discrimination fondée sur la langue n’est pas nécessairement de nature à faciliter le recrutement de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence et de rendement au sens de l’article 27, premier alinéa, du statut. Cependant, dans le cas de concours visant au recrutement de traducteurs, tels que les concours concernés par l’avis attaqué, ces qualités sont liées aux connaissances linguistiques des candidats, du fait de la nature même des fonctions que les lauréats du concours seront appelés à exercer (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2015, Italie/Commission, T‑510/13, non publié, EU:T:2015:1001, point 102).
100 S’agissant plus particulièrement des arguments présentés par la République italienne et le Royaume d’Espagne, exposés aux points 82, 84 et 85 ci-dessus et visant à contester la légitimité de l’objectif poursuivi par le biais de la limitation litigieuse, il convient de considérer que, même s’il n’est pas formulé de manière expresse dans ce dernier, l’objectif que poursuit la limitation litigieuse ne saurait être autre que la sélection de lauréats opérationnels dès leur recrutement afin que les institutions visées par l’avis attaqué soient en mesure de répondre à leurs besoins consistant à traduire vers les langues 1 des concours en cause un volume important de documents reçus en allemand, en anglais et en français (voir, à cet égard, l’argumentation de la Commission présentée au point 88 ci-dessus).
101 En effet, il y a lieu de considérer que, sauf stipulation contraire de l’avis de concours s’y référant, il existe bien un intérêt du service à ce que les personnes recrutées par les institutions de l’Union au terme d’une procédure de sélection telle que les procédures en cause puissent être opérationnelles dès leur recrutement et, ainsi, être capables d’assumer rapidement les fonctions qu’elles seront appelées à exercer (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, sous pourvoi, EU:T:2020:410, point 91 et jurisprudence citée).
102 À cet égard, à supposer même qu’il faille toujours nécessairement prévoir un temps d’adaptation à de nouvelles tâches et à de nouvelles habitudes de travail ainsi que le temps nécessaire pour l’intégration dans un nouveau service, il est légitime pour une institution de chercher à recruter des personnes qui soient, dès leur prise de fonctions, capables, à tout le moins, de communiquer avec leur hiérarchie et leurs collègues et d’avoir, ainsi, la capacité de saisir aussi rapidement et parfaitement que possible la portée des fonctions qui leur sont confiées et le contenu des tâches qu’elles vont devoir accomplir. En effet, ainsi qu’il a été jugé, les connaissances linguistiques des fonctionnaires sont un élément essentiel de leur carrière (arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, point 96). Partant, il doit être considéré comme légitime pour une institution de chercher à recruter des personnes qui puissent utiliser efficacement et comprendre aussi bien que possible la ou les langues utilisées dans le cadre professionnel dans lequel elles vont être intégrées.
103 Par ailleurs, force est de constater que les lauréats de concours tels que les concours en cause en l’espèce peuvent être opérationnels dès leur recrutement tout en disposant des qualités exigées par l’article 27, premier alinéa, du statut (voir point 70 ci-dessus), ces conditions n’étant en aucun cas antinomiques.
104 De surcroît, ainsi qu’il a été rappelé au point 71 ci-dessus, dans le cas d’un concours visant au recrutement de traducteurs, tel que les concours concernés par l’avis attaqué, les qualités exigées par l’article 27, premier alinéa, du statut, sont intrinsèquement liées aux connaissances linguistiques des candidats, du fait de la nature même des fonctions que les lauréats du concours seront appelés à exercer.
105 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’objectif recherché par le biais de la limitation litigieuse est légitime et lié à l’intérêt du service.
106 Il convient, à cet égard, de relever que, selon la jurisprudence, pour autant qu’un objectif d’intérêt général puisse être invoqué et sa réalité démontrée, une différence de traitement telle que celle résultant de la limitation litigieuse doit, en outre, respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire qu’elle doit être de nature à permettre que soit atteint l’objectif visé et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, point 93 et jurisprudence citée).
107 Partant, il convient, dans un premier temps et à la lumière des arguments présentés par la République italienne et le Royaume d’Espagne, de se pencher sur la question de savoir si l’avis attaqué et les éléments de preuve fournis par la Commission permettent d’établir, objectivement, l’existence d’un tel intérêt du service susceptible de justifier la limitation litigieuse (voir, par analogie, arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 95). Plus spécifiquement, il convient d’examiner les raisons pour lesquelles, selon l’avis attaqué et les éléments fournis, à cet égard, par la Commission, la limitation litigieuse permettrait aux institutions de l’Union concernées par l’avis attaqué de recruter des lauréats opérationnels dès leur recrutement.
2) Sur le prétendu « volume important » de documents à traduire à partir de l’allemand, de l’anglais et du français
108 Ainsi qu’il ressort des points 10 et 48 ci-dessus, la limitation du choix de la langue 2 et, dans le cadre de l’option 1, de la langue 3 des concours en cause à l’allemand, à l’anglais ou au français est motivée, dans l’avis attaqué, exclusivement par la circonstance qu’il existe un « volume important de traductions à effectuer et de documents reçus en allemand, en anglais et en français ».
109 Εn ce qui concerne le bien-fondé de ce motif, il convient de relever que ce dernier présente, certes, un lien direct avec la nature des fonctions à exercer. Ces dernières, telles que décrites dans l’avis attaqué (voir point 2 ci-dessus) consistent, en substance, en la traduction vers la langue désignée comme langue 1 pour chacun des quatre concours en cause de documents rédigés dans au moins deux langues sources, en la révision de traductions effectuées à partir de ces langues ainsi qu’en la réalisation des recherches terminologiques et la contribution active à des activités de formation, de fourniture de conseils linguistiques et de développement d’outils informatiques. Partant, un tel motif serait, dans son principe, susceptible d’indiquer l’existence d’un besoin particulier des institutions concernées, à savoir celui de disposer de traducteurs capables de travailler, dès leur prise de fonctions, dans des combinaisons linguistiques dans lesquelles un volume important des documents à traduire sont rédigés en allemand, en anglais et en français.
110 Toutefois, force est de constater que, même si la référence à un « volume important » peut raisonnablement être perçue comme indiquant une prépondérance quantitative des documents dont les langues sources sont l’allemand, l’anglais et le français, l’avis attaqué ne comporte aucun élément concret permettant d’en établir la réalité et ne renvoie, d’ailleurs, à aucune source d’information officielle accessible par les personnes intéressées qui serait de nature à démontrer l’existence effective d’une telle prépondérance.
111 En particulier, aucune précision n’y est fournie, ni quant à la proportion que représenteraient, dans le travail des services concernés par ledit avis, ces trois langues sources par rapport aux autres langues officielles de l’Union, ni quant au poids respectif de chacune desdites langues. De même, aucun élément de cet avis ne permet de vérifier si la prétendue prépondérance de l’allemand, de l’anglais et du français en tant que langues sources constitue une donnée qui s’inscrit dans la durée ou se présente comme un élément susceptible de varier considérablement d’une période à l’autre.
112 Ainsi, compte tenu de ce qu’une limitation du régime linguistique d’un concours doit, eu égard aux exigences rappelées au point 95 ci-dessus, impérativement reposer sur des éléments objectivement vérifiables, tant par les candidats au concours que par les juridictions de l’Union (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 124), il n’apparaît pas possible d’établir, à partir de la seule référence, dans l’avis attaqué, au prétendu volume important des documents rédigés en allemand, en anglais et en français, l’existence d’un besoin réel des services concernés qui aurait objectivement justifié que seules les personnes disposant d’une connaissance approfondie de l’une de ces trois langues puissent valablement se porter candidats aux concours en cause. L’absence de tels éléments ne permet pas non plus de vérifier si la limitation du choix de la langue 2 de ces concours apparaît bien proportionnée à un tel besoin.
113 Les considérations qui précèdent s’appliquent également à la limitation à l’allemand, à l’anglais ou au français du choix de la langue 3 des concours en cause dans le cadre de l’option 1. À cet égard, il convient, de plus, de tenir compte d’un élément supplémentaire, à savoir le fait que l’avis attaqué prévoit également une option 2, dans le cadre de laquelle la langue 3 de ces concours peut être choisie parmi les 24 langues officielles de l’Union hormis les trois langues susmentionnées. Dans ce contexte, il faut aussi noter que, à l’exception du concours EPSO/AD/345/17, visant au recrutement de traducteurs de langue italienne, et, marginalement, du concours EPSO/AD/343/17, visant au recrutement de traducteurs de langue allemande, le nombre de lauréats défini pour cette option ne s’écarte pas considérablement de celui prévu pour l’option 1 (voir point 5 ci-dessus).
114 Partant, l’introduction de cette option 2 est de nature à démontrer que la gestion d’un volume important de documents rédigés en allemand, en anglais et en français, à supposer la réalité d’un tel volume établie, ne constitue pas le seul besoin des services de traduction concernés, mais qu’il existe également une nécessité de couvrir d’autres combinaisons linguistiques, ce qui ressort, d’ailleurs, de l’argumentation de la Commission. Cette constatation est, du reste, corroborée par la description des fonctions figurant dans cet avis, lesquelles, ainsi qu’il a été exposé au point 109 ci-dessus, incluent généralement la traduction « à partir d’au moins deux langues sources ». Or, dans la mesure où ce besoin des institutions de pourvoir à des postes de traducteurs disposant d’une connaissance d’autres langues que l’allemand, l’anglais ou le français est reconnu dans l’avis attaqué, il est d’autant plus important, pour justifier la limitation litigieuse, de fournir des éléments concrets, précis et détaillés.
115 Par conséquent, et dans le prolongement des considérations exposées aux points 110 à 112 ci-dessus, il y a lieu de constater que, en l’absence, dans l’avis attaqué, d’éléments permettant d’apprécier le volume que représentent, pour les services concernés, les traductions à partir des langues sources autres que l’allemand, l’anglais et le français, la seule référence, dans cet avis, au prétendu volume important des documents rédigés dans ces seules trois langues n’est pas, en elle-même, de nature à démontrer la raison pour laquelle le choix de la langue 3 des concours en cause, dans le cadre de l’option 1, devrait se limiter uniquement à l’allemand, à l’anglais et au français, à l’exclusion des autres langues officielles de l’Union.
116 Cependant, la Commission fournit un rapport comportant des statistiques de traduction établies, pour l’année 2018, par la direction 3 (service de la traduction) de la direction générale A (Administration) du Conseil. Il en résulterait que, pour ce service, l’allemand, l’anglais et le français « sont toujours [les langues] depuis lesquelles les besoins de traduction de documents sont les plus fréquents ».
117 Il ressort des données figurant aux pages 12 et 40 de ce rapport, auxquelles renvoie expressément la Commission, ainsi qu’à sa page 27, que les trois premières langues sources sont, par ordre de priorité, l’anglais, le français et l’allemand, représentant respectivement 39 882,8 pages nettes (ou 83,2 % de la charge globale de travail de traduction), 3 553,9 pages nettes (ou 7,1 % de cette charge) et 562,9 pages nettes (ou 1,4 % de ladite charge). Suivent, notamment, l’espagnol (334,8 pages nettes), l’italien (294,2 pages nettes), le néerlandais (225,6 pages nettes) et le tchèque (182,9 pages nettes).
118 Toutefois, premièrement, force est de constater que les statistiques ainsi produites ne concernent que le Conseil, à savoir une des deux institutions principalement concernées par l’avis attaqué. Deuxièmement, ces données statistiques sont relatives à une période postérieure à la date de publication de l’avis attaqué et, dès lors, ne renseignent pas sur la situation qui était celle des services concernés par l’avis attaqué au moment de cette publication. Enfin, troisièmement, elles ne se rapportent qu’à une année, ce qui ne permet pas de vérifier si la prétendue prépondérance quantitative des trois langues sources susmentionnées constitue bien, pour le travail du service concerné du Conseil, un élément s’inscrivant dans la durée.
119 Même s’il devait être fait abstraction des considérations qui précèdent, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, une limitation du choix de la langue 2 des candidats à un concours à un nombre restreint des langues officielles ne saurait être considérée comme objectivement justifiée et proportionnée lorsque figurent, parmi ces langues, outre une langue dont la connaissance est souhaitable, voire nécessaire, d’autres langues dont la connaissance ne confère aucun avantage particulier aux lauréats potentiels d’un concours par rapport à celle d’une autre langue officielle. En effet, si sont admises, comme solutions de remplacement de la seule langue dont la connaissance constitue un avantage pour un fonctionnaire nouvellement recruté, d’autres langues dont la connaissance ne constitue pas un atout, il n’existe aucune raison valable de ne pas admettre également toutes les autres langues officielles [arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 140 (non publié)].
120 En l’occurrence, il ressort, certes, des statistiques produites par la Commission qu’une très grande proportion des pages traduites par le service de traduction du Conseil, à savoir 83,2 % de la charge de travail dudit service (voir point 117 ci-dessus), provient d’originaux rédigés en anglais. Cependant, l’avis attaqué n’exige pas impérativement une connaissance approfondie de l’anglais en tant que langue 2 ou, dans le cadre de l’option 1, en tant que langue 3 des concours concernés. Un candidat qui n’a pas une connaissance approfondie de cette langue peut participer aux concours visés par cet avis s’il possède une connaissance approfondie au moins de l’allemand ou du français. Or, ainsi qu’il résulte du point 117 ci-dessus et comme le relève, d’ailleurs, le Royaume d’Espagne, le français ne représente, en tant que langue source, qu’une proportion très faible par rapport à l’anglais (à savoir 3 553,9 pages nettes ou 7,1 % de la charge de travail du service concerné) alors que l’allemand occupe une place dont l’écart par rapport, notamment, à l’espagnol et à l’italien est d’une importance toute relative (562,9 pages traduites de l’allemand, 334,8 pages traduites de l’espagnol et 294,2 pages traduites de l’italien). En tout état de cause, cet écart se situe très en deçà de celui qui sépare l’allemand du français et, encore plus, de l’anglais.
121 Ainsi, si un candidat qui ne maîtrise, en tant que langue 2, que le français ou, à plus forte raison, que l’allemand, sans maîtriser l’anglais, peut participer aux concours en question, il ne paraît pas justifié, eu égard aux statistiques produites par la Commission, d’en exclure des candidats potentiels qui maîtrisent d’autres langues officielles. Il en va de même pour un candidat qui, ayant choisi l’option 1 des concours concernés par l’avis attaqué, maîtriserait, en tant que langue 3, l’allemand ou le français sans pour autant maîtriser l’anglais (voir, par analogie, arrêt du 17 décembre 2015, Italie/Commission, T‑510/13, non publié, EU:T:2015:1001, point 130).
122 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les statistiques produites par la Commission et se référant au Conseil ne sont, en tout état de cause, pas de nature à démontrer que l’objectif légitime invoqué dans l’avis attaqué puisse être atteint par le biais de la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français du choix, par les candidats, de la langue 2 et, dans le cadre de l’option 1, de la langue 3 des concours concernés par cet avis.
3) Sur les autres arguments et éléments présentés par la Commission
123 Toutefois, l’essentiel de l’argumentation de la Commission consiste à justifier la limitation litigieuse par une référence au besoin des institutions concernées de disposer de traducteurs capables de travailler dans des combinaisons linguistiques incluant l’allemand, l’anglais et le français comme langues sources (voir point 89 ci-dessus), besoin dont l’existence serait, notamment, démontrée par différents éléments factuels relatifs à chacune de ces institutions (voir point 90 ci-dessus).
124 S’agissant, tout d’abord, de la question de savoir si les arguments et pièces relatifs aux institutions autres que le Parlement et le Conseil doivent être pris en considération aux fins de l’examen de la légalité de la limitation litigieuse, ce à quoi semble s’opposer le Royaume d’Espagne, il convient de relever que, ainsi qu’il résulte du libellé même de l’avis attaqué, les procédures des concours en cause concernent « principalement » le Parlement et le Conseil. Or, l’utilisation de cet adverbe laisse entendre qu’un recrutement par d’autres institutions de l’Union serait éventuellement possible. Il en résulte que ces arguments et pièces peuvent être pris en considération aux fins d’un tel examen.
125 Cette conclusion est, par ailleurs, confirmé par les éléments que la Commission a présentés en réponse à une mesure d’organisation de la procédure, selon lesquels des lauréats des concours en cause ont été embauchés par des institutions de l’Union autres que les deux visées dans l’avis attaqué, à savoir par la Commission, par le Comité des régions et par la Cour des comptes européenne.
126 Force est de constater que l’éventuelle pertinence desdits arguments et pièces pour la résolution du présent litige dépendra nécessairement de la question de savoir si ceux‑ci présentent un lien concret avec le motif figurant dans l’avis attaqué et tiré du prétendu volume important de traductions à effectuer à partir de l’allemand, de l’anglais et du français, de nature à permette d’en apprécier le bien-fondé.
127 En premier lieu, la Commission produit des éléments relatifs au processus qui aurait permis de définir, au vu des besoins en personnel indiqués par les institutions concernées et arrêtés définitivement au sein de l’EPSO, le nombre des postes à pourvoir et, en étroite corrélation avec ce nombre, les deux options proposées pour chacun des concours en cause. Il s’agit, plus précisément, de différents courriels émanant principalement de l’EPSO ainsi que d’un compte rendu de la réunion du groupe de travail de ce même service, en date du 19 avril 2017.
128 Il en résulterait, en substance, que les options retenues en l’espèce constituent les deux options « habituelles », c’est-à-dire « celles qui permettent de choisir la langue 2 et, dans le cadre de l’option 1, la langue 3 parmi l’anglais, le français et l’allemand ». De surcroît, la limitation du régime linguistique des épreuves des concours en cause à ces trois langues serait justifié par le fait que celles-ci seraient les « langues véhiculaires », « utilisées par les services de traduction » et constituant les langues « sources » des traductions que les lauréats des concours en cause en l’espèce seront appelés à effectuer.
129 Toutefois, il y a lieu de constater que, eu égard à leur contenu, ces éléments non seulement ne présentent pas de rapport concret avec le motif avancé dans l’avis attaqué, mais ne permettent pas non plus d’identifier de raison précise qui aurait été de nature à justifier la limitation litigieuse. À cet égard et ainsi que le relève le Royaume d’Espagne, la simple affirmation selon laquelle le nombre des postes à pourvoir ainsi que leur répartition entre les deux options linguistiques proposées dans le cadre des concours en cause auraient été indiqués et arrêtés par les institutions concernées agissant au sein de l’EPSO en fonction de leurs besoins réels ne saurait constituer une justification adéquate (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2015, Italie/Commission, T‑510/13, non publié, EU:T:2015:1001, point 155).
130 En effet, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 94 et 95 ci-dessus, si les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans la définition de leurs besoins et, partant, dans l’évaluation de l’intérêt du service, cela ne les dispense pas pour autant de l’obligation de justifier concrètement, notamment par référence à des critères clairs, objectifs et prévisibles, toute condition relative à des connaissances linguistiques spécifiques qui serait exigée dans le cadre d’un concours, et ce indépendamment de l’éventuelle nature particulière des postes à pourvoir.
131 En l’occurrence, la seule conclusion qui pourrait se dégager des éléments fournis serait l’existence d’un besoin des institutions concernées de disposer de traducteurs capables de traduire vers la langue 1 de chacun des quatre concours concernés par l’avis attaqué, à savoir vers l’allemand, le français, l’italien et le néerlandais, ce qui n’exclut pas, per se, l’existence de besoins de recruter aussi des traducteurs disposant d’autres compétences linguistiques que celles définies dans l’avis attaqué.
132 Par ailleurs, l’indication figurant dans le compte rendu de la réunion du groupe de travail de l’EPSO produit par la Commission selon laquelle les options linguistiques proposées dans le cadre des concours en cause correspondent aux « deux options habituelles » tendrait plutôt à indiquer qu’il s’agit d’une répartition préétablie et couramment utilisée dans les procédures de recrutement de traducteurs en général, ne présentant pas ainsi de lien concret avec les besoins spécifiques des institutions concernées par l’avis attaqué qui sont mentionnés dans ce dernier.
133 Enfin, s’agissant des allégations de la Commission selon lesquelles l’allemand, l’anglais et le français seraient les langues véhiculaires utilisées par les services de traduction des institutions concernées par l’avis attaqué, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il ressort des points 47 et 49 ci-dessus, l’avis attaqué ne comporte aucune motivation de cet ordre s’agissant du régime linguistique des concours en cause.
134 En tout état de cause et contrairement à ce qu’affirme la Commission, il ne ressort d’aucun élément du dossier que les trois langues susmentionnées seraient les langues véhiculaires utilisées par les services de traduction des institutions concernées par l’avis attaqué, ni, à plus forte raison, par l’ensemble des services de ces institutions. En effet, outre que la Commission n’explique nullement ce qu’elle entend précisément par « langue véhiculaire » en ce qui concerne la nature des fonctions visées par cet avis, il convient de relever, en partant du sens courant de ce terme, lequel désigne toute langue servant aux communications entre groupes de langue maternelle différente, qu’aucun élément ne permet de considérer que l’ensemble de ces trois langues seraient utilisées dans les communications de ces unités avec d’autres services de l’institution concernée, ni a fortiori dans les contacts entre les différentes unités linguistiques de chaque service de traduction.
135 Partant, il y a lieu de considérer que les éléments produits par la Commission concernant le processus ayant conduit à l’adoption de l’avis attaqué ne sont pas pertinents pour apprécier le bien-fondé du motif figurant dans cet avis et, en tout état de cause, ne sont pas de nature à justifier la limitation à l’allemand, à l’anglais ou au français du choix de la langue 2 et, dans le cadre de l’option 1, de la langue 3 des épreuves des concours en cause.
136 En deuxième lieu, la Commission fournit un tableau reflétant les connaissances linguistiques des fonctionnaires traducteurs du Parlement au mois de mai 2016. Il en résulterait que les langues sources « dans lesquelles travaillent le plus [c]es traducteurs sont précisément l’allemand, l’anglais et le français », celles-ci étant maîtrisées, respectivement par 337, par 628 et par 527 personnes.
137 Force est de constater, à cet égard, que de tels éléments, à savoir des éléments qui se réfèrent aux connaissances linguistiques du personnel en activité d’une institution donnée, ne sont pas, à eux seuls, de nature à justifier une limitation telle que la limitation litigieuse. De tels éléments ne permettent, en effet, pas d’établir, en principe, les langues qui sont effectivement utilisées par les services concernés dans leur travail au quotidien, voire la ou les langues qui seraient indispensables à l’exercice des fonctions visées par un avis de concours donné.
138 En tout état de cause, d’une part, le tableau produit par la Commission semble indiquer, pour la période concernée, que le service de traduction du Parlement dispose, en nombre considérable, de traducteurs capables de travailler à partir de l’allemand, de l’anglais et du français. Il s’ensuit que le tableau en question ne suffit pas, ni en lui-même ni pris conjointement avec les éléments factuels produits en l’espèce se rapportant à d’autres institutions, pour démontrer l’existence d’un besoin réel de ce service de recruter des traducteurs supplémentaires capables de travailler à partir de ces trois langues.
139 D’autre part, il convient de constater que les données ainsi produites, qui ne concernent, d’ailleurs, que les services du Parlement, ne présentent pas de rapport concret avec le contenu de la motivation figurant dans l’avis attaqué. Certes, ces données pourraient être interprétées en ce sens que le nombre de traducteurs maîtrisant les trois langues sources en question reflète le volume des traductions rédigées en allemand, en anglais et en français que les services de traduction du Parlement seraient appelés à effectuer. Toutefois, une telle interprétation, qui, du reste, n’est nullement avancée par la Commission, relève de la simple hypothèse et, par ailleurs, ne permet pas de renseigner de manière objective sur le volume, ne serait-ce qu’approximatif, de tels documents. Par ailleurs, il ne saurait être exclu que la maîtrise de ces trois langues par un nombre important de traducteurs du Parlement soit due à des raisons autres que le volume de documents à traduire. Il s’ensuit que les données en cause ne présentent pas de pertinence pour l’appréciation du bien-fondé du motif figurant dans ledit avis.
140 Cette constatation n’est pas remise en cause par l’argument soulevé par la Commission dans l’affaire T‑704/17 selon lequel les données en question devraient être lues conjointement avec les statistiques de traduction émanant du Conseil examinées aux points 116 à 122 ci-dessus, à défaut de quoi le Tribunal serait amené à outrepasser les limites de son contrôle juridictionnel. En effet, il s’agit d’éléments factuels qui sont relatifs à deux institutions distinctes ayant des besoins propres et dont la simple juxtaposition, telle que suggérée par la Commission, ne serait aucunement susceptible de démontrer que la limitation litigieuse serait de nature à permettre que soit atteint l’objectif visé par l’avis attaqué.
141 En troisième lieu, la Commission fait valoir, dans le mémoire en défense déposé dans l’affaire T‑695/17 et, plus amplement, dans la duplique, que la limitation litigieuse serait également justifiée par le fait que l’allemand, l’anglais et le français constitueraient, pour les services de traduction concernés, des langues « pivot » (voir point 90 ci-dessus). La Commission fournit, par ailleurs, dans les deux affaires, des éléments de preuve à l’appui de ses allégations, concernant, plus spécifiquement, la Cour des comptes, et, dans la seule affaire T‑695/17, le Comité économique et social ainsi que le Comité des régions.
142 Il convient, tout d’abord, de relever, s’agissant de l’utilisation, dans les écritures de la Commission, du terme « langue pivot », que ce terme doit être compris, dans le domaine de la traduction, comme se référant à une langue spécifiquement désignée pour servir de langue intermédiaire entre une ou plusieurs langues sources et différentes langues cibles, lorsqu’une traduction directe n’est pas possible. Interrogées à cet égard, lors de l’audience, les parties dans les deux affaires ont exprimé leur accord avec cette définition du terme en question.
143 Certes, l’application, par le service de traduction d’une institution de l’Union, d’un système de langues « pivot », à supposer que ce dernier ait été établi sur la base de critères objectifs et proportionnés à l’intérêt du service, serait susceptible d’indiquer que les documents rendus disponibles pour traduction à partir de ces langues « pivot » représentent, le cas échéant avec ceux dont les originaux sont directement établis dans ces mêmes langues, une partie importante de la charge globale de travail de traduction au niveau de ce service, en particulier pour les unités linguistiques dont la langue n’a pas le statut de langue « pivot ».
144 Cependant, une telle circonstance ne saurait, à elle seule et en l’absence de données quantifiées ainsi que d’éléments d’information sur les modalités concrètes d’application d’un tel système, être considérée comme étant de nature à démontrer l’existence effective d’une telle charge importante et, partant, d’établir le bien-fondé du motif figurant dans l’avis attaqué.
145 En effet, si, comme il vient d’être indiqué, le choix, par une institution, d’une ou de plusieurs langues « pivot » est susceptible d’être justifié par le volume considérable de documents à traduire à partir de ces langues, plusieurs autres raisons de politique interne pourraient également justifier ce choix. À titre d’exemple, un tel choix peut être lié au nombre des agents et fonctionnaires disposant d’une connaissance de ces langues, à des besoins momentanés liés à des contextes spécifiques qui justifieraient l’utilisation de celles-ci ou encore à la volonté de l’institution en cause ou d’un de ses services de promouvoir l’usage de cette langue en vue de son importance grandissante au sein de l’Union.
146 Indépendamment des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que les différentes pièces produites par la Commission à l’appui de son argumentation n’apportent pas la preuve que l’allemand, l’anglais et le français sont effectivement utilisés en tant que langues « pivot » par l’ensemble des services intéressés. Ces pièces, se référant uniquement à la Cour des comptes, au Comité économique et social et au Comité des régions, ont une force probante particulièrement faible, dans la mesure où le concours en cause vise principalement le Parlement et le Conseil. De plus, s’agissant des éléments qui concernent, en particulier, le Comité économique et social et le Comité des régions, fournis uniquement dans le cadre de l’affaire T‑695/17, avant d’examiner, le cas échéant, leur contenu, il y aura lieu de statuer quant à leur recevabilité.
147 Premièrement, en ce qui concerne la Cour des comptes, la Commission considère, dans l’affaire T‑695/17, que l’institution concernée a adopté des règles internes, dont une lecture combinée « confirme[rait] de manière objective la nécessité de disposer de traducteurs compétents, en particulier dans les trois langues en question ».
148 La Commission produit, à l’appui de ces allégations, dans les deux affaires, la décision 22/2004 de la Cour des comptes, du 25 mai 2004, relative aux règles concernant la traduction des documents en vue des réunions de ses membres, des groupes d’audit et du comité administratif (ci-après la « décision 22/2004 »).
149 Pour autant que la décision 22/2004 fût effectivement en vigueur à la date de la publication de l’avis attaqué et indépendamment de la question de savoir si les traductions de documents concernés ont pour destinataires l’ensemble des services de cette institution ou uniquement les organes mentionnés dans son intitulé, à savoir les membres, les groupes d’audit et le comité administratif de celle-ci, il convient de relever que, ainsi que le relève le Royaume d’Espagne, ladite décision en cause ne comporte aucune référence à la langue allemande. Cette conclusion est, d’ailleurs, confirmée par la Commission elle-même, qui, dans le mémoire en défense déposé dans l’affaire T‑704/17, indique que, selon la décision 22/2004, l’anglais et le français seraient utilisés par le service de traduction de la Cour des comptes comme langues « pivot ». Partant, le contenu de la décision 22/2004 ne saurait être considéré comme étant pertinent pour la résolution du présent litige.
150 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres textes, fournis dans le cadre de l’affaire T‑695/17, à l’aune desquels la Commission suggère d’analyser la décision 22/2004.
151 Il s’agit, en effet, d’une note de l’ancien président de la Cour des comptes à l’attention des membres, en date du 11 novembre 1983, relative à l’interprétation simultanée lors des réunions de la Cour des comptes. Sont annexés à cette note, d’une part, un compte rendu de la séance restreinte du 12 octobre 1982, au sujet du régime d’interprétation pour les séances de la Cour des comptes, et, d’autre part, une note à l’attention des membres, également signée par ce président et datée du même jour, relative à l’interprétariat et à l’organisation matérielle des séances de la Cour des comptes.
152 La note du président du 12 octobre 1982 décrirait le « système de droit commun » pour l’interprétation simultanée lors des réunions de la Cour des comptes. Selon ce système, chaque membre aurait la possibilité de s’exprimer dans sa propre langue, l’interprétation étant alors assurée dans la totalité des langues des membres participant à la réunion concernée. Ledit système aurait été assoupli, lors de la séance du même jour à laquelle se réfère le compte rendu mentionné au point 151 ci-dessus, par l’introduction d’un dispositif « semi-léger », adopté à l’unanimité. En vertu de ce dispositif, qui aurait vocation à demeurer applicable, en lieu et place du « système de droit commun », aussi longtemps qu’il recueillerait l’unanimité des membres de la Cour des comptes, l’interprétation serait assurée vers un « nombre suffisant de langues comprises de chacun des [m]embres ». Enfin, ainsi qu’il résulte de la note du 11 novembre 1983, ledit dispositif aurait été simplifié davantage, d’un commun accord par les membres de la Cour des comptes, afin de permettre à chaque membre de s’exprimer, au choix, en allemand, en anglais ou en français avec une interprétation simultanée vers les deux autres langues. Ce système d’interprétation « léger » aurait été adopté dans l’« unique objectif de répondre à la situation de fait qui exist[ait] [à] ce moment[-là] au sein de la Cour [des comptes], compte tenu des diverses aptitudes linguistiques qui [étaient] celles des membres [de l’époque], et de la bonne volonté de chacun » et serait, ainsi qu’il résulte de l’argumentation de la Commission, toujours d’application.
153 Selon la Commission, il serait légitime de considérer, sur la base des documents susmentionnés, que l’allemand peut également être une langue « pivot » pour les services de traduction de la Cour des comptes. En effet, la circonstance que, depuis 1983, l’allemand serait utilisé pour l’interprétation simultanée lors des travaux de la Cour des comptes apporterait la preuve de son utilisation comme langue de travail.
154 Toutefois, une telle argumentation ne saurait prospérer. En effet, les documents mentionnés aux points 151 et 152 ci-dessus ne sont relatifs qu’au régime d’interprétation lors des réunions des membres de la Cour des comptes. Or, les concours concernés par l’avis attaqué en l’espèce ne visent pas au recrutement d’interprètes, mais de traducteurs. Par ailleurs, l’objet de ces documents se distingue nettement de celui de la décision 22/2004, cette dernière portant spécifiquement sur la traduction de documents en vue des réunions des membres de cette institution, de ses groupes d’audit et de son comité administratif. Partant, il ne saurait être soutenu que, par l’effet de la note du 11 novembre 1983, l’allemand se serait ajouté aux deux « langues pivot » de traduction que constituent, selon cette décision postérieure, l’anglais et le français.
155 Par conséquent, il y a lieu de considérer que les documents produits par la Commission qui se réfèrent à la pratique interne à la Cour des comptes ne sont pas, dans leur ensemble, pertinents pour la résolution du présent litige.
156 Deuxièmement, en ce qui concerne le Comité économique et social ainsi que le Comité des régions, la Commission produit, en annexe à la duplique dans l’affaire T‑695/17, un tableau dont il résulterait que, « dans les 23 unités des services de traduction qui travaillent pour ces deux organes de l’Union, l’anglais, le français et l’allemand sont les trois langues principales utilisées dans chacune des unités comme langues “pivots” ».
157 S’agissant de la recevabilité de cette pièce, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires. En vertu de l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et dans la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.
158 Il ressort de la jurisprudence relative à l’application de la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure que les parties doivent motiver le retard apporté à la présentation de leurs preuves ou offres de preuve nouvelles et que le juge de l’Union a le pouvoir de contrôler le bien-fondé du motif du retard apporté à la production de ces preuves ou de ces offres de preuve et, selon le cas, le contenu de ces dernières ainsi que, si cette production tardive n’est pas justifiée à suffisance de droit ou fondée, le pouvoir de les écarter (voir arrêt du 14 décembre 2018, East West Consulting/Commission, T‑298/16, EU:T:2018:967, point 102 et jurisprudence citée).
159 Il a déjà été jugé que la présentation tardive, par une partie, de preuves ou d’offres de preuve restait possible si cette partie ne pouvait pas disposer antérieurement des preuves en question ou si les productions tardives de la partie adverse justifient que le dossier soit complété, de façon à assurer le respect du principe du contradictoire (voir arrêt du 14 décembre 2018, East West Consulting/Commission, T‑298/16, EU:T:2018:967, point 103 et jurisprudence citée).
160 En l’espèce, la Commission a justifié la production, dans l’affaire T‑695/17, du tableau mentionné au point 156 ci-dessus, au stade de la duplique, par le fait que « les données relatives aux besoins réels des services de traduction du Comité économique et social […] et du Comité des régions existant à la date à laquelle a été décidée la préparation de l’avis attaqué ont été mises à disposition seulement au mois d’octobre 2019 ».
161 Si la Commission a ainsi motivé le retard apporté à la présentation du tableau mentionné au point 156 ci-dessus, lequel n’est, au demeurant, ni daté ni accompagné d’une mention permettant d’identifier son origine, il résulte d’une analyse de ce dernier que les données y figurant, relatives à la couverture de l’ensemble des langues officielles de l’Union par les 23 unités linguistiques du service de traduction commun au Comité économique et social et au Comité des régions, se rapportent au début de l’année 2016, la date la plus récente indiquée étant le 1er février 2016. Or, à supposer même que la création dudit tableau date de l’année qui a suivi l’année de référence, la Commission n’a pas exposé à suffisance de droit les raisons concrètes pour lesquelles il lui aurait été impossible d’obtenir celui-ci antérieurement à la date de dépôt du mémoire en défense, à savoir le 9 juillet 2019. Il y a, dès lors, lieu de déclarer irrecevable l’annexe comportant le tableau en question.
162 En tout état de cause, la force probante du tableau produit par la Commission doit être considérée comme étant faible. En effet, force est de constater qu’il résulte dudit tableau que, en ce qui concerne la période concernée, les langues sources devant faire l’objet d’une traduction directe par l’ensemble des unités linguistiques du service de traduction concerné sont l’allemand, l’anglais et le français, la traduction directe à partir des autres langues sources devant être assurée seulement vers les trois langues en question. Si ce tableau est ainsi susceptible d’indiquer l’application d’un système de langues intermédiaires pour la traduction de documents rédigés dans l’ensemble des langues officielles de l’Union, il ne saurait établir, à lui seul, que ces langues ont été bien définies comme étant des « langues pivot » par les services concernés des comités en cause, en l’absence d’éléments supplémentaires, tels qu’une note de service ou une décision interne qui définirait les modalités de leur utilisation en tant que langues intermédiaires.
163 En toute hypothèse, eu égard aux considérations exposées au point 143 ci-dessus, l’application d’un système de langues « pivot » par le service de traduction concerné, à en supposer la réalité établie, ne saurait, en elle-même, démontrer le bien-fondé du motif figurant dans l’avis attaqué. Partant, le tableau produit par la Commission dans l’affaire T‑695/17 portant sur le service de traduction du Comité économique et social et du Comité des régions ne saurait être considéré comme pertinent pour la résolution du présent litige.
164 En dernier lieu, la Commission considère que la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français du régime linguistique des concours en cause « est également proportionnée en ce qu’elle est le fruit d’un juste équilibre entre les différents intérêts en jeu. ». En effet, la Cour aurait reconnu qu’il était possible de limiter le choix de la langue 2 d’un concours à un nombre restreint de langues officielles dont la connaissance est la plus répandue dans l’Union. Plus spécifiquement, la Commission indique, dans l’affaire T‑695/17, ne formuler ces considérations « qu’à titre surabondant, dans la mesure où il s’agit d’un concours destiné à des spécialistes, en l’occurrence des traducteurs au profil professionnel bien précis, lequel, par sa nature même, limite considérablement l’importance de la parité linguistique dans l’équilibre des intérêts. »
165 À l’appui de cette argumentation, premièrement, la Commission produit le rapport spécial Eurobaromètre no 386 de juin 2012, dont il résulterait que l’allemand est la langue maternelle la plus parlée en Europe, « puisqu’elle est utilisée par 16 % de l’ensemble de la population de l’Union […] et que les trois langues étrangères les plus étudiées et parlées en Europe comme deuxième langue sont, dans l’ordre, l’anglais, le français et l’allemand, parlés respectivement par 38 %, [par] 12 % et [par] 11 % de la population de l’Union ».
166 Deuxièmement, la Commission joint à ses écritures le communiqué de presse no 144/2014 de l’office statistique de l’Union européenne (Eurostat), du 25 septembre 2014, relatif aux langues les plus étudiées en 2012 au niveau de l’enseignement secondaire inférieur. Elle en infère que les trois langues en cause « apparaissent […] comme les langues les plus étudiées par les citoyens européens en Europe, à savoir ceux qui se portent candidats aux procédures de concours au titre de l’article 28, [sous] a), du statut ».
167 Enfin, troisièmement, la Commission fournit un document établi par Eurostat et se rapportant sur des données statistiques de l’année 2016, relatif aux langues les plus étudiées en cette année au niveau de l’enseignement secondaire supérieur. Il en résulterait que les langues étrangères les plus étudiées à ce niveau sont l’anglais (94 %), le français (22 %) et l’allemand (17 %), suivies de l’espagnol (16 %), du russe (3 %) et de l’italien (3 %).
168 À cet égard, il convient de relever que les données statistiques en question se réfèrent à l’ensemble des citoyens de l’Union, y compris des personnes n’ayant pas atteint l’âge de la majorité, de sorte qu’il ne saurait être présumé qu’elles reflètent correctement les connaissances linguistiques des candidats potentiels aux concours concernés par l’avis attaqué [voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 142 (non publié)].
169 Par ailleurs, la seule conclusion qui pourrait se dégager de ces données est que le nombre des candidats potentiels dont la situation est affectée par la limitation litigieuse est moins important qu’il ne le serait si ce choix était limité à d’autres langues. Or, cette circonstance ne suffit pas pour conclure que la limitation litigieuse n’est pas discriminatoire, le nombre éventuellement restreint de personnes dont la situation serait potentiellement affectée ne pouvant pas constituer un argument valable à cet égard [voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 143 (non publié)].
170 Tout au plus, ces données seraient éventuellement susceptibles de démontrer le caractère proportionné stricto sensu de la limitation litigieuse, s’il était avéré que celle-ci répondait effectivement à l’intérêt du service invoqué [voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 144 (non publié)]. Or, ainsi qu’il a été constaté, la Commission n’a pas été en mesure de démontrer que cette condition était remplie.
171 Il convient dès lors de conclure, sans qu’il soit besoin d’examiner en détail l’ensemble des arguments soulevés par la République italienne dans le cadre des divers moyens invoqués par cette dernière devant le Tribunal et visant à contester la limitation litigieuse, que, pour l’ensemble des motifs indiqués ci‑dessus, il n’a pas, en l’espèce, été établi que l’objectif légitime invoqué en substance dans l’avis attaqué, à savoir recruter des lauréats opérationnels dès leur recrutement, au vu du volume important de traductions à effectuer à partir de l’allemand, de l’anglais et du français, pouvait être atteint par le biais de la limitation litigieuse. Il y a donc lieu d’accueillir les premier à cinquième moyens soulevés par la République italienne dans l’affaire T‑695/17 et les deuxième et troisième moyens soulevés par le Royaume d’Espagne dans l’affaire T‑704/17.
172 Il convient, par ailleurs, d’observer que l’illégalité constatée implique également et nécessairement l’illégalité de l’obligation des candidats d’utiliser la langue 2 des concours en cause pour certaines épreuves de l’ultime stade du concours concerné par l’avis attaqué (voir point 14 ci-dessus). Partant, il n’est pas nécessaire, en l’espèce, d’examiner les arguments présentés par les parties concernant les modalités de déroulement des épreuves du concours en cause ou bien concernant les contraintes, économiques ou autres, relatives à l’organisation de ces concours dans leur ensemble.
B. Sur la légalité de l’obligation litigieuse
173 Le volet de l’avis attaqué qui porte sur l’obligation litigieuse fait l’objet du sixième moyen invoqué par la République italienne dans l’affaire T‑695/17, tiré d’une violation de l’article 18 TFUE, de l’article 24, quatrième alinéa, TFUE, de l’article 22 de la Charte, de l’article 2 du règlement no 1 ainsi que de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, du statut, et du premier moyen invoqué par le Royaume d’Espagne dans l’affaire T‑704/17, tiré d’une violation des articles 1er et 2 du règlement no 1, de l’article 22 de la Charte et de l’article 1er quinquies du statut.
174 Plus spécifiquement, selon la République italienne, les dispositions mentionnées au point 173 ci-dessus consacreraient le droit pour tout citoyen de l’Union de s’adresser aux institutions dans n’importe quelle langue de l’Union et de recevoir une réponse dans cette même langue, droit qui, en l’espèce, serait violé par le biais de l’obligation litigieuse. En invoquant l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752), elle fait valoir que la langue utilisée dans le cadre d’une procédure de concours, loin d’être une simple question d’organisation interne, se présente comme un élément constitutif d’un rapport de nature constitutionnelle entre le citoyen intéressé et l’Union. Par conséquent, la langue d’un concours devrait être celle du citoyen, à savoir du candidat, qui ne fait pas encore partie de la fonction publique de l’Union. Par ailleurs, l’avis attaqué serait entaché d’un défaut de motivation manifeste, dans la mesure où il resterait totalement silencieux sur les raisons justifiant l’obligation litigieuse en ce qu’elle concerne, plus spécifiquement, la rédaction de l’acte de candidature.
175 Selon le Royaume d’Espagne, « un avis de concours en vue d’un recrutement auprès des institutions ne saurait être considéré, du point de vue de l’utilisation des langues, comme s’inscrivant dans une relation purement interne ». Il conviendrait donc de garantir que les communications entre l’EPSO et les candidats, dont, notamment, la présentation de l’acte de candidature, « puissent se faire dans n’importe quelle langue officielle » de l’Union. Ainsi, l’obligation litigieuse entraînerait une violation de l’article 2 du règlement no 1, cette disposition ne prévoyant pas d’exception au régime de communication qu’elle établit, « ni pour des raisons liées à l’intérêt du service ni pour d’autres raisons ». De même, cette obligation porterait atteinte à l’article 22 de la Charte et à l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, du statut, dans la mesure où elle désavantagerait les candidats dont la langue maternelle n’est ni l’allemand, ni l’anglais, ni le français.
176 Par ailleurs, le Royaume d’Espagne rejoint la République italienne en invoquant un défaut de motivation de l’avis attaqué, dans la mesure où ce dernier ne comporterait pas de « justification autonome et expresse » relative à l’obligation des candidats d’utiliser la langue 2 des concours dans leurs échanges avec l’EPSO. Cette obligation ne saurait être justifiée par référence à la motivation qui porte sur la limitation litigieuse.
177 La Commission rétorque que, à la suite des arrêts du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), et du 26 mars 2019, Commission/Italie (C‑621/16 P, EU:C:2019:251), l’argumentation de la République italienne et du Royaume d’Espagne, en ce qu’elle se fonde sur l’application du règlement no 1, est dénuée de fondement. En effet, l’obligation litigieuse ne saurait s’apprécier qu’au regard des seules dispositions du statut. La Commission souligne également que ladite obligation se trouverait réduite du fait que des outils pour la préparation de l’acte de candidature ont été mis à la disposition des candidats dans toutes les langues officielles.
178 En réponse aux griefs présentés par la République italienne et le Royaume d’Espagne concernant la motivation de l’avis attaqué sur ce point, la Commission considère que les éléments justifiant une limitation linguistique du choix de la deuxième langue sur la base de l’article 1er quinquies, paragraphe 6, du statut sont également susceptibles de justifier une obligation telle que l’obligation litigieuse et que, en l’espèce, la justification de cette obligation découle directement de la justification retenue dans l’avis attaqué concernant la limitation litigieuse. Selon la Commission, il en va d’autant plus ainsi que « l’effort de compréhension linguistique lors d’un échange avec l’EPSO est nettement moindre que celui inhérent à l’utilisation de la langue lors des épreuves de concours ». Enfin, une telle limitation répondrait également à l’objectif « de simplifier la gestion de la procédure de concours ».
179 Il convient, à cet égard, de rappeler qu’il ne saurait être inféré de l’obligation incombant à l’Union de respecter la diversité linguistique qu’il existe un principe général du droit assurant à chaque personne le droit à ce que tout ce qui serait susceptible d’affecter ses intérêts soit rédigé dans sa langue en toutes circonstances et selon lequel les institutions seraient tenues, sans qu’aucune dérogation n’y soit autorisée, à utiliser l’ensemble des langues officielles dans toute situation (voir arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 37 et jurisprudence citée).
180 En particulier, dans le cadre spécifique des procédures de sélection du personnel de l’Union, la Cour a jugé que les institutions ne sauraient se voir imposer des obligations allant au-delà des exigences prévues à l’article 1er quinquies du statut (voir arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 39 et jurisprudence citée).
181 À cet égard, s’il n’est pas exclu que l’intérêt du service puisse justifier la limitation du choix de la langue 2 d’un concours organisé par l’EPSO à un nombre restreint de langues officielles, et ce même dans le cadre des concours ayant une nature générale et y compris pour ce qui est de la langue des communications entre les candidats et l’EPSO, une telle limitation doit, néanmoins, impérativement reposer sur des éléments objectivement vérifiables, tant par les candidats aux concours que par les juridictions de l’Union, de nature à justifier les connaissances linguistiques exigées, qui doivent être proportionnées aux besoins réels du service (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 124 et jurisprudence citée).
182 C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les arguments présentés par la République italienne et le Royaume d’Espagne.
183 S’agissant, tout d’abord, du défaut de motivation allégué par la République italienne et le Royaume d’Espagne, il convient de relever que l’avis attaqué comporte bien une motivation visant à justifier la limitation litigieuse, laquelle est tirée de l’existence d’un volume important de traductions à effectuer à partir de l’allemand, de l’anglais et du français (voir point 48 ci-dessus).
184 Or, dans la mesure où l’avis attaqué ne comporte aucune autre motivation à cet égard et où le libellé de la motivation visée au point 48 ci-dessus ne distingue pas selon l’aspect de la procédure par rapport auquel les candidats à ces concours sont appelés à effectuer ce choix, il doit être considéré que, ainsi que le relève la Commission, il existe une corrélation entre l’obligation et la limitation litigieuses. À cet égard et contrairement à ce que semblent soutenir la République italienne et le Royaume d’Espagne, il ne saurait être déduit de la jurisprudence que la justification fournie dans un avis tel que l’avis attaqué concernant le régime linguistique des communications entre les candidats et l’EPSO devrait obligatoirement être distincte des motifs justifiant le régime linguistique des concours concernés en général.
185 Il y a, dès lors, lieu d’écarter les arguments que la République italienne et le Royaume d’Espagne tirent d’un défaut de motivation.
186 En ce qui concerne, ensuite, le bien-fondé des motifs et selon ce qui a été exposé aux points 108 et suivants ci-dessus, la Commission est restée en deçà de la nécessité d’établir que la limitation litigieuse était, en l’espèce, justifiée par rapport à l’objectif légitime qu’elle était censée permettre d’atteindre. Ainsi et au vu de ce qui vient d’être exposé, il en va de même s’agissant de l’obligation litigieuse.
187 Cette conclusion ne saurait, par ailleurs, être mise en cause par le seul fait que l’EPSO aurait mis à la disposition des candidats aux concours en cause un manuel (voir point 177 ci-dessus), dans toutes les langues officielles, pour la préparation de leur acte de candidature (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 48).
188 Il en va de même s’agissant de l’argument de la Commission tiré de la nécessité de simplifier la gestion de la procédure de concours (voir point 178 ci-dessus). Force est, en effet, de constater que, outre le fait qu’une telle considération ne figure pas dans l’avis attaqué, elle ne pourrait servir, tout au plus, qu’à justifier in abstracto une obligation telle que l’obligation litigieuse, à savoir celle d’utiliser une langue choisie parmi un nombre restreint de langues dans le cadre des communications entre les candidats aux concours concernés et l’EPSO. En revanche, cette considération ne permet pas de déterminer quel doit être précisément le nombre de langues, ni d’expliquer pourquoi certaines langues devraient être retenues à l’exclusion d’autres.
189 Au vu de ce qui vient d’être exposé, il y a lieu d’accueillir le sixième moyen soulevé par la République italienne dans l’affaire T‑695/17 et le premier moyen soulevé par le Royaume d’Espagne dans l’affaire T‑704/17 et, partant, d’accueillir les présents recours et d’annuler l’avis attaqué dans son ensemble.
190 S’agissant des effets de cette annulation, il y a lieu de relever que, pour des raisons analogues à celles exposées aux points 83 à 87 de l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), l’annulation de l’avis attaqué ne saurait avoir d’incidence sur d’éventuels recrutements déjà effectués sur la base des listes de réserve établies à l’issue de la procédure de sélection en cause, au regard de la confiance légitime dont bénéficient les lauréats qui se seraient d’ores et déjà vu offrir un poste sur le fondement de leur inscription sur lesdites listes (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, sous pourvoi, EU:T:2020:410, point 230 et jurisprudence citée).
Sur les dépens
191 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la République italienne, dans l’affaire T‑695/17, et ceux exposés par le Royaume d’Espagne, dans l’affaire T‑704/17, conformément aux conclusions de ces deux États membres.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre)
déclare et arrête :
1) Les affaires T‑695/17 et T‑704/17 sont jointes aux fins de l’arrêt.
2) L’avis des concours généraux organisés en vue de la constitution de listes de réserve pour le recrutement de traducteurs (AD 5) de langue allemande (EPSO/AD/343/17), de langue française (EPSO/AD/344/17), de langue italienne (EPSO/AD/345/17), et de langue néerlandaise (EPSO/AD/346/17) est annulé.
3) La Commission européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la République italienne, dans l’affaire T‑695/17, et ceux exposés par le Royaume d’Espagne, dans l’affaire T‑704/17.
Costeira | Gratsias | Kancheva |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juin 2021.
Signatures
* Langues de procédure : l’italien et l’espagnol.
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