CX v Commission (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-743/16RENVII (24 November 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T74316RENVII.html
Cite as: EU:T:2021:824, [2021] EUECJ T-743/16RENVII, ECLI:EU:T:2021:824

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ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

24 novembre 2021 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Sanction disciplinaire – Révocation – Enquête de l’OLAF – Négociation non autorisée et clandestine d’un marché – Conflit d’intérêts – Certification d’une facture non conforme – Droits de la défense – Droit d’être entendu – Absences répétées du requérant et de son avocat à l’audition disciplinaire – Sécurité juridique – Confiance légitime – Proportionnalité – Délai raisonnable – Principe ne bis in idem – Erreur manifeste d’appréciation – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑743/16 RENV II,

CX, représenté par Me É. Boigelot, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Bohr et Mme C. Ehrbar, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la Commission du 16 octobre 2013 infligeant au requérant la sanction de révocation sans réduction de ses droits à pension et, d’autre part, à la réparation des préjudices que celui-ci aurait subis en raison de cette décision,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, C. Mac Eochaidh (rapporteur) et Mme T. Pynnä, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 9 juin 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le requérant, CX, est entré au service de la Commission européenne en qualité de fonctionnaire stagiaire de grade A 8 le 1er septembre 1996. Il a occupé différents postes d’administrateur dans le domaine de la communication et était affecté, en dernier lieu, à la direction générale (DG) « Communication », direction « Citoyens », au sein de l’unité « Information des citoyens et communication interne », en tant que fonctionnaire de grade AD 9.

2        En 2001, la Commission a lancé, sous le nom d’« Eurobaromètre pays candidats », une série de sondages dans les États qui étaient alors candidats à l’adhésion à l’Union européenne. La mise en œuvre de ces sondages a été confiée à la société G dans le cadre d’un contrat-cadre signé le 15 octobre 1999, également dénommé « Eurobaromètre pays candidats » (ci-après le « contrat-cadre »). De 2001 à 2003, le requérant était chargé de ce contrat-cadre.

3        Le 6 septembre 2001, le requérant a envoyé à H, employé de la société G, un courrier électronique dans lequel il a indiqué : 

« Concerning the questionnaire, I will send you my final version tomorrow at the latest.

Could you please fax me your final offer this afternoon (that is, the number of QUs we decided together + 5 New QUs[) ?]

Of course, you will count in this final offer the 0.5 QU (about 2,000 euros) for your expenses. This is something confidential between you, me and [R]. »

4        Le 7 septembre 2001, H a transmis un courrier électronique au requérant auquel était jointe l’offre finale de la société G. L’employé de celle-ci, H, s’est adressé en ces termes au requérant :

« Please check if this offer is OK with you… I was calculating with 3 % inflation – it needs to be actualized according to the latest index. »

5        Le 7 septembre 2001, en réponse au courrier électronique de H, le requérant a accepté l’offre finale de la société G comme suit :

« [T]he offer is ok with me : you can mention 103 % of the agreed price at the beginning of the contract […] »

6        En mai 2003, la société G a réalisé des sondages et produit le rapport [confidentiel] (1). Le contrat-cadre conclu avec G ne prévoyait pas la traduction de ce rapport. Toutefois, le contrat-cadre conclu avec le consortium E, dans le cadre des sondages « Eurobaromètre Standard », prévoyait la possibilité pour la Commission de demander la traduction du rapport initial vers l’une des trois langues de travail de cette institution. Ce dernier contrat-cadre permettait de sous-traiter une partie dudit contrat sous réserve d’une autorisation préalable et expresse de la Commission. L’unité du requérant avait pour pratique de faire appel au consortium E pour traduire certains rapports, même si ce consortium n’en était pas l’auteur.

7        Le 6 mai 2003, le requérant a transmis à la Commission le formulaire « Notification de changement d’adresse privée », dans lequel il informait l’administration que M était membre de sa famille et qu’ils étaient tous deux domiciliés à la même adresse.

8        Le 10 juin 2003, M a créé la société N. Le siège de cette société était situé à la même adresse que l’adresse privée du requérant.

9        Le 21 juin 2003, le requérant a signé, en qualité d’initiateur opérationnel, un engagement d’un montant de 6 908,89 euros en faveur du consortium E pour la traduction du rapport [confidentiel].

10      Le 24 juin 2003, le requérant a envoyé un courrier électronique à K, directrice au sein du consortium E, dans lequel il affirmait :

« Merci encore, chère [K].

Si tu le permets, je conseillerai à une société de traduction “amie” ([la société N]) de t’envoyer leurs conditions.

Leur capacité de traduction (mais seulement de l’anglais vers le français) me semble très intéressante : parfaite connaissance des sondages, utilisation d’un français excellent, délais très brefs.

Si besoin est, je peux me porter garant de la qualité de leur travail.

Bien à toi,

[CX] »

11      À une date non précisée, le consortium E a confié à la société N la traduction du rapport [confidentiel] de l’anglais vers le français.

12      Le 25 août 2003, le requérant a rédigé une note explicative, signée ensuite par son chef d’unité, justifiant l’engagement financier au bénéfice du consortium E.

13      Le 26 août 2003, le consortium E a adressé au requérant un devis d’un montant de 6 908,89 euros pour les traductions en cause.

14      Par courrier électronique du 1er septembre 2003, M a transmis, en mettant le requérant en copie, une première partie de la traduction demandée au consortium E. Ce courrier électronique précisait notamment ceci : « J’espère qu’après vérification de la qualité vous voudrez bien nous confier la suite du travail ».

15      Le 2 septembre 2003, le requérant a envoyé un courrier électronique à S, employée du consortium E, dans lequel il affirmait :

« Chère [S],

Toutes mes félicitations : ce travail, pour ce que je peux juger des highlights et du début du rapport, est absolument remarquable.

C’est, je crois, l’une des premières fois en 8 ans que je vois une version française d’aussi bonne qualité, qui rend parfaitement compte de l’original (et, parfois, l’améliore), tout en utilisant un langage clair, précis et agréable.

C’est véritablement ce que j’attendais : pouvoir compter sur une traduction aussi bonne, pour n’effectuer qu’une relecture “légère”.

Bravo encore, et continuez !

Comme quoi, en matière de traduction, et en fonction des langues, les jours se suivent mais ne se ressemblent pas…

Notre engagement est fait, et je m’occupe du bon de commande.

À très bientôt,

[CX] »

16      Le même jour, le requérant a envoyé un courrier électronique à S, également employé du consortium E, dans lequel il affirmait :

« Cher [S],

Je m’aperçois que j’ai oublié de te mettre en copie de ce mail.

Tout cela augure bien de la qualité de la traduction que nous recevons.

Nous venons de fixer le délai de remise des traductions au 17 octobre. Le bon de commande est à la signature.

Si la suite de cette traduction est aussi remarquable, le petit problème avec l’allemand sera vite oublié.

Bien à toi,

[CX] »

17      Le 18 septembre 2003, la Commission a conclu une convention spécifique avec le consortium E pour le montant indiqué dans le devis du 26 août 2003, à savoir 6 908,89 euros.

18      Le 1er novembre 2003, le requérant a quitté l’unité [confidentiel] et a rejoint la cellule [confidentiel].

19      Le 14 juin 2004, le consortium E a adressé une facture à la Commission d’un montant de 6 717,04 euros pour la traduction du rapport [confidentiel] de l’anglais vers le français.

20      À une date non précisée, le requérant a apposé la mention « conforme aux faits » sur ladite facture du consortium E, et ce même s’il avait déjà quitté l’unité [confidentiel] depuis presque huit mois. Le 29 juin 2004, il a également rédigé un rapport de l’agent technique (ci-après le « rapport de l’agent technique ») expliquant le but du contrat spécifique et indiquant qu’il convenait de procéder au paiement de la facture soumise par le consortium E. Enfin, il a précisé, dans ce rapport, que « cette traduction a[vait] été effectuée par [le consortium E] ».

21      Le 6 juillet 2004, le chef de l’ancienne unité du requérant, P, a apposé la mention « bon à payer » sur la facture du 14 juin 2004.

22      Le 30 octobre 2009, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a ouvert une enquête portant sur les activités du requérant, soupçonné de se trouver dans une « situation de conflit d’intérêts/corruption dans le cadre de marchés de communication ». Le requérant en a été informé le 15 avril 2010.

23      Le 3 mai 2011, le requérant a été entendu par l’OLAF. Au cours de cette audition, il s’est engagé à fournir toutes les pièces en sa possession qui permettraient de confirmer ses dires.

24      Le 4 août 2011, en raison de l’absence de transmission desdites pièces, le directeur de l’OLAF a rappelé au requérant l’engagement qu’il avait pris durant son audition.

25      Le 16 août 2011, à la suite du rappel du directeur de l’OLAF, le requérant a réitéré son engagement de transmettre ces pièces « au plus tard la première quinzaine de septembre ». Toutefois, il n’a jamais transmis ces pièces à l’OLAF.

26      Le 18 avril 2012, l’OLAF a adopté son rapport d’enquête, dans lequel il a estimé qu’une série d’irrégularités était imputable au requérant (ci-après le « rapport d’enquête de l’OLAF »).

27      Par une note du 23 avril 2012 intitulée « Recommandation en vue de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à la suite d’une enquête de l’OLAF », l’OLAF a remis son rapport d’enquête à la secrétaire générale de la Commission et l’a invitée à ouvrir une procédure disciplinaire à l’égard du requérant. En outre, dans cette même note, l’OLAF a précisé que le rapport d’enquête était également transmis au procureur fédéral belge, en vue d’éventuelles poursuites judiciaires.

28      Par une note du 21 mai 2012, la secrétaire générale de la Commission a communiqué à plusieurs membres du collège et directeurs généraux de cette institution le rapport d’enquête de l’OLAF. Cette note précisait que « [l’enquête de l’OLAF] a[vait] confirmé le conflit d’intérêts et mis en évidence diverses irrégularités dans le chef [du requérant] » et que « [l]’OLAF a[vait] transmis le dossier aux autorités judiciaires belges, en raison de la nature pénale de certaines de ces irrégularités ». Par ailleurs, la secrétaire générale de la Commission demandait à l’Office d’investigation et de discipline (IDOC) de la Commission d’assurer le suivi disciplinaire diligent de cette affaire, compte tenu également de la lenteur probable du suivi judiciaire le moment venu.

29      Le 5 juin 2012, à la suite d’une première procédure disciplinaire (enregistrée sous la référence [confidentiel]), qui avait été ouverte le 21 mai 2010 pour des manquements différents de ceux en cause dans la présente affaire, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a infligé au requérant la sanction de rétrogradation, dans le même groupe de fonctions, du grade AD 9 au grade AD 8 (ci-après la « décision de rétrogradation »). Le 27 mars 2013, le requérant a introduit un recours contre la décision de rétrogradation. Ce recours a été rejeté par l’arrêt du 18 juin 2015, CX/Commission (F‑27/13, EU:F:2015:60). Le 28 août 2015, le requérant a introduit un pourvoi contre cet arrêt. Ce pourvoi a été rejeté par l’arrêt du 13 mai 2016, CX/Commission (T‑496/15 P, EU:T:2016:305).

30      À partir du mois de juin 2012, le requérant a été en congé de maladie sans discontinuer, à l’exception de deux jours au cours du mois de février 2013.

31      Le 31 juillet 2012, au vu du rapport d’enquête de l’OLAF, l’AIPN a confié à l’IDOC un mandat afin de procéder à l’audition du requérant au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

32      Par note du 7 septembre 2012, l’IDOC a communiqué au requérant une copie du rapport d’enquête de l’OLAF et de ses annexes ainsi que d’autres documents. L’IDOC a également convié le requérant à une audition pour le 10 octobre 2012.

33      Le 9 octobre 2012, le requérant a introduit une réclamation contre le mandat d’audition confié à l’IDOC et ne s’est pas présenté à l’audition prévue le lendemain. Par décision du 13 décembre 2012, l’AIPN a rejeté comme irrecevable ladite réclamation, en l’absence d’acte faisant grief.

34      Par lettre du 30 octobre 2012, l’IDOC a convoqué le requérant à une nouvelle audition, prévue le 19 novembre 2012. Le requérant ne s’y est pas présenté.

35      Par une note du 5 février 2013, adressée à C, chef d’unité à la DG « Ressources humaines et sécurité », l’IDOC a écrit ce qui suit : « Je vous prie donc de bien vouloir demander à [la secrétaire générale de la Commission] de désigner à cette fin le troisième membre de l’AIPN tripartite ».

36      Le 7 février 2013, sur la base du rapport d’enquête de l’OLAF, l’AIPN a décidé d’ouvrir une deuxième procédure disciplinaire à l’égard du requérant (sous la référence [confidentiel]) et a transmis à cette fin un rapport au conseil de discipline au titre de l’article 12 de l’annexe IX du statut (ci-après le « rapport au conseil de discipline »).

37      Par courrier électronique du 19 février 2013 adressé à l’IDOC, le requérant a indiqué qu’il se trouvait, au moment de sa convocation à l’audition prévue pour le 19 novembre 2012, « dans une situation médicale grave » et dans « l’incapacité médicale la plus totale, attestée par [s]es médecins traitants [ainsi que, à plusieurs reprises,] par le médecin-conseil de la Commission, de répondre [...] aux convocations ». Dans ce courrier électronique, le requérant a également indiqué que « la multiplication et la simultanéité de[s] procédures [disciplinaires étaient], dans [s]on état de santé, de nature à [l]’empêcher d’exercer correctement [s]es droits de [la] défense ».

38      Par courrier électronique du 20 mars 2013, le secrétariat du conseil de discipline a contacté le requérant pour fixer une date d’audition devant ledit conseil, en lui indiquant qu’il « a[vait] bien noté [son] congé de maladie, mais [que] la procédure [disciplinaire] d[evait] se poursuivre […], l’avis du [c]onseil de discipline d[evant] normalement être rendu deux mois après la saisine par l’AIPN, soit le 7 avril 2013 ». Par courrier électronique du même jour, le requérant a répondu que, dans son état de santé actuel, il n’était pas en mesure de se défendre et a demandé un report de l’audition devant le conseil de discipline.

39      Le 19 avril 2013, le service médical de la Commission a convoqué le requérant à une visite médicale fixée au 21 mai suivant, au titre de l’article 78 du statut relatif à l’invalidité. Le 13 mai 2013, le service médical de la Commission a reporté ce rendez-vous relatif à l’ouverture éventuelle d’une procédure d’invalidité à une date ultérieure.

40      Le 2 mai 2013, le requérant s’est rendu en personne dans les locaux de l’IDOC pour consulter son dossier.

41      Le 16 mai 2013, le requérant a adressé des conclusions écrites au conseil de discipline. L’audition du requérant devant le conseil de discipline a eu lieu le 21 mai 2013. Le 5 juin 2013, le conseil de discipline a rendu son avis, dans lequel il s’est prononcé en faveur de la sanction disciplinaire de révocation sans réduction pro tempore de la pension.

42      Le 6 juin 2013, l’AIPN a convoqué le requérant à une audition au titre de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut (ci-après l’« audition disciplinaire »), fixée au 1er juillet 2013, devant l’AIPN tripartite, composée de la directrice générale de la DG « Ressources humaines et sécurité », du directeur général de la DG « Communication » et du directeur général de la DG « Environnement ».

43      Par courrier électronique du 12 juin 2013, le conseil du requérant a indiqué au directeur de l’IDOC qu’il n’était pas disponible le 1er juillet 2013, date prévue pour l’audition disciplinaire, mais qu’il le serait, le cas échéant, le 8 juillet suivant.

44      Par courrier électronique du 13 juin 2013, le requérant a demandé au directeur de l’IDOC une suspension de la procédure disciplinaire en expliquant que « [s]on état de santé [lui] interdi[sait] de déférer à une convocation » à une audition disciplinaire et qu’il « [n’était] pas davantage en état de transmettre des observations écrites ». Il lui a également demandé quelles démarches il devait accomplir si l’AIPN n’accédait pas à sa demande de suspension de la procédure disciplinaire. Il a joint à ce courrier électronique un certificat médical daté du 10 juin 2013, dont il avait occulté les informations à caractère médical, en demandant dans son courrier électronique à qui et comment il devait communiquer le document complet contenant les informations médicales.

45      Dans le certificat médical du 10 juin 2013, le médecin traitant du requérant précisait qu’il envisageait une hospitalisation et que ce dernier « n’a[vait] plus [alors] la capacité de faire face à la succession d’étapes administratives, [qu’il] ne compren[ait] pas ce qui lui [était] reproché et [qu’il] n’[était] clairement pas en mesure d’assurer son droit à se défendre, et ce au moins depuis septembre 2012 ». Le médecin traitant concluait qu’il « [lui] parai[ssai]t donc nécessaire de suspendre [momentanément] tous [les] actes […] concernant [le requérant] jusqu’à ce qu’une amélioration sensible de son état puisse être constatée ».

46      Par lettre du 14 juin 2013, le directeur de l’IDOC a, en réponse au courrier électronique du requérant du 13 juin 2013, informé celui-ci que l’AIPN « décidera[it] des suites à réserver à [sa] demande [de suspension de la procédure disciplinaire] au vu de l’avis médical qui sera[it] rendu par le [d]octeur [A, médecin-conseil de la Commission] ».

47      Le 26 juin 2013, le requérant a été examiné par le docteur S à la demande de la Commission.

48      Par lettre du 27 juin 2013, l’AIPN a indiqué au requérant que, après l’avoir examiné le 26 juin 2013, le docteur A avait estimé que son état de santé n’empêchait pas le bon déroulement de la procédure disciplinaire. Selon l’AIPN, il n’y avait donc pas lieu de suspendre ladite procédure.

49      Ni le requérant ni son conseil ne se sont présentés à l’audition disciplinaire du 1er juillet 2013.

50      Par courrier électronique du même jour, le requérant a contesté avoir fait l’objet d’un examen médical le 26 juin 2013 par le docteur A. Il a, en outre, demandé à l’AIPN, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut :

–        « [premièrement,] de suspendre, dans [la] procédure [disciplinaire], tous [les] actes [le] concernant jusqu’à ce que [sa] situation médicale se soit sensiblement améliorée, ainsi qu’établi par [son médecin traitant] ;

–        [deuxièmement,] le cas échéant, de réunir une commission médicale ad hoc pour trancher la question ;

–        [troisièmement,] de [lui] permettre l’accès, que ce soit directement ou par l’entremise de l’un de [s]es médecins traitants, à l’ensemble de [son] dossier médical, et notamment aux notes du [d]octeur [F, médecin-conseil de la Commission qui avait suivi son dossier avant le docteur A] ;

–        [quatrièmement,] de [lui] expliquer pourquoi la procédure d’invalidité [...] a[vait] été ouverte puis suspendue sine die et de [lui] transmettre tous les documents, instructions et décisions portant sur ce point. »

51      Par lettre du 2 juillet 2013, l’AIPN a convoqué une nouvelle fois le requérant à une audition disciplinaire, pour le 19 juillet 2013, en précisant qu’il pouvait faire parvenir des observations écrites jusqu’au 17 juillet 2013. Dans cette lettre, il était mentionné qu’il s’agissait de la seconde et dernière convocation à l’audition disciplinaire devant l’AIPN tripartite.

52      Par courrier électronique du 3 juillet 2013, le docteur A, en sa qualité de médecin-conseil de la Commission chargé du contrôle des absences pour maladie, a indiqué à l’IDOC que le requérant lui avait précisé par téléphone qu’il « avait [contesté la lettre du 27 juin 2013 ou allait le faire et] qu’il avait [fait ou] allait [faire] une demande d’arbitrage, puisque son médecin ne voulait pas qu’il soit entendu [par l’AIPN tripartite, alors] que [lui-même, le docteur A,] [à la] suite [de] l’expertise [du docteur S, avait dit] qu’il pouvait se présenter [devant celle-ci] ». Dans ce courrier électronique, le docteur A précisait également que, à la « suite [de] cet échange téléphonique, [il] a[vait] contacté [l’IDOC] pour savoir s[’il fallait] tenir compte de [la] demande [du requérant] ou [non] ».

53      Par courrier électronique du 17 juillet 2013, le conseil du requérant a indiqué que celui-ci avait été examiné le 26 juin 2013 par le docteur S, médecin extérieur à la Commission, et non par le docteur A. Le conseil du requérant a également dénoncé la « précipitation » de l’AIPN et le report sine die et sans justification de l’ouverture de la procédure d’invalidité. Il a demandé à nouveau une suspension de la procédure disciplinaire en raison de l’état de santé du requérant. Il a, en outre, déploré le fait que la date de l’audition disciplinaire avait été fixée pendant la période des vacances judiciaires et a indiqué que lui-même, étant à l’étranger, ne pourrait pas y assister. Il a constaté que le service médical de la Commission n’avait pas pris connaissance des informations d’ordre médical figurant dans le certificat médical du 10 juin 2013, lesquelles avaient été occultées dans la version transmise à l’administration le 13 juin 2013, car elles relevaient du secret médical. Enfin, il a souligné qu’il n’avait reçu ni l’avis du médecin extérieur à la Commission, le docteur S, dont il avait demandé une copie, ni celui du docteur A.

54      Par courrier électronique du 18 juillet 2013, le directeur de l’IDOC a informé le requérant que l’AIPN avait décidé de confirmer son refus de suspendre la procédure disciplinaire et l’a invité à contacter directement le service médical pour lui indiquer les coordonnées du médecin qu’il désignait pour recevoir copie de l’expertise médicale du docteur S.

55      Le 19 juillet 2013, ni le requérant ni son conseil n’étaient présents à l’audition disciplinaire devant l’AIPN tripartite.

56      Par certificat médical du 26 juillet 2013, le médecin traitant du requérant a constaté que l’état de santé de celui-ci se dégradait.

57      Au cours de l’été 2013, le requérant a introduit une demande de reconnaissance de maladie professionnelle au titre de l’article 73 du statut.

58      Par décision du 16 octobre 2013 (ci-après la « décision attaquée »), l’AIPN tripartite a considéré que le requérant avait commis entre 2001 et 2004 deux fautes lourdes en violation de l’article 11, premier alinéa, ainsi que des articles 12 et 21 du statut dans sa rédaction applicable jusqu’au 30 avril 2004 (ci-après l’« ancien statut »), des articles 52 et 79 du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1), et de l’article 98 du règlement (CE, Euratom) no 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement no 1605/2002 (JO 2002, L 357, p. 1), tels qu’en vigueur à l’époque des faits. Il s’agissait, selon l’AIPN tripartite, de manquements d’une « particulière gravité », à savoir, d’une part, « la négociation non autorisée et clandestine du marché », laquelle avait consisté en l’envoi du courrier électronique du 6 septembre 2001, par lequel le requérant proposait à la société G d’inclure dans son offre des dépenses supplémentaires de l’ordre de 2 000 euros, sous couvert de 0,5 unité de questions, pour la préparation des questionnaires du sondage et, d’autre part, « la création et l’aggravation d’une situation de conflit d’intérêts ». À cet égard, l’AIPN tripartite faisait notamment référence au courrier électronique du 24 juin 2003 par lequel le requérant avait proposé au consortium E, prestataire désigné pour assurer la traduction en français du rapport final établi par la société G, de sous-traiter le travail de traduction à « une société de traduction “amie” », la société N, créée par M qui, selon l’AIPN tripartite, se trouvait être à cette époque la compagne du requérant. Après avoir estimé, dans ses observations finales, que « la sanction recommandée par le [c]onseil de discipline [était] la sanction appropriée », l’AIPN tripartite a décidé d’infliger au requérant la sanction disciplinaire de révocation sans réduction pro tempore de la pension, au titre de l’article 9, paragraphe 1, sous h), de l’annexe IX du statut.

59      Par note du 16 octobre 2013, le directeur général de la DG « Ressources humaines et sécurité » a transmis au requérant la décision attaquée, en l’informant également qu’il avait ouvert une troisième procédure disciplinaire (sous la référence [confidentiel]) à son égard, portant sur les « faits actuellement soumis à l’appréciation des juridictions belges », et qu’il avait décidé de suspendre cette procédure disciplinaire « dans l’attente du résultat de la procédure pénale ».

60      Le 3 décembre 2013, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision attaquée.

II.    Autres faits postérieurs à l’introduction du recours

61      Par décision du 31 mars 2014, l’AIPN a rejeté la réclamation du requérant.

62      Le 17 juillet 2014, le requérant a été auditionné par la police judiciaire fédérale belge (arrondissement de Bruxelles, Belgique) en qualité de suspect en ce qui concerne « de présumés faits de corruption, d’abus de biens sociaux et de blanchiment d’argent ».

63      Par le jugement du 16 avril 2018, le tribunal de première instance francophone de Bruxelles a acquitté le requérant de toutes les charges pénales retenues contre lui. La Commission n’a pas interjeté appel contre ce jugement.

III. Procédure devant le Tribunal de la fonction publique, devant le Tribunal et devant la Cour

64      Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 17 janvier 2014, le requérant a introduit le présent recours.

65      Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le même jour, le requérant a demandé la suspension de l’exécution de la décision attaquée.

66      Par ordonnance du 13 février 2014, CX/Commission (F‑5/14 R, EU:F:2014:21), le président du Tribunal de la fonction publique a rejeté cette demande et a réservé les dépens.

67      Par arrêt du 18 juin 2015, CX/Commission (F‑5/14, ci-après l’« arrêt initial », EU:F:2015:61), le Tribunal de la fonction publique a annulé la décision attaquée, après avoir accueilli la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation par l’AIPN tripartite de l’obligation qui lui incombait d’entendre le requérant avant l’adoption de cette décision, et a rejeté la demande indemnitaire présentée par le requérant.

68      Le 26 août 2015, la Commission a introduit un pourvoi contre l’arrêt initial.

69      Par arrêt du 27 octobre 2016, Commission/CX (T‑493/15 P, non publié, ci-après le « premier arrêt sur pourvoi », EU:T:2016:636), le Tribunal (chambre des pourvois) a considéré que l’arrêt initial reposait sur un examen incomplet des faits, sur une dénaturation de certains éléments de preuve ainsi que sur plusieurs erreurs de droit. En conséquence, il a annulé l’arrêt initial et renvoyé l’affaire devant une autre formation de jugement du Tribunal, afin qu’il soit statué sur l’intégralité du recours.

70      Par arrêt du 13 décembre 2018, CX/Commission (T‑743/16 RENV, non publié, ci-après l’« arrêt après renvoi », EU:T:2018:937), le Tribunal a annulé la décision attaquée, après avoir accueilli la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation par l’AIPN tripartite de l’obligation qui lui incombait d’entendre le requérant avant l’adoption de cette décision. Considérant, en outre, que l’annulation de la décision attaquée constituait, en tout état de cause, une réparation suffisante du préjudice moral allégué par le requérant et que la nature et la réalité des autres chefs de préjudice n’avaient pas été établies, le Tribunal a rejeté la demande indemnitaire présentée par le requérant. À la suite de cet arrêt, la Commission a adopté, le 21 mars 2019, une décision réintégrant le requérant au grade AD 8, échelon 5 et, le 28 juin 2019, une nouvelle décision de révocation. Ces deux décisions font actuellement l’objet de recours en annulation, enregistrés sous les numéros T‑52/20 et T‑280/20.

71      Le 15 février 2019, la Commission a introduit un pourvoi contre l’arrêt après renvoi.

72      Par arrêt du 25 juin 2020, Commission/CX (C‑131/19 P, non publié, ci-après le « second arrêt sur pourvoi », EU:C:2020:502), la Cour a considéré que l’arrêt après renvoi reposait sur un examen incomplet des faits. En conséquence, elle a annulé l’arrêt après renvoi et renvoyé l’affaire devant le Tribunal.

73      Par lettres du 6 juillet 2019, le greffe du Tribunal a invité les parties à présenter leurs observations écrites, conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, concernant les suites à donner au second arrêt sur pourvoi dans la présente procédure. Le requérante et la Commission ont déposé leurs observations, respectivement, le 3 et le 4 septembre 2020.

74      Par décision du président du Tribunal du 17 juillet 2020, la présente affaire a été attribuée à la huitième chambre.

75      Le 22 septembre 2020, le requérant a sollicité la tenue d’une audience.

76      Le 27 avril 2021, le Tribunal a interrogé les parties sur différents aspects de la présente affaire. Par ailleurs, le Tribunal a prié la Commission de produire le procès-verbal de l’audition du requérant par l’OLAF du 3 mai 2011 ainsi que le témoignage écrit d’un ancien collègue du requérant.

77      Le 10 mai 2021, les parties ont répondu aux questions du Tribunal et la Commission a transmis les pièces demandées.

78      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales du Tribunal lors de l’audience du 9 juin 2021.

IV.    Conclusions des parties

79      Dans le dernier état de ses conclusions, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission à lui verser une somme de 3 652 000 euros, en réparation des préjudices moral, médical, familial, professionnel et matériel qu’il estime avoir subis ;

–        condamner la Commission aux dépens.

80      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

V.      En droit

A.      Sur les conclusions en annulation

81      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque cinq moyens.

1.      Sur le premier moyen, tiré de labsence de matérialité des faits retenus à lencontre du requérant ainsi que dune qualification juridique erronée de ces faits, de lutilisation de bases juridiques erronées, dune violation des droits de la défense et dune violation de lobligation de motivation

82      En substance, le premier moyen se subdivise en quatre branches.

a)      Sur la première branche du premier moyen, relative à labsence de matérialité des faits retenus à lencontre du requérant dans le cadre de la première faute et à la qualification juridique erronée de ces faits

83      Dans le cadre de la première branche du premier moyen, le requérant conteste que le courrier électronique du 6 septembre 2001 démontre la réalité d’une « négociation » entre lui et la société G. Selon lui, ce courrier électronique atteste, au contraire, d’une « instruction » qu’il aurait donnée à la société G. Par ailleurs, cette « instruction » correspondrait à l’ajout d’une prestation supplémentaire et serait conforme au contrat-cadre. En outre, la Commission n’aurait pas été lésée, puisque, par sa gestion du projet, le requérant lui aurait fait économiser de l’argent. Pour l’ensemble de ces raisons, la décision attaquée serait entachée d’erreurs manifestes d’appréciation, si bien que la première faute retenue à l’encontre du requérant ne serait pas établie.

84      La Commission conteste cette argumentation.

85      À titre liminaire, le Tribunal rappelle que le courrier électronique du 6 septembre 2001, envoyé par le requérant à H, de la société G, précisait ce qui suit :

« Concerning the questionnaire, I will send you my final version tomorrow at the latest.

Could you please fax me your final offer this afternoon (that is, the number of QUs [question units] we decided together + 5 New QUs[) ?]

Of course, you will count in this final offer the 0.5 QU (about 2,000 euros) for your expenses. This is something confidential between you, me and [R]. »

86      Il ressort du dossier que « [R] » fait référence au directeur de la société G. 

87      Sur le fondement de ce courrier électronique, l’AIPN tripartite a conclu ce qui suit :

« [Le requérant] s’est arrangé pour couvrir certaines dépenses non prévues par le contrat à l’insu de sa hiérarchie. Avec ce courrier électronique, [le requérant] s’est donc livré à une négociation non autorisée du marché. En même temps, [le requérant] a cherché à dissimuler sa démarche en insistant sur sa confidentialité entre lui et les représentants de la société [G].

Ce faisant, l’AIPN estime, tout comme le conseil de discipline, que [le requérant] a donné l’image d’un fonctionnaire qui se livre à une opération clandestine au détriment de son institution, portant ainsi gravement atteinte à l’image de l’institution. Par ce même comportement, l’AIPN ajoute au raisonnement du conseil de discipline que [le requérant] a exposé l’institution au risque d’une surfacturation à travers un arrangement personnel, indépendamment de la réalisation ou non de ce risque.

Le comportement [du requérant] constitue à cet égard un très grave manquement aux articles 11[, premier alinéa], et 12 [de l’ancien] statut, tels qu’en vigueur à l’époque. »

88      S’agissant de la matérialité des faits, le Tribunal constate que le requérant ne remet en cause ni l’existence ni le contenu du courrier électronique du 6 septembre 2001. Dans ces conditions, aucun des arguments du requérant ne saurait créer un doute sérieux quant à l’existence matérielle des faits qui lui sont reprochés.

89      En revanche, il convient de vérifier si la qualification juridique de ces faits, retenue par l’AIPN tripartite, à savoir l’existence d’une négociation non autorisée et clandestine d’un marché, est entachée, comme le soutient le requérant, d’erreurs manifestes d’appréciation.

90      Selon la jurisprudence, une décision infligeant une sanction de révocation implique nécessairement des considérations délicates de la part de l’institution, compte tenu des conséquences particulièrement sérieuses qui en découlent. L’institution dispose à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation et le Tribunal ne saurait substituer son appréciation à celle de l’AIPN. Le contrôle juridictionnel se limite à une vérification de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de l’absence de détournement de pouvoir. En outre, la légalité de toute sanction disciplinaire présuppose que la réalité des faits reprochés à l’intéressé soit établie (voir, en ce sens, arrêts du 17 mai 2000, Tzikis/Commission, T‑203/98, EU:T:2000:130, points 50 et 51 et jurisprudence citée, et du 12 juillet 2012, Commission/Nanopoulos, T‑308/10 P, EU:T:2012:370, point 150 et jurisprudence citée).

91      Par ailleurs, une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle peut être détectée de façon évidente, à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice par l’administration de son pouvoir d’appréciation. Établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision prise en conséquence suppose donc que les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, soient suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut toujours être admise comme justifiée et cohérente [voir arrêt du 2 avril 2019, Fleig/SEAE, T‑492/17, EU:T:2019:211, point 55 (non publié) et jurisprudence citée].

92      Conformément à cette jurisprudence, il appartient donc au requérant d’apporter des éléments de preuve privant de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. Partant, il convient de vérifier si les arguments avancés par le requérant sont susceptibles de démontrer une erreur manifeste d’appréciation de la part de l’AIPN tripartite.

93      En premier lieu, le Tribunal relève que le requérant ne nie pas le caractère confidentiel du courrier électronique du 6 septembre 2001. De même, le requérant n’a, dans ses écritures, avancé aucun argument contestant les appréciations de l’AIPN tripartite, exposées aux points 48 et 49 de la décision attaquée, selon lesquelles la confidentialité dudit courrier électronique visait à « couvrir » et à « dissimuler » certaines dépenses non prévues par le contrat-cadre « à l’insu de sa hiérarchie », et selon lesquelles il s’agissait, en conséquence, d’une « opération clandestine » au détriment de la Commission. Tout au plus, cette confidentialité aurait été commandée, selon lui, par le caractère « politiquement sensible » de certaines questions du sondage concerné. Toutefois, le requérant n’a ni soutenu ni démontré qu’il avait averti sa hiérarchie, ou que celle-ci était au courant, du contenu du courrier électronique du 6 septembre 2001. Compte tenu de ces éléments, l’AIPN tripartite n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la prétendue négociation du marché en cause avait été tenue à l’insu de la hiérarchie du requérant et que, partant, elle était clandestine.

94      En deuxième lieu, le requérant soutient que le courrier électronique du 6 septembre 2001 ne démontre pas l’existence d’une « négociation », mais qu’il atteste, au contraire, d’une « instruction » donnée par lui à la société G. Cette conclusion ressortirait expressément du membre de phrase suivant : « Of course, you will count in this final offer ».

95      Cet argument doit être rejeté. En effet, le requérant n’a pas soutenu, dans le cadre du présent recours, que ses propos, tels que résumés aux points 33 et 35 de la décision attaquée, avaient été altérés par l’AIPN tripartite. Or, selon lesdits points 33 et 35 de la décision attaquée, le requérant a affirmé que le courrier électronique du 6 septembre 2001 devait être interprété comme une « proposition » d’inclure des coûts d’analyse dits de « desk research » dans l’offre de la société G. À cet égard, le Tribunal note qu’une proposition se distingue d’une instruction, dans la mesure où, contrairement à cette dernière, elle est susceptible d’être acceptée, ou non, par le cocontractant.

96      En outre, ainsi qu’il est rappelé aux points 3 à 5 ci-dessus, le requérant a, dans son courrier électronique du 6 septembre 2001, demandé à la société G de lui transmettre son offre finale (final offer). Par courrier électronique du 7 septembre 2001, H a transmis l’offre de la société G au requérant et lui a demandé de vérifier si cette offre lui convenait (Please check if this offer is OK with you). Enfin, en réponse à ce courrier électronique de H, le requérant a indiqué être d’accord avec l’offre (the offer is ok with me) et a ajouté que la société G pouvait mentionner 103 % du prix convenu (price agreed) au début du contrat. Cette succession de courriers électroniques et le vocabulaire utilisé dans ces échanges (« offre », « accord » et « prix convenu ») confirment, sans aucune ambiguïté, l’existence d’une négociation entre le requérant et la société G.

97      Enfin, et en tout état de cause, le requérant n’a soumis aux juridictions de l’Union aucun élément qui établirait, comme il le soutient, qu’il était en droit, au regard du cadre réglementaire et contractuel applicable, de donner instruction à la société G d’inclure dans son offre finale une demi-unité de question pour couvrir ses dépenses.

98      Le requérant n’a donc pas démontré que l’AIPN tripartite avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le courrier électronique du 6 septembre 2001 attestait de l’existence d’une négociation entre lui et la société G. 

99      En troisième lieu, le requérant affirme que l’inclusion de la demi-unité de question litigieuse correspondait à l’ajout d’une prestation supplémentaire et que cet ajout était conforme au contrat-cadre. Partant, ce serait à tort que l’AIPN tripartite aurait considéré que la démarche du requérant n’avait pas été autorisée par la Commission.

100    À cet égard et ainsi que l’indiquent le requérant et la Commission, le prix du sondage est calculé en unités de question sur le fondement des dispositions du contrat-cadre. Plus spécifiquement, le prix de chaque unité de question est fixé dans la liste 1 figurant à l’annexe III du contrat-cadre. Ladite liste 1 précise notamment que le prix par unité de question inclut « tous les coûts, à l’exception de la préparation du rapport et de son écriture » (all costs, except report preparation and writting). Dans le même sens, l’article 4.1, alinéas 1 et 2, du contrat-cadre prévoit que le montant payé par la Commission, tel que calculé sur le fondement de cette même annexe III, couvre « toutes les dépenses » (all expenditure) supportées par le cocontractant en lien avec ledit contrat-cadre. Par ailleurs, l’article 6.1 de l’annexe II du contrat-cadre liste les cas où une question peut valoir plus d’une unité de question ou, à l’inverse, moins d’une unité de question. Ainsi, dans le cas d’un questionnaire à choix multiples, la question principale vaut une unité de question et chaque sous-question vaut une demi-unité de question. De même, si une question est posée à une « sous-catégorie de personnes représentant moins de 60 % de l’univers », cette question vaut également une demi-unité de question [article 6.1, sous b) à d), de l’annexe II du contrat-cadre].

101    En l’espèce, le requérant a avancé plusieurs explications pour démontrer la compatibilité avec le contrat-cadre de l’inclusion dans l’offre finale de la demi-unité de question litigieuse et ainsi établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la part de l’AIPN tripartite.

102    Premièrement, le requérant a soutenu que la facturation de la demi-unité de question litigieuse correspondait à un item (ou sous-question) (points 28, 44 et 45 de la requête), à une question (point 35 de la décision attaquée ainsi que points 44 et 45 de la requête), voire à plusieurs questions (point 33 de la décision attaquée ainsi que points 38 et 45 de la requête), ainsi qu’à l’analyse des données (dite « desk research ») recueillies en réponse à cet item, à cette question ou à ces questions. Du point de vue quantitatif, les explications du requérant apparaissent ainsi fluctuantes et imprécises, puisqu’il évoque alternativement un item, une question ou des questions, alors que, ainsi qu’il ressort du point 100 ci-dessus, le contrat-cadre fixe, quant à lui, un tarif précis pour chaque type de question ou de sous-question.

103    En outre, à supposer même que la demi-unité de question litigieuse ait eu pour objet un item ou une question visant une sous-catégorie de personnes spécifique, lesquels sont les seuls à valoir une demi-unité de question au regard du tarif fixé par le contrat-cadre, il est manifeste que le requérant n’a pas indiqué, selon le cas, à quelle question principale se rattachait cet item ou quelle était la sous-catégorie de personnes visée. L’objet même de cet item ou de cette question, à les supposer existants, demeure donc indéterminé.

104    Tout au plus, le requérant a affirmé, sans autre précision ni preuve, que les prétendus item, question ou questions supplémentaires étaient « politiquement sensibles », car ils avaient pour objet « le thème “ethnie, nationalité et citoyenneté” » (point 35 de la décision attaquée et point 45 de la requête). Toutefois, cette dernière explication n’a été avancée que tardivement par le requérant, puisque ce dernier n’a pas évoqué l’existence de telles questions ou sous-questions ni, a fortiori, leur prétendu caractère sensible durant son audition par l’OLAF. Du reste, cette explication n’est corroborée par aucun élément du dossier.

105    Ces différentes explications ne permettent donc pas de déterminer si la facturation de la demi-unité de question litigieuse correspondait réellement, comme l’affirme le requérant, à l’ajout d’un item, d’une question ou de questions supplémentaires.

106    Deuxièmement, s’agissant en particulier des prétendus coûts de « desk research », le requérant a affirmé, lors de son audition par l’OLAF et en présence de son avocat, que la demi-unité de question litigieuse visait à couvrir certaines dépenses supportées par la société G. En effet, lors de cette audition, il a déclaré ce qui suit :

« Je ne me rappelle pas de cet échange [de courriers électroniques] mais ce qui semble transparaître est que [la société G] a supporté soit des coûts de desk research, soit des coûts d’organisation de finalisation des questionnaires. Le desk research (type de prestations) lorsqu’il n’était pas prévu au contrat était couvert pa[r] des unités de questions. Avant la rationalisation des contrats [Eurobaromètre], il n’existait pas de liste de prix ou tarifs. Cela a toujours été confidentiel de couvrir le desk research par des unités de questions supplémentaires. Dans les derniers contrats, la possibilité de desk research a été prévue. Cette pratique a été validée par mon [c]hef, [Y]. À votre question explicite, cette pratique a été appliquée, à ma connaissance, une ou deux fois par an, jusqu’à ce qu’il soit prévu des desk research. »

107    Le Tribunal relève que le requérant n’a pas évoqué, lors de son audition par l’OLAF, le prétendu ajout d’un item, d’une question ou de questions supplémentaires, en sus des coûts de « desk research », qui aurait pu expliquer la facturation de la demi-unité de question litigieuse. Tout au plus, il affirme que « le desk research [était couvert] par des unités de questions supplémentaires ». Suivant ses propres déclarations devant l’OLAF, la demi-unité de question litigieuse aurait ainsi couvert exclusivement les coûts de « desk research » de la société G. De même, le courrier électronique du 6 septembre 2001 mentionne uniquement les dépenses de la société G, sans aucune référence à l’ajout d’un item, d’une question ou de questions supplémentaires. Du reste, ainsi qu’il ressort du point 105 ci-dessus, la réalité d’un tel ajout n’est pas démontrée. En revanche, dans ses écritures devant les juridictions de l’Union, et notamment aux points 27, 28 et 44 de la requête, le requérant a affirmé que cette demi-unité de question litigieuse correspondait à l’ajout d’un item, d’une question ou de questions supplémentaires « et » au travail de « desk research » correspondant.

108    En tout état de cause et ainsi que l’a relevé l’AIPN tripartite aux points 33, 44 et 45 de la décision attaquée, il ressort des propres déclarations du requérant, telle que reproduites au point 106 ci-dessus, que celui-ci a entendu couvrir certaines dépenses dites de « desk research », aux contours incertains et prétendument supportées par la société G, par le biais d’une question ou d’une sous-question fictive. Ce faisant, le requérant se serait conformé, selon ses dires, à une pratique en cours à l’époque des faits dans son ancienne unité.

109    Toutefois, le requérant n’a soumis aucune preuve, que ce soit pendant son audition par l’OLAF, durant la procédure disciplinaire ou devant les juridictions de l’Union, démontrant que, comme il le soutient, il était habituel, au sein de cette unité, « de couvrir le desk research par des unités de questions supplémentaires ». À l’inverse, l’existence d’une telle pratique a été formellement démentie par l’ancien chef de l’unité en cause, P, ainsi que par trois anciens collègues du requérant, à savoir X, Y et Z.

110    Au demeurant, à la supposer avérée, une telle pratique, consistant à attribuer des unités de question supplémentaires pour couvrir les coûts de « desk research », aurait été contraire aux dispositions du contrat-cadre. D’une part, comme mentionné au point 100 ci-dessus, la liste 1 de l’annexe III du contrat-cadre indique expressément que le prix par unité de question, applicable à chaque type de question, inclut « tous les coûts, à l’exception de la préparation du rapport et de son écriture ». D’autre part, même si des services ad hoc avaient été convenus entre les parties, ce qui est contesté par la Commission, les coûts de « desk research » auraient dû être fixés, conformément à la liste 4 de l’annexe III du contrat-cadre, en euros, et non en unités de questions, mais aussi sur une base journalière et non forfaitairement. Dans leurs réponses écrites du 10 mai 2021, les parties s’accordent d’ailleurs sur ce dernier point. Ce faisant, lesdites réponses des parties confirment les déclarations faites également en ce sens par P devant le conseil de discipline.

111    En tout état de cause, la réalité même de ces prétendus coûts de « desk research » n’est pas établie.

112    En effet, en réponse à une question écrite du Tribunal visant à clarifier la thèse du requérant, celui-ci a, dans ses réponses du 10 mai 2021 et pour la première fois, avancé quatre hypothèses qui démontreraient la compatibilité de l’inclusion de la demi-unité de question litigieuse avec les dispositions du contrat-cadre. Selon le requérant, premièrement, cette demi-unité de question aurait couvert le volume de travail de deux journées d’un « project manager », mais elle aurait aussi pu correspondre, deuxièmement, à la participation de deux « project managers » pendant une journée chacun, troisièmement, à un « sur-échantillonnage “Blow up to 110 %” à l’échelle des 13 pays candidats », ou encore, quatrièmement, « à d’autres prestations similaires prévues au contrat[-cadre] ». Par ailleurs, dans ces mêmes réponses écrites du 10 mai 2021 et à la suite de l’énonciation de ces hypothèses, le requérant a lui-même reconnu qu’il était impossible de « savoir de manière certaine laquelle de ces [quatre] prestations [aurait] été jugée nécessaire ». De même, lors de l’audience du 9 juin 2021 et en réponse à une question orale du Tribunal, le requérant a affirmé qu’il ne savait pas laquelle de ces quatre hypothèses était, ou aurait pu être, correcte en l’espèce.

113    Plus encore, le Tribunal constate que le requérant n’a pas contesté, que ce soit par écrit avant l’audience du 9 juin 2021 ou au cours de celle-ci, l’affirmation de la Commission, exposée au point 14 de ses réponses écrites du 10 mai 2021, selon laquelle « le contrat spécifique litigieux ne comprenait aucun service ad hoc, et donc aucun coût […] de “desk research” ou d’études complémentaires ».

114    Enfin et surtout, ainsi que l’a relevé l’AIPN tripartite au point 46 de la décision attaquée, il ne ressort nullement des termes utilisés dans le courrier électronique du 6 septembre 2001 que le requérant a proposé de couvrir des coûts de « desk research ». Ces mots ne sont tout simplement pas utilisés dans ledit courrier électronique. Dans celui-ci, le requérant se borne à inviter la société G à facturer des « dépenses », sans autres précisions, d’une valeur d’environ 2 000 euros sous couvert d’une demi-unité de question. Les termes mêmes de ce courrier électronique ne corroborent donc pas les affirmations ultérieures du requérant.

115    Il découle de l’ensemble des éléments qui précèdent que le requérant n’a pas démontré que l’AIPN tripartite avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, sur le fondement du courrier électronique du 6 septembre 2001, qu’il s’était livré à une négociation non autorisée et clandestine d’un marché. En effet, la négociation poursuivie par le requérant s’est affranchie, à l’insu de sa hiérarchie, des dispositions du contrat-cadre, dont il ressort que les prix par unité de questions comprennent l’ensemble des coûts, à l’exception de ceux de la préparation des rapports et de leur écriture.

116    Cette conclusion n’est pas infirmée par le jugement du 16 avril 2018 du tribunal de première instance francophone de Bruxelles auquel le requérant s’est référé dans ses écritures. En effet, contrairement à ce qu’affirme le requérant dans ses observations écrites du 3 septembre 2020, le tribunal de première instance francophone de Bruxelles n’a pas statué sur les mêmes faits que ceux qui ont été soumis, en l’espèce, à l’appréciation de l’AIPN tripartite. Du reste, le requérant a lui-même reconnu, lors de l’audience du 9 juin 2021 et en réponse à une question orale du Tribunal, que le tribunal de première instance francophone de Bruxelles n’avait pas jugé les mêmes faits que ceux ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée. En tout état de cause, ce jugement a été prononcé près de cinq années après l’adoption de la décision attaquée. Or, selon une jurisprudence constante, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté (voir arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 148 et jurisprudence citée). Ainsi, même si ce jugement avait été pertinent en l’espèce, il n’aurait pas pu servir à remettre en cause les appréciations de l’AIPN tripartite.

117    Cette conclusion n’est pas davantage infirmée par le fait que les agissements du requérant n’auraient pas lésé financièrement la Commission. Cet élément est sans incidence, dès lors que, même s’il était établi, il ne démontrerait pas que l’AIPN tripartite aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le requérant s’était livré à une négociation non autorisée et clandestine d’un marché. En outre, il a déjà été jugé que la constatation d’un manquement aux obligations statutaires n’est pas subordonnée à la condition que le fonctionnaire concerné ait causé un préjudice à l’institution (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2002, Zavvos/Commission, T‑21/01, EU:T:2002:177, point 40 et jurisprudence citée).

118    Au demeurant, c’est à tort que le requérant soutient que P aurait confirmé, dans le courrier électronique qu’il a envoyé à l’OLAF le 8 avril 2011, que la Commission n’aurait subi aucun préjudice financier. En effet, les chiffres avancés au point 37 de la requête ne sont tout simplement pas cités par P. Du reste, P insiste, dans ce courrier électronique, sur les « difficultés » qu’il a rencontrées pour arriver à des « conclusions solides » s’agissant de la comptabilisation des questions. En outre, il conclut ce même courrier électronique en indiquant qu’« il [lui] est difficile de répondre à la deuxième question [visant à savoir] si la Commission a payé plus pour le questionnaire que nous avons exécuté ». Enfin, dans un courrier électronique du 13 mai 2013 envoyé au conseil de discipline, P a réitéré qu’il « n’a[vait] pas pu trouver des éléments qui pourraient [l’]aider aux calculs du coût du questionnaire » et qu’il « ne [pouvait] pas confirmer […] que le souci [du requérant] d’agir au bénéfice du budget [de l’Union] a[vait] eu de tels résultats ». Le requérant prête donc à P des propos qu’il n’a pas tenus.

119    Enfin, il convient de rejeter la thèse du requérant, exposée pour la première fois dans ses réponses écrites du 10 mai 2021, selon laquelle l’AIPN tripartite a dénaturé le membre de phrase en cause (« Of course, you will count in this final offer ») en considérant que ces termes signifiaient « vous ajouterez » la demi-unité de question litigieuse dans l’offre finale, alors que, selon lui, ces termes auraient dû être compris comme indiquant que ladite demi-unité de question devait être considérée comme « déjà incluse » dans le prix.

120    À cet égard, il suffit de constater que, aux points 23 et 24 de la requête, le requérant a lui-même traduit les mots « you will count in this final order » par « vous inclurez dans cette offre finale ». L’usage du futur simple indique, sans ambiguïté, que la demi-unité de question litigieuse devait encore être incluse par la société G dans l’offre finale et non qu’elle avait déjà été prise en compte dans le prix. Cette conclusion est d’ailleurs confirmée par les points 27 et 28 de la requête où le requérant évoque la « facturation de 0,5 unité de question supplémentaire ». L’adjonction de l’adjectif « supplémentaire » indique, elle aussi sans ambiguïté, que la demi-unité de question litigieuse n’était pas encore prise en compte dans le prix en cours de négociation.

121    Le requérant n’a donc pas démontré que l’AIPN tripartite avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, sur le fondement du courrier électronique du 6 septembre 2001, qu’il s’était livré à une négociation non autorisée et clandestine d’un marché avec la société G. 

122    Par conséquent, la première branche du premier moyen est rejetée.

b)      Sur la deuxième branche du premier moyen, relative à labsence de base juridique valide ainsi quà labsence de matérialité des faits retenus à lencontre du requérant dans le cadre de la seconde faute et à la qualification juridique erronée de ces faits

1)      Sur l’absence de base juridique valide

123    Le requérant soutient que l’AIPN tripartite se serait fondée sur une base juridique erronée en fondant la décision attaquée sur l’article 11, premier alinéa, et l’article 12 de l’ancien statut pour constater un conflit d’intérêts de sa part, alors que l’article 14 dudit ancien statut avait spécifiquement pour objet les conflits d’intérêts. Par ailleurs, l’AIPN tripartite se serait fondée sur une base juridique erronée en considérant que le requérant avait enfreint l’article 79 du règlement no 1605/2002 lorsqu’il a apposé la mention « conforme aux faits » sur la facture du 14 juin 2004 du consortium E., telle que visée au point 19 ci-dessus, alors que cet article serait purement déclaratif et que la matérialité des faits qui lui sont reprochés ne serait pas établie.

124    La Commission conteste cette argumentation.

125    Le Tribunal constate que la décision attaquée se fonde sur l’article 86 de l’ancien statut, lequel prévoit que tout manquement aux obligations auxquelles le fonctionnaire est tenu l’expose à une sanction disciplinaire.

126    Le Tribunal relève aussi que le requérant ne conteste pas l’applicabilité aux circonstances de l’espèce de l’article 21, paragraphe 1, de l’ancien statut et de l’article 52 du règlement no 1605/2002. Il n’a avancé aucun argument visant à remettre en cause l’utilisation par l’AIPN tripartite, en tant que base juridique, de l’article 21, paragraphe 1, de l’ancien statut. Quant à l’article 52 du règlement no 1605/2002, le requérant ne nie pas que cet article soit applicable à une situation de conflit d’intérêts. Tout au plus, il se limite à affirmer que les conditions posées par cet article n’étaient pas réunies pour établir l’existence d’une situation de conflit d’intérêts en ce qui le concerne. Cet argument a donc pour objet une éventuelle erreur manifeste d’appréciation de la part de l’AIPN tripartite. Il sera dès lors examiné aux points 148 à 152 ci-après.

i)      Sur les articles 11, 12 et 14 de l’ancien statut

127    En l’espèce, la décision attaquée ne se fonde pas sur l’article 14 de l’ancien statut, mais sur l’article 11, premier alinéa, et sur l’article 12 de l’ancien statut. Il convient donc de vérifier si l’AIPN tripartite pouvait valablement se fonder sur ces deux dernières dispositions pour conclure que le requérant avait « créé, dans son chef, une très grave situation de conflit d’intérêts ».

128    Selon une jurisprudence constante, les dispositions des articles 11 et 12 de l’ancien statut constituent des expressions spécifiques de l’obligation fondamentale de loyauté et de coopération du fonctionnaire vis-à-vis de l’Union et de ses supérieurs. Ce devoir comporte, au premier chef, l’obligation pour le fonctionnaire de s’abstenir de conduites attentatoires à la dignité de la fonction et au respect dû à l’Union. Ainsi, il doit notamment faire preuve, d’autant plus s’il a un grade élevé, d’un comportement au-dessus de tout soupçon, afin que les liens de confiance existant entre l’Union et lui-même soient toujours préservés. Ces dispositions constituent en définitive les piliers de la déontologie de la fonction publique européenne (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2007, Andreasen/Commission, F‑40/05, EU:F:2007:189, point 233 et jurisprudence citée et, en ce sens et par analogie, arrêts du 12 novembre 2020, Fleig/SEAE, C‑446/19 P, non publié, EU:C:2020:918, point 100, et du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 187 et jurisprudence citée).

129    Ces règles, qui expriment les devoirs et responsabilités qui pèsent sur la fonction publique européenne, trouvent leur justification dans les missions d’intérêt général dont l’Union est chargée, impliquant que les citoyens de l’Union et les États membres doivent pouvoir avoir confiance dans le fait que les institutions, par l’entremise de leurs fonctionnaires et agents, veillent au bon accomplissement desdites missions. Ainsi, de telles obligations sont destinées principalement à préserver la relation de confiance qui doit exister entre l’Union et ses fonctionnaires ou agents (voir, par analogie, arrêt du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 188 et jurisprudence citée).

130    Compte tenu de l’importance de la relation de confiance existant entre l’Union et le fonctionnaire en ce qui concerne tant le fonctionnement intérieur de l’Union que son image à l’extérieur, et au vu de la généralité des termes des dispositions des articles 11 et 12 de l’ancien statut, celles-ci couvrent toute circonstance ou tout comportement dont le fonctionnaire doit raisonnablement comprendre, au vu de son grade et des fonctions qu’il exerce ainsi que des circonstances propres de l’affaire, qu’il est de nature à apparaître, aux yeux des tiers, comme étant susceptible de provoquer une confusion quant aux intérêts poursuivis par l’Union qu’il est censé servir (voir, par analogie, arrêt du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 189 et jurisprudence citée).

131    Ainsi, par leur comportement, les fonctionnaires et agents de l’Union doivent présenter une image de dignité conforme à la conduite particulièrement correcte et respectueuse qu’il est légitime d’attendre des membres du personnel d’une organisation publique internationale (voir, par analogie, arrêt du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 190 et jurisprudence citée).

132    Sur le fondement de la jurisprudence rappelée aux points qui précèdent, il a déjà été jugé qu’un fonctionnaire de l’Union qui avait permis qu’une situation de conflit d’intérêts se développe et perdure méconnaissait tant l’article 11 que l’article 11 bis du statut, lesquels ont repris, en substance et respectivement, l’article 11 et l’article 14 de l’ancien statut, dans la mesure où il ne s’était pas acquitté de ses fonctions et qu’il n’avait pas réglé sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts de l’institution. En effet, dans l’affaire en cause, le fonctionnaire avait cherché à obtenir, en usant des prérogatives que lui offraient ses fonctions au sein de la Commission, qu’un avantage soit octroyé par un tiers, cocontractant de cette institution, à un membre de sa famille. Pour le juge de l’Union, un tel comportement contrevenait aux devoirs de loyauté et de dignité, dès lors qu’il était de nature à apparaître, aux yeux des tiers, comme étant susceptible de provoquer une confusion quant aux intérêts poursuivis par l’Union qu’il était censé servir (arrêt du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, points 191 et 198).

133    Il ressort donc de la jurisprudence que la création et la perpétuation par le requérant d’une situation de conflit d’intérêts pouvaient être sanctionnées disciplinairement sur le fondement de l’article 14 de l’ancien statut, mais aussi sur celui des articles 11 et 12 de l’ancien statut. En effet, une telle conduite, à la supposer établie, contrevenait aux devoirs de loyauté et de dignité, lesquels constituent les piliers de la déontologie de la fonction publique européenne.

134    Par conséquent, l’AIPN tripartite n’a pas commis d’erreur de droit en se fondant sur l’article 11, premier alinéa, et sur l’article 12 de l’ancien statut dans la mesure où la décision attaquée vise la création d’un conflit d’intérêts. S’agissant de la matérialité des faits en cause et de leur qualification juridique, elles seront examinées aux points 138 à 158 ci-après.

ii)    Sur l’article 79 du règlement no 1605/2002

135    L’article 79 du règlement no 1605/2002 disposait ce qui suit :

« La liquidation d’une dépense est l’acte par lequel l’ordonnateur compétent :

a)       vérifie l’existence des droits du créancier ;

b)       détermine ou vérifie la réalité et le montant de la créance ;

c)       vérifie les conditions d’exigibilité de la créance. »

136    En l’espèce, le requérant n’a avancé aucun argument visant à démontrer que, comme il le soutient, l’article 79 du règlement no 1605/2002 serait dénué de toute valeur normative et ne serait que purement déclaratif. De plus, la formulation impérative retenue par le législateur de l’Union (« l’ordonnateur compétent […] vérifie […][,] détermine […] [et] vérifie […] ») s’oppose à l’interprétation défendue par le requérant et indique, sans ambiguïté, le caractère juridiquement contraignant de cette disposition. Partant, contrairement à ce qu’affirme le requérant, cette disposition est créatrice d’obligations pour les fonctionnaires concernés.

137    Par conséquent, l’AIPN tripartite n’a pas commis d’erreur de droit en se fondant sur l’article 79 du règlement no 1605/2002 dans la mesure où la décision attaquée vise la certification de certaines tâches de traduction non conforme au cadre contractuel et réglementaire applicable. S’agissant de la matérialité des faits en cause et de leur qualification juridique, elles seront examinées aux points 161 à 173 ci-après.

2)      Sur l’absence de matérialité des faits reprochés et leur qualification juridique erronée

i)      Sur l’existence d’une « très grave situation de conflit d’intérêts »

138    Le Tribunal relève que le requérant ne conteste pas la matérialité des faits décrits aux points 8 à 16 ci-dessus. En particulier, il n’a remis en cause ni l’existence ni le contenu du courrier électronique du 24 juin 2003.

139    En revanche, il reproche à l’AIPN tripartite, d’une part, d’avoir retenu une qualification juridique inexacte du statut personnel de M ainsi que du courrier électronique du 24 juin 2003 et, d’autre part, de n’avoir pas démontré l’existence d’autres faits que ceux décrits aux points 8 à 16 ci-dessus.

140    Premièrement, le requérant soutient que ce serait à tort que M aurait été considérée comme étant son épouse, alors que, au moment des faits, il aurait été marié à une tierce personne.

141    Cet argument doit être rejeté. Même s’il est vrai que, comme le relève le requérant, l’OLAF a présenté M comme étant son « épouse » ou sa « compagne officielle », cet élément est sans incidence en l’espèce. En effet, la décision attaquée n’a, quant à elle, pas qualifié M d’épouse ou de compagne officielle du requérant. Au contraire, et comme le requérant le relève lui-même, la décision attaquée indique clairement que le requérant et M « n’étaient pas encore mariés » à l’époque des faits en cause. Au surplus, cet argument dénote une réelle mauvaise foi de la part du requérant, dès lors qu’il était effectivement marié avec M au moment où l’OLAF a mené son enquête. L’OLAF a donc utilisé un vocabulaire adapté à la réalité qui avait cours au moment de son enquête. Du reste, le requérant a lui aussi, expressément et à plusieurs reprises, présenté M comme étant son « épouse » lors de son audition par l’OLAF. Enfin, le conseil de discipline a mis en exergue, au point 49 de son avis, le fait que le requérant avait officiellement indiqué, le 6 mai 2003, que M était « membre de [s]a famille domicilié à la même adresse [que la sienne] » dans le formulaire « Notification de changement d’adresse privée » et qu’il y avait même utilisé le terme de « conjoint », bien qu’ils ne fussent pas encore mariés à cette époque. Dans ces conditions, le requérant ne saurait reprocher à l’OLAF d’avoir désigné M comme étant son épouse, alors que lui-même la présentait comme telle depuis l’année 2003.

142    Deuxièmement, le requérant affirme que, à l’époque des faits, il n’entretenait aucune « communauté d’intérêts, que ce soit matérielle, sentimentale, familiale ou d’une quelconque nature » avec M.

143    Cet argument ne peut qu’être rejeté. Tout d’abord, le requérant a reconnu, en réponse à la question no 10 de l’OLAF, qu’il avait fait la connaissance de M durant l’année 2000. Il a également reconnu, en réponse à la question no 1 de l’OLAF, que M était cotitulaire de certains de ses comptes bancaires depuis la fin de l’année 2000 et qu’elle disposait, depuis 2001, d’une procuration sur un autre de ses comptes bancaires. Ensuite, ainsi qu’il ressort du point 141 ci-dessus, le requérant a officiellement indiqué que M était un membre de sa famille dès le 6 mai 2003, soit plus d’un mois avant l’envoi du courrier électronique du 24 juin 2003. Par ailleurs, le requérant a lui-même qualifié, dans ledit courrier électronique, la société N, créée par M, de société « amie ». Enfin, il n’a pas contesté le fait, mis en avant dans la décision attaquée, que le siège de la société N était situé à la même adresse que sa propre adresse. Ces éléments constituent des indices suffisants pour établir que, au moment de la commission des faits litigieux, le requérant partageait, contrairement à ce qu’il soutient, une communauté d’intérêts avec M, et ce indépendamment du fait qu’il était encore marié, à cette époque, à une tierce personne.

144    Troisièmement, le requérant soutient qu’aucun élément du dossier ne démontrerait que le courrier électronique du 24 juin 2003 aurait, comme l’aurait retenu l’AIPN tripartite, la forme d’une « recommandation » de la société N. Au contraire, la rédaction de ce courrier électronique serait prudente. De plus, celui-ci contiendrait une demande d’autorisation de la part du consortium E. Enfin, ce courrier électronique se limiterait à l’éventualité d’un conseil et ne préjugerait pas du choix du consortium E de travailler, ou non, avec la société N. 

145    Ces arguments doivent être rejetés. Compte tenu de la rédaction même du courrier électronique du 24 juin 2003, l’AIPN tripartite a pu considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que le requérant avait recommandé la société N auprès du consortium E. En effet, l’intervention du requérant apparaît fort élogieuse, voire promotionnelle, envers la société N, puisqu’il met en avant « [leur] parfaite connaissance des sondages, [leur] utilisation d’un français excellent, [et leurs] délais très brefs ». Or, la mise en exergue de ces prétendues qualités, à laquelle s’adjoint la garantie personnelle offerte par le requérant (« [il s’agit d’]une société de traduction “amie” » et « je peux me porter garant de la qualité de leur travail »), confirme que ledit courrier électronique visait à recommander les services de la société N auprès du consortium E.

146    Au demeurant, les prétendues qualités de la société N vantées par le requérant dans le courrier électronique du 24 juin 2003 apparaissent pour le moins douteuses, dès lors que cette société n’avait été créée que le 10 juin 2003, soit à peine deux semaines avant l’envoi dudit courrier électronique au consortium E. Par ailleurs, M ne disposait d’aucune compétence reconnue dans le domaine de la traduction. En effet, selon les déclarations faites par le requérant lors de son audition par l’OLAF, elle était diplômée en architecture d’intérieur. De plus, suivant ces mêmes déclarations, elle n’avait exercé ses compétences professionnelles que dans les domaines de la gestion hôtelière et de l’architecture d’intérieur. Compte tenu de ces éléments, il n’est guère crédible qu’une société nouvellement créée, de surcroît par une personne n’ayant aucune expertise particulière dans le domaine de la traduction, ait pu démontrer de telles qualités en moins de deux semaines.

147    Par conséquent, tant la rédaction du courrier électronique du 24 juin 2003 que le contexte dans lequel celui-ci s’est inscrit confirment que le requérant a effectivement recommandé la société N auprès du consortium E. Au surplus, et en tout état de cause, il convient de constater, dès à présent, que l’ensemble des éléments qui précèdent traduisent un manque flagrant d’indépendance et d’impartialité de la part du requérant, lequel était guidé par la poursuite de son seul intérêt personnel et non par la défense exclusive des intérêts de la Commission.

148    Quatrièmement, le requérant soutient qu’il ne pourrait pas y avoir de conflit d’intérêts, au regard de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1605/2002, dès lors que le « bénéficiaire », au sens de cette disposition, de la procédure d’engagement et de paiement qu’il avait diligentée en 2003 serait le consortium E, et non la société N ou M en tant que personne physique.

149    À cet égard, l’article 52 du règlement no 1605/2002 disposait :

« 1. Il est interdit à tout acteur financier d’adopter tout acte d’exécution du budget à l’occasion duquel ses propres intérêts pourraient être en conflit avec ceux des Communautés. Si un tel cas se présente, l’acteur concerné a l’obligation de s’abstenir et d’en référer à l’autorité compétente.

2. Il y a conflit d’intérêts lorsque l’exercice impartial et objectif des fonctions d’un acteur de l’exécution du budget ou d’un auditeur interne est compromis pour des motifs familiaux, affectifs, d’affinité politique ou nationale, d’intérêt économique ou pour tout autre motif de communauté d’intérêt avec le bénéficiaire. »

150    La thèse du requérant ne convainc pas, dès lors qu’elle repose sur une lecture particulièrement restrictive de cet article. En effet, l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1605/2002 interdit aux fonctionnaires de l’Union d’adopter « tout » acte d’exécution du budget à l’occasion duquel leurs propres intérêts pourraient être en conflit avec ceux de l’Union. Ce faisant, l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1605/2002 dispose d’un champ d’application large, couvrant toute circonstance dont le fonctionnaire qui est amené à se prononcer sur une affaire doit raisonnablement comprendre qu’elle est de nature à apparaître, aux yeux des tiers, comme étant susceptible d’affecter son impartialité en la matière (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 4 mai 2010, Fries Guggenheim/Cedefop, F‑47/09, EU:F:2010:36, point 73 et jurisprudence citée).

151    Compte tenu de cette interdiction particulièrement large, l’interprétation du terme « bénéficiaire », visé au paragraphe 2 de ce même article, ne saurait être limitée, en l’espèce, aux seuls cocontractants de la Commission. Au contraire, le terme « bénéficiaire » est susceptible d’englober toute personne qui, bien que n’ayant aucune relation contractuelle avec la Commission, tire un avantage de la situation de conflit d’intérêts créée par le fonctionnaire de l’Union en cause. Une telle conclusion s’impose d’autant plus qu’il a déjà été jugé que constitue une situation de conflit d’intérêts le fait pour un fonctionnaire de la Commission d’avoir cherché à obtenir, en usant des prérogatives que lui offraient ses fonctions au sein de cette institution, qu’un avantage soit octroyé par un tiers, cocontractant de la Commission, à un membre de sa famille (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, points 191 à 198).

152    Or, il ressort des points 140 à 147 ci-dessus que, ainsi que l’a relevé l’AIPN tripartite, le requérant a créé et fait perdurer une très grave situation de conflit d’intérêts dont a bénéficié notamment la société N. Il ressort également de ces points que le requérant partageait une communauté d’intérêts avec M, fondatrice et gérante de la société N depuis l’année 2000, et qu’il avait officiellement indiqué qu’elle était un membre de sa famille depuis le 6 mai 2003. Enfin, le requérant n’a jamais soutenu, et aucun élément du dossier ne l’atteste, qu’il avait, conformément à ce que prévoyaient l’article 14 de l’ancien statut et l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1605/2002, averti sa hiérarchie de l’existence de cette situation de conflit d’intérêts.

153    Cinquièmement, le requérant soutient également qu’aucun élément du dossier ne démontre que c’est le courrier électronique du 24 juin 2003 qui aurait permis à M ou à la société N de rentrer en contact avec le consortium E. Selon le requérant, rien n’indiquerait non plus que ce courrier électronique aurait été envoyé de sa propre initiative et non à la demande expresse du consortium E. De même, aucun des éléments du dossier ne démontrerait que le requérant aurait conseillé à M ou à la société N d’envoyer leurs « conditions » au consortium E, ni que ladite société aurait effectivement envoyé lesdites conditions à ce consortium. Le requérant affirme également qu’aucun de ces éléments ne démontre que M aurait été rémunérée par le consortium E ou qu’elle aurait retiré un quelconque bénéfice de la situation en cause. Enfin, le requérant affirme qu’aucun de ces éléments ne démontre que la traduction litigieuse n’aurait pas été réalisée par des tierces personnes, expertes en traduction et en sondages d’opinion, et directement rémunérées par le consortium E. 

154    Ces arguments doivent être rejetés, dès lors que, même s’ils étaient établis, ils ne seraient pas susceptibles, en tout état de cause, de démontrer que l’AIPN tripartite a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le requérant avait créé et fait perdurer « une très grave situation de conflit d’intérêts ». Ainsi que l’a relevé à juste titre l’AIPN tripartite, la nature exacte du rôle de la société N dans la traduction du rapport n’a aucune incidence sur l’existence d’une situation de conflit d’intérêts de la part du requérant.

155    À titre surabondant, et ainsi qu’il est indiqué au point 14 ci-dessus, M a envoyé, le 1er septembre 2003, un courrier électronique au consortium E contenant une première partie de la traduction du rapport [confidentiel]. Ce seul courrier électronique prouve l’existence d’une relation professionnelle entre la société N et le consortium E. De même, la mention « Traduction française du rapport : [société N] » figurant dans les annexes de la version française finale du rapport [confidentiel] indique, à suffisance de droit, que cette traduction a été réalisée par la société N, et non, comme le soutient le requérant, par des tierces personnes, lesquelles, au demeurant, ne sont pas identifiées dans la requête. Compte tenu de ces éléments, il peut donc être raisonnablement présumé que le consortium E a rémunéré la société N pour ses services de traduction. En effet, ainsi que l’a relevé le conseil de discipline, il est invraisemblable que cette prestation de services de la société N n’ait pas fait l’objet d’une contrepartie financière. De plus, le simple fait que M ait mis le requérant en copie du courrier électronique du 1er septembre 2003 alors que la société N n’avait officiellement aucune relation contractuelle avec la Commission suffit à établir que le requérant était, à tout le moins, associé aux échanges professionnels existant entre cette société et le consortium E. Il ne pouvait donc pas ignorer l’existence de cette relation professionnelle entre la société N et le consortium E. 

156    Sixièmement, le requérant soutient qu’aucun élément du dossier ne démontre que le courrier électronique du 24 juin 2003 aurait porté préjudice aux intérêts ou à la réputation de la Commission.

157    À cet égard, les obligations prévues aux articles 11, 12 et 14 de l’ancien statut s’imposent de manière générale et objective. La constatation d’un manquement à ces obligations n’est pas subordonnée à la condition que le fonctionnaire ou l’agent temporaire concerné ait profité de ce manquement ou que ce dernier ait causé un préjudice à l’institution (voir arrêt du 3 juillet 2001, E/Commission, T‑24/98 et T‑241/99, EU:T:2001:175, point 76 et jurisprudence citée). Au surplus, le requérant n’a apporté aucun élément démontrant que c’est à tort que l’AIPN tripartite a considéré que le courrier électronique du 24 juin 2003 était de nature à discréditer l’image de la Commission.

158    Eu égard à l’ensemble des éléments qui précèdent, aucun des arguments du requérant n’est à même de remettre en cause la plausibilité des appréciations de l’AIPN tripartite. C’est donc sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que celle-ci a considéré que, en l’espèce, le requérant avait créé et fait perdurer une situation de conflit d’intérêts.

ii)    Sur la violation de l’article 79 du règlement no 1605/2002 et de l’article 98 du règlement no 2342/2002

159    En substance, le requérant conteste le point 57 de la décision attaquée dans la mesure où l’AIPN tripartite y affirme qu’il « a enfreint l’article 79 [du règlement no 1605/2002] et l’article 98 [du règlement no 2342/2002] […] en certifiant que les prestations avaient été réalisées en conformité avec les conditions du contrat-cadre et du contrat spécifique ». Le requérant soutient, au contraire, que les services prévus au contrat ont bien été rendus et, plus particulièrement, il affirme qu’il est établi que le consortium E a fourni la traduction du rapport [confidentiel] de l’anglais vers le français.

160    La Commission conteste cette argumentation.

161    À titre liminaire, le Tribunal relève que le requérant ne conteste pas avoir apposé, à une date non précisée, la mention « conforme aux faits » sur la facture du consortium E du 14 juin 2004, telle que visée au point 19 ci-dessus, ayant pour objet la traduction du rapport [confidentiel] de l’anglais vers le français. De même, il ne conteste pas avoir indiqué dans le rapport de l’agent technique, visé au point 20 ci-dessus, ce qui suit :

« […]

Le respect de l’équilibre des langues, ainsi que la pratique constante pour les rapports de sondage Eurobaromètre, appelaient une traduction de ce document en [f]rançais.

Cette traduction a été effectuée par [le consortium E]. Elle nous a été remise, et a été acceptée.

Il convient donc de procéder au paiement de cette facture [du consortium E], pour un montant de [6 717,04 euros]. »

162    À cet égard, l’article 98, second alinéa, du règlement no 2342/2002 prévoit que, « [p]ar la mention “conforme aux faits”, […] il est certifié que les services prévus au contrat ont bien été rendus ».

163    Contrairement à ce que soutient le requérant, cette disposition ne saurait être interprétée comme exigeant uniquement de vérifier si les services en cause ont effectivement été rendus. Encore faut-il, eu égard aux principes de bonne gestion financière et de légalité, visés notamment à l’article 60, paragraphe 1, du règlement no 1605/2002, que ces services aient été rendus en conformité avec les dispositions légales, réglementaires et contractuelles applicables. En effet, ainsi que l’affirme à raison la Commission, toute autre solution permettrait à un fonctionnaire d’apposer la mention « conforme aux faits » quand bien même la prestation en cause aurait été réalisée par un sous-traitant sur lequel l’administration n’aurait eu aucun contrôle préalable. Une telle pratique permettrait ainsi de contourner les procédures de marchés publics et notamment les exigences de qualité et de viabilité financière guidant le processus de sélection des contractants. Du reste, le requérant admet lui-même cette interprétation, puisqu’il affirme, dans la requête, que « l’article 98 [du règlement no 2342/2002] appelle à vérifier si [la mention] “conforme aux faits” apposée [par lui] sur la facture du [consortium E du 14 juin 2004] […] l’a été dans le respect de ses dispositions ».

164    En l’espèce, il est constant que le consortium E a fourni la traduction française du rapport [confidentiel] à la Commission. De même, il est manifeste que ni la facture du consortium E du 14 juin 2004, sur laquelle le requérant a apposé la mention « conforme aux faits », ni le rapport de l’agent technique, qu’il a lui-même rédigé, n’évoquent la circonstance que cette traduction a, en réalité, été accomplie par la société N. Au contraire, dans ledit rapport de l’agent technique, le requérant a expressément affirmé que cette traduction « [avait] été effectuée par [le consortium E] ».

165    Il ressort de ces éléments que ni la facture du consortium E du 14 juin 2004 ni le rapport de l’agent technique ne sont conformes à la réalité.

166    Par ailleurs, il ressort de la décision attaquée, mais aussi de la déposition de l’ancien chef d’unité du requérant, P, devant le conseil de discipline, que le contrat-cadre ne prévoyait pas la traduction des rapports Eurobaromètre. Dans ses écritures devant les juridictions de l’Union, le requérant n’a pas non plus affirmé que ces traductions étaient prévues par le contrat-cadre.

167    Toutefois, P a également affirmé devant le conseil de discipline que « le contrat-cadre avec [le consortium E] était utilisé pour faire les traductions des rapports de [la société G] ». Cette déclaration confirme la teneur de la note explicative du 25 août 2003, rédigée par le requérant et signée par P, dans laquelle il est précisé que, « [les rapports Eurobaromètre] devant être publiés également en français, la traduction en est confiée à notre contractant, [le consortium E], dont le contrat prévoit explicitement ce type de prestations ». Cet élément est aussi repris au point 11 de la décision attaquée.

168    Cependant, ainsi que l’a souligné P devant le conseil de discipline, et comme le soutient la Commission, le contrat-cadre conclu avec le consortium E nécessitait que la sous-traitance soit préalablement autorisée par la Commission. Cette obligation est d’ailleurs rappelée au point 12 de la décision attaquée.

169    Or, dans ses écritures devant les juridictions de l’Union, le requérant n’a pas soutenu ni a fortiori prouvé que la sous-traitance litigieuse, confiée par le consortium E à la société N, avait été préalablement autorisée par la Commission. De même, lors de sa déposition devant le conseil de discipline, P a confirmé que, en l’espèce, cette sous-traitance n’avait pas été notifiée. Ce faisant, cette sous-traitance ne respectait pas les dispositions du contrat-cadre conclu par la Commission avec le consortium E. 

170    Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument du requérant selon lequel le contrat-cadre conclu avec le consortium E n’exigeait pas de notifier à la Commission les noms des traducteurs. Certes, ainsi que l’a confirmé P devant le conseil de discipline, le contrat-cadre conclu avec le consortium E n’exigeait pas la notification des noms des traducteurs à la Commission. Toutefois, la question de l’identification des traducteurs, à savoir les personnes qui traduisent effectivement les textes concernés, est différente de celle d’une éventuelle sous-traitance de cette tâche. En effet, une sous-traitance peut, comme en l’espèce, être confiée à une personne morale qui, en toute logique, ne sera pas considérée comme une traductrice. De même, si des traducteurs sont employés par cette personne morale, ils ne seront pas considérés comme des sous-traitants. La question de l’identification des traducteurs est donc sans rapport avec celle de l’autorisation préalable d’une éventuelle sous-traitance.

171    Cette conclusion n’est pas non plus infirmée par le fait que P a apposé la mention « bon à payer » sur la facture du consortium E du 14 juin 2004 et que, partant, il aurait vérifié la réalité des prestations fournies. En effet, ainsi que cela a été relevé au point 169 ci-dessus, l’intervention de la société N n’avait pas été préalablement notifiée à la Commission ni, a fortiori, autorisée par elle. De plus, ni la facture du 14 juin 2004 ni le rapport de l’agent technique ne font référence à la société N. Enfin, lors de sa déposition devant le conseil de discipline, P a affirmé qu’il ne connaissait pas la société N. Aucun élément du dossier n’indique donc que P était au courant de l’intervention de la société N, laquelle demeurait cachée, lorsqu’il a apposé la mention « bon à payer » sur ladite facture du 14 juin 2004.

172    Compte tenu des éléments qui précèdent, il y a lieu de constater que le requérant n’a pas démontré que l’AIPN tripartite avait commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a considéré qu’il avait enfreint l’article 79 du règlement no 1605/2002 et l’article 98 du règlement no 2342/2002 en certifiant que les prestations avaient été réalisées en conformité avec les conditions du contrat-cadre et du contrat spécifique.

173    Par conséquent, il convient de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

c)      Sur la troisième branche du premier moyen, relative à la violation des droits de la défense

174    Dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, le requérant soutient, en substance, que ses droits de la défense auraient été violés au motif que plusieurs documents, y compris le contrat-cadre, les différentes versions du questionnaire et le dossier financier relatif au projet en cause, n’auraient pas été versés au dossier. Ce faisant, le requérant aurait été dans l’incapacité de prendre position sur l’ensemble des documents que l’AIPN tripartite a utilisés dans le cadre de l’appréciation de la première faute retenue à son égard. De plus, le requérant estime que, s’il avait été mis en possession de ces documents, il aurait pu démontrer qu’une prestation supplémentaire, équivalente à la demi-unité de question litigieuse, avait bien été requise de sa part auprès de la société G et que la méthode de calcul utilisée était conforme aux dispositions du contrat-cadre. Partant, les documents susvisés devraient être exclus des moyens de preuve retenus par l’AIPN tripartite. Par ailleurs, l’OLAF n’aurait transmis qu’une partie des échanges entre le requérant et la société G, si bien que l’AIPN tripartite n’aurait eu qu’une vue parcellaire du dossier. Or, le principe de bonne administration exigerait que l’AIPN tripartite prenne en considération l’ensemble des éléments pertinents du cas d’espèce. Enfin, l’AIPN tripartite aurait renversé la charge de la preuve en affirmant que le requérant n’aurait pas apporté d’explication convaincante s’agissant du courrier électronique du 6 septembre 2001, alors que c’était à elle, selon lui, qu’il appartenait de démontrer qu’il avait adopté un comportement fautif.

175    La Commission conteste cette argumentation.

176    À cet égard, le respect des droits de la défense, tel que visé à l’article 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), intitulé « Présomption d’innocence et droits de la défense », impose que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue au sujet des éléments susceptibles d’être retenus à leur charge pour fonder ces décisions et inclut le respect du principe du contradictoire, qui va au-delà du respect du droit d’être entendu, lequel est également, par ailleurs, garanti en tant que composante de l’article 41 de la Charte, intitulé « Droit à une bonne administration » (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, CH/Parlement, T‑83/18, EU:T:2018:935, point 72 et jurisprudence citée).

177    En l’espèce, il convient de rappeler que le Tribunal a déjà relevé, au point 53 du premier arrêt sur pourvoi, que le requérant avait pu prendre connaissance de « toutes les pièces de son dossier » lorsqu’il s’est rendu en personne dans les locaux de l’IDOC le 2 mai 2013, soit cinq mois avant l’adoption de la décision attaquée.

178    Par ailleurs, il est constant que la première faute retenue à l’encontre du requérant dans la décision attaquée repose, de manière décisive, sur le courrier électronique du 6 septembre 2001. Selon l’AIPN tripartite, ce courrier électronique démontre que le requérant s’est arrangé pour couvrir certaines dépenses non prévues par le contrat-cadre et à l’insu de sa hiérarchie et que, partant, il s’est livré à une négociation non autorisée et clandestine d’un marché.

179    Par conséquent, dès lors qu’il ne ressort pas de la décision attaquée que l’AIPN tripartite s’est fondée sur les différentes versions du questionnaire et sur le dossier financier relatif au projet en cause, il est sans incidence, dans le cadre du contrôle du respect des droits de la défense, que ces documents n’aient pas été versés au dossier. De surcroît, l’AIPN tripartite a uniquement reproché au requérant de s’être livré à une négociation non autorisée et clandestine d’un marché. Il est donc sans importance qu’un item, une question ou des questions aient ou non été finalement inclus dans la version finale du questionnaire. Enfin, le requérant n’a pas expliqué en quoi, concrètement, lesdits documents auraient pu démontrer, s’il en avait disposé, la conformité de son comportement au regard des dispositions contractuelles et réglementaires applicables.

180    S’agissant du contrat-cadre, c’est à tort que le requérant affirme qu’il n’a pas pu en prendre connaissance préalablement à l’adoption de la décision attaquée et que, partant, l’AIPN tripartite a méconnu ses droits de la défense. En effet, il ressort expressément de la page 22 du procès-verbal d’audition rédigé par l’OLAF, et signé notamment par le requérant et son avocat, que le contrat-cadre « [a été] présenté » au requérant et qu’il « en [a fait une] entière lecture ». Il est donc manifeste que le requérant avait, au moins depuis son audition par l’OLAF, une connaissance des dispositions du contrat-cadre lui permettant, le cas échéant avec l’aide de son avocat, de répondre au grief qui lui était reproché et d’organiser sa défense. Au surplus, il est douteux que, compte tenu de son grade et de son expérience, le requérant ait pu, selon ses dires, donner « instruction » à la société G d’inclure la demi-unité de question litigieuse sans connaître les dispositions applicables du contrat-cadre et, ainsi, sans savoir si cette prétendue « instruction » était conforme ou non auxdites dispositions. En outre, la rédaction de la requête démontre que le requérant avait une parfaite connaissance de ces dispositions, dès lors que certains de ses arguments se fondent directement sur le contrat-cadre.

181    Enfin, il convient de rejeter les arguments du requérant selon lesquels il n’aurait « pas pu consulter, ni citer, ni se prévaloir d’autres courriers électroniques, provenant de ses propres archives, qui auraient pu confirmer ses dires et thèses ». En effet, il ressort de sa déclaration finale lors de son audition par l’OLAF, réalisée en présence de son avocat, qu’il « [a] eu la possibilité d’intégrer tout commentaire ou [toutes] précisions [au procès-verbal de cette audition] et [qu’il a] pu annexer tout document en [sa] possession ». De plus, la Commission a soutenu dans le mémoire en défense, sans jamais avoir été contredite par le requérant, que ce dernier avait continué à avoir accès à son bureau et à ses archives informatiques durant toute la procédure disciplinaire. Le requérant a donc eu la possibilité de se prévaloir de toute pièce probante qui aurait pu démontrer la légalité de son comportement. Toutefois, le requérant n’a soumis aucune preuve étayant ses dires, et ce malgré l’engagement qu’il avait pris durant son audition par l’OLAF, et qu’il avait réitéré dans le courrier électronique du 16 août 2011 adressé au directeur de cet office, de transmettre des éléments à sa décharge. Au surplus, le Tribunal constate que, même devant les juridictions de l’Union, le requérant n’a pas soumis de tels éléments à décharge. Ces éléments demeurent aujourd’hui encore purement hypothétiques. À l’inverse, l’AIPN tripartite s’est fondée, à titre décisif, sur un élément concret et probant, à savoir le courrier électronique du 6 septembre 2001, pour établir l’existence d’une négociation non autorisée et clandestine d’un marché de la part du requérant.

182    Dans ces conditions, le requérant ne saurait faire grief à l’AIPN tripartite d’avoir renversé la charge de la preuve lorsqu’elle a conclu qu’il « n’a[vait] pas apporté d’explication convaincante » s’agissant du courrier électronique du 6 septembre 2001. Dès lors que les éléments du dossier prouvaient à suffisance de droit l’existence d’une négociation non autorisée et clandestine d’un marché, il appartenait au requérant, comme il y a été invité, de soumettre d’autres éléments qui auraient pu, le cas échéant, conduire à une conclusion différente. Ainsi que l’affirme à bon droit la Commission, l’invitation qui a été faite au requérant d’apporter des éléments au soutien de sa position ne constituait donc pas un renversement de la charge de la preuve, mais lui offrait l’opportunité de faire un usage effectif de ses droits de la défense.

183    Enfin, conformément à la jurisprudence rappelée au point 116 ci-dessus, il ne peut être tenu compte du fait, mis en avant par le requérant dans ses observations du 3 septembre 2020 et dans ses réponses du 10 mai 2021, que la Commission aurait détruit certaines pièces en 2015, dès lors que cet élément est postérieur à la date d’adoption de la décision attaquée. Du reste, le requérant n’a soumis aucune preuve au Tribunal, telle une copie des échanges écrits qu’il aurait eus avec la Commission les 1er, 6, 12, 13 et 15 mai 2019, qui établirait la pertinence de ces pièces pour la solution du litige ainsi que leur destruction par cette institution.

184    Compte tenu des éléments qui précèdent, le requérant n’a pas démontré que ses droits de la défense ont été violés par l’AIPN tripartite.

185    Par conséquent, il convient de rejeter la troisième branche du premier moyen.

d)      Sur la quatrième branche du premier moyen, relative à la violation de lobligation de motivation

186    Dans le cadre de la quatrième branche du premier moyen, le requérant soutient, en substance, que la motivation de la décision attaquée serait insuffisante et erronée.

187    La Commission conteste cette argumentation.

188    À cet égard, il convient de rappeler que la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où celle-ci doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2011, AJD Tuna, C‑221/09, EU:C:2011:153, point 58 et jurisprudence citée). S’agissant, en particulier, de la motivation des décisions individuelles, l’obligation de motiver de telles décisions a ainsi pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 287 et jurisprudence citée).

189    En l’espèce, la décision attaquée précise les bases juridiques sur lesquelles elle se fonde ainsi que certaines étapes des procédures suivies (points 1 à 7). Elle rappelle les fautes reprochées au requérant ainsi que l’existence d’autres griefs qui n’ont finalement pas été retenus à son égard (points 8 à 31). Elle résume également les arguments avancés par le requérant que ce soit lors de son audition par l’OLAF ou devant le conseil de discipline (points 32 à 44). Elle analyse ensuite la matérialité des faits reprochés ainsi que leur qualification juridique pour conclure que le requérant a commis deux fautes lourdes au regard tant de l’article 11, premier alinéa, et des articles 12 et 21 de l’ancien statut que de l’article 79 du règlement no 1605/2002 ainsi que de l’article 98 du règlement no 2342/2002 (points 44 à 61). Enfin, après avoir établi l’existence de ces manquements, la décision attaquée évalue la sanction appropriée, prenant en compte différentes circonstances tenant notamment à la gravité et à la multiplicité des faits, à leur caractère intentionnel ainsi qu’au grade, à l’ancienneté et au niveau de responsabilité du requérant (points 62 à 81). Partant, l’AIPN tripartite a exposé, de façon claire et univoque, les raisons qui l’ont conduite à adopter la décision attaquée.

190    Par ailleurs, il convient de rappeler que les motifs de la décision attaquée s’ajoutent aux éléments repris notamment dans le rapport d’enquête de l’OLAF et dans l’avis du conseil de discipline. La motivation de la décision attaquée est donc renforcée par le contexte, bien connu du requérant, dans lequel elle s’est inscrite.

191    En outre, sur la base des motifs de la décision attaquée, le requérant a pu faire valoir ses droits devant les juridictions de l’Union, comme le démontre notamment la teneur de ses très nombreux arguments de fait et de droit exposés dans le cadre du présent recours.

192    Ainsi, il y a lieu de considérer que la décision attaquée est motivée à suffisance de droit.

193    Enfin, il convient de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Cette motivation peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 31 mai 2018, Korwin-Mikke/Parlement, T‑352/17, EU:T:2018:319, point 20 et jurisprudence citée). Les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont, dès lors, dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 120 et jurisprudence citée).

194    Conformément à la jurisprudence rappelée au point 193 ci-dessus, sont donc sans pertinence les arguments du requérant selon lesquels, premièrement, l’AIPN tripartite aurait retenu des « motivations inexactes », notamment en ne reconnaissant ni l’absence d’intérêt personnel du requérant dans la commission des fautes qui lui sont reprochées ni l’absence de préjudice porté aux intérêts et à la réputation de la Commission, deuxièmement, l’AIPN tripartite se serait contentée de relever le caractère intentionnel des fautes posées par le requérant sans déterminer le degré exact d’intentionnalité, troisièmement, l’OLAF, l’IDOC et l’AIPN n’auraient pas versé l’ensemble des documents pertinents au dossier, quatrièmement, l’AIPN tripartite aurait renversé la charge de la preuve, cinquièmement, l’AIPN tripartite se serait fondée sur des bases juridiques erronées et, sixièmement, l’AIPN tripartite n’aurait pas examiné l’existence, ou non, de relations familiales ou financières entre le requérant et M avant de conclure à l’existence d’un conflit d’intérêts. En tout état de cause, ces arguments ont tous, à l’exception de ceux ayant trait à l’absence d’intérêt personnel du requérant et au degré d’intentionnalité, été rejetés lors de l’examen des trois premières branches du premier moyen. Quant aux arguments relatifs à l’absence d’intérêt personnel du requérant et au degré d’intentionnalité, ils seront examinés dans le cadre du troisième moyen, aux points 361 ainsi que 377 à 379 ci-après.

195    Par conséquent, il convient de rejeter la quatrième branche du premier moyen et, partant, celui-ci dans son intégralité.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré de vices de forme et de procédure entachant la procédure disciplinaire ainsi que dun détournement de procédure et dun détournement de pouvoir

196    Le deuxième moyen comprend six branches.

a)      Sur la première branche du deuxième moyen, relative à la violation du droit dêtre entendu, de lobligation de motivation, du devoir de sollicitude, des droits de la défense et du principe de protection de la confiance légitime

197    Dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, le requérant soutient, en substance, que l’AIPN tripartite ne l’a pas entendu avant d’adopter la décision attaquée. Certes, le requérant admet que ni lui ni son avocat ne se sont présentés aux deux auditions disciplinaires, convoquées par l’AIPN tripartite les 1er et 19 juillet 2013. Toutefois, le requérant affirme qu’il n’était pas en capacité d’y assurer utilement ses droits de la défense, comme en attesterait le certificat médical du 10 juin 2013 établi par son médecin traitant, le docteur O. Quant à son avocat, il aurait prévenu l’AIPN tripartite de son impossibilité d’assister auxdites auditions disciplinaires en raison de voyages à l’étranger. Partant, en adoptant la décision attaquée sans entendre préalablement le requérant et sans tenir compte de son état de santé et des séjours à l’étranger de son avocat, l’AIPN tripartite aurait violé l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, l’obligation de motivation, le devoir de sollicitude, les droits de la défense et le principe de protection de la confiance légitime. Le requérant estime également que l’IDOC aurait violé l’article 4, paragraphe 4, de la décision C(2004) 1588 de la Commission, du 28 avril 2004, relative aux dispositions générales d’exécution concernant la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires, publiée aux Informations administratives no 86 2004, du 30 juin 2004 (ci-après les « DGE »), dès lors qu’il n’aurait pas pu, du fait de son état de santé, être entendu par cet office.

198    La Commission conteste cette argumentation.

199    À titre liminaire, le Tribunal constate que les arguments du requérant relatif à la violation, par l’IDOC, de l’article 4, paragraphe 4, des DGE sont étrangers à l’objet de la présente branche, laquelle a trait à la prétendue violation, par l’AIPN tripartite, du droit d’être entendu, de l’obligation de motivation, du devoir de sollicitude, des droits de la défense et du principe de protection de la confiance légitime. Partant, les arguments du requérant concernant l’IDOC seront examinés dans le cadre de la quatrième branche du deuxième moyen, au point 313 ci-après.

200    Ensuite, aux termes de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, toute personne a le droit d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

201    Dans le cadre de la procédure disciplinaire telle que régie par le statut, le droit d’être entendu est mis en œuvre, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, d’une part, notamment par l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, qui précise que, « [a]près avoir entendu le fonctionnaire, l’[AIPN] prend sa décision conformément aux articles 9 et 10 de la[dite] annexe, dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du conseil [de discipline] » et, d’autre part, par l’article 4 de cette même annexe. Cette dernière disposition prévoit en effet que, « [s]i, pour des raisons objectives, le fonctionnaire ne peut être entendu au titre des dispositions de la[dite] annexe, il peut être invité à formuler ses observations par écrit ou peut se faire représenter par une personne de son choix ».

202    Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, « [t]oute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la[dite] Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés[ ; d]ans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui ». Tel est d’ailleurs aussi le sens donné au droit d’être entendu et à l’étendue de ce droit par la jurisprudence de la Cour (arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 42). Il y a lieu d’ajouter que, en matière disciplinaire, l’obligation pour l’AIPN d’entendre l’intéressé doit être entendue strictement en raison notamment de la gravité des sanctions auxquelles peut conduire une procédure disciplinaire (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 1968, Van Eick/Commission, 35/67, EU:C:1968:39, p. 503 et 504).

203    Selon la jurisprudence, le fait de ne pas avoir entendu l’intéressé conformément à l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut n’entraîne pas l’annulation de la décision lui imposant une sanction disciplinaire lorsque l’intéressé lui-même doit être tenu pour responsable de ce manquement. En effet, l’AIPN n’est pas tenue de repousser indéfiniment la date de la dernière audition disciplinaire jusqu’à ce que l’intéressé soit en mesure d’y participer. Au contraire, tant dans l’intérêt du fonctionnaire que dans celui de l’administration, l’adoption d’une décision mettant fin à la procédure disciplinaire ne peut être retardée sans justification. Tel est d’ailleurs l’objet du délai de deux mois prévu à l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, qui constitue en effet une « règle de bonne administration » (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2002, Stevens/Commission, T‑277/01, EU:T:2002:302, point 41 et jurisprudence citée).

204    En outre, afin d’apprécier la légalité d’une décision de l’AIPN de procéder à l’adoption d’une sanction disciplinaire sans entendre l’intéressé lorsque celui-ci a produit un certificat médical permettant de justifier valablement son absence, il appartient au Tribunal de vérifier si les éléments apportés à cet égard par l’administration démontrent que l’intéressé pouvait être tenu pour responsable de ce défaut d’audition (voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2002, Stevens/Commission, T‑277/01, EU:T:2002:302, point 42, et du 15 octobre 2014, de Brito Sequeira Carvalho/Commission, F‑107/13, EU:F:2014:232, point 111).

205    C’est à l’aune de ces dispositions de la Charte et du statut ainsi que de la jurisprudence précitée qu’il convient d’examiner la première branche du deuxième moyen, compte tenu des motifs des arrêts du Tribunal et de la Cour.

206    En l’espèce, le requérant a été convoqué, en application de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, à une première audition disciplinaire le 1er juillet 2013. Le requérant ayant produit, le 13 juin 2013, le certificat médical du 10 juin 2013, attestant son incapacité à présenter utilement sa défense lors d’une telle audition, la Commission a décidé de le soumettre à une contre-expertise médicale, dont elle a chargé le docteur S, psychiatre extérieur à l’institution. Cette contre-expertise a eu lieu le 26 juin 2013. Selon la Commission, l’expert a considéré que le requérant était en mesure d’assurer sa défense et d’être entendu lors d’une audition disciplinaire.

207    Il est par ailleurs constant que ni le requérant ni son conseil ne se sont présentés à l’audition du 1er juillet 2013. L’AIPN a alors décidé, à titre exceptionnel, de convoquer le requérant à une nouvelle audition disciplinaire, dont la date a été fixée au 19 juillet 2013.

208    Par un courrier électronique daté du 17 juillet 2013, le conseil du requérant a informé la Commission que, se trouvant à l’étranger, il ne pourrait assister à l’audition disciplinaire. Il a également rappelé que le requérant ne se trouvait pas en état de se défendre et a demandé une suspension de la procédure disciplinaire.

209    Ni le requérant ni son conseil ne se sont présentés à l’audition disciplinaire que la Commission avait décidé de maintenir comme prévu le 19 juillet 2013. Le requérant n’a pas non plus fait usage de la possibilité de présenter des observations écrites.

210    Les parties s’opposent donc sur la question de savoir si le requérant était ou non en mesure d’assurer utilement sa défense au moment où il a été convoqué à l’audition disciplinaire. Estimant que tel était le cas, la Commission considère qu’il doit être tenu pour entièrement responsable de son absence à l’audition préalable à l’adoption de la décision attaquée. Le requérant, quant à lui, fait valoir qu’il avait suffisamment établi son incapacité à assurer sa défense et que la Commission n’est pas parvenue à démontrer le contraire.

211    Le droit d’être entendu du fonctionnaire par l’AIPN peut s’exercer selon trois modalités différentes, dont chacune est a priori suffisante, les deux dernières modalités étant prévues pour les cas dans lesquels, pour des raisons objectives, le fonctionnaire ne peut personnellement être entendu : par la comparution personnelle du fonctionnaire devant l’AIPN, par la représentation du fonctionnaire poursuivi par le conseil de son choix et par la présentation d’observations écrites (article 4 et article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut).

212    Il est établi par les pièces du dossier que le requérant ne s’est présenté à aucune des deux auditions disciplinaires auxquelles il avait été convoqué. La question de savoir si ces absences étaient justifiées – et, partant, si l’AIPN tripartite pouvait légalement adopter la décision attaquée sans l’entendre – dépend de la question de savoir si la Commission est parvenue, au vu des circonstances de fait qui prévalaient à l’époque, à écarter la présomption d’incapacité établie par le certificat médical du 10 juin 2013. Ce certificat, en effet, comporte les indications suivantes :

« [Le requérant] n’a plus actuellement la capacité [de] faire face à la succession d’étapes administratives [données occultées] Par ailleurs, il ne comprend pas ce qui lui est reproché et n’est clairement pas en mesure d’assurer son droit à se défendre, et ce au moins depuis septembre 2012.

Il me paraît donc nécessaire de suspendre pour l’instant tous [les] actes le concernant jusqu’à ce qu’une amélioration sensible de son état puisse être constatée. »

213    À cet égard, il appartient au fonctionnaire poursuivi d’établir son incapacité à assurer sa défense. Lorsqu’il le fait en produisant un certificat médical en ce sens, il établit à cet égard une présomption qui n’est pas irréfragable. L’administration peut alors utiliser tous moyens de preuve pour tenter de renverser cette présomption (voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2002, Stevens/Commission, T‑277/01, EU:T:2002:302, point 42, et du 15 octobre 2014, de Brito Sequeira Carvalho/Commission, F‑107/13, EU:F:2014:232, point 111).

214    En l’espèce, la Commission a avancé seize indices visant à renverser la présomption d’incapacité découlant du certificat médical du 10 juin 2013.

215    Premièrement, la Commission rappelle que, le 9 octobre 2012, le requérant a rédigé et introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la « décision » de l’AIPN de charger l’IDOC de procéder à l’audition visée à l’article 3 de l’annexe IX du statut. Le requérant y demandait également que l’AIPN prenne elle-même en charge cette audition.

216    Le Tribunal constate, à l’instar de la Commission, que le requérant développe, dans cette réclamation de sept pages, un raisonnement structuré et argumenté revenant notamment sur la procédure menée par l’OLAF ainsi que sur l’absence de prise en compte d’éléments à décharge. Cette réclamation constitue donc un indice sérieux contredisant l’affirmation, contenue dans le certificat médical, selon laquelle le requérant n’aurait pas été « en mesure d’assurer son droit à se défendre, et ce au moins depuis septembre 2012 ». En effet, le requérant ne fait état, dans cette réclamation, d’aucune incapacité médicale qui l’aurait empêché de se défendre. Plus encore, il y montre qu’il comprenait les faits reprochés et les enjeux de la procédure ouverte à son égard, mais aussi qu’il était capable d’argumenter, en fait et en droit, et, partant, de se défendre.

217    Deuxièmement, la Commission relève que le docteur A a examiné le requérant le 5 avril 2013 et a conclu que ce dernier était en mesure de comparaître devant le conseil de discipline.

218    Selon le Tribunal, cet avis médical du docteur A, rendu à peine deux mois avant le certificat médical du 10 juin 2013, constitue un indice sérieux contredisant l’affirmation, contenue dans ce dernier, selon laquelle le requérant n’aurait pas été « en mesure d’assurer son droit à se défendre, et ce au moins depuis septembre 2012 ».

219    Troisièmement, la Commission estime que les observations écrites soumises par le requérant le 16 mai 2013 au conseil de discipline sont également à même de renverser la présomption d’incapacité découlant du certificat du 10 juin 2013.

220    Le Tribunal partage cette opinion. Comme l’a relevé la Commission, ces observations écrites de douze pages sont détaillées et structurées, mais aussi argumentées en fait et en droit. C’est donc à juste titre que la Commission estime que lesdites observations démontrent que le requérant avait toutes les facultés nécessaires pour se souvenir des faits, comprendre les déclarations des témoins et avancer différents arguments précis pour les contrecarrer.

221    Quatrièmement, la Commission soutient que le requérant était présent lors de la séance du conseil de discipline du 21 mai 2013 et qu’il y a activement assuré sa défense aux côtés de son avocat, notamment en répondant aux questions et en participant activement à l’audition d’un témoin. Par ailleurs, les membres du conseil de discipline n’auraient pas mentionné une quelconque altération des facultés du requérant l’empêchant de se défendre.

222    Sur ce point, il est exact que le requérant a répondu, en personne et avec de nombreux arguments, à une série de questions de fond des membres du conseil de discipline (points 10 à 15 de l’avis du conseil de discipline). De plus, le requérant a, dans ses observations finales, réitéré une série d’arguments de fond visant à contester les fautes qui lui étaient reprochées. Dans ces mêmes observations finales, le requérant a aussi fait état de conséquences négatives qui pèseraient sur sa vie privée et professionnelle et qui seraient induites par la procédure disciplinaire (points 19 et 21 de l’avis du conseil de discipline). En outre, il ressort du procès-verbal de la déposition de P, qui s’est également tenue le 21 mai 2013 devant le conseil de discipline, que le requérant a lui-même contre-interrogé le témoin, notamment en ce qui concerne le coût du sondage litigieux. Enfin, il ne ressort pas de l’avis du conseil de discipline que les membres dudit conseil auraient constaté une altération des facultés du requérant l’empêchant de se défendre.

223    Selon le Tribunal, ce comportement particulièrement actif du requérant devant le conseil de discipline, lequel s’est traduit par de nombreuses prises de parole structurées et argumentées au sujet des fautes qui lui étaient reprochées, constitue un indice sérieux contredisant l’affirmation du certificat médical du 10 juin 2013 selon laquelle le requérant n’aurait pas été « en mesure d’assurer son droit à se défendre, et ce au moins depuis septembre 2012 ». Un tel comportement témoigne, en effet, de la capacité du requérant à comprendre les enjeux de la procédure disciplinaire en cours et à se défendre.

224    Cinquièmement, la Commission indique que le requérant a été examiné par le docteur S, psychiatre, le 26 juin 2013, soit quelques jours avant la date de la première audition disciplinaire. Or, dans son avis formulé sur le fondement du rapport médical rédigé par le docteur S, le docteur A aurait estimé que le requérant était apte à se défendre devant l’AIPN tripartite.

225    À cet égard, le Tribunal constate que le docteur S a indiqué, dans son rapport médical du 27 juin 2013, que le requérant souffrait d’un [confidentiel]. Toutefois, il a également noté que le requérant ne présentait pas [confidentiel]. Il a conclu son rapport médical en estimant que [confidentiel].

226    Compte tenu de ces éléments, il est manifeste que le rapport médical du docteur S ne contient aucune conclusion claire s’agissant de la capacité ou de l’incapacité du requérant à comparaître devant l’AIPN tripartite. Chaque partie soutient d’ailleurs que ce rapport médical conforte sa propre thèse.

227    Toutefois, il est tout aussi manifeste que, en raison du secret médical s’y attachant, l’AIPN tripartite n’avait aucune connaissance du contenu exact du rapport médical du docteur S. Seul le docteur A disposait d’une copie dudit rapport médical.

228    Par conséquent, la seule information à disposition de l’AIPN tripartite résidait dans l’avis exprimé par le docteur A dans le courrier électronique du 28 juin 2013. Or, dans ce courrier électronique, le docteur A avait estimé, après s’être entretenu au téléphone avec le docteur S, que le requérant était apte à participer à l’audition disciplinaire du 1er juillet 2013.

229    De plus, le requérant a soumis aux juridictions de l’Union une copie d’un courrier électronique que l’IDOC lui avait envoyé le 18 juillet 2013 à 15 h 17. Dans celui-ci, l’IDOC rappelle que le docteur A avait contacté le requérant par téléphone pour l’inviter à prendre connaissance en personne du résultat de l’examen réalisé par le docteur S. Toutefois, le requérant lui a répondu qu’il ne souhaitait pas se déplacer. Malgré cette première inaction de la part du requérant, ce même courrier électronique du 18 juillet 2013 lui proposait d’obtenir une copie du rapport médical par l’intermédiaire du médecin de son choix afin de préserver le secret médical dudit rapport. Néanmoins, le requérant n’a jamais soutenu devant les juridictions de l’Union, et aucun élément du dossier ne l’atteste, qu’il avait désigné un tel médecin afin que ce dernier reçoive ledit rapport médical et, le cas échéant, émette sa propre opinion. Il en découle que l’avis du docteur A, fondé en particulier sur la discussion qu’il avait eue avec le docteur S, n’a jamais été contredit par un autre médecin.

230    L’avis du docteur A, formulé après s’être entretenu au téléphone avec le docteur S et sur la base du rapport médical établi par ce dernier, constitue ainsi un dernier indice sérieux contredisant l’affirmation, contenue dans le certificat médical du 10 juin 2013, selon laquelle le requérant n’aurait pas été « en mesure d’assurer son droit à se défendre, et ce au moins depuis septembre 2012 ».

231    Compte tenu des indices sérieux mentionnés aux points 215 à 230 ci-dessus, il convient de considérer, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres indices avancés par la Commission, que cette dernière est parvenue à renverser la présomption d’incapacité du requérant à comparaître devant l’AIPN tripartite découlant du certificat médical du 10 juin 2013.

232    Cette conclusion n’est pas infirmée par les autres arguments du requérant.

233    Ainsi qu’il ressort du point 49 du premier arrêt sur pourvoi, les courriers électroniques envoyés par le requérant le 19 février et le 20 mars 2013 ne sauraient établir son incapacité à se défendre. En effet, le Tribunal a déjà jugé que les affirmations du requérant contenues dans ces courriers électroniques et relatives à son état de santé ainsi qu’à sa prétendue incapacité de se défendre ne sont pas étayées. De même, le Tribunal a déjà jugé, au même point 49 du premier arrêt sur pourvoi, que les circonstances que le requérant a été placé en congé de maladie en juin 2012 et que la Commission avait envisagé l’ouverture d’une procédure d’invalidité au titre de l’article 78 du statut permettent, tout au plus, de considérer que le requérant se trouvait dans une incapacité de travailler, mais elles ne sont pas pour autant révélatrices d’une incapacité de se défendre et d’exercer son droit d’être entendu.

234    Par ailleurs, le requérant se prévaut d’un second certificat médical daté du 26 juillet 2013 et signé, comme le certificat médical du 10 juin 2013, par le docteur O. À cet égard, le Tribunal constate que ce certificat médical a été établi une semaine après la seconde audition disciplinaire et plus de trois semaines après la première audition disciplinaire. En tout état de cause, ce certificat médical se borne, globalement, à réitérer les conclusions du certificat médical du 10 juin 2013. De plus, il est patent que le certificat médical du 26 juillet 2013 ne fait aucune référence aux appréciations contenues dans le rapport médical du docteur S ni à l’avis du docteur A fondé sur ledit rapport. Partant, la présomption d’incapacité découlant du second certificat médical est également renversée par les indices sérieux avancés par la Commission et visés aux points 215 à 230 ci-dessus.

235    Il s’ensuit que le requérant n’a pas établi, alors que la charge de la preuve lui incombait, que son absence aux deux auditions disciplinaires était justifiée et que le fait qu’il n’a pas été entendu personnellement par l’AIPN tripartite ne lui était pas imputable.

236    À titre surabondant, à supposer même que le requérant n’ait pas été en capacité de comparaître en personne devant l’AIPN tripartite, il pouvait encore soit se faire représenter par l’avocat de son choix, soit soumettre des observations écrites (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2002, Stevens/Commission, T‑277/01, EU:T:2002:302, point 65).

237    À cet égard, il suffit de constater que l’avocat du requérant a, dans un courrier électronique du 12 juin 2013, indiqué qu’il ne pourrait pas assister à la première audition disciplinaire, dès lors que, à cette date, il se trouvait à l’étranger pour des raisons professionnelles. En ce qui concerne la seconde audition disciplinaire, l’avocat du requérant a indiqué, par lettre du 17 juillet 2013, être également à l’étranger. Toutefois, aucun élément concret ou preuve du dossier n’atteste de la réalité de ces voyages à l’étranger et, partant, de l’impossibilité pour l’avocat du requérant d’assister à ces auditions. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 203 ci-dessus, l’AIPN n’est pas tenue de repousser indéfiniment la date de la dernière audition disciplinaire jusqu’à ce que l’intéressé ou son avocat soit en mesure d’y participer. Au demeurant, il était loisible au requérant, en l’absence de son avocat, de se faire représenter par un autre avocat de son choix devant l’AIPN tripartite. Du reste, le Tribunal relève que, en tout état de cause, le requérant ne s’est prévalu d’aucune incapacité l’empêchant de se faire représenter devant l’AIPN tripartite, que ce soit par son avocat habituel ou par un autre avocat.

238    Enfin, le Tribunal constate que le requérant a, par courrier électronique du 1er juillet 2013, transmis des observations écrites à l’AIPN tripartite. Ce courrier électronique fait notamment état d’une prétendue violation des droits de la défense, du devoir de sollicitude et du principe de protection de la confiance légitime. Le requérant y réitère également sa demande de suspension de la procédure disciplinaire. Or, le Tribunal relève que, par la note du 2 juillet 2013, l’IDOC a expressément indiqué au requérant que les membres de l’AIPN tripartite avaient « pris note de [ses] commentaires ». Cette dernière note démontre ainsi que, contrairement à ce qu’affirme le requérant, celui-ci a exercé, ne fût-ce que partiellement, son droit d’être entendu devant l’AIPN tripartite.

239    Il ressort de l’ensemble des éléments qui précèdent que l’AIPN tripartite a pu adopter la décision attaquée sans méconnaître le droit d’être entendu du requérant.

240    Pour les mêmes motifs que ceux qui précèdent, il convient également de rejeter toute violation des droits de la défense. En effet, ainsi qu’il ressort du point 235 ci-dessus, l’absence du requérant aux auditions disciplinaires et, partant, l’impossibilité pour lui d’y défendre en personne ses arguments lui sont exclusivement imputables. Par ailleurs, il ressort du point 238 ci-dessus que le requérant a présenté certains arguments par le biais d’observations écrites et que l’AIPN tripartite en a pris note.

241    Les arguments du requérant pris de la violation du devoir de sollicitude doivent également être rejetés. Premièrement, le requérant n’a pas expliqué en quoi l’AIPN tripartite n’aurait pas tenu compte de ses intérêts. Au contraire, le Tribunal constate que, en convoquant à titre exceptionnel une seconde audition disciplinaire, l’AIPN tripartite a précisément tenu compte des intérêts du requérant, alors que celui-ci ne s’était pas présenté, sans juste motif, à la première audition disciplinaire. Deuxièmement, c’est à tort que le requérant soutient que la Commission aurait tacitement refusé la communication du rapport médical du docteur S. Au contraire, il ressort du point 229 ci-dessus que le docteur A a proposé, en vain, au requérant d’en prendre connaissance et que l’IDOC lui a proposé de désigner un médecin de son choix pour obtenir une copie dudit rapport. Troisièmement, ainsi qu’il ressort du point 233 ci-dessus, les circonstances que le requérant a été placé en congé de maladie en juin 2012 et que la Commission avait envisagé l’ouverture d’une procédure d’invalidité au titre de l’article 78 du statut sont sans rapport avec une quelconque incapacité de se défendre devant l’AIPN tripartite.

242    Pour cette même dernière raison, le fait que, le 13 mai 2013, le service médical de la Commission a reporté à une date ultérieure l’examen médical du requérant relatif à l’ouverture éventuelle d’une procédure d’invalidité est sans pertinence en l’espèce. Il importe donc peu que ce report respecte, ou non, le principe de protection de la confiance légitime, puisque, en tout état de cause, même si une telle violation était constatée, elle ne pourrait pas emporter l’annulation de la décision attaquée.

243    Enfin, il convient encore de rejeter l’argument du requérant selon lequel, en substance, la décision attaquée aurait dû recevoir une motivation renforcée, dès lors qu’il aurait été incapable de défendre entièrement ses intérêts en raison de ses [confidentiel]. Ainsi que cela a été relevé au point 231 ci-dessus, le requérant était médicalement apte à défendre ses droits devant l’AIPN tripartite. Au surplus, le Tribunal a déjà constaté, dans le cadre de la quatrième branche du premier moyen, aux points 188 à 195 ci-dessus, que la décision attaquée était motivée à suffisance de droit.

244    Par conséquent, il convient de rejeter la première branche du deuxième moyen.

b)      Sur la deuxième branche du deuxième moyen, relative à lutilisation dun document devant être considéré comme juridiquement inexistant, à linexistence même dudit document et à la violation de larticle 1er, paragraphe 1, de lannexe IX du statut

245    Dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen, le requérant soutient, en substance, que le rapport d’enquête de l’OLAF doit être déclaré inexistant. En effet, sur la première page dudit rapport d’enquête, l’OLAF aurait indiqué avoir invité le requérant à s’exprimer sur les faits en cause à la date du 3 novembre 2011. Toutefois, le requérant affirme qu’il n’a jamais reçu une telle invitation ni à cette date ni à une autre date proche de la fin de l’enquête de l’OLAF. Ce faisant, OLAF aurait retenu une date fictive, ce qui impliquerait que son rapport d’enquête doive être déclaré inexistant, voire être considéré comme un faux en écriture publique. Tout au plus, le requérant n’aurait été auditionné qu’une seule fois, le 3 mai 2011, si bien qu’il n’aurait pas pu prendre position sur l’ensemble des faits, arguments et documents du dossier, dont certains seraient postérieurs à cette audition. Partant, l’OLAF aurait, en méconnaissance des droits de la défense du requérant et de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, tiré des conclusions, à l’issue de son enquête, sur le fondement d’éléments à propos desquels le requérant n’aurait pas pu présenter ses observations. Enfin, dans un courrier électronique du 16 août 2011, le directeur de l’OLAF aurait indiqué au requérant que l’enquêtrice chargée de son dossier le recontacterait. Or, cette dernière n’aurait jamais repris contact avec lui, en violation du principe de protection de la confiance légitime. Cette irrégularité aurait d’ailleurs été reconnue par le conseil de discipline. Partant, le rapport d’enquête de l’OLAF devrait être déclaré nul et sans effet. Par conséquent, l’AIPN aurait elle-même commis une erreur manifeste d’appréciation, une violation des droits de la défense ainsi qu’une violation du principe de bonne administration dans la mesure où la décision attaquée se fonde sur le rapport d’enquête de l’OLAF malgré les vices dont il serait entaché.

246    La Commission conteste cette argumentation.

247    Selon une jurisprudence constante, les actes des institutions de l’Union jouissent, en principe, d’une présomption de légalité et, partant, produisent des effets juridiques, même s’ils sont entachés d’irrégularités, aussi longtemps qu’ils n’ont pas été annulés ou retirés (voir arrêt du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission, T‑91/10, EU:T:2014:1033, point 70 et jurisprudence citée).

248    Toutefois, par exception à ce principe, les actes entachés d’une irrégularité dont la gravité est si évidente qu’elle ne peut être tolérée par l’ordre juridique de l’Union doivent être réputés n’avoir produit aucun effet juridique, même provisoire, c’est-à-dire être regardés comme juridiquement inexistants. Cette exception vise à préserver un équilibre entre deux exigences fondamentales, mais parfois antagonistes, auxquelles doit satisfaire un ordre juridique, à savoir la stabilité des relations juridiques et le respect de la légalité (voir arrêt du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission, T‑91/10, EU:T:2014:1033, point 71 et jurisprudence citée).

249    La gravité des conséquences qui se rattachent à la constatation de l’inexistence d’un acte des institutions de l’Union postule que, pour des raisons de sécurité juridique, cette constatation soit réservée à des hypothèses tout à fait extrêmes (voir arrêt du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission, T‑91/10, EU:T:2014:1033, point 72 et jurisprudence citée).

250    Enfin, les irrégularités de nature à conduire le juge de l’Union à considérer un acte comme juridiquement inexistant diffèrent des illégalités dont la constatation entraîne, en principe, l’annulation des actes soumis au contrôle de légalité prévu par le traité non par leur nature, mais par leur gravité et par leur caractère flagrant. En effet, doivent être tenus pour juridiquement inexistants les actes entachés d’irrégularités dont la gravité est évidente au point d’affecter leurs conditions essentielles [arrêt du 9 septembre 2011, dm-drogerie markt/OHMI – Distribuciones Mylar (dm), T‑36/09, EU:T:2011:449, point 86].

251    Or, les irrégularités invoquées par le requérant n’apparaissent pas d’une gravité à ce point évidente que le rapport d’enquête de l’OLAF doive être regardé comme juridiquement inexistant, et ce pour les considérations énumérées ci-après.

252    Tout d’abord, l’argument du requérant selon lequel l’OLAF aurait retenu une date fictive de son audition en vue « de masquer [la] violation caractérisée de [ses] droits de la défense » ne saurait prospérer.

253    Il est vrai que la première page du rapport d’enquête de l’OLAF indique la date du « 3/11/2011 » en vis-à-vis de la mention « Opportunité donnée [au requérant] de s’exprimer sur les faits qui [le] concernent ». La Commission ne conteste d’ailleurs pas cet élément.

254    Toutefois, il est tout aussi manifeste que la date du « 3/11/2011 » apparaît uniquement sur la première page du rapport d’enquête de l’OLAF. En revanche, la date du 3 mai 2011 (mentionnée sous la forme « 3/05/2011 »), laquelle correspond à la date d’audition du requérant par l’OLAF, apparaît aux pages 5 (dernière phrase avant le titre 3) et 24 (première phrase du titre 5) du rapport d’enquête de l’OLAF. Cette même date est également indiquée (sous la forme « 3 mai 2011 ») en page 2 du procès-verbal d’audition rédigé par l’OLAF, lequel est joint en tant qu’annexe 3 au rapport d’enquête de l’OLAF. Enfin, T, enquêtrice de l’OLAF chargée du dossier, a également indiqué, dans sa note au conseil de discipline, que le requérant avait été auditionné le « 3/05/2011 ».

255    Ces éléments sont suffisants pour établir que la date du « 3/11/2011 » mentionnée sur la première page du rapport d’enquête de l’OLAF ne constitue, ainsi que l’affirme la Commission, qu’une erreur de plume, et que cet office a, en réalité, voulu viser l’audition du requérant qui s’est tenue le 3 mai 2011 (3/05/2011). Contrairement à ce que soutient le requérant, la mention erronée de la date du « 3/11/2011 » ne saurait donc vicier le rapport d’enquête de l’OLAF.

256    Ensuite, il convient de rejeter toute violation de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut.

257    Il est vrai que cette disposition prévoit que le fonctionnaire doit avoir été en mesure de présenter ses observations sur les faits en cause avant que des conclusions le concernant puissent être tirées.

258    À cet égard, il n’est pas contesté entre les parties que le requérant a eu la possibilité de soumettre ses observations lors de son audition par l’OLAF du 3 mai 2011. Dans la déclaration finale que le requérant a faite à l’issue de cette audition, il a ainsi expressément reconnu « avoir eu la possibilité d’intégrer tout commentaire ou [toutes] précisions et […] avoir pu annexer tout document en [sa] possession ».

259    Toutefois, le requérant reproche à l’OLAF d’avoir tiré, dans son rapport d’enquête, des conclusions à son égard sur le fondement d’éléments recueillis postérieurement à son audition du 3 mai 2011. Or, l’OLAF n’aurait pas porté ces derniers éléments à la connaissance du requérant avant l’adoption dudit rapport d’enquête et ne lui aurait donc pas donné la possibilité de faire part de ses observations à leur sujet.

260    Cet argument doit être rejeté. En effet, dans la requête, le requérant se borne à évoquer, de manière vague et sans autre précision, « des faits, arguments et documents du dossier, dont certains sont postérieurs à la date de son audition » ou encore des « éléments recueillis ultérieurement à son audition » qui auraient été pris en compte par l’OLAF. De même, dans sa note du 16 mai 2013 au conseil de discipline, le requérant se limite à affirmer, également de manière vague et sans autre précision, que « [s]eule une partie des informations qui se trouvent dans le [rapport d’enquête de l’OLAF lui] a été soumise ». Toutefois, ainsi que le souligne la Commission, le requérant reste en défaut d’identifier précisément quels seraient, dans le rapport d’enquête de l’OLAF, ces prétendus éléments litigieux. Le requérant n’a donc pas démontré que l’OLAF se serait fondé sur des éléments pour lesquels il n’aurait pas été mis en mesure de présenter des observations.

261    Partant, le requérant n’a pas établi que l’OLAF avait violé l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut.

262    Enfin, il convient de rejeter l’argumentation du requérant selon laquelle le directeur de l’OLAF aurait fait naître chez lui une attente légitime par son courrier électronique du 16 août 2011.

263    En effet, le directeur de l’OLAF a indiqué, dans ce courrier électronique, que T prendrait « probablement » contact avec le requérant. L’utilisation de cet adverbe traduit donc une simple possibilité. Partant, ce seul courrier électronique ne constitue pas une assurance précise et inconditionnelle fournie au requérant. Or, selon la jurisprudence, nul ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence de telles assurances (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17, EU:C:2019:1035, point 153 et jurisprudence citée).

264    En outre, ledit courrier électronique du 16 août 2011 ne peut être isolé de son contexte, lequel est marqué par une étonnante passivité du requérant dans la défense de ses droits. À cet égard, il ressort du dossier que, à l’entame de son audition par l’OLAF, le requérant a été informé qu’il avait « le droit d’utiliser tous les documents en [sa] possession et de demander que ceux-ci soient joints immédiatement au procès-verbal d’audition ou ultérieurement au dossier d’enquête ». De même, durant son audition par l’OLAF, le requérant s’est engagé à fournir certains documents confirmant ses dires. Ainsi, il s’était notamment proposé de « faire des recherches sur les documents afférents au travail des [traducteurs] free-lance [prétendument engagés par la société N] ». Trois mois après l’audition menée par l’OLAF et à défaut de transmission desdits documents, le directeur de cet office a envoyé, le 4 août 2011, une lettre au requérant lui rappelant la possibilité de soumettre tout document en sa possession. Le 16 août 2011, en réponse à ce courrier, le requérant a réitéré son engagement de fournir lesdits documents, tout en soulignant la difficulté de les réunir durant l’été. C’est à ce dernier courrier électronique du requérant que le directeur de l’OLAF a répondu par le courrier électronique litigieux du 16 août 2011. Celui-ci prend, en substance, bonne note du fait que le requérant confirme sa promesse de transmettre les documents qu’il s’était engagé à fournir et indique que T prendra en compte ces informations « aussitôt que possible ». Enfin, le directeur de l’OLAF insiste sur l’importance de respecter les délais afin que cette procédure aboutisse « le plus rapidement possible ».

265    Par le courrier électronique litigieux du 16 août 2011, l’OLAF s’est donc limité à inviter le requérant à transmettre les documents en sa possession et qui seraient à sa décharge, afin que lesdits documents puissent être pris en compte dans le cadre de son enquête. En revanche, rien n’indique que l’OLAF s’engageait, de manière inconditionnelle, à reprendre contact avec le requérant en l’absence de transmission de ces documents. Or, tant le rapport d’enquête de l’OLAF que la déclaration de T devant le conseil de discipline précisent que le requérant n’a jamais transmis ces documents à décharge. Dans ses écritures devant les juridictions de l’Union, le requérant n’a pas non plus soutenu ni, a fortiori, prouvé qu’il avait transmis de tels documents à l’OLAF pendant les onze mois et demi qui se sont écoulés entre son audition, le 3 mai 2011, et l’adoption du rapport d’enquête, le 18 avril 2012.

266    Aucun élément du dossier ne corrobore donc le fait que, par le courrier électronique du 16 août 2011 du directeur de l’OLAF, le requérant aurait reçu une assurance précise et inconditionnelle selon laquelle T reprendrait contact avec lui.

267    Partant, aucun des arguments du requérant ne démontre que le rapport d’enquête de l’OLAF serait vicié par une quelconque irrégularité.

268    Contrairement aux affirmations du requérant, cette conclusion n’est pas infirmée par le point 23 de l’avis du conseil de discipline. Audit point, le conseil de discipline se borne à constater que les irrégularités alléguées ne concernent pas la procédure en cours devant lui. En revanche, le conseil de discipline n’émet aucune appréciation quant au bien-fondé, ou non, de ces allégations. Le conseil de discipline n’a donc pas confirmé l’existence d’irrégularités viciant le rapport d’enquête de l’OLAF.

269    Partant, l’AIPN tripartite n’a pas non plus commis d’irrégularité en adoptant la décision attaquée sur le fondement du rapport d’enquête de l’OLAF.

270    Par conséquent, il convient de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen.

c)      Sur la troisième branche du deuxième moyen, relative à la violation du principe de la présomption dinnocence et du devoir dimpartialité ainsi quà lexistence de vices de forme et de procédure « surcomplémentaires » et dun détournement de pouvoir et de procédure

271    Dans le cadre de la troisième branche du deuxième moyen, le requérant soutient que la secrétaire générale de la Commission a, par sa note du 21 mai 2012, porté atteinte à son honneur, à sa réputation et à ses droits de la défense, mais aussi violé le principe général d’impartialité et le principe de la présomption d’innocence. En effet, dans cette note, la secrétaire générale aurait affirmé que l’enquête de l’OLAF « a confirmé le conflit d’intérêts et mis en évidence diverses irrégularités dans le chef [du requérant] ». Par ailleurs, le requérant soutient que, par cette note du 21 mai 2012, la secrétaire générale de la Commission a commis un abus de pouvoir ainsi qu’un détournement de procédure et de pouvoir en demandant « d’assurer un suivi disciplinaire diligent ». Elle aurait aussi porté atteinte à l’image, à l’indépendance et à la réputation de la Commission en faisant grief au système judiciaire belge de la « lenteur » de ses procédures. Enfin, le requérant soutient que, à la suite de cette même note du 21 mai 2012, l’IDOC a également violé le principe de la présomption d’innocence et commis un vice de forme et de procédure emportant la nullité de la constitution de l’AIPN tripartite et, par conséquent, de la décision attaquée. En effet, l’IDOC aurait invité, le 5 février 2013, la secrétaire générale de la Commission à désigner un troisième membre de l’AIPN tripartite, avant même que l’AIPN ait décidé d’ouvrir une procédure devant le conseil de discipline. Partant, l’IDOC aurait privé l’AIPN de sa faculté de choisir d’autres options possibles, telles que déclarer que les faits ne sont pas établis et classer le dossier, ou prononcer une sanction sans ouvrir de procédure devant le conseil de discipline.

272    La Commission conteste cette argumentation.

1)      Sur le premier grief, portant sur l’atteinte à l’honneur, à la réputation et aux droits de la défense du requérant ainsi que sur la violation du principe général d’impartialité et du principe de la présomption d’innocence

273    Par la note du 21 mai 2012, la secrétaire générale de la Commission a indiqué, à plusieurs membres du collège et directeurs généraux de cette institution, que « [l’enquête de l’OLAF] a[vait] confirmé le conflit d’intérêts et mis en évidence diverses irrégularités dans le chef [du requérant] ».

274    Selon le requérant, cette affirmation irait au-delà des constatations de l’OLAF, dans la mesure où celui-ci se serait borné, dans la note du 23 avril 2012, à relever que « des doutes fondés existent quant à de possibles manquements professionnels à l’encontre [du requérant] ». Partant, la secrétaire générale aurait porté atteinte à l’honneur, à la réputation et aux droits de la défense du requérant, mais aussi violé le principe général d’impartialité et le principe de la présomption d’innocence.

275    Ce grief manque en fait, dès lors que les éléments composant la phrase litigieuse (« [l’enquête de l’OLAF] a confirmé le conflit d’intérêts et mis en évidence diverses irrégularités dans le chef [du requérant] ») sont manifestement repris de la note du 23 avril 2012 de l’OLAF. En effet, cette note de l’OLAF précise également que « des irrégularités [ont été] mise en évidence dans le rapport [d’enquête] » et qu’il existe « une situation sérieuse de conflit d’intérêts à l’occasion de la sous-traitance de services de traduction attribués en 2003/2004 à [l’]épouse [du requérant] ».

276    Le Tribunal constate en outre que, dans ladite note du 23 avril 2012, l’OLAF a qualifié la situation de conflit d’intérêts de « sérieuse ». De plus, contrairement aux faits qualifiés de négociation non autorisée d’un marché qui ne faisaient l’objet, selon l’OLAF, que d’une « suspicion », cet office n’a pas indiqué, dans cette même note, que la situation de conflit d’intérêts n’était que « suspectée ». Enfin, l’OLAF clôture cette même note en précisant que les faits qu’il a identifiés sont « graves et répétés ». Une telle formulation exclut à nouveau tout caractère hypothétique et traduit, à l’inverse, une conviction de la part de l’OLAF. Par conséquent, il ne fait aucun doute que, dans sa note du 23 avril 2012, l’OLAF a considéré que la situation de conflit d’intérêts était établie en ce qui concerne le requérant. Contrairement à ce qu’affirme ce dernier, l’OLAF ne s’est donc pas borné à constater que des « doutes fondés exist[ai]ent quant à de possibles manquements professionnels à l’encontre [du requérant] ».

277    Il découle des considérations qui précèdent que la secrétaire générale de la Commission n’a ni exprimé une position personnelle ni altéré la réalité en affirmant que « [l’enquête de l’OLAF] a[vait] confirmé le conflit d’intérêts et mis en évidence diverses irrégularités dans le chef [du requérant] ». Elle s’est au contraire limitée à reproduire certaines appréciations formulées par l’OLAF au terme de son enquête. Partant, la note du 21 mai 2012 de la secrétaire générale de la Commission ne saurait, contrairement à ce que soutient le requérant, être qualifiée de « tendancieuse » ni être interprétée comme retenant « une certitude de culpabilité », « une fausse indication initiale de culpabilité » ou encore « une présomption de culpabilité », laquelle aurait « biais[é] ab initio » l’appréciation des faits par l’AIPN.

278    À défaut de prise de position personnelle de la part de la secrétaire générale de la Commission, il ne peut donc lui être reproché d’avoir porté atteinte à l’honneur, à la réputation et aux droits de la défense du requérant, pas plus que d’avoir violé le principe général d’impartialité et le principe de la présomption d’innocence dont jouit celui-ci.

279    Par conséquent, il convient de rejeter le premier grief.

2)      Sur le deuxième grief, portant sur l’abus de pouvoir, sur un détournement de procédure et de pouvoir ainsi que sur l’atteinte à l’image, à l’indépendance et à la réputation de la Commission

280    Dans cette même note du 21 mai 2012, la secrétaire générale de la Commission a également prié l’IDOC « d’assurer le suivi disciplinaire diligent de cette affaire, compte tenu également de la lenteur probable du suivi judiciaire le moment venu ».

281    Selon le requérant, en demandant à l’IDOC de traiter cette affaire avec célérité, la secrétaire générale de la Commission a voulu éviter que la procédure disciplinaire soit suspendue tant que la justice belge n’aurait pas statué sur les mêmes faits. Partant, la secrétaire générale de la Commission aurait commis un abus de pouvoir ainsi qu’un détournement de procédure et de pouvoir en demandant « d’assurer un suivi disciplinaire diligent ». Elle aurait aussi porté atteinte à l’image, à l’indépendance et à la réputation de la Commission en faisant grief au système judiciaire belge de la « lenteur » de ses procédures.

282    À titre liminaire, il convient de rejeter les arguments du requérant selon lesquels l’affirmation litigieuse de la secrétaire générale de la Commission, rappelée au point 280 ci-dessus, aurait porté atteinte à l’image, à l’indépendance et à la réputation de cette institution. À supposer même que tel soit le cas, il résulte de la jurisprudence qu’un requérant n’est pas habilité à agir dans l’intérêt de la loi ou des institutions et qu’il ne peut faire valoir, à l’appui d’un recours en annulation, que des griefs qui lui sont propres (voir arrêt du 20 novembre 2017, Voigt/Parlement, T‑618/15, EU:T:2017:821, point 71 et jurisprudence citée).

283    Ensuite, il convient de rejeter les allégations du requérant selon lesquelles la secrétaire générale de la Commission aurait commis un abus de pouvoir ainsi qu’un détournement de procédure et de pouvoir en demandant à l’IDOC « d’assurer un suivi disciplinaire diligent ».

284    En effet, cette thèse repose entièrement sur la prémisse selon laquelle cette demande de traiter le cas du requérant avec diligence visait à éviter qu’une éventuelle procédure pénale, ouverte devant les autorités judiciaires belges et portant sur les mêmes faits, n’oblige à suspendre la procédure disciplinaire au titre de l’article 25 de l’annexe IX du statut. Toutefois, ainsi qu’il est constaté dans le cadre de la cinquième branche du deuxième moyen, aux points 321 à 336 ci-après, les autorités judiciaires belges n’ont pas ouvert de procédure pénale concernant les mêmes faits que ceux qui ont été retenus disciplinairement à l’encontre du requérant et qui font l’objet du présent recours. La prémisse du requérant est donc erronée.

285    En outre, exception faite de cette prémisse erronée, le requérant n’a soumis aux juridictions de l’Union aucun autre élément qui confirmerait que la secrétaire générale de la Commission aurait exercé ses pouvoirs dans un autre but que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Or, selon la jurisprudence, et comme le requérant le rappelle lui-même dans la requête, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir, dont le détournement de procédure n’est qu’une forme (voir arrêt du 11 septembre 2019, YL/Commission, T‑545/18, EU:T:2019:578, point 32 et jurisprudence citée), que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2020, Groupe Canal +/Commission, C‑132/19 P, EU:C:2020:1007, point 31 et jurisprudence citée). À défaut d’avoir fait état de tels indices objectifs, pertinents et concordants, le requérant n’a donc pas établi que la note du 21 mai 2012 était constitutive d’un détournement de pouvoir au sens de cette jurisprudence.

286    De même, à défaut d’avoir soumis des preuves étayant ses dires, il convient de conclure que le requérant n’a pas démontré l’existence d’un abus de pouvoir, à le supposer distinct des allégations de détournement de pouvoir, de la part de la secrétaire générale de la Commission.

287    Par conséquent, il convient de rejeter le deuxième grief.

3)      Sur le troisième grief, portant sur la violation du principe de la présomption d’innocence ainsi que sur un vice de forme et de procédure de la part de l’IDOC

288    Par la note du 5 février 2013, adressée à la DG « Ressources humaines et sécurité », l’IDOC a écrit ce qui suit :

« Je vous prie donc de bien vouloir demander à [la secrétaire générale de la Commission] de désigner à cette fin le troisième membre de l’AIPN tripartite. »

289    Selon le requérant, en formulant une telle demande deux jours avant que l’AIPN décide d’ouvrir la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline, l’IDOC a violé le principe de la présomption d’innocence, mais aussi commis un vice de forme et de procédure emportant la nullité de la constitution de l’AIPN tripartite et, par conséquent, de la décision attaquée. En effet, en anticipant la décision de l’AIPN d’ouvrir une telle procédure disciplinaire et, partant, en postulant la nécessité de constituer une AIPN tripartite, l’IDOC aurait privé l’AIPN de sa faculté de choisir d’autres options possibles, telles que dire que les faits ne sont pas établis et classer le dossier, ou encore prononcer une sanction sans ouvrir de procédure devant le conseil de discipline.

290    Contrairement à ce que soutient le requérant, la phrase litigieuse, rappelée au point 288 ci-dessus, ne saurait être considérée comme violant le principe de la présomption d’innocence du requérant. Ni cette phrase, prise isolément, ni la note du 5 février 2013, prise dans son ensemble, ne contiennent la moindre appréciation de l’IDOC quant à la culpabilité ou à l’innocence du requérant en ce qui concerne les faits qui lui étaient reprochés. Cette note se borne, en effet, à dresser la liste des faits retenus à la charge du requérant et à rappeler les prérogatives de l’AIPN tripartite. En tout état de cause, le Tribunal rappelle que ces faits étaient bien connus de l’AIPN, puisque c’est la secrétaire générale de la Commission qui avait elle-même transmis, par la note du 21 mai 2012, le rapport d’enquête de l’OLAF à l’IDOC.

291    Cette même phrase litigieuse ne saurait davantage être considérée comme constituant un vice de forme et de procédure dans la mesure où l’IDOC aurait privé l’AIPN de sa faculté de choix quant à la suite à réserver à la procédure ouverte à l’encontre du requérant. Comme l’indique à raison la Commission, aucune disposition ne s’oppose à ce que l’IDOC puisse, avant l’ouverture formelle de la procédure disciplinaire, proposer à l’AIPN de désigner le troisième membre de l’AIPN tripartite. En effet, la formulation d’une telle proposition ne porte pas atteinte à la faculté de choix laissée à l’AIPN par l’article 3 de l’annexe IX du statut. En d’autres termes, l’AIPN restait libre de suivre, ou non, cette proposition de l’IDOC.

292    Enfin et au surplus, même à suivre la thèse du requérant selon laquelle, en substance, l’IDOC aurait contraint l’AIPN à ouvrir la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline au titre de la section 5 de l’annexe IX du statut, il conviendrait néanmoins de constater que, dans une telle hypothèse, il était encore loisible à l’AIPN tripartite, sur le fondement de l’article 22, paragraphe 2, de cette même annexe, de classer l’affaire sans prononcer de sanction disciplinaire. Or, tel n’a pas été le choix de l’AIPN tripartite en l’espèce.

293    Par conséquent, il convient de rejeter le troisième grief et, partant, la troisième branche du deuxième moyen dans son intégralité.

d)      Sur la quatrième branche du deuxième moyen, relative à dautres vices de forme et de procédure, à dautres violations des DGE, à la violation de lobligation de motivation ainsi quà lexistence dune erreur manifeste dappréciation

294    Dans le cadre de la quatrième branche du deuxième moyen, le requérant soutient que l’IDOC aurait dû, au titre du considérant 8 et de l’article 4, paragraphe 5, des DGE, consulter l’instance spécialisée en matière d’irrégularités financières (ci-après la « PIF »), telle qu’instituée par la décision C(2003) 2247 de la Commission, du 9 juillet 2003, avant de soumettre son rapport à l’AIPN. Or, en considérant la PIF comme un « gadget » et en ne la consultant pas alors que cette consultation s’imposait, l’IDOC aurait commis un vice de procédure qui entacherait la validité de la décision attaquée. Par ailleurs, le requérant soutient que, en violation de l’article 6, paragraphe 2, des DGE, l’enquêteur de l’IDOC chargé du dossier a représenté l’AIPN devant le conseil de discipline. En outre, le requérant soutient que l’IDOC n’aurait pas mené son enquête « de manière approfondie, à charge et à décharge » comme l’exige l’article 3, paragraphe 2, des DGE. En effet, l’IDOC n’aurait mené aucun devoir d’enquête, que ce soit l’audition des personnes intéressées ou la recherche des documents pertinents, mais se serait exclusivement fondé sur le rapport d’enquête de l’OLAF, sur lequel le requérant n’aurait jamais eu l’opportunité de se prononcer. Ces éléments auraient porté atteinte aux droits de la défense du requérant. De plus, en ne communiquant pas l’ensemble des faits, des témoignages et des documents pertinents à l’AIPN, l’IDOC aurait empêché l’AIPN tripartite d’adopter la décision attaquée en toute connaissance de cause. Celle-ci devrait donc être annulée. De plus, le requérant reproche à l’IDOC, et par suite à l’AIPN tripartite, de n’avoir retenu aucune circonstance atténuante, en violation de l’article 4, paragraphe 5, des DGE. Enfin, l’AIPN tripartite n’aurait pas, en violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut, correctement évalué le degré d’intentionnalité du requérant dans la commission des faits qui lui sont reprochés ni correctement recherché les motifs qui l’auraient conduit à adopter les comportements en cause. Les conclusions de l’AIPN tripartite relatives au préjudice subi par la Commission seraient également mal fondées et ne seraient pas correctement motivées.

295    La Commission conteste cette argumentation.

1)      Sur le premier grief, portant sur la violation de l’article 4, paragraphe 5, des DGE, en ce que la PIF n’a pas été consultée

296    Le requérant reproche, en substance, à l’IDOC d’avoir violé l’article 4, paragraphe 5, des DGE en ne consultant pas la PIF.

297    À cet égard, il est vrai que l’article 4, paragraphe 5, des DGE, lu à la lumière du considérant 8 des DGE, prévoit que l’IDOC doit, avant de soumettre son rapport d’enquête au directeur général du personnel et de l’administration, recueillir l’avis de la PIF sur l’existence d’une irrégularité financière et ses conséquences éventuelles.

298    Toutefois, l’argumentation du requérant doit être rejetée. En effet, il ressort clairement des DGE que la consultation de la PIF était requise dans la seule hypothèse où l’IDOC aurait mené une enquête administrative. Sur ce point, il suffit de constater, d’une part, que l’article 4 des DGE relève du chapitre II des DGE, lequel est intitulé « Enquêtes administratives », et, d’autre part, que, aux termes du considérant 8 des DGE, la consultation de la PIF a lieu « dans le cadre des enquêtes administratives de l’IDOC ».

299    Or, les parties s’accordent sur le fait que, en l’espèce, aucune enquête administrative n’a été réalisée par l’IDOC, en sus du rapport d’enquête de l’OLAF. En particulier, le requérant reconnaît lui-même que « [c’est sur] le rapport [d’enquête] de l’OLAF […] [que] repose l’ensemble de la procédure disciplinaire, en l’absence totale d’actes d’enquête complémentaires de l’IDOC », ou encore que « l’IDOC n’a mené aucun devoir d’enquête autre que ceux déjà effectués par l’OLAF […] [et que] [c]ette absence d’enquête de la part de l’IDOC entraîne que la décision attaquée n’a été prise que sur [la] base du rapport de l’OLAF ».

300    Au surplus, le Tribunal constate que cette possibilité de se fonder uniquement sur le rapport d’enquête de l’OLAF était prévue par l’article 4, paragraphe 7, des DGE, lequel prévoyait que, « [a]près avoir reçu un rapport d’enquête de l’OLAF, le directeur général du personnel et de l’administration [pouvait] […] ouvrir d’emblée une procédure disciplinaire ».

301    À défaut d’enquête administrative menée par l’IDOC en l’espèce, celui-ci n’était donc pas contraint de recueillir l’avis de la PIF avant de soumettre son rapport d’enquête au directeur général du personnel et de l’administration.

302    Par conséquent, il convient de rejeter le premier grief.

2)      Sur le deuxième grief, portant sur la violation de l’article 6, paragraphe 2, des DGE, en ce que l’enquêteur de l’IDOC chargé du dossier a représenté l’AIPN devant le conseil de discipline

303    Le requérant soutient que, en violation de l’article 6, paragraphe 2, des DGE, l’enquêteur de l’IDOC chargé du dossier a représenté l’AIPN devant le conseil de discipline.

304    À cet égard, l’article 6, paragraphe 2, des DGE prévoit que « [s]i le cas soumis au conseil de discipline a donné lieu à une enquête administrative préalable, les fonctionnaires ayant mené cette enquête ne peuvent représenter l’AIPN […] devant le conseil de discipline ».

305    Toutefois, ainsi qu’il ressort de l’analyse du premier grief, aucune enquête administrative n’a été menée en l’espèce par l’IDOC. L’article 6, paragraphe 2, des DGE ne s’oppose donc pas à ce que, en l’espèce, l’AIPN ait été représentée devant le conseil de discipline par l’enquêteur de l’IDOC chargé du dossier.

306    Par conséquent, il convient de rejeter le deuxième grief.

3)      Sur le troisième grief, portant sur la violation de l’article 3, paragraphe 2, des DGE, en ce que l’IDOC n’a pas mené son enquête administrative de manière approfondie ainsi qu’à charge et à décharge

307    Le requérant soutient que l’IDOC a méconnu l’article 3, paragraphe 2, des DGE en ne menant pas son enquête administrative de manière approfondie ainsi qu’à charge et à décharge. En effet, selon le requérant, l’IDOC a exclusivement fondé son enquête sur le rapport d’enquête de l’OLAF et n’a donc pas mené d’autres devoirs d’enquête. En ne fournissant pas l’ensemble des éléments pertinents à l’AIPN, l’IDOC aurait ainsi empêché cette dernière de se prononcer en toute connaissance de cause.

308    À cet égard, l’article 3, paragraphe 2, des DGE prévoit que « [l]es enquêtes administratives sont menées de manière approfondie, à charge et à décharge, et pendant une période appropriée aux circonstances et à la complexité du cas ».

309    Les arguments du requérant doivent être rejetés, dans la mesure où il reproche à l’IDOC de n’avoir pas mené son enquête administrative de manière approfondie ainsi qu’à charge et à décharge. En effet, ce grief part de la prémisse erronée que l’IDOC a mené une telle enquête administrative. Or, ainsi qu’il ressort de l’analyse du premier grief, aucune enquête administrative n’a été menée en l’espèce par l’IDOC.

310    L’AIPN tripartite a donc pu, sans commettre d’erreur de droit, se fonder exclusivement sur le rapport d’enquête de l’OLAF, dès lors qu’elle a considéré que ce rapport contenait l’ensemble des éléments pertinents du dossier. Au surplus, il convient de rappeler, ainsi que cela a été relevé notamment au point 264 ci-dessus, que le requérant a indiqué, à plusieurs reprises, qu’il transmettrait d’autres documents à sa décharge. Or, de tels documents n’ont été communiqués ni à l’OLAF ni au conseil de discipline, pas plus qu’aux juridictions de l’Union. Cet élément tend ainsi à confirmer le caractère complet du rapport d’enquête de l’OLAF.

311    Par ailleurs, dans la mesure où le requérant se plaint de n’avoir pas pu apporter les « explications idoines et pertinentes » devant l’IDOC au sujet des faits qui lui étaient reprochés, il suffit de rappeler qu’il ne s’est présenté ni à l’audition du 10 octobre 2012 ni à celle du 19 novembre 2012. Au surplus, il convient également de rappeler que le requérant a eu l’occasion, aussi bien avant qu’après l’intervention de l’IDOC, d’exposer lesdites « explications idoines et pertinentes », que ce soit devant l’OLAF, devant le conseil de discipline ou devant l’AIPN tripartite.

312    Partant, il ne peut être conclu que l’IDOC a méconnu l’article 3, paragraphe 2, des DGE, ni que l’AIPN tripartite s’est prononcée sans disposer de l’ensemble des éléments pertinents, à charge et à décharge, en ce qui concerne les faits reprochés au requérant.

313    Enfin, pour les mêmes motifs que ceux qui précèdent, il convient également de rejeter les arguments exposés par le requérant dans le cadre de la première branche du deuxième moyen et pris de la violation de l’article 4, paragraphe 4, des DGE. En effet, l’article 4, paragraphe 4, des DGE trouve à s’appliquer uniquement dans l’hypothèse où une enquête administrative a été menée par l’IDOC. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. Au demeurant, le requérant ne s’est présenté ni à l’audition du 10 octobre 2012 ni à celle du 19 novembre 2012. C’est donc à tort que le requérant affirme que l’IDOC a violé l’article 4, paragraphe 4, des DGE, en ne lui permettant pas d’exprimer son avis au sujet de l’ensemble des faits le concernant.

314    Par conséquent, il convient de rejeter le troisième grief.

4)      Sur le quatrième grief, portant sur la violation de l’article 4, paragraphe 5, des DGE, en ce que ni l’IDOC ni l’AIPN tripartite n’auraient retenu de circonstances atténuantes

315    Le requérant soutient que l’IDOC et, à sa suite, l’AIPN tripartite n’auraient pas, en violation de l’article 4, paragraphe 5, des DGE, retenu de circonstances atténuantes en sa faveur. Or, il aurait dû être tenu compte, premièrement, du fait que le sondage et le questionnaire correspondant étaient les premiers à être confiés à la société G dans le contexte du contrat-cadre, deuxièmement, de l’ancienneté des faits retenus à l’encontre du requérant, troisièmement, du contexte dans lequel le requérant a envoyé le courrier électronique du 6 septembre 2001 à la société G, quatrièmement, de l’absence d’intérêt personnel du requérant à la prétendue majoration des coûts équivalente à une demi-unité de question par la société G et, cinquièmement, de l’absence de préjudice porté à l’intégrité, à la réputation ou aux intérêts de la Commission. Pour les mêmes raisons, l’AIPN tripartite aurait également méconnu l’obligation de motivation et elle aurait, en outre, commis une erreur manifeste d’appréciation.

316    À cet égard, il convient de rejeter les arguments du requérant, dans la mesure où ils reposent sur une violation de l’article 4, paragraphe 5, des DGE. En effet, ainsi qu’il ressort de l’analyse du premier grief, aucune enquête administrative n’a été menée en l’espèce par l’IDOC. Partant, l’IDOC n’était pas tenu de tenir compte d’éventuelles circonstances atténuantes au titre de cette disposition.

317    Quant à la prise en compte d’éventuelles circonstances atténuantes par l’AIPN tripartite lors de la détermination de la sanction appropriée, il convient de constater que cette argumentation se confond avec celle développée dans le cadre du troisième moyen. Il est dès lors renvoyé aux points 365 à 380 ci-après.

318    Par conséquent, il convient de rejeter le quatrième grief et, partant, la quatrième branche du deuxième moyen dans son intégralité.

e)      Sur la cinquième branche du deuxième moyen, relative à la violation du principe « le pénal tient le disciplinaire en létat »

319    Dans le cadre de la cinquième branche du deuxième moyen, le requérant soutient que l’IDOC, le conseil de discipline et l’AIPN auraient violé le principe selon lequel « le pénal tient le disciplinaire en l’état », tel que consacré par l’article 25 de l’annexe IX du statut, en ne suspendant pas la procédure disciplinaire tant que la justice belge ne s’était pas prononcée. En effet, dans sa note du 23 avril 2012, l’OLAF aurait indiqué que son rapport d’enquête était transmis au procureur fédéral belge, en vue d’éventuelles poursuites judiciaires. Par ailleurs, la secrétaire générale de la Commission, la directrice de l’IDOC et T auraient affirmé que la procédure disciplinaire en cause et la procédure judiciaire menée par les autorités belges portaient sur les mêmes faits. En outre, cette identité des faits serait confirmée par plusieurs documents émanant des autorités belges ainsi que par trois décisions de la Commission faisant droit aux demandes d’un juge d’instruction belge sollicitant la levée de l’immunité du requérant, la levée de l’inviolabilité des locaux occupés ou ayant été occupés par lui ainsi que la levée de son devoir de réserve.

320    La Commission conteste cette argumentation.

321    Aux termes de l’article 25 de l’annexe IX du statut, « lorsque le fonctionnaire fait l’objet de poursuites pénales pour les mêmes faits, sa situation n’est définitivement réglée qu’après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive ».

322    Il ressort de cette disposition qu’il est interdit à l’AIPN de régler définitivement, sur le plan disciplinaire, la situation du fonctionnaire concerné en se prononçant sur des faits faisant concomitamment l’objet d’une procédure pénale aussi longtemps que la décision rendue par la juridiction répressive saisie n’est pas devenue définitive. L’article 25 de l’annexe IX du statut, partant, n’octroie pas à l’AIPN chargée de régler définitivement la situation d’un fonctionnaire à l’égard duquel est ouverte une procédure disciplinaire un pouvoir discrétionnaire quant à la faculté de surseoir ou non à statuer sur la situation dudit fonctionnaire lorsque ce fonctionnaire est poursuivi devant un tribunal répressif (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2008, Franchet et Byk/Commission, T‑48/05, EU:T:2008:257, point 341 et jurisprudence citée, et du 11 avril 2016, FU/Commission, F‑49/15, EU:F:2016:72, point 66 et jurisprudence citée).

323    Selon la jurisprudence, l’article 25 de l’annexe IX du statut a une double raison d’être. D’une part, cet article répond au souci de ne pas affecter la position du fonctionnaire en cause dans le cadre des poursuites pénales qui seraient ouvertes contre lui en raison de faits qui font par ailleurs l’objet d’une procédure disciplinaire au sein de son institution. D’autre part, la suspension de la procédure disciplinaire dans l’attente de la clôture de la procédure pénale permet de prendre en considération, dans le cadre de la procédure disciplinaire, des constatations factuelles opérées par le juge pénal lorsque sa décision est devenue définitive. Il doit être rappelé à cet effet que l’article 25 de l’annexe IX du statut consacre le principe selon lequel « le pénal tient le disciplinaire en l’état », ce qui se justifie notamment par le fait que les juridictions pénales nationales disposent de pouvoirs d’investigation plus importants que l’AIPN. Dès lors, dans le cas où les mêmes faits peuvent être constitutifs d’une infraction pénale et d’une violation des obligations statutaires du fonctionnaire, l’administration est liée par les constatations factuelles effectuées par la juridiction pénale dans le cadre de la procédure répressive. Une fois que cette dernière a constaté l’existence des faits de l’espèce, l’administration peut procéder à leur qualification juridique au regard de la notion de faute disciplinaire, en vérifiant notamment si ceux‑ci constituent des manquements aux obligations statutaires (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2016, FU/Commission, F‑49/15, EU:F:2016:72, points 67 à 69 et jurisprudence citée).

324    En outre, il ressort de la jurisprudence qu’il appartient au fonctionnaire en cause de fournir à l’AIPN les éléments permettant d’apprécier si les faits mis à sa charge dans le cadre de la procédure disciplinaire font parallèlement l’objet de poursuites pénales ouvertes à son égard. Pour satisfaire à cette obligation, le fonctionnaire en cause doit en principe démontrer que des poursuites pénales ont été ouvertes à son égard alors qu’il faisait l’objet d’une procédure disciplinaire. En effet, c’est uniquement lorsque de telles poursuites pénales ont été ouvertes que les faits sur lesquels elles portent peuvent être identifiés et comparés aux faits pour lesquels la procédure disciplinaire a été entamée, afin de déterminer leur éventuelle identité (voir arrêt du 11 avril 2016, FU/Commission, F‑49/15, EU:F:2016:72, point 70 et jurisprudence citée).

325    En l’espèce, il convient de constater que l’AIPN a été informée de l’existence de poursuites pénales à l’encontre du requérant au plus tard le 5 juin 2012, date à laquelle le juge d’instruction a notamment demandé la levée de l’immunité du requérant, à la suite de la transmission du rapport d’enquête de l’OLAF. Il convient donc de vérifier si les faits faisant l’objet de la procédure pénale sont les mêmes que ceux retenus à l’encontre du requérant dans la deuxième procédure disciplinaire et sanctionnés par la décision attaquée.

326    À cet égard, l’AIPN a retenu deux griefs pour adopter la décision attaquée. Le premier est relatif à la « communication entre [le requérant] et la société [G] le 6 septembre 2001 » et le second concerne « les démarches [du requérant] en 2003/2004 en relation avec la traduction d’un rapport [confidentiel] » par la société N.

327    Or, il ressort de la lettre du juge d’instruction du 5 juin 2012 que ces poursuites pénales visent d’autres faits impliquant d’autres sociétés que les sociétés G et N.

328    Il en ressort également que les poursuites pénales portent sur des faits survenus après l’année 2005, soit une période postérieure à celle faisant l’objet de la deuxième procédure disciplinaire. Partant, dans la mesure où la période examinée dans le cadre de la deuxième procédure disciplinaire, allant du 6 septembre 2001 au début de l’année 2004, ne recoupe pas, même partiellement, la période analysée dans le cadre de la procédure pénale, il y a lieu de conclure que les faits reprochés au requérant sur le plan disciplinaire ne sont pas identiques à ceux faisant l’objet des poursuites pénales.

329    Cette conclusion n’est pas infirmée par les autres arguments du requérant.

330    Premièrement, la thèse du requérant n’est pas corroborée par les décisions de la Commission faisant droit aux demandes du juge d’instruction, lequel avait sollicité la levée de l’immunité du requérant, la levée de l’inviolabilité des locaux occupés ou ayant été occupés par lui ainsi que la levée de son devoir de réserve. Ainsi, la décision du 20 septembre 2012 se borne, dans un premier temps, à résumer la lettre du 5 juin 2012 du juge d’instruction et, dans un deuxième temps, à lever l’immunité de juridiction du requérant ; dans un troisième temps, il est précisé, conformément à la demande du juge d’instruction, que le requérant n’en sera pas avisé afin de préserver le secret de l’instruction. De même, la décision du 23 juillet 2012, levant partiellement l’inviolabilité des locaux de la Commission, se limite à faire référence à la demande du juge d’instruction et à y faire droit. Enfin, la décision du 18 août 2012 se limite à lever le droit de réserve du requérant. Aucune de ces trois décisions n’évoque les faits reprochés au requérant dans le cadre de la deuxième procédure disciplinaire.

331    Deuxièmement, la thèse du requérant n’est pas confortée par la note du 21 mai 2012 de la secrétaire générale de la Commission. Dans cette note, la secrétaire générale de la Commission se limite à indiquer que l’OLAF a transmis son rapport d’enquête aux autorités judiciaires belges. En revanche, elle n’affirme pas que lesdites autorités avaient, à cette époque, déjà ouvert une procédure pénale à l’encontre du requérant. De même, la note que T a adressée au conseil de discipline ne confirme pas les dires du requérant. Dans cette note, T admet, certes, l’existence d’une procédure pénale en cours, mais elle ne déclare pas que cette procédure pénale concerne les mêmes faits que ceux faisant l’objet de la deuxième procédure disciplinaire.

332    Troisièmement, le rapport au conseil de discipline du 7 février 2013 rappelle que l’OLAF a recommandé un suivi judiciaire à l’encontre du requérant en ce qui concerne des faits qui pourraient être qualifiés, en droit pénal belge, de recel d’abus de biens sociaux et de corruption passive (point 3.2, p. 6 du rapport au conseil de discipline). Or, ledit rapport n’indique nulle part que ces possibles infractions pénales concerneraient les faits de négociation non autorisée et clandestine d’un marché ainsi que de création d’un conflit d’intérêts et de certification de certaines tâches de traduction non conforme au cadre contractuel et réglementaire applicable. En revanche, l’AIPN indique explicitement que ce sont d’autres faits, décrits au point 5.2 dudit rapport, qui « sont susceptibles de faire l’objet d’un suivi judiciaire en Belgique », mais aussi que « [c]es [autres] faits ne font pas l’objet de la présente procédure disciplinaire » (point 6.1.2., p. 18 du rapport au conseil de discipline). Ce rapport distingue donc clairement les faits faisant l’objet de la deuxième procédure disciplinaire et ceux faisant l’objet d’une procédure pénale en Belgique.

333    De même, et ainsi que le souligne la Commission, la note de transmission de la décision attaquée a, elle aussi, expressément distingué les faits sanctionnés par cette décision de ceux qui faisaient l’objet d’une procédure pénale en Belgique. En effet, le premier paragraphe de cette note vise expressément la deuxième procédure disciplinaire, portant la référence [confidentiel], laquelle est la seule qui soit mise en cause dans le cadre du présent recours. En revanche, au second paragraphe de cette note, l’AIPN précise que les faits visés au point 5.2 du rapport au conseil de discipline sont « actuellement soumis à l’appréciation des juridictions belges », qu’elle a ouvert une troisième procédure disciplinaire à l’encontre du requérant concernant ces faits (sous la référence [confidentiel]), mais que cette procédure est « suspend[ue] dans l’attente du résultat de la procédure pénale ».

334    Quatrièmement, il convient d’écarter les éléments de preuve produits par le requérant qui sont postérieurs à l’adoption de la décision attaquée. En effet, compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 116 ci-dessus, il ne peut pas être tenu compte des notes et des courriers des 13 juillet, 2 et 5 octobre 2015 de la directrice de l’IDOC. Pour la même raison, il ne peut pas non plus être tenu compte de la lettre du 2 juillet 2014 du juge d’instruction ni de la feuille d’audition rédigée par la police belge en date du 17 juillet 2014.

335    Il découle de ce qui précède qu’aucun élément du dossier n’atteste que les faits qui ont justifié l’adoption de la décision attaquée auraient également fait l’objet de poursuites pénales de la part des autorités belges. Au contraire, il ressort expressément, notamment du rapport au conseil de discipline, de la lettre du juge d’instruction du 5 juin 2012 ainsi que de la note de transmission de la décision attaquée que la procédure pénale avait pour unique objet les faits visés par la troisième procédure disciplinaire, enregistrée sous la référence [confidentiel]. Or, la décision attaquée s’est, quant à elle, prononcée sur les faits retenus dans le cadre de la deuxième procédure disciplinaire, laquelle est visée, tant dans la note de transmission que dans la décision attaquée, sous la référence [confidentiel].

336    Par conséquent, il convient de rejeter la cinquième branche du deuxième moyen.

f)      Sur la sixième branche du deuxième moyen, relative à la violation du délai prévu à larticle 22, paragraphe 1, de lannexe IX du statut

337    Dans le cadre de la sixième branche du deuxième moyen, le requérant soutient que l’AIPN tripartite a méconnu l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, dès lors qu’il s’est écoulé plus de deux mois entre l’avis du conseil de discipline, formulé le 5 juin 2013, et l’adoption, le 16 octobre 2013, de la décision attaquée. Le requérant admet, certes, que la jurisprudence tolère, sous conditions, que l’AIPN puisse ne pas respecter ce délai. Toutefois, cette faculté devrait être regardée comme violant le principe d’égalité de traitement, dès lors que les fonctionnaires seraient, quant à eux, astreints à respecter strictement tous les délais fixés par le statut. De même, cette faculté violerait le principe de sécurité juridique, car le fonctionnaire serait, au contraire, en droit d’attendre que toute décision soit adoptée dans le cadre temporel légalement déterminé. Partant, le requérant sollicite du Tribunal un revirement de jurisprudence à cet égard, afin que l’ensemble des délais visés à l’annexe IX du statut soient péremptoires et contraignants pour toutes les parties.

338    La Commission conteste cette argumentation.

339    Aux termes de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, « l’autorité investie du pouvoir de nomination prend sa décision […], dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du conseil ».

340    Sur ce point, il est de jurisprudence constante que, s’il est vrai que ce délai n’est pas péremptoire, il énonce néanmoins une règle de bonne administration dont le but est d’éviter, dans l’intérêt tant de l’administration que des fonctionnaires, un retard injustifié dans l’adoption de la décision qui met fin à la procédure disciplinaire. Il découle du souci de bonne administration manifesté par le législateur de l’Union que les autorités disciplinaires ont l’obligation de mener avec diligence la procédure disciplinaire et d’agir de sorte que chaque acte de poursuite intervienne dans un délai raisonnable par rapport à l’acte précédent. La non‑observation de ce délai peut engager la responsabilité de l’institution concernée pour le préjudice éventuellement causé aux intéressés. De même, la non-observation de ce délai, qui ne peut être appréciée qu’en fonction des circonstances particulières de l’affaire, est susceptible d’entraîner l’annulation de l’acte, si le retard pris dans l’adoption d’une décision disciplinaire constitue une violation des droits de la défense ou du principe de protection de la confiance légitime (voir, en ce sens, arrêts du 27 novembre 2001, Z/Parlement, C‑270/99 P, EU:C:2001:639, points 21, 43 et 44 et jurisprudence citée ; du 10 juin 2004, François/Commission, T‑307/01, EU:T:2004:180, point 47 et jurisprudence citée, et du 11 avril 2016, FU/Commission, F‑49/15, EU:F:2016:72, point 136 et jurisprudence citée).

341    En premier lieu, le requérant conteste cette jurisprudence. Plus précisément, il insiste sur le fait que cette jurisprudence conduit, selon lui, à méconnaître les principes d’égalité de traitement et de sécurité juridique et il appelle, par conséquent, les juridictions de l’Union à la réviser.

342    À cet égard, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission, C‑50/12 P, EU:C:2013:771, point 62 et jurisprudence citée). Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause (voir arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 26 et jurisprudence citée).

343    Par ailleurs, selon une jurisprudence tout aussi constante, le principe de sécurité juridique exige, notamment, que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir des conséquences défavorables sur les personnes concernées (voir arrêt du 26 mars 2020, Hungeod e.a., C‑496/18 et C‑497/18, EU:C:2020:240, point 93 et jurisprudence citée).

344    Or, les délais auxquels se réfère le requérant ont une nature qui diffère de celle des délais prévus à l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut et ne sont donc pas comparables à ces derniers (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 2001, Z/Parlement, C‑270/99 P, EU:C:2001:639, point 25, et conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Z/Parlement, C‑270/99 P, EU:C:2001:180, points 35 à 37).

345    En second lieu, il est établi que, en l’espèce, la décision attaquée n’a pas été adoptée dans le délai prévu par l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, ce délai ayant été dépassé de plus de deux mois.

346    Selon le Tribunal, ce dépassement du délai est exclusivement imputable à la Commission et non au requérant. En effet, contrairement à ce qu’affirme la Commission, le fait d’avoir dû convoquer, le 6 juin et le 2 juillet 2013, le requérant aux deux auditions disciplinaires ne saurait expliquer pourquoi la Commission a adopté la décision attaquée le 16 octobre 2013.

347    En tout état de cause, le Tribunal relève que, contrairement à ce que permet la jurisprudence visée au point 340 ci-dessus, le requérant n’a formulé aucune demande indemnitaire en raison du dépassement de ce délai. Il n’a même pas soutenu que ce dépassement du délai de deux mois lui aurait causé un préjudice.

348    En revanche, le requérant sollicite, en substance, l’annulation de la décision attaquée au motif que celle-ci a été adoptée en violation du délai prévu à l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut.

349    Toutefois, force est de constater que, aux points 208 à 215 de la requête, le requérant n’a invoqué aucun argument juridique ou factuel susceptible d’établir que ce dépassement du délai l’aurait, notamment, empêché de se défendre efficacement ou aurait créé à son égard la confiance légitime qu’une sanction disciplinaire ne lui serait pas infligée.

350    En outre, le requérant n’a avancé, aux mêmes points de la requête, aucun argument visant à démontrer que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 78 et jurisprudence citée, et du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 157 et jurisprudence citée).

351    Par conséquent, il convient de rejeter la sixième branche du deuxième moyen et, partant, celui-ci dans son intégralité.

3.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation de larticle 10 de lannexe IX du statut, des principes de proportionnalité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ainsi que derreurs manifestes dappréciation dans la détermination de la sanction

352    Au soutien du troisième moyen, le requérant affirme, en substance, que la sanction de révocation sans réduction des droits à pension, telle qu’infligée par la décision attaquée, est disproportionnée. En effet, les deux fautes qui sont reprochées au requérant, à savoir une négociation non autorisée et clandestine d’un marché ainsi que la création d’un conflit d’intérêts et la certification de certaines tâches de traduction non conforme au cadre contractuel et réglementaire applicable, seraient très anciennes et d’une importance relative. De plus, l’AIPN tripartite aurait erronément considéré que ces deux fautes étaient « caractérisées par des multiples actes étalés dans le temps ». Par ailleurs, ce serait également à tort que l’AIPN tripartite n’aurait retenu aucune circonstance atténuante. L’AIPN tripartite n’aurait ainsi pas tenu compte de la carrière brillante du requérant. En revanche, et même si la décision attaquée affirme le contraire, l’AIPN tripartite aurait malgré tout retenu au titre de circonstance aggravante la sanction de rétrogradation du 5 juin 2012, prononcée à la suite de la première procédure disciplinaire. Ce dernier élément constituerait une violation supplémentaire du principe de proportionnalité, mais aussi une erreur manifeste d’appréciation ainsi qu’un détournement de pouvoir et de procédure. En outre, cette sanction impliquerait des effets pécuniaires, familiaux et professionnels considérables pour le requérant et les membres de sa famille. Enfin, la décision attaquée ne justifierait pas à suffisance de droit ces atteintes au principe de proportionnalité. De même, la décision attaquée violerait les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, notamment en raison du fait que la date de sa prise d’effet serait incertaine.

353    La Commission conteste cette argumentation.

354    Selon l’article 10 de l’annexe IX du statut, « [l]a sanction disciplinaire infligée est proportionnelle à la gravité de la faute commise ». Sont énumérés de manière non exhaustive audit article, sous a) à i), les critères dont l’AIPN doit tenir compte pour déterminer la gravité de la faute et décider de la sanction à infliger.

355    S’agissant de l’évaluation de la gravité des manquements constatés par le conseil de discipline à la charge du fonctionnaire et du choix de la sanction qui apparaît, au vu de ces manquements, comme étant la plus appropriée, ceux-ci relèvent en principe du large pouvoir d’appréciation de l’AIPN, à moins que la sanction infligée ne soit disproportionnée par rapport aux faits révélés. Ainsi, selon une jurisprudence bien établie, l’AIPN dispose du pouvoir de procéder à une appréciation de la responsabilité du fonctionnaire, différente de celle portée par le conseil de discipline, ainsi que de choisir, par suite, la sanction disciplinaire qu’elle estime adéquate pour sanctionner les fautes disciplinaires retenues (voir arrêt du 5 juin 2019, Bernaldo de Quirós/Commission, T‑273/18, non publié, sous pourvoi, EU:T:2019:371, point 124 et jurisprudence citée).

356    Une fois la matérialité des faits établie, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont jouit l’AIPN en matière disciplinaire, le contrôle juridictionnel doit se limiter à une vérification de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt du 5 juin 2019, Bernaldo de Quirós/Commission, T‑273/18, non publié, sous pourvoi, EU:T:2019:371, point 125 et jurisprudence citée).

357    S’agissant spécialement de la proportionnalité d’une sanction disciplinaire par rapport à la gravité des faits retenus, le Tribunal doit prendre en considération le fait que la détermination de la sanction est fondée sur une évaluation globale par l’AIPN de tous les faits concrets et des circonstances propres à chaque cas d’espèce, étant rappelé que le statut ne prévoit pas de rapport fixe entre les sanctions qui y sont indiquées et les différentes catégories de manquements commis par les fonctionnaires et ne précise pas dans quelle mesure l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit intervenir dans le choix de la sanction. L’examen du juge de première instance est, dès lors, limité à la question de savoir si la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes par l’AIPN a été effectuée de façon proportionnée, étant précisé que, lors de cet examen, le juge ne saurait se substituer à l’AIPN quant aux jugements de valeur portés à cet égard par celle-ci (voir arrêt du 5 juin 2019, Bernaldo de Quirós/Commission, T‑273/18, non publié, sous pourvoi, EU:T:2019:371, point 125 et jurisprudence citée).

358    C’est à l’aune de cette jurisprudence qu’il convient d’apprécier si la décision attaquée méconnaît, ou non, le principe de proportionnalité.

359    Le requérant affirme que la gravité des deux fautes qui lui sont reprochées, à savoir une négociation non autorisée et clandestine d’un marché ainsi que la création d’un conflit d’intérêts et la certification de certaines tâches de traduction non conforme au cadre contractuel et réglementaire applicable, serait « d’une importance relative », de sorte que, prises isolément, chacune de ces deux fautes n’aurait sans doute pas donné lieu à l’ouverture de procédures disciplinaires ou n’auraient pas conduit à l’adoption d’une sanction d’une gravité extrême.

360    Le requérant n’a toutefois avancé aucun argument concret et précis étayant son affirmation, au demeurant fort vague, selon laquelle chacune de ces deux fautes aurait une « importance relative ». Selon le Tribunal, il ressort, au contraire, du dossier que les deux fautes commises par le requérant sont particulièrement graves.

361    En effet, le caractère intentionnel des agissements du requérant est établi. Comme l’a mis en évidence l’AIPN tripartite, aux points 65 et 79 de la décision attaquée, les faits en cause ont pris place à des moments espacés dans le temps. De plus, ainsi qu’il a été relevé dans le cadre de l’analyse du premier moyen, le requérant a multiplié les manœuvres dans le but d’agir à l’insu de sa hiérarchie. En particulier, il a exigé la confidentialité de ses arrangements avec la société G et il n’a jamais averti sa hiérarchie que la société N appartenait, à l’époque des faits, à sa compagne. Ces éléments excluent donc tout acte irréfléchi et dénué d’intention frauduleuse, mais témoignent au contraire d’une volonté délibérée et persistante de cacher ses actes à sa hiérarchie. La thèse du requérant selon laquelle « il ne pensait pas mal agir en posant les actes reprochés » ne saurait donc prospérer. Enfin, en ce qui concerne l’argument relatif à la prétendue violation de l’obligation de motivation, en ce sens que l’AIPN tripartite se serait contentée de relever le caractère intentionnel des actes posés par le requérant sans déterminer le degré exact d’intentionnalité, il a déjà été rejeté au point 194 ci-dessus.

362    En outre, c’est à juste titre que l’AIPN tripartite a considéré, aux points 66 et 67 de la décision attaquée, que ces deux fautes avaient contribué à discréditer la réputation des institutions de l’Union en donnant une image douteuse de ses fonctionnaires. En effet, l’examen du premier moyen a confirmé que les agissements du requérant avaient effectivement nui à l’image de la Commission. Enfin, en ce qui concerne l’argument relatif à la prétendue violation de l’obligation de motivation, en ce sens que l’AIPN tripartite n’aurait pas expliqué en quoi il aurait été porté atteinte à la réputation et aux intérêts de la Commission, il a déjà été rejeté au point 194 ci-dessus.

363    Enfin, la seconde faute atteste que le requérant a usé des prérogatives que lui offraient ses fonctions au sein de la Commission pour que soit octroyé un avantage à la société de sa compagne, la société N, ce qui est de nature à apparaître, aux yeux des tiers, comme étant susceptible de provoquer une confusion quant aux intérêts poursuivis par l’Union qu’il était censé servir.

364    Il ressort des éléments qui précèdent que l’AIPN tripartite a pu, à juste titre, considérer, aux points 63 à 65 ainsi que 78 à 81 de la décision attaquée, que ces deux fautes constituaient chacune une violation très grave des règles statutaires, traduisant un mépris généralisé de ces dernières et que, partant, ces deux fautes remettaient en cause tout aussi gravement les liens de confiance existant entre le requérant et sa hiérarchie. Par ailleurs, et comme l’a relevé à juste raison la Commission, aucune disposition du droit de l’Union n’interdit à l’AIPN tripartite d’apprécier ensemble différents manquements du requérant (voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2011, Nijs/Cour des comptes, F‑77/09, EU:F:2011:2, point 143).

365    Cela étant, il reste à vérifier si, comme le soutient le requérant, l’AIPN tripartite aurait dû, conformément au titre de l’article 10 de l’annexe IX du statut, tenir compte de certaines circonstances atténuantes susceptibles de contrebalancer la gravité des fautes commises et, partant, d’aboutir à l’infliction d’une sanction moins sévère que celle retenue en l’espèce, à savoir la révocation sans réduction des droits à pension.

366    À cet égard, le requérant soutient que l’AIPN tripartite n’aurait pas tenu compte dans la détermination de la sanction de sa « carrière brillante » au sein de la Commission. Pour étayer son argumentation, le requérant reproduit notamment des extraits, très parcellaires, tirés, selon lui, de différents rapports de notation, d’évaluation et de promotion.

367    Toutefois, aucun des éléments visés au point 220 de la requête n’est démontré, dès lors que le requérant n’a pas soumis de preuve confirmant ses dires. Cet argument doit donc être rejeté. En tout état de cause, quand bien même le requérant avait prouvé qu’il avait mené une « carrière brillante », l’AIPN tripartite pouvait légitimement considérer que, eu égard à la gravité des fautes commises, au grade du requérant et à ses responsabilités, une telle circonstance n’était pas susceptible d’atténuer la sanction à infliger (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2014, BG/Médiateur, T‑406/12 P, EU:T:2014:273, point 76).

368    Le requérant affirme également que l’ancienneté des fautes retenues à son égard aurait dû être considérée comme une circonstance atténuante. Selon lui, le fait de ne pas en avoir tenu compte violerait les principes de proportionnalité, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

369    Cet argument doit être rejeté. En effet, le requérant n’a pas expliqué en quoi, concrètement, cette circonstance, à la supposer établie, aurait pu, voire dû, être considérée comme une circonstance atténuante. De même, il n’a avancé aucun argument concret expliquant pourquoi l’absence de prise en compte de cette circonstance par l’AIPN tripartite au titre de circonstance atténuante serait constitutive d’une erreur manifeste d’appréciation ou méconnaîtrait les trois principes généraux du droit mentionnés au point 368 ci-dessus.

370    En tout état de cause, la multiplication des manœuvres du requérant visant à agir à l’insu de sa hiérarchie a eu pour effet de retarder la découverte des fautes en cause. Par conséquent, dès lors que l’ancienneté de ces fautes découle exclusivement du comportement clandestin du requérant, ce dernier ne saurait, conformément à l’adage selon lequel nul ne peut invoquer sa propre turpitude, en tirer un bénéfice en tant que circonstance atténuante (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 7 février 1973, Commission/Italie, 39/72, EU:C:1973:13, point 10, et du 18 janvier 2005, Entorn/Commission, T‑141/01, EU:T:2005:10, point 121 et jurisprudence citée).

371    Le requérant estime, par ailleurs, que l’AIPN tripartite aurait dû tenir compte, en tant que circonstance atténuante, du fait que le sondage et le questionnaire correspondant étaient les premiers à être confiés à la société G dans le contexte du contrat-cadre.

372    Toutefois, le requérant n’a pas expliqué en quoi, concrètement, cette circonstance, à la supposer établie, aurait pu, voire dû, être considérée comme une circonstance atténuante.

373    En tout état de cause, le requérant n’a pas davantage expliqué en quoi, concrètement, ledit sondage aurait eu un contenu inédit et se serait distingué des autres sondages Eurobaromètre Standard commandés par la Commission depuis 1973. À cet égard, contrairement à ce que soutient le requérant, cet argument n’est nullement corroboré par les déclarations de P. Dans son courrier électronique du 8 avril 2011 adressé à l’OLAF, P se borne, dans un premier temps, à émettre l’hypothèse selon laquelle il serait logique qu’un nouveau contrat portant sur une opération nouvelle ne comporte que des questions nouvelles. Toutefois, dans un second temps, P constate que tel n’est pas le cas en l’espèce, comme en témoignent son utilisation de la conjonction « or » et sa description des quatre catégories de questions finalement retenues. Du reste, le caractère prétendument nouveau et inédit du sondage en cause est contredit par le requérant lui-même, puisque, dans un courrier électronique du 30 août 2001, dont un extrait est reproduit au point 35 de la requête, il affirme à la société G qu’il « inclur[a] davantage de questions de l’Eurobaromètre Standard[,] [m]ais [qu’il doit] encore choisir lesquelles ». Le requérant reconnaît donc lui-même que le sondage en cause reprend, ne fût-ce qu’en partie, des questions issues de sondages précédents. Par ailleurs, il ressort de l’annexe B.19. que les spécifications techniques du sondage en cause étaient les mêmes que celles de l’Eurobaromètre Standard, quoiqu’adaptées aux États qui étaient encore, à cette époque, candidats à l’adhésion à l’Union. Enfin, même à admettre que le sondage en cause aurait véritablement eu un contenu inédit, cette seule circonstance ne pourrait de toute façon pas justifier le fait que le requérant a entendu agir à l’insu de sa hiérarchie et en violation des dispositions contractuelles et réglementaires applicables. Ainsi que le souligne la Commission, un tel comportement traduit davantage une volonté délibérée de contourner les règles établies qu’une simple erreur de jugement.

374    Le requérant soutient aussi que le contexte dans lequel il a envoyé le courrier électronique du 6 septembre 2001 à la société G aurait dû être considéré comme une circonstance atténuante.

375    Cet argument ne saurait prospérer, dès lors que le requérant n’a pas expliqué en quoi, concrètement, ce contexte, tel que décrit aux points 31 à 37 de la requête, aurait pu, voire dû, être retenu par l’AIPN tripartite comme une circonstance atténuante. En tout état de cause, il ressort de l’examen du premier moyen que le contexte dans lequel s’est inscrit l’envoi du courrier électronique du 6 septembre 2001 était marqué par la clandestinité des échanges entre cette société et le requérant, mais aussi par l’acceptation, sans la moindre réserve de la part de ce dernier, de dépenses non conformes aux dispositions du contrat-cadre. Contrairement à ce que soutient le requérant, un tel contexte ne saurait constituer une circonstance atténuante.

376    Le requérant affirme, en outre, que l’AIPN tripartite aurait dû tenir compte, en tant que circonstance atténuante, du fait qu’il n’avait aucun intérêt personnel à l’inclusion par la société G de la demi-unité de question litigieuse. Par ailleurs, l’AIPN tripartite aurait méconnu l’article 10 de l’annexe IX du statut en ne recherchant pas les motifs qui auraient conduit le requérant à commettre les deux fautes en cause. Selon lui, il n’aurait agi que dans l’intérêt de la Commission.

377    Ces arguments ne peuvent être retenus. À cet égard, il est vrai que la décision attaquée précise que « [l]a procédure n’a pas clairement mis en évidence les motifs qui ont amené [le requérant] à agir comme il l’a fait ». Cette conclusion ne saurait être considérée comme violant l’article 10 de l’annexe IX du statut, dès lors que le requérant a multiplié les manœuvres pour dissimuler ses actes. Il ne peut donc être reproché à l’AIPN tripartite de n’avoir pas établi, dans la décision attaquée, les motivations exactes du requérant, alors que celui-ci s’est efforcé de les cacher, que ce soit à l’époque des faits, au cours de l’enquête de l’OLAF ou durant la procédure disciplinaire.

378    Par ailleurs, s’agissant en particulier de la seconde faute, il n’est guère crédible que le requérant ait agi dans l’intérêt de la Commission et non dans le sien en recommandant la société appartenant à sa compagne.

379    C’est donc à bon droit que l’AIPN tripartite a conclu que ces comportements étaient manifestement déloyaux envers la Commission et qu’ils étaient guidés par l’intérêt personnel du requérant. Enfin, en ce qui concerne l’argument relatif à la prétendue violation de l’obligation de motivation, en ce sens que l’AIPN tripartite n’aurait pas reconnu l’absence d’intérêt personnel du requérant en l’espèce, il a déjà été rejeté au point 194 ci-dessus.

380    Par conséquent, aucun des éléments avancés par le requérant n’était susceptible d’être pris en compte par l’AIPN tripartite au titre de circonstance atténuante. C’est donc sans erreur manifeste d’appréciation que l’AIPN tripartite n’a pas retenu de circonstances atténuantes dans la décision attaquée.

381    Si l’AIPN tripartite n’a donc pas retenu de circonstances atténuantes en l’espèce, elle aurait, à l’inverse, pris en compte une circonstance aggravante. En effet, le requérant soutient que, même si la décision attaquée affirme le contraire, elle aurait, malgré tout, retenu à titre de circonstance aggravante la sanction de rétrogradation du 5 juin 2012, prononcée à la suite de la première procédure disciplinaire. Cet élément constituerait une violation supplémentaire du principe de proportionnalité, mais aussi une erreur manifeste d’appréciation ainsi qu’un détournement de pouvoir et de procédure.

382    Cette thèse ne peut qu’être rejetée, dès lors qu’elle est purement spéculative et ne repose sur aucun élément concret. En effet, l’AIPN tripartite a constaté, au point 73 de la décision attaquée, que le requérant n’avait fait l’objet d’aucune sanction disciplinaire à l’époque de la commission des faits en cause. De même, au point 74 de la décision attaquée, l’AIPN tripartite a expressément indiqué qu’elle n’avait pas tenu compte de la sanction de rétrogradation prononcée au terme de la première procédure disciplinaire, le 5 juin 2012, dès lors que la décision de rétrogradation faisait encore, à l’époque, l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal de la fonction publique. Au demeurant, la thèse du requérant est contradictoire avec le point 236 de la requête où il affirme qu’« aucune circonstance aggravante n’[a été] retenue » en l’espèce.

383    Le requérant affirme également que les effets pécuniaires, familiaux et professionnels de la sanction qui lui a été infligée seraient considérables pour lui et les membres de sa famille. Dès lors que son épouse ne percevrait aucune rémunération, il lui reviendrait d’assumer seul toutes les charges de la famille, y compris les frais de scolarité, d’alimentation et d’habillement, le paiement des factures ainsi que le remboursement d’un prêt hypothécaire et d’autres prêts. De plus, [confidentiel] du requérant l’empêcherait de retravailler durablement. L’AIPN tripartite aurait violé le principe de proportionnalité en ne tenant pas compte de ces éléments.

384    Ces arguments ne sauraient prospérer. Le requérant n’a présenté aux juridictions de l’Union aucune preuve établissant la réalité des prétendus effets pécuniaires et familiaux décrits aux points 230 à 232 de la requête. Au surplus, le requérant n’a pas soutenu avoir soumis de tels éléments à l’AIPN tripartite, de sorte qu’il ne saurait, en tout état de cause, être reproché à cette dernière de ne pas en avoir tenu compte dans la décision attaquée. Par ailleurs, conformément à la jurisprudence rappelée au point 116 ci-dessus, le Tribunal ne peut pas prendre en considération le certificat médical produit en tant qu’annexe A.20 qui confirmerait l’incapacité du requérant à travailler jusqu’au 1er février 2014. En effet, ce certificat médical, qui est la seule pièce à laquelle le requérant se réfère au point 233 de la requête, a été établi par un médecin psychiatre le 25 octobre 2013 et couvre la période allant du 1er décembre 2013 au 1er février 2014. Or, ces éléments sont postérieurs à l’adoption de la décision attaquée.

385    Outre les considérations exposées aux points 359 à 384 ci-dessus, le Tribunal relève encore que l’AIPN tripartite a également tenu compte, premièrement, du fait que le requérant était un fonctionnaire expérimenté dans le domaine des marchés publics et qu’il s’était vu reconnaître des responsabilités spécifiques dans le cadre du circuit financier, si bien qu’il devait avoir connaissance des règles statutaires en vigueur, deuxièmement, du fait qu’il était, à l’époque des faits, pleinement responsable de ses actes et, troisièmement, du fait qu’il n’avait pas encore, à cette même époque, fait l’objet d’une sanction disciplinaire, de sorte qu’il n’était pas en état de récidive. Par ailleurs, contrairement au conseil de discipline, l’AIPN tripartite n’a pas retenu comme circonstance aggravante l’attitude générale du requérant tout au long de la procédure disciplinaire, en considérant que ce comportement relevait d’un exercice légitime de ses droits de la défense. En outre, contrairement au conseil de discipline, l’AIPN tripartite a estimé que le troisième manquement reproché au requérant, à savoir l’envoi de documents confidentiels à l’adresse électronique de la société N, n’était pas suffisamment établi et a donc abandonné ce grief. Enfin, comme le conseil de discipline, l’AIPN tripartite a écarté deux autres griefs, à savoir l’omission de déclarer les activités de M dans la société N et la mise en œuvre irrégulière d’un engagement budgétaire en 2007.

386    Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’AIPN tripartite a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer que les deux fautes retenues à l’encontre du requérant justifiaient, à elles seules, la sanction de révocation sans réduction des droits à pension. Partant, l’AIPN tripartite n’a pas violé le principe de proportionnalité.

387    Enfin, le requérant soutient encore que la décision attaquée violerait le principe de sécurité juridique, dès lors que la mention selon laquelle « cette décision prend effet le mois suivant la date de sa signature » serait incertaine.

388    Cet argument est sans rapport avec l’objet de ce troisième moyen, lequel a trait à l’adéquation de la sanction de révocation. En tout état de cause, contrairement à ce que soutient le requérant, la mention litigieuse n’est nullement incertaine. En effet, la décision attaquée a bien pris effet le premier jour du mois suivant, à savoir le 1er novembre 2013.

389    Par conséquent, il convient de rejeter le troisième moyen.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe du délai raisonnable

390    Au soutien du quatrième moyen, le requérant affirme, en substance, que le délai existant entre les faits reprochés et l’ouverture de la procédure disciplinaire est manifestement déraisonnable. L’ancienneté des faits aurait donc dû conduire l’AIPN tripartite à considérer que la responsabilité du requérant était prescrite. En ne le faisant pas, l’AIPN tripartite aurait violé le principe du délai raisonnable et le principe de sécurité juridique.

391    La Commission conteste cette argumentation.

392    À titre liminaire, le Tribunal constate que les parties s’accordent sur le fait que ce quatrième moyen a pour unique objet le délai séparant la date de la commission des faits reprochés au requérant de la date d’ouverture de la procédure disciplinaire. En revanche, le requérant ne soutient pas que la durée de cette procédure disciplinaire aurait, elle aussi, violé le principe du délai raisonnable.

393    Cette précision étant faite, il y a lieu de rappeler, à l’instar du requérant, que le statut ne prévoit aucun délai de prescription quant à l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire accusé d’avoir manqué à l’une de ses obligations statutaires. Il importe de noter, à cet égard, qu’un délai de prescription, pour remplir sa fonction d’assurer la sécurité juridique, doit être fixé à l’avance par le législateur de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2004, François/Commission, T‑307/01, EU:T:2004:180, point 45 et jurisprudence citée).

394    Toutefois, lorsque la durée de la procédure n’est pas fixée par une disposition du droit de l’Union, le caractère « raisonnable » du délai pris par l’institution pour adopter l’acte en cause doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence (voir arrêts du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134, point 28 et jurisprudence citée, et du 11 avril 2016, FU/Commission, F‑49/15, EU:F:2016:72, point 137 et jurisprudence citée).

395    Aucun facteur particulier n’est déterminant. Il convient d’examiner chacun d’eux de manière séparée, puis d’évaluer leur effet cumulé. Certains exemples de retard imputables à l’AIPN peuvent ne pas paraître déraisonnables s’ils sont considérés isolément, mais être déraisonnables s’ils sont pris ensemble. Les exigences en matière de diligence procédurale ne vont cependant pas au‑delà de celles qui sont compatibles avec le principe de bonne administration (voir arrêt du 11 avril 2016, FU/Commission, F‑49/15, EU:F:2016:72, point 138 et jurisprudence citée).

396    Lorsque, en raison de décisions prises par l’AIPN, une procédure a dépassé ce que l’on considérerait normalement comme une durée raisonnable, il incombe à cette autorité d’établir l’existence de circonstances particulières de nature à justifier ce dépassement (voir arrêt du 11 avril 2016, FU/Commission, F‑49/15, EU:F:2016:72, point 139 et jurisprudence citée).

397    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient de vérifier si la Commission n’a pas ouvert la procédure disciplinaire de manière excessivement tardive.

398    En l’espèce, il n’est pas contesté entre les parties que les deux fautes reprochées au requérant reposent sur des faits ayant eu lieu, respectivement, en 2001 et durant les années 2003 et 2004. De même, il est tout aussi constant que la deuxième procédure disciplinaire, en cause dans la présente affaire, a été ouverte le 7 février 2013.

399    Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé dans le cadre de l’analyse du premier moyen, le requérant a multiplié les manœuvres pour dissimuler durablement ses actes vis-à-vis de sa hiérarchie. Comme le rappelle la Commission, ces faits n’ont d’ailleurs été découverts que de manière fortuite, à l’occasion d’une enquête de l’OLAF portant sur d’autres faits.

400    Or, dès que l’OLAF a pris connaissance de ces faits, il a ouvert, le 30 octobre 2009, une enquête à l’encontre du requérant. Malgré la complexité et l’ampleur de cette enquête, celle-ci a été traitée avec diligence, puisqu’elle n’a duré que deux ans et demi. En effet, le rapport d’enquête de l’OLAF a été adopté le 18 avril 2012.

401    De même, c’est avec diligence que l’AIPN a ouvert la procédure disciplinaire le 7 février 2013, puisque cette décision a été prise moins de dix mois après l’adoption dudit rapport d’enquête par l’OLAF.

402    Par conséquent, le Tribunal constate qu’un délai de moins de trois ans et demi sépare la découverte fortuite des faits litigieux par l’OLAF et l’ouverture de la procédure disciplinaire par l’AIPN.

403    Compte tenu, en particulier, du caractère volontairement clandestin des agissements du requérant ainsi que de la découverte fortuite des faits litigieux, il ne saurait être considéré, dans ces circonstances, que l’AIPN a méconnu le principe du délai raisonnable, même si une période allant de neuf à douze ans sépare la commission desdits faits de l’adoption de la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire à l’encontre du requérant.

404    Au demeurant, ainsi qu’il a déjà été dit au point 370 ci-dessus, le requérant ne saurait, conformément à l’adage selon lequel nul ne peut invoquer sa propre turpitude, tirer un bénéfice de l’ancienneté de ces faits, dès lors que cette circonstance lui est exclusivement imputable (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 7 février 1973, Commission/Italie, 39/72, EU:C:1973:13, point 10, et du 18 janvier 2005, Entorn/Commission, T‑141/01, EU:T:2005:10, point 121 et jurisprudence citée). En effet, comme l’a exposé à raison la Commission, faire droit à l’argumentation du requérant aboutirait paradoxalement à accorder une impunité aux fonctionnaires qui auraient le mieux caché leurs manquements, alors qu’un tel comportement mériterait au contraire d’être particulièrement sanctionné.

405    Enfin, contrairement à ce que soutient le requérant dans ses observations du 3 septembre 2020, même si le dépassement du délai raisonnable avait été établi en l’espèce, il n’aurait pas eu pour « conséquence » d’entraîner la destruction de certaines pièces par la Commission en 2015. En effet, il n’y a aucun lien de causalité entre le caractère prétendument tardif de l’ouverture de la deuxième procédure disciplinaire et la destruction alléguée de ces pièces. Partant, même à considérer que cet argument puisse être pris en compte alors qu’il repose sur des éléments postérieurs à l’adoption de la décision attaquée, il est, en tout état de cause, inopérant, dès lors qu’il n’est pas susceptible d’emporter l’annulation de cette décision. Au surplus, et comme il a déjà été relevé au point 183 ci-dessus, le requérant n’a de toute façon soumis aucune preuve établissant la réalité de la destruction desdites pièces par la Commission.

406    Par conséquent, il convient de rejeter le quatrième moyen.

5.      Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe ne bis in idem

407    Dans ses observations du 3 septembre 2020, le requérant a, en substance, formulé un cinquième moyen, tiré de la violation du principe ne bis in idem. En effet, à la suite de l’arrêt après renvoi annulant la décision attaquée, la Commission a adopté, le 28 juin 2019, une nouvelle décision de révocation du requérant. Toutefois, l’annulation par la Cour de l’arrêt après renvoi a eu pour conséquence de rendre à nouveau opposable la décision attaquée au requérant. Depuis le prononcé du second arrêt sur pourvoi, la décision attaquée et la décision de révocation du 28 juin 2019 porteraient ainsi sur les mêmes faits, contiendraient les mêmes griefs à l’encontre du requérant et concluraient à la même sanction. Dans ces conditions, la Commission serait tenue, selon le requérant, d’« annuler » elle-même la décision du 28 juin 2019, sous peine de violer le principe ne bis in idem. À défaut, le Tribunal pourrait considérer que la décision du 28 juin 2019 annule et remplace la décision attaquée.

408    Lors de l’audience, la Commission a contesté cette argumentation.

409    À cet égard, il convient de rappeler que le principe ne bis in idem est un principe général du droit de l’Union figurant à l’article 50 de la Charte, selon lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.

410    Ce principe figure également à l’article 9, paragraphe 3, de l’annexe IX du statut, relative à la procédure disciplinaire, et est formulé comme suit : « [u]ne même faute ne peut donner lieu qu’à une seule sanction disciplinaire ».

411    En l’espèce, il suffit de constater, ainsi que le requérant l’a réitéré lors de l’audience, que c’est la décision du 28 juin 2019 qui aurait pour effet de sanctionner une deuxième fois des faits ayant déjà donné lieu à une première sanction disciplinaire. Or, cette seconde décision fait l’objet d’un recours en annulation introduit par le requérant, enregistré sous le numéro T‑280/20, dont le traitement est suspendu dans l’attente d’une décision mettant définitivement fin à l’instance dans le présent litige. En conséquence, il n’y a pas eu, en l’espèce, de violation du principe ne bis in idem comme défini dans la Charte ou dans l’article 9, paragraphe 3, de l’annexe IX du statut.

412    Il s’ensuit que le respect du principe ne bis in idem devra, le cas échéant, être vérifié dans le cadre du contrôle de la légalité de ladite décision du 28 juin 2019.

413    Au demeurant, il reviendra aux parties de tirer les conséquences du présent arrêt sur les éventuelles suites à donner à l’affaire enregistrée sous le numéro T‑280/20.

414    Par conséquent, il convient de rejeter le cinquième moyen et, partant, les conclusions en annulation dans leur intégralité.

B.      Sur les conclusions indemnitaires

415    À l’appui de ses conclusions indemnitaires, le requérant soutient, en substance, que la décision attaquée, ainsi que les actes posés par l’OLAF, l’IDOC et l’AIPN avant l’adoption de cette décision, lui aurait causé un préjudice matériel, médical, familial, professionnel et moral. Selon lui, la seule annulation desdits actes et de la décision attaquée ne saurait compenser ce préjudice. Dans la requête, le requérant évalue son préjudice à 33 000 euros ex æquo et bono. Toutefois, dans ses observations du 5 janvier 2017, le requérant a précisé la portée de sa demande indemnitaire et a chiffré son préjudice, tous chefs confondus, à la somme de 3 652 000 euros. Cette actualisation tiendrait compte d’éléments nouveaux et ultérieurs au dépôt de la requête.

416    La Commission conteste cette argumentation.

417    Selon une jurisprudence constante, en matière de fonction publique, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme étant irrecevables ou non fondées (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2019, RK/Conseil, T‑11/17, EU:T:2019:65, point 201 et jurisprudence citée).

418    En l’espèce, les conclusions indemnitaires sont étroitement liées aux conclusions en annulation, dans la mesure où le préjudice invoqué par le requérant trouverait son origine dans la décision attaquée et les circonstances de son adoption. Ce lien est, du reste, expressément établi par le requérant lui-même aux points 250 et 251 de la requête.

419    Dès lors que les conclusions en annulation ont été rejetées, il convient, conformément à la jurisprudence rappelée au point 418 ci-dessus, de rejeter également les conclusions indemnitaires du requérant.

420    Par conséquent, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

421    Selon l’article 133 du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt qui met fin à l’instance. Aux termes de l’article 219 dudit règlement, dans le cadre du renvoi d’une affaire après annulation, le Tribunal statue sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant lui et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour. L’article 219 du règlement de procédure est également applicable, par analogie, lorsque, comme en l’espèce, l’arrêt initial a été rendu par le Tribunal de la fonction publique, qu’il a ensuite fait l’objet d’un pourvoi devant le Tribunal et que ce dernier a, enfin, renvoyé l’affaire devant une autre de ses chambres (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2017, Hristov/Commission et EMA, T‑495/16 RENV I et T‑495/16 RENV II, non publié, EU:T:2017:676, point 156).

422    Par conséquent, il appartient au Tribunal de statuer dans le présent arrêt sur l’ensemble des dépens afférents aux procédures engagées devant le Tribunal de la fonction publique dans l’affaire F‑5/14, y compris la procédure sur la demande en référé, devant le Tribunal, à savoir la première procédure de pourvoi et les deux procédures après renvoi, ainsi que sur les dépens afférents à la seconde procédure de pourvoi dans l’affaire C‑131/19 P. 

423    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

424    À cet égard, le requérant a finalement succombé en son recours. Par ailleurs, dans ses observations du 4 septembre 2020, la Commission a conclu à la condamnation du requérant « aux dépens de toutes les instances (F‑5/14 R, F‑5/14, T‑493/15 P, T‑743/16 RENV, C‑131/19 P, et T‑743/16 RENV II) ». Partant, il convient de condamner le requérant à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, afférents à la présente procédure ainsi qu’aux procédures dans les affaires F‑5/14 R, F‑5/14, T‑493/15 P, T‑743/16 RENV et C‑131/19 P. 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      CX supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne afférents à la présente procédure ainsi qu’aux procédures dans les affaires F5/14 R, F5/14, T493/15 P, T743/16 RENV et C131/19 P. 

Svenningsen

Mac Eochaidh

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 novembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


1 Données confidentielles occultées.

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