Italy v Commission (Judgment) French Text [2022] EUECJ T-10/20 (09 March 2022)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T1020.html
Cite as: ECLI:EU:T:2022:119, [2022] EUECJ T-10/20, EU:T:2022:119

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

9 mars 2022 (*)

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Régime d’aides à la surface – Corrections financières – Article 52, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1306/2013 – Article 12, paragraphes 2 et 6, du règlement délégué (UE) no 907/2014 – Notion de “prairies permanentes” – Article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement (UE) no 1307/2013 – Organisation de producteurs et programmes opérationnels – Articles 26, 27, 31, 104 et 106 du règlement d’exécution (UE) no 543/2011 – Article 155 du règlement (UE) no 1308/2013 – Règlement délégué (UE) no 499/2014 – Procédure de passation de marchés publics – Article 24, paragraphe 2, sous c), et article 26, paragraphe 1, sous d), du règlement (UE) no 65/2011 – Article 48, paragraphe 2, et article 51, paragraphe 1, du règlement d’exécution (UE) no 809/2014 – Risque de préjudice financier »

Dans l’affaire T‑10/20,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme C. Gerardis, MM. G. Rocchitta et E. Feola, avvocati dello Stato,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. P. Rossi, Mmes J. Aquilina et F. Moro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2019/1835 de la Commission, du 30 octobre 2019, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2019, L 279, p. 98), en tant qu’elle concerne certaines dépenses effectuées par la République italienne,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 30 octobre 2019, la Commission européenne a adopté la décision d’exécution (UE) 2019/1835 écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO- 2019, L 279, p. 98, ci-après la « décision attaquée »). Cette décision a été notifiée à la République italienne sous le numéro C(2019) 7815.

2        Par la décision attaquée, la Commission a appliqué, sur le fondement de l’article 52 du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JOo2013, L 347 p. 549), des corrections forfaitaires et analytiques à la suite de trois séries d’enquêtes distinctes qu’elle a menées en vue de contrôler la conformité de certaines dépenses effectuées en régime de gestion partagée par la République italienne et mises à la charge du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Ces corrections financières sont les suivantes :

–        pour les enquêtes AA/2016/003/IT, AA/2016/012/IT et AA/2016/015/IT, une correction financière forfaitaire d’un montant net de 143 924 279,14 euros, relative aux aides à la surface octroyées en Italie pour les années de demande 2015 et 2016 ;

–        pour l’enquête FV/2016/002/IT, une correction financière forfaitaire d’un montant brut de 11 050 070,04 euros, relative aux organisations de producteurs (ci-après les « OP ») et aux programmes opérationnels (ci-après les « PO »), y compris les retraits, pour les années de demande 2014, 2015, 2016 et 2017 ;

–        pour l’enquête RD 1/2016/803/IT, une correction financière forfaitaire d’un montant brut de 857 498,36 euros, relative à des marchés publics dans le cadre des mesures en faveur du développement rural 125, 313, 321, 322 et 323 pour les années de demande 2014, 2015 et 2016.

A.      Correction financière de 143 924 279,14 euros établie à la suite des enquêtes AA/2016/003/IT, AA/2016/012/IT et AA/2016/015/IT

3        Du 13 au 17 juin, du 25 au 29 juillet et du 29 août au 2 septembre 2016, la Commission a procédé aux enquêtes AA/2016/003/IT, AA/2016/012/IT et AA/2016/015/IT en Italie, concernant les années de demande 2015 et 2016.

4        Par courrier Ares(2016) 5348606, du 15 septembre 2016, la direction générale de l’agriculture et du développement rural de la Commission (ci-après la « DG AGRI ») a communiqué aux autorités italiennes les résultats de l’enquête AA/2016/003/IT relative à la Toscane et de l’enquête AA/2016/015/IT relative à l’Émilie-Romagne. Par courrier Ares(2016) 7022228, du 16 décembre 2016, la DG AGRI a communiqué aux autorités italiennes les résultats de ses constatations à la suite de l’enquête AA/2016/012/IT, a demandé des informations et des éclaircissements supplémentaires et a invité les autorités italiennes à participer à une réunion bilatérale.

5        Par courriers du 15 novembre 2016 et du 17 février 2017, les autorités italiennes ont apporté des informations et des éclaircissements au sujet des enquêtes menées par la DG AGRI.

6        Par courriers Ares(2017) 2116905, du 25 avril 2017, et Ares(2017) 24871, du 16 mai 2017, la DG AGRI a invité les autorités italiennes à participer à une réunion bilatérale qui a eu lieu le 11 mai 2017 et a été poursuivie le 17 mai 2017.

7        Par courrier Ares(2017) 3211224, du 27 juin 2017, la DG AGRI a communiqué aux autorités italiennes le procès-verbal de la réunion bilatérale.

8        Par courriers des 18 juillet et 28 septembre 2017, les autorités italiennes ont fourni à la DG AGRI des informations et des données supplémentaires qui leur avaient été demandées.

9        Par courrier Ares(2019) 1677069, du 27 mars 2018, la DG AGRI a communiqué aux autorités italiennes une lettre de conciliation (ci-après la « lettre de conciliation du 27 mars 2018 »), qui a conclu que le système national de paiements directs à la surface à la charge du FEAGA, mis en place durant les années de demande 2015 et 2016, présentait de multiples lacunes de fonctionnement, en ce qui concernait :

–        l’exécution de contrôles croisés visant à établir l’admissibilité des parcelles déclarées aux fins des paiements directs ;

–        l’exécution d’un nombre suffisant de contrôles sur place ;

–        l’exécution de contrôles sur place de qualité suffisante ;

–        le calcul correct de l’aide, y compris les réductions et sanctions administratives ;

–        les contrôles administratifs relatifs aux droits à l’aide lors de la mise en place du régime du paiement de base.

10      Dans la lettre de conciliation du 27 mars 2018, la Commission a réuni les cinq types de lacunes, cités au point 9 ci-dessus, en six groupes de manquements distincts afin d’apprécier leur incidence financière. Elle a indiqué que le montant total qu’elle envisageait d’exclure du financement s’élevait à 360 000 199,08 euros.

11      Un premier groupe de manquements ayant une incidence sur la détermination des surfaces admissibles au titre des prairies permanentes (ci-après les « PP ») concernait, premièrement, les cas où, selon la Commission, les organismes payeurs avaient traité de manière différente des parcelles de pâturages recouvertes des mêmes types d’arbres et arbustes et occupant la même superficie en violation de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 608). Deuxièmement, ce premier groupe de manquements incluait ceux résultant de l’application erronée du système de prorata, visé à l’article 10 du règlement délégué (UE) no 640/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1306/2013 en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, le soutien au développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 181, p. 48). Le système de prorata permettait de déduire les éléments non admissibles des superficies des PP à déclarer aux fins de l’aide, en utilisant un coefficient fixe. Troisièmement, le premier groupe de manquements concernait également le non-respect de l’obligation de « maintien », visée à l’article 4, paragraphe 1, sous c), ii), du règlement no 1307/2013, à savoir l’obligation pour les agriculteurs de conserver la surface agricole dans un état qui la rendait adaptée au pâturage ou à la culture. Quatrièmement, le premier groupe de manquements en question incluait les cas de non-application, en violation de l’article 19 du règlement délégué no 640/2014, des réductions sur les paiements dus et leur recouvrement pour le cas où, lors des contrôles, les autorités italiennes avaient réduit les superficies maximales admissibles (ci-après les « SMA »). En conclusion, selon la Commission, ce premier groupe de manquements avait eu une incidence sur l’estimation des SMA qui avait donc été établie de manière systématiquement incorrecte en violation de l’article 5 du règlement délégué no 640/2014. En outre, ledit groupe de manquements aurait eu une incidence sur le fonctionnement correct des contrôles croisés en violation des articles 28 et 29 du règlement d’exécution (UE) no 809/2014 de la Commission, du 17 juillet 2014, établissant les modalités d’application du règlement no 1306/2013 en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 227, p. 69). Enfin, ledit premier groupe de manquements aurait eu un impact sur l’attribution des droits à l’aide en ce qu’il aurait influencé l’établissement de la valeur unitaire initiale des droits au paiement pour tous les agriculteurs, y compris ceux qui n’avaient pas déclaré des PP. Par conséquent, selon la Commission, l’application de l’article 24, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 était également problématique.  

12      Un deuxième groupe de manquements concernait le non-respect du nombre et de la qualité des contrôles sur place effectués par les autorités italiennes en violation des articles 30 à 41 du règlement d’exécution no 809/2014.

13      Un troisième groupe de manquements concernait le défaut d’exclusion du calcul des surfaces considérées comme non admissibles du fait du non-respect des critères liés aux particularités du paysage et des surfaces d’intérêt écologiques en violation de l’article 46 du règlement no 1307/2013 et de l’article 26 du règlement délégué no 640/2014.

14      Un quatrième groupe de manquements concernait le calcul incorrect des montants dus pour les aides, du fait de la non-application des réductions applicables à titre de sanctions administratives en violation des articles 18 et 19 du règlement délégué no 640/2014.

15      Un cinquième groupe de manquements concernait la présentation des demandes d’aide, qui ne reposaient pas toutes sur un système de données géospatiales en violation de l’article 17 du règlement d’exécution no 809/2014, impliquant des répercussions également sur l’application correcte des contrôles croisés visés aux articles 28 et 29 du même règlement ainsi que prévus par l’article 29, paragraphe 1, dudit règlement.

16      Un sixième groupe de manquements concernait le caractère incorrect des contrôles croisés effectués par les autorités italiennes à l’aide du système d’identification des parcelles agricoles (ci-après le « SIPA »), en violation de l’article 5 du règlement délégué no 640/2014 et ayant des conséquences sur le respect des articles 28 et 29 du règlement d’exécution no 809/2014.

17      Par courrier du 8 mai 2018,  le ministère des Politiques agricoles, alimentaires et forestières italien a, tout en manifestant son désaccord avec les observations contenues dans la lettre de conciliation du 27 mars 2018, présenté une demande d’ouverture de la procédure de conciliation.

18      Dans son rapport du 17 septembre 2018, l’organe de conciliation a observé que la conciliation n’avait pas été possible, notamment parce qu’il existait des divergences d’interprétation entre les parties concernant les notions de PP et de « surfaces adaptées au pâturage résultant de la pratique locale traditionnelle, y compris celles où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement et/ou sont absentes » (ci-après « PLT »). Il a relevé que ces divergences d’interprétation empêchaient de parvenir à une définition commune de ces termes. N’excluant pas la possibilité d’une conciliation au sujet d’autres manquements, l’organe de conciliation a conclu que les discussions futures éventuelles ne faisaient pas obstacle à l’application de la correction envisagée par la Commission aussi longtemps que les divergences d’interprétation précitées perdureraient entre les parties. S’agissant notamment de la question de l’existence d’une inégalité de traitement entre les agriculteurs, l’organe de conciliation a précisé que, dans certaines régions, les agriculteurs qui disposaient d’animaux et de PLT n’étaient pas nécessairement traités de manière discriminatoire par le système mis en place par les autorités italiennes. Selon l’organe de conciliation, les agriculteurs sans animaux ou bien ceux qui ne présentaient pas une demande d’aide ne devaient pas être comparés aux agriculteurs disposant d’animaux

19      Par courrier Ares(2019) 1685027, du 14 mars 2019, la Commission a envoyé une première lettre finale aux autorités italiennes. En se référant aux observations formulées dans le rapport de l’organe de conciliation et en rappelant l’incidence des groupes de manquements sur le calcul de la correction financière applicable (voir points 11 à 16 ci-dessus), la Commission a indiqué que ce n’était pas le désaccord au sujet des notions de PP et de PLT qui l’empêchait d’accepter le calcul de la correction proposée par la République italienne, en lieu et place des corrections forfaitaires communiquées aux autorités italiennes. La raison principale qui empêchait l’acceptation de la quantification du risque pour le Fonds proposée par les autorités italiennes était le défaut d’achèvement d’un plan d’action qui devait, notamment, prévoir la détermination de la SMA pour les PLT. Dans ce courrier, la Commission a, en outre, informé les autorités italiennes qu’elle avait réexaminé, de façon autonome, le calcul de l’incidence du non-respect de la définition de PP en indiquant que celle-ci concernait tous les paiements aux agriculteurs concernés par la « convergence », à l’exception des paiements liés à la surface accordés dans le cadre du soutien couplé facultatif et des paiements au titre du soutien couplé facultatif en faveur des petits agriculteurs. Ainsi, d’une part, la Commission a expliqué que le manquement lié au non‑respect de la définition de PP concernait, en principe, tous les agriculteurs qui bénéficiaient de paiements directs, car ils avaient déclaré des surfaces éligibles à titre de prairies permanentes PP et de PLT. D’autre part, elle a précisé que les paiements effectués dans le cadre du soutien couplé facultatif étaient exclus du manquement et que, du fait du recoupement entre les incidences financières des six groupes de manquements qu’elle avait identifiés, elle proposait les deux corrections forfaitaires suivantes qui absorbaient les autres :

–        correction forfaitaire de 5 % sur les paiements à la surface (à l’exception des paiements liés à la surface accordés dans le cadre du soutien couplé facultatif et des paiements au titre du soutien couplé facultatif en faveur des petits agriculteurs) au titre du régime de paiements en faveur des petits agriculteurs, du régime de paiements de base, du régime de paiements en faveur du verdissement et du régime de paiements pour les jeunes agriculteurs, proposée pour le manquement « Prairies permanentes » identifié dans la lettre de conciliation du 27 mars 2018 (voir point 9 ci-dessus), lié aux manquements « Exécution de contrôles croisés » pour établir l’admissibilité d’une parcelle agricole déclarée, « Exécution de contrôles sur place d’une qualité suffisante » et « Contrôles administratifs sur les droits à l’aide au moment de l’établissement du régime de paiement de base » ;

–        correction forfaitaire de 2 % sur les paiements à la surface au titre du soutien couplé facultatif, identifié dans la lettre de conciliation du 27 mars 2018 (voir point 9 ci-dessus) en tant que manquement « Contrôles croisés SIPA », lié aux manquements « Exécution de contrôles croisés pour établir l’admissibilité de la parcelle déclarée » et « Exécution de contrôles sur place d’une qualité suffisante ».

20      En conclusion de sa première lettre finale, la Commission a fixé le montant total dont elle envisageait l’exclusion à ce stade de la procédure à 352 270 909,31 euros.

21      Par courrier du 22 mars 2019, les autorités italiennes ont soutenu que le risque financier s’élevait à 43 473 973,67 euros et ont ainsi proposé de réduire en conséquence le montant de la correction financière.

22      Du 20 au 24 mai 2019, la Commission a effectué des missions de vérifications en Italie et a invité les autorités italiennes à fournir des éclaircissements supplémentaires susceptibles de permettre de corriger le calcul du risque de préjudice financier.

23      Par courriers des 5 et 7 juin 2019,  les autorités italiennes ont proposé une nouvelle quantification du risque financier pour le Fonds égale à 59 942 482,32 euros et ont fourni les données qu’elles jugeaient pertinentes pour démontrer la cohérence des informations déjà transmises auparavant.

24      Par courrier Ares(2019) 4412028, du 10 juillet 2019, la Commission a communiqué de nouvelles observations aux autorités italiennes en les invitant à fournir une réponse pour le 15 juillet 2019. La Commission a notamment indiqué que :

–        « il exist[ait] des différences arithmétiques entre les calculs effectués au niveau des différents organismes payeurs et la somme des calculs ;

–        les données utilisées pour ces calculs n’[étaient] pas cohérentes entre les organismes payeurs. En effet, il exist[ait] des différences entre les informations fournies, des valeurs différentes pour le respect du pourcentage de verdissement qui [devrait] être établi au niveau national et, également, des dispositions différentes utilisées pour calculer les sanctions administratives pour la même année de demande ;

–        certaines informations [étaient] incomplètes ou erronées, à titre d’exemple, les calculs des sanctions administratives concernant certains régimes [faisaient] défaut ou bien [étaient] erronés ;

–        les algorithmes de calcul n’[avaient] pas [été] correctement calculés, à titre d’exemple en utilisant des superficies prédéterminées, (au lieu de la surdéclaration), pour calculer les sanctions administratives. » 

25      Par courrier du 15 juillet 2019, reçu par la Commission le 17 juillet 2019, les autorités italiennes ont, après réexamen, proposé une nouvelle et dernière quantification du risque égale à 64 860 193,65 euros, accompagnée par un document contenant des explications quant aux modifications apportées et plusieurs dossiers résumés dans un tableau récapitulatif.  

26      Par courrier Ares(2019) 5860631, du 19 septembre 2019, la Commission a adressé une deuxième lettre finale aux autorités italiennes dans laquelle elle s’est exprimée au sujet du calcul que les autorités italiennes proposaient, dans leur lettre du 22 mars 2019, et qui consistait à évaluer le risque pour le Fonds à 43 473 973,67 euros au lieu de 352 270 909,31 euros. Par ailleurs, la Commission a rappelé qu’elle avait mené une mission supplémentaire d’audit en Italie du 20 au 24 mai 2019 et qu’il en était ressorti que la quantification du risque effectuée par les autorités italiennes ne satisfaisait pas aux exigences visées à l’article 12, paragraphe 4, sous a), c) et d), du règlement délégué (UE) no 907/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1306/2013 en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les garanties et l’utilisation de l’euro (JO 2014, L 255, p. 18). En outre, elle a expliqué que les calculs sous-jacents de la dernière quantification du risque financier présentée par les autorités italiennes pour certains manquements représentaient une meilleure évaluation par rapport à la correction forfaitaire, à savoir les manquements concernant la demande d’aide sur la base d’instruments géospatiaux, les contrôles sur place en nombre suffisant et l’analyse du risque en tant que carence liée aux contrôles sur place de qualité suffisante. En revanche, pour les manquements restants, la Commission a considéré que la logique appliquée pour l’ensemble des données était différente selon les différents organismes payeurs. De plus, selon la Commission, si les données avaient été confirmées et revues, d’une part, la motivation sous-jacente était constituée par de simples déclarations génériques et, d’autre part, pour certains organismes payeurs, aucun risque pour le Fonds n’avait été relevé par les autorités italiennes. Dans ce courrier, la Commission a précisé que, du fait de l’état très avancé de la procédure, elle n’était pas en mesure de vérifier les déclarations des autorités italiennes. Par ailleurs, la quantification fournie par les autorités italiennes ne lui semblait pas tenir compte de tous les éléments pertinents. Ainsi, la Commission a considéré qu’elle n’était pas en mesure de valider ou de vérifier de manière satisfaisante l’exactitude de la quantification fournie par les autorités italiennes et que, eu égard aux nombreuses quantifications fournies, ainsi qu’au fait que les données sous-jacentes n’avaient pas été présentées de manière transparente et uniforme pour chaque organisme payeur pendant et après la mission de vérification, elle ne pouvait pas identifier, avec un « effort proportionné », le risque financier pour le Fonds. Plus précisément, l’examen des données fournies par les autorités italiennes n’aurait pas permis d’apprécier jusqu’à quel point la quantification du risque, égale à 37 988 001,86 euros pour l’année de demande 2015 et à 26 872 191,79 euros pour l’année de demande 2016, correspondrait à une meilleure évaluation du risque pour le Fonds par rapport à la correction forfaitaire.

27      Dans son courrier, la Commission a conclu que, conformément à l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et aux « lignes directrices pertinentes », les autorités italiennes n’étaient pas parvenues à fournir les éléments nécessaires pour limiter la quantification du risque financier pour le Fonds qui découlait des cas de manquements constatés lors des enquêtes en cause, puisque les éléments fournis ne répondaient pas aux « exigences de qualité mentionnées respectivement à l’article 12, paragraphe 2, et à l’article 12, paragraphes 3, 4 et 5, du règlement délégué no 907/2014 », sauf à demander un « effort disproportionné ». Toutefois, pour tenir compte des résultats de la quantification effectuée par les autorités italiennes lorsque ces dernières ont fourni une meilleure évaluation de la limite maximale du risque financier pour le Fonds (voir point 25 ci-dessus), la Commission a considéré qu’il convenait de recalculer comme suit le montant dont il était demandé l’exclusion du financement :

–        correction forfaitaire de 2 % sur les paiements à la surface au titre du régime de paiements en faveur des petits agriculteurs, du régime de paiements de base, du régime de paiements en faveur du verdissement et du régime de paiements pour les jeunes agriculteurs. La Commission a précisé que, étant donné que les carences en ce qui concernait l’enregistrement correct des PP dans le SIPA et les carences dans l’exécution des contrôles administratifs concerneraient toute l’Italie, la correction forfaitaire de 2 % était applicable à tout organisme payeur italien ;

–        correction forfaitaire de 2 % sur les paiements à la surface au titre du soutien couplé facultatif.

28      Les corrections forfaitaires susmentionnées entraînaient l’exclusion du financement à la charge du FEAGA d’un montant total net de 145 709 238,24 euros, correspondant à un montant brut de 145 881 422,45 euros.

29      Par courrier Ares(2019) 6510059, du 22 octobre 2019, à savoir la troisième lettre finale, dont les conclusions définitives ont été transposées dans la décision attaquée, la Commission a estimé, à la lumière des précisions apportées par les autorités italiennes par lettre du 18 octobre 2019, que les corrections forfaitaires mentionnées au point 27 ci‑dessus entraînaient l’exclusion du financement à la charge du FEAGA d’un montant total net de 143 924 279,14 euros (correspondant à un montant brut de 144 096 463,35 euros), découlant des enquêtes AA/2016/003/IT, AA/2016/012/IT et AA/2016/015/IT en ce qui concernait les années de demande 2015 et 2016.

30      Les motifs des corrections financières effectuées par la Commission ont été résumés dans le rapport de synthèse faisant état des résultats des contrôles menés par la Commission dans le cadre de l’apurement de conformité, sur le fondement de l’article 52 du règlement no 1306/2013 (ci‑après le « rapport de synthèse »).

B.      Correction de 11 050 070,04 euros établie à la suite de l’enquête FV/2016/002/IT

31      Du 7 au 11 mars 2016, la Commission a procédé à l’enquête FV/2016/002/IT en Italie, portant sur l’analyse administrative que les autorités italiennes ont effectuée concernant les PO à compter de l’année 2013.

32      Par courrier Ares(2016) 3277253, du 8 juillet 2016, la DG AGRI (ci-après la « notification des conclusions du 8 juillet 2016 ») a communiqué aux autorités italiennes ses conclusions concernant les enquêtes en question, leur a fixé un délai de deux mois pour répondre et les a invitées à une réunion bilatérale pour le 18 janvier 2017.

33      Par courrier du 10 octobre 2016, les autorités italiennes ont apporté des informations et des éclaircissements au sujet de l’enquête menée par la DG AGRI.

34      Le 18 janvier 2017, une réunion bilatérale s’est tenue entre les parties. Par courrier Ares(2017) 1011558, du 24 février 2017, le procès-verbal de la réunion a été transmis aux autorités italiennes qui ont répondu par un courrier du 26 avril 2017.

35      Par courrier Ares(2017) 1793515, du 23 novembre 2017 (ci-après la « lettre de conciliation du 23 novembre 2017 »), la Commission a communiqué aux autorités italiennes ses conclusions préliminaires sur la non-conformité de la mise en œuvre du régime des fruits et légumes à la réglementation de l’Union, en ce qui concernait la reconnaissance des OP et des PO de ces organisations, dans les régions où l’Agenzia per le Erogazioni in Agricoltura (AGEA, Agence pour les déboursements agricoles, Italie) était responsable de la mise en œuvre de ce régime. En particulier, la Commission a observé que le système italien des contrôles relatifs aux OP et aux PO pour les exercices 2013 à 2016 présentait des lacunes dans l’exécution de deux contrôles clés :

« i)      contrôle visant à établir l’accès à l’aide demandée, au regard du contrôle de l’éligibilité du [PO] des [OP], en ce qui concerne le sérieux des estimations de prix, et au regard du contrôle des exigences de reconnaissance sous l’angle de l’externalisation de l’activité principale des [OP] (contrôle clé no 1), et

ii)      exécution d’un nombre suffisant de contrôles sur place relatifs aux demandes d’aide, au regard du contrôle des critères de reconnaissance en ce qui concerne le respect du critère démocratique et des conditions pour l’externalisation de l’activité principale des [OP] (contrôle clé no 3). »

36      Dans la lettre de conciliation du 23 novembre 2017 (voir point 35 ci‑dessus), la Commission a fait valoir que les lacunes constatées dans l’exécution des contrôles clés susmentionnés avaient généré un risque pour le Fonds et que, dans la mesure où il n’était pas possible de déterminer la perte effective, une correction forfaitaire de 5 %, correspondant à un montant de 20 285 576,37 euros, était proposée, conformément à l’article 12, paragraphe 6, du règlement délégué no 907/2014 et aux lignes directrices relatives au calcul des corrections financières dans le cadre des procédures d’apurement de conformité et d’apurement des comptes, qui figurent dans la communication de la Commission C(2015) 3675 final, du 8 juin 2015.

37      Par courrier du 15 janvier 2018, les autorités italiennes ont présenté une demande d’ouverture de la procédure de conciliation en manifestant leur désaccord. L’organe de conciliation a communiqué son rapport le 19 juin 2018 et a invité les autorités italiennes à transmettre aux services de la Commission un nouveau calcul du risque fondé sur une population restreinte.

38      Par courriers des 22 juin 2018, 28 janvier et 6 mai 2019, les autorités italiennes ont fourni des informations supplémentaires ainsi que le calcul du risque fondé sur une population restreinte comme s’élevant à 10 542 512, 30 euros.

39      Par courrier Ares(2019) 4333600, du 8 juillet 2019, la Commission a adopté une position finale qui confirmait, en grande partie, les motifs sous-tendant la correction communiquée par la lettre de conciliation du 23 novembre 2017. Elle a calculé la correction financière forfaitaire de 5 % en se fondant sur les données relatives à la population à risque communiquées par les autorités italiennes. Elle a considéré ces données comme suffisamment précises et est parvenue à proposer un montant de 11 050 070,04 euros (rapport de synthèse, section 4.3.5) à exclure du financement de l’Union.

40      Par la décision attaquée, le montant de 11 050 070,04 euros a donc été exclu du financement du FEAGA, sur le fondement de l’article 52 du règlement no 1306/2013.

C.      Correction financière de 857 498,36 euros établie à la suite de l’enquête RD 1/2016/803/IT

41      Du 7 juin au 25 août 2016, la Commission a procédé à l’enquête RDI/2016/803/IT en Italie, concernant les exercices financiers 2014, 2015 et 2016.

42      Par courrier Ares(2016) 7166443, du 23 décembre 2016, la DG AGRI a communiqué aux autorités italiennes ses observations concernant l’enquête en question.

43      Par courrier du 23 février 2017, les autorités italiennes ont apporté des informations et des éclaircissements au sujet de l’enquête menée par la DG AGRI.

44      Par courrier Ares(2017)1591265, du 24 mars 2017, les autorités italiennes ont été invitées à participer à une réunion bilatérale.

45      Le 11 avril 2017, une réunion bilatérale s’est tenue entre les parties. Lors de ladite réunion, les autorités italiennes ont été invitées à fournir des informations supplémentaires. Elles ont répondu à ladite invitation par note du 24 avril 2017.

46      Par courrier Ares(2017) 2505519, du 17 mai 2017, la DG AGRI a communiqué aux autorités italiennes le procès-verbal de la réunion bilatérale. Les autorités italiennes ont répondu par courrier du 18 juillet 2017.

47      Par courrier Ares(2017) 4033287, du 14 août 2017, la DG AGRI a demandé des informations complémentaires qui ont été fournies par les autorités italiennes le 25 octobre 2017.

48      Sur la base des lacunes constatées et compte tenu des explications fournies par les autorités italiennes, la Commission a formulé, par courrier Ares(2018) 2318504, du 2 mai 2018 (ci-après la « lettre de conciliation du 2 mai 2018 »), des conclusions préliminaires, selon lesquelles la mise en œuvre des mesures d’investissement des programmes de développement rural à la charge du Feader – dont les bénéficiaires sont, principalement, des organismes publics – n’avait pas été conforme à la réglementation de l’Union. La Commission a constaté, notamment, des lacunes dans l’application d’un contrôle clé en ce qui concernait diverses mesures, à savoir la mesure 125 « Infrastructures liées à l’évolution et à l’adaptation des secteurs agricole et forestier » et la mesure 322 « Rénovation et développement des villages ».

49      Par courrier du 7 juin 2018, les autorités italiennes ont présenté une demande d’ouverture de la procédure de conciliation. L’organe de conciliation a communiqué son rapport le 17 septembre 2018.

50      Par courrier Ares(2019) 1488491, du 5 mars 2019, la Commission a adopté une position finale qui confirmait, en grande partie, les motifs sous-tendant la correction communiquée par la lettre de conciliation du 2 mai 2018. Le contrôle clé dans le cadre duquel des lacunes ont été observées concerne la « vérification de la conformité des procédures de passation des marchés publics avec les dispositions applicables » et la « qualité suffisante des contrôles sur place relatifs aux mesures de développement rural non liées à la surface et aux animaux ». Afin de déterminer le niveau de non-conformité aux dispositions en matière de marchés publics, un échantillon de 30 paiements effectués entre le 16 octobre 2014 et le 31 décembre 2015 a été extrait des dépenses relatives aux mesures en cause.

51      Dans l’échantillon concernant 43 procédures de passation de marchés publics, les erreurs suivantes ont été constatées :

–        Échantillon/Paiement no 3 – Commune de Bernalda (Basilicate) – Mesure 125 : en raison d’une calamité naturelle, une commune a dû faire réparer en urgence six tronçons de route situés en six lieux différents de son territoire. Bien que la valeur globale estimée des travaux fût supérieure au seuil au-delà duquel une procédure d’appel d’offres ouverte s’imposait, le pouvoir adjudicateur a lancé six procédures négociées distinctes, au lieu d’une seule procédure d’appel d’offres, éventuellement fractionnée en six lots. À la suite des informations et des éclaircissements fournis par les autorités italiennes, la Commission a estimé que ces dernières n’étaient pas parvenues à démontrer qu’il existait des motifs objectifs et suffisants qui justifiaient de scinder le marché relatif à la mesure 125 en six procédures distinctes, confirmant ainsi la constatation selon laquelle la subdivision du projet n’était pas conforme aux seuils fixés par la réglementation italienne pertinente pour les procédures de passation de marchés publics. Une correction financière de 100 % a été appliquée à cette erreur relevant de la catégorie n° 2, relative à la « Séparation artificielle des marchés de travaux/services/fournitures », selon la classification prévue par la décision C(2013) 9527 de la Commission, du 19 décembre 2013, relative à l’établissement et à l’approbation des orientations pour la détermination des corrections financières à appliquer par la Commission aux dépenses financées par l’Union dans le cadre de la gestion partagée en cas de non-respect des règles en matière de marchés publics. Cette correction a conduit à quantifier le montant de l’erreur à 761 989,30 euros.

–        Échantillon/paiement no 8 – Commune de Campoli Monte Taburno (Campanie) – Mesure 322 : la procédure d’attribution appliquée par le pouvoir adjudicateur a été considérée comme déficiente en raison de l’absence d’informations détaillées, tant en ce qui concernait les notes attribuées à chaque offre par la commission d’adjudication que la méthode utilisée pour l’attribution de ces notes. En effet, le procès‑verbal d’attribution aurait comporté uniquement le total des points de l’évaluation technique, une grille d’évaluation et les résultats finals. En revanche, il n’aurait pas fourni d’explications concernant les modalités selon lesquelles la commission d’adjudication avait attribué les notes et avait donc attribué le marché. Lors de l’analyse de la procédure d’appel d’offres, il a été également remarqué que la différence de points de l’évaluation technique entre le soumissionnaire sélectionné et les trois autres soumissionnaires était élevée et que l’offre ayant obtenu le marché était la plus chère. À la suite des explications détaillées et des documents fournis par les autorités nationales durant la procédure contradictoire, il a été possible de déterminer les éléments qui justifiaient la décision d’attribution du marché. Il a toutefois été observé que ces éléments ne figuraient pas dans le procès-verbal d’attribution et que ceux-ci n’avaient été fournis qu’après la procédure d’appel d’offres, dans un document distinct. Dès lors, la Commission a estimé que, du fait de l’absence d’éléments justificatifs dans le procès-verbal d’attribution, la procédure d’attribution des notes aux différentes offres avait manqué de transparence. La Commission en a déduit que les autorités nationales avaient commis une erreur relevant de la catégorie no 16, relative au « Manque de transparence et/ou d’égalité de traitement lors de l’évaluation », pour laquelle une correction financière de 25 % du montant net facturé pour les travaux est prévue, conformément à la décision C(2013) 9527. Compte tenu des informations fournies, la Commission a estimé qu’il était approprié d’appliquer une correction de 10 %, de sorte que le montant de l’erreur a été quantifié à 72 704,23 euros.  

52      La Commission a considéré que les erreurs mentionnées au point 51 ci‑dessus constituaient des violations de l’article 24, paragraphe 2, sous c), de son règlement (UE) no 65/2011, du 27 janvier 2011, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil en ce qui concerne l’application de procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural, (JO 2011, L 25, p. 8), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 809/2014, en vertu desquels les contrôles effectués par les États membres comportent, le cas échéant, une vérification de la conformité à la réglementation sur les marchés publics. Selon la Commission, ces erreurs correspondaient, en outre, à une violation de l’article 26, paragraphe 1, sous d), du règlement no 65/2011 et de l’article 51, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 809/2014, qui prévoient que cette vérification doit aussi être effectuée au moyen de contrôles sur place.

53      Pour l’échantillon soumis à vérification, le taux moyen d’erreur a été établi à 2,44 %. Les services de la Commission ont estimé que ce taux représentait une estimation plus précise du risque financier pour le Fonds, par rapport à l’application de la correction forfaitaire de 5 % qui, compte tenu de la gravité des lacunes, aurait découlé des lignes directrices relatives au calcul des corrections financières dans le cadre de procédures d’apurement de conformité et d’apurement des comptes. Toutefois, à la suite de la conciliation, les services de la Commission ont considéré que le risque financier global pour le Fonds était inférieur au taux moyen d’erreur de 2,44 % et qu’il se limitait à la somme des montants du Feader reconnus comme des erreurs financières dans l’échantillon soumis à l’audit. Les services de la Commission ont donc écarté du financement de l’Union un montant de 857 498,36 euros

II.    Procédure et conclusions des parties

54      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 2020, la République italienne a introduit le présent recours.

55      La Commission a déposé le mémoire en défense le 7 avril 2020.

56      Les parties ont respectivement déposé la réplique et la duplique les 24 juin et 17 septembre 2020.

57      Le 10 juin 2021, sur proposition du juge rapporteur, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, les parties ont été invitées à répondre à des questions écrites. Elles ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

58      En l’absence de demande en ce sens formulée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure, le Tribunal a, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, décidé de statuer sans phase orale de la procédure.

59      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle lui applique des corrections financières relatives aux enquêtes d’audit AA/2016/003/IT, AA/2016/012/IT, AA/2016/015/IT, FV/2016/002/IT et RD 1/2016/803/IT ;

–        à titre subsidiaire, annuler cette même décision en ce qu’elle lui applique une correction forfaitaire d’un montant total de 143 924 279,14 euros , relative aux années de demande 2015 et 2016 (enquêtes AA/2016/003/IT, AA/2016/012/IT et AA/2016/015/IT), au lieu d’une correction ponctuelle s’élevant, selon les calculs d’AGEA, à 64 860 193,65 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

60      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

III. En droit

61      La République italienne conteste la décision attaquée en ce que cette dernière, sur la base du rapport de synthèse de la Commission, lui ordonne le paiement des sommes correspondant aux corrections financières indiquées au point 2 ci‑dessus.

62      À l’appui de son recours, la République italienne invoque six moyens. Les trois premiers moyens sont dirigés contre la correction financière de 143 924 279,14 euros, établie à la suite des enquêtes AA/2016/003/IT, AA/2016/012/IT, AA/2016/015/IT. Les quatrième et cinquième moyens sont dirigés contre la correction financière de 11 050 070,04 euros, établie à la suite de l’enquête FV/2016/002/IT. Le sixième moyen est dirigé contre la correction financière de 857 498,36 euros, établie à la suite de l’enquête RD 1/2016/803/IT.

63      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que les Fonds ne financent que les interventions effectuées conformément aux dispositions du droit de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑503/12, EU:T:2015:597, point 52 et jurisprudence citée).

64      À cet égard, selon la jurisprudence, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’Union, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (voir arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑503/12, EU:T:2015:597, point 53 et jurisprudence citée).

65      En effet, la gestion du financement des Fonds repose principalement sur les administrations nationales chargées de veiller à la stricte observation des règles de l’Union et est fondée sur la confiance entre les autorités nationales et les autorités de l’Union. Seul l’État membre est en mesure de connaître et de déterminer avec précision les données nécessaires à l’élaboration des comptes des Fonds, la Commission ne jouissant pas de la proximité nécessaire pour obtenir les renseignements dont elle a besoin auprès des agents économiques (voir arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑503/12, EU:T:2015:597, point 54 et jurisprudence citée ; voir, également, en ce sens, arrêt du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, C‑247/98, EU:C:2001:4, points 7 à 9 et jurisprudence citée).

66      Ainsi, selon la jurisprudence, les États membres sont tenus d’organiser un ensemble de contrôles administratifs et de contrôles sur place permettant d’assurer que les conditions matérielles et formelles d’octroi des aides sont correctement observées (arrêt du 27 février 2013, Pologne/Commission, T‑241/10, non publié, EU:T:2013:96, point 21).

67      Si l’organisation d’un tel ensemble de contrôles fait défaut ou si celle mise en place par un État membre est défaillante au point de laisser subsister des doutes quant à l’observation de ces conditions, la Commission est fondée à ne pas reconnaître certaines dépenses (arrêt du 27 février 2013, Pologne/Commission, T‑241/10, non publié, EU:T:2013:96, point 21).

68      S’agissant de la charge de la preuve, il convient de rappeler que la politique de développement rural au sein de l’Union est mise en œuvre dans le cadre d’une gestion partagée (voir, en ce sens, arrêt du 3 avril 2017, Allemagne/Commission, T‑28/16, EU:T:2017:242, point 34) où les informations nécessaires pour garantir le contrôle de l’éligibilité des dépenses sont accessibles, uniquement, aux États membres tandis que, dépourvue d’un accès direct à ces données, la Commission doit se limiter à surveiller le contrôle ainsi effectué par les autorités nationales (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2018, France/Commission, T‑518/15, EU:T:2018:54, point 30).

69      Les États membres étant les mieux placés pour recueillir et vérifier les données, c’est à eux qu’il incombe de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de leurs contrôles (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2018, France/Commission, T‑518/15, EU:T:2018:54, point 29).

70      La Commission n’est pas tenue, quant à elle, de démontrer de façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les autorités nationales ou l’irrégularité des données transmises, mais seulement de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces données (voir, en ce sens, arrêt du 3 avril 2017, Allemagne/Commission, T‑28/16, EU:T:2017:242, point 32).

71      Lorsqu’un État membre souhaite infirmer les constatations de la Commission, il doit étayer ses allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer qu’elles sont inexactes, les constatations de la Commission constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2018, France/Commission, T‑518/15, EU:T:2018:54, point 29).

72      En ce qui concerne le type de correction appliquée, il convient de rappeler que, à la lumière des lignes directrices relatives au calcul des corrections financières dans le cadre de procédures d’apurement de conformité et d’apurement des comptes, lorsqu’il n’est pas possible d’évaluer précisément les pertes subies par l’Union, une correction forfaitaire peut être envisagée par la Commission. Cette communication contient, ainsi que l’indique son titre, les orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes des Fonds.

73      C’est à la lumière des rappels et précisions mentionnés aux points 63 à 72 ci-dessus qu’il convient d’analyser les différents moyens invoqués à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée. En outre, dans la mesure où les moyens en question sont formulés de manière distincte pour chacune des corrections financières mentionnées au point 2 ci‑dessus, il convient de les examiner conjointement selon les corrections financières auxquels ils se réfèrent.

A.      Sur les premier, deuxième et troisième moyens, afférents à la correction financière de 143 924 279,14 euros établie à la suite des enquêtes AA/2016/003/IT, AA/2016/012/IT et AA/2016/015/IT

74      Le premier moyen est tiré de ce que la Commission aurait interprété de manière erronée les notions, visées à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, de PP et de PLT, qui sont à la base de la première correction financière mentionnée au point 2 ci‑dessus.

75      Dans le cadre de son premier moyen, la République italienne fait valoir, en substance, que la première correction financière mentionnée au point 2 ci-dessus a été appliquée en violation de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013. En effet, la Commission aurait considéré à tort que, ayant appliqué de manière erronée ladite disposition, la République italienne avait procédé à l’enregistrement inexact des surfaces PP dans le SIPA. De même, la Commission aurait conclu, à tort, que l’enregistrement des parcelles agricoles dans le SIPA comportait une faiblesse dans l’exécution des contrôles administratifs sur les droits au paiement lors de l’introduction du régime de paiement de base. Au contraire, la République italienne considère avoir appliqué la définition de PP conformément aux dispositions du droit de l’Union pertinentes et de façon cohérente avec sa propre réglementation nationale.

76      Le deuxième moyen est tiré de ce que la Commission aurait enfreint l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et l’article 12, paragraphes 2 et 6, du règlement délégué no 907/2014. En effet, la première correction financière mentionnée au point 2 ci-dessus, correspondant à 2 % des dépenses, serait manifestement disproportionnée par rapport au risque effectif pour le Fonds, et la République italienne aurait quantifié ce risque de manière ponctuelle comme s’élevant à 64 860 193,65 euros.

77      Le troisième moyen est tiré de ce que, s’agissant de la première correction financière mentionnée au point 2 ci-dessus, la Commission n’aurait pas respecté l’article 296 TFUE et l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, au motif que, d’une part, elle n’aurait pas motivé l’application de la clause générale de « l’effort disproportionné » ayant justifié les corrections forfaitaires proposées et, d’autre part, elle aurait prématurément refusé d’accepter les calculs proposés par les autorités italiennes pour des raisons de temps.

78      La Commission rétorque que le premier moyen est inopérant et, en tout état de cause, dénué de fondement. Elle fait également valoir que les deuxième et troisième moyens doivent être rejetés.

79      Il convient d’examiner le caractère opérant puis, le cas échéant, le bien-fondé du premier moyen.

1.      Sur le caractère opérant du premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013

80      La Commission soutient que le premier moyen, tiré de l’interprétation erronée des notions de PP et de PLT est inopérant dans la mesure où il ne permet pas, en soi, de conclure à l’illégalité de la correction financière de 143 924 279,14 euros, relative aux aides à la surface octroyées en Italie pour les années de demande 2015 et 2016. En effet, indépendamment du caractère fondé ou non du premier moyen, la correction financière en question serait, en tout état de cause, justifiée par l’incidence des cinq autres groupes de manquements, en plus de celui lié à la définition erronée de PP et de PLT (voir point 10 ci-dessus).

81      Plus précisément, la Commission rappelle que, aux fins du calcul de la correction forfaitaire à appliquer pour couvrir le risque de perte pour le Fonds, elle a regroupé les incidences des lacunes constatées en fonction des types de dépenses considérées comme non conformes. La circonstance que l’incidence des cinq autres groupes de manquements serait indépendante de celle du premier groupe concernant les PP pourrait être déduite à la fois des explications fournies dans le rapport de synthèse et, de manière graphique, du tableau contenu dans le mémoire en défense. Il s’ensuivrait que, même si cette dernière correction était supprimée, la correction forfaitaire de 2 % de ces mêmes dépenses resterait applicable, en raison des manquements afférents aux contrôles croisés à l’aide du SIPA.  Par conséquent, à moins que la République italienne ne parvienne non seulement à justifier le bien-fondé de son premier moyen, mais aussi à calculer avec précision le risque maximal de perte découlant des cinq autres groupes de manquements qui sont mentionnés au point 10 ci‑dessus et dont elle ne contesterait pas l’existence, la correction de 2 % prévue à l’article 12, paragraphe 8, du règlement délégué no 907/2014 resterait valable.  

82      Dans la duplique, premièrement, la Commission fait valoir que le fait que les autres lacunes en matière d’exécution de contrôles, lesquelles ont donné lieu à des corrections forfaitaires de 2 % pour chaque manquement, avaient été absorbées par celle relative à la définition de la notion de PP et de PLT, ne signifie pas que cette dernière correction, dont l’incidence a également été estimée à 2 %, a remplacé les cinq autres. Selon la Commission, cela signifie uniquement que les corrections en question n’étaient pas cumulables, et ce en raison de la nature estimative et non analytique des corrections qui font l’objet de la correction forfaitaire de 2 % en cause et donc de l’impossibilité d’attribuer un poids spécifique à chaque correction. Ainsi, la Commission soutient que, même si l’une des corrections entre lesquelles existe un recoupement était supprimée, le montant total de la correction ne serait pas affecté.

83      Deuxièmement, selon la Commission, la République italienne ne saurait soutenir que, si le premier moyen était fondé, la correction relative au premier groupe de manquements devrait être déduite des autres. En effet, la quantification effectuée par la République italienne ne serait pas fiable, au motif que les autorités italiennes n’auraient pas été capables de déterminer les surfaces maximales éligibles au bénéfice de l’aide dans le SIPA, pour les années de demande 2015 et 2016, lesdites autorités n’étant pas parvenues à mettre à jour la cartographie des terrains.

84      Dans la réplique, la République italienne conteste les arguments de la Commission.

85      À titre liminaire, s’agissant de la première correction financière mentionnée au point 2 ci-dessus, il convient de rappeler que la Commission, en estimant qu’il était impossible de déterminer les dépenses effectuées de manière « incorrecte » par la République italienne ou de vérifier toutes les dépenses susceptibles d’avoir été effectuées de façon irrégulière par cette dernière pendant les années de demande correspondant aux années 2015 et 2016, s’est orientée vers une correction de type forfaitaire et a appliqué un taux de correction égal à 2 % du montant des aides à la surface octroyées à la République italienne au cours des années en cause. Cette correction forfaitaire est censée couvrir le risque de perte financière pour le Fonds résultant des lacunes ou insuffisances révélées par les enquêtes menées par la Commission en ce qui concerne cinq contrôles clés. À ce titre, il ressort du rapport de synthèse que les cinq contrôles clés, présentant, selon la Commission, des insuffisances, étaient les suivants (voir point 9 ci-dessus) :

–        l’exécution de contrôles croisés visant à établir l’admissibilité des parcelles déclarées aux fins des paiements directs ;

–        l’exécution d’un nombre suffisant de contrôles sur place ;

–        l’exécution de contrôles sur place de qualité suffisante ;

–        le calcul correct de l’aide, y compris les réductions et sanctions administratives ;

–        les contrôles administratifs relatifs aux droits à l’aide lors de la mise en place du régime de paiements de base.

86      La Commission a regroupé les carences constatées s’agissant des cinq contrôles clés rappelés au point 85 ci-dessus, en fonction de la population concernée par les différentes carences, en six groupes distincts (voir points 10 à 16 ci‑dessus) qui peuvent être identifiés comme suit :

–        PP ;

–        réalisation de contrôles sur place suffisants en nombre et en qualité ;

–        admissibilité des éléments caractéristiques du paysage et des surfaces d’intérêt écologique ;

–        calcul correct de l’aide, y compris les réductions et les sanctions administratives ;

–        demandes d’aides fondées sur des instruments géospatiaux ;

–        contrôles croisés du SIPA.

87      Le premier groupe comprend les manquements résultant de la mise en œuvre erronée de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 qui concerne l’identification des parcelles agricoles susceptibles de bénéficier d’un financement en raison de leur qualification comme PP. Ce groupe comprend différentes lacunes telles que notamment :

–        l’application du système de prorata de manière non conforme à l’article 10 du règlement délégué no 640/2014, à savoir l’application d’un système permettant de grouper et de déduire les éléments non admissibles des surfaces PP à déclarer aux fins de l’aide, en utilisant un coefficient fixe ;

–        le non-respect de l’obligation de « maintien », à savoir de l’obligation, pour les agriculteurs, de conserver la surface agricole dans un état qui la rendait adaptée au pâturage ou à la culture, en violation de l’article 4, paragraphe 1, sous c), ii), du règlement no 1307/2013 ;

–        la non-application des réductions sur les paiements dus et leur recouvrement dans tous les cas où, lors des contrôles, les autorités italiennes avaient réduit les SMA, en violation de l’article 19 du règlement délégué n640/2014.

88      Il importe, en outre, de noter que, dans le rapport de synthèse, qui reprend le contenu des trois lettres finales de la Commission, cette dernière a précisé que les carences en question ont conduit à une évaluation erronée de toutes les parcelles qualifiées de PP en violation de l’article 5 du règlement délégué no 640/2014 et que cela a eu une incidence sur les contrôles croisés visés aux articles 28 et 29 du règlement d’exécution no 809/2014 ainsi que sur la régularité des paiements, y compris l’application de sanctions aux agriculteurs ayant déclaré des parcelles qualifiées de PP. Dans ledit rapport, la Commission a également indiqué que, dans la mesure où la régularité des paiements avait eu un impact sur la fixation de la valeur initiale unitaire des droits au paiement pour tous les agriculteurs, il convenait de considérer que les agriculteurs qui n’avaient pas déclaré des parcelles qualifiées de PP devaient également être pris en compte et que, ainsi, la mise en œuvre, par les autorités italiennes, de l’article 24, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 était, elle aussi, insuffisante. Il ressort donc du rapport de synthèse que, pour le groupe de manquements PP, la population à risque était constituée par tous les agriculteurs et que, du fait de la mise en œuvre erronée des dispositions précitées, cela avait conduit à un calcul erroné du « taux de convergence » depuis le début et avait eu une incidence sur la régularité des paiements pour l’année de demande 2015.

89      Cela étant précisé, il convient d’examiner les arguments de la Commission selon lesquels, même à supposer que le premier moyen soit fondé, la correction forfaitaire en cause resterait justifiée par l’incidence des cinq groupes de manquements autres que celui visé par le premier moyen, qui est lié à définition de la notion de PP.

90      La Commission fait valoir que la circonstance que les autres lacunes ou insuffisances en matière d’exécution de contrôles, ayant chacune donné lieu à des corrections forfaitaires de 2 %, sont absorbées par les lacunes ou insuffisances du premier groupe relatif à la définition de PP, ne signifie pas que cette dernière correction, dont l’incidence a également été estimée à 2 %, remplace les cinq autres. En d’autres termes, selon la Commission, même si l’une des corrections, entre lesquelles existe un recoupement, était supprimée, le montant total de la correction forfaitaire ne serait pas affecté. Enfin, les corrections relatives à chaque groupe de manquements ne seraient pas cumulables, et ce en raison de la nature estimative et non analytique des corrections faisant l’objet de la correction forfaitaire de 2 % en cause et donc de l’impossibilité d’attribuer un poids spécifique à chaque correction.

91      À cet égard, premièrement, il convient de noter qu’il ressort du rapport de l’organe de conciliation (voir point 18 ci-dessus) que ce sont les divergences d’interprétation entre les parties sur les notions de PP et de PLT qui ont fait obstacle à la clôture fructueuse de la procédure de conciliation et, ainsi, à l’application d’une correction financière différente de la correction forfaitaire proposée par la Commission. Par ailleurs, il ressort tant du rapport de synthèse que des trois lettres finales adressées à la République italienne que, comme le fait valoir à juste titre cette dernière, l’interprétation de la notion de PP a influencé le raisonnement de la Commission et l’a amenée à conclure que, au vu de toutes les irrégularités constatées (y compris celles qui portent sur ladite notion), cette dernière n’était pas en mesure de calculer le montant exact du risque financier pour le Fonds et, partant, ne pouvait pas appliquer une correction ponctuelle au lieu d’une correction forfaitaire. D’ailleurs,  dans ses écritures devant le Tribunal, la Commission explique, en substance, que l’actualisation du SIPA devait intervenir « après » l’adoption d’une notion cohérente de prairies permanentes PP. La Commission suggère donc que l’adoption d’une notion cohérente de PP était la condition préalable à une évaluation acceptable du risque supporté par le Fonds aux cours des années 2015 et 2016.

92      Deuxièmement, contrairement à ce qu’affirme la Commission, il ressort de la jurisprudence que l’application d’un taux de correction jugé illégal peut entraîner l’annulation de la correction dans son intégralité même si cette correction avait absorbé les corrections liées à d’autres manquements distincts [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 février 2020, Grèce/Commission (Pâturages permanents), C‑252/18 P, EU:C:2020:95, points 94 et 95]. La circonstance que la jurisprudence en question concerne des taux de 25 ou 10 %, tandis que, en l’espèce, le taux de la correction financière est le plus bas possible n’exclut pas que, ainsi que le reconnaît la Commission elle‑même dans la duplique, l’application de ce taux implique l’application d’une correction financière plus élevée que celle calculée de manière ponctuelle par les autorités italiennes. En effet, la Commission n’exclut pas l’hypothèse dans laquelle la République italienne réussirait à calculer un risque maximal pour le Fonds inférieur à 2 %.

93      Troisièmement, d’une part, il importe d’observer qu’il est constant que le premier groupe de manquements, identifié sous l’intitulé PP, visé par les arguments soulevés dans le cadre du premier moyen, concernait la population la plus large et, partant, absorbait toutes les autres corrections applicables à différents titres.

94      D’autre part, ainsi que cela résulte du tableau et des explications fournies par la Commission elle-même, force est de constater que le seul autre groupe de manquements qui pourrait justifier l’application de la correction forfaitaire en cause, au motif qu’il concerne, comme c’est le cas du premier groupe, l’ensemble de la population, est uniquement le sixième groupe de manquements. Or, ce groupe, identifié sous le nom de « contrôles croisés du [SIPA] », se réfère aux manquements constitutifs d’une violation de l’article 5 du règlement délégué no 640/2014 ainsi que des articles 28 et 29 du règlement d’exécution no 809/2014. Dès lors, comme il ressort du rapport de synthèse, ce sixième groupe de manquements, en ce qu’il concerne l’exactitude de l’enregistrement dans le SIPA de la surface maximale exigible, est étroitement lié à la correcte détermination des PP. En effet, dans le rapport de synthèse, la Commission a clairement indiqué que l’évaluation erronée des parcelles PP impliquait une violation de l’article 5 du règlement délégué no 640/2014 et avait eu une incidence sur les contrôles croisés visés aux articles 28 et 29 du règlement d’exécution no 809/2014 ainsi que sur la régularité des paiements, y compris l’application de sanctions aux agriculteurs ayant déclaré des parcelles qualifiées de PP (voir point 88 ci‑dessus).

95      Quatrièmement, il ne ressort pas du dossier que l’addition des corrections qui pourraient découler des manquements identifiés par la Commission, autres que ceux afférents à la définition de PP et aux « contrôles croisés », aboutirait nécessairement à une correction financière supérieure ou égale à la correction forfaitaire qui correspond au manquement lié aux PP. Au contraire, il ressort du rapport de synthèse que la population concernée par chacun de ces autres groupes de manquements n’est pas constituée par l’ensemble de la population. Par ailleurs, dans le rapport de synthèse, la Commission a admis qu’elle pourrait accepter les calculs fournis par les autorités italiennes pour les populations concernées par certains manquements et, en particulier, les calculs concernant les lacunes dans l’application du système de données géospatiales (GSAA), le niveau de contrôle sur place et l’analyse du risque.

96      Cinquièmement, ainsi que cela résulte du tableau communiqué à la Commission par courrier du 15 juillet 2019 (voir point 25 ci-dessus) et repris dans la réplique, la République italienne a quantifié le risque maximal pour le Fonds en ce qui concerne toutes les insuffisances qui lui ont été reprochées. Elle a notamment indiqué, s’agissant des manquements autres que celui lié à la définition de surfaces éligibles au paiement au titre de PP, que le risque financier pour le Fonds correspondait à 36 283 926,96 euros.

97      Sixièmement, il ressort du rapport de synthèse que la Commission a rejeté les calculs du risque par le Fonds effectués par la République italienne au motif que l’examen des données fournies par cette dernière aurait exigé un effort disproportionné de sa part à un stade avancé de la procédure. Or, il ressort du dossier que c’est précisément le désaccord entre la Commission et la République italienne sur la notion de PP et de PLT qui a conduit cette dernière à fournir, à plusieurs reprises, de nouvelles données. Il s’ensuit que, si le premier moyen était accueilli, le rejet de la quantification du risque pour le Fonds proposée par les autorités italiennes serait dépourvu de justifications.

98      Ainsi, certes, comme le fait valoir la Commission, le premier moyen n’est pas dirigé contre tous les groupes de manquements. Cependant, force est de constater que, si le premier moyen, portant sur la définition des surfaces éligibles au titre des PP devait prospérer et si la décision attaquée devait être annulée pour ce motif, il y aurait lieu pour la Commission de procéder, le cas échéant, au réexamen de ladite décision et de recalculer le montant des dépenses irrégulières en réduisant, si nécessaire, le montant de la correction financière.

99      Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure au caractère opérant du premier moyen.

2.      Sur le bien-fondé du premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013

100    Selon la République italienne, il résulte de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 qu’un État membre a la « possibilité » et non l’« obligation » d’inclure, dans les surfaces PP, entendues comme parcelles agricoles où le couvert herbacé est prédominant, d’autres espèces comme des arbustes et/ou des arbres. En outre, un État membre aurait toujours la possibilité d’inclure, dans les surfaces PP, les PLT-PG/ELP.

101    Les autorités italiennes auraient uniquement fait usage de la seconde possibilité, à savoir celle d’inclure, parmi les surfaces « admissibles », les PLT, pour les régions où les pratiques de pâturage de telles surfaces étaient établies et communément appliquées ou bien, où, en tout état de cause, ces pratiques étaient essentielles pour la conservation des habitats énumérés à l’annexe I de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7), ainsi que des biotopes et habitats prévus par la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7).

102    La République italienne souligne avoir appliqué, pour déterminer la surface admissible des PP qui comportent des éléments inadmissibles disséminés, un système de prorata, conformément à la réglementation de l’Union et à la législation nationale. Elle précise que, dans les notifications du système d’information des marchés agricoles (ISAMM), relatives aux PLT-PG/ELP, figurent deux types de surfaces :  

–        les pâturages avec arbustes et arbres de type maquis méditerranéen, présents dans de nombreuses régions italiennes et présentant une superficie fourragère de 50 % (laquelle inclut les arbustes traditionnellement adaptés au pâturage, selon les usages de ces régions) ;

–        les autres pâturages, à savoir les pâturages traditionnels où le couvert d’herbes et d’autres espèces fourragères herbacées, avec les plantes fourragères non utilisées pour le pâturage, ne dépassent pas 50 % de la superficie.

103    Selon la République italienne, la définition qu’elle applique des notions de PP et de PLT est parfaitement conforme aux dispositions du droit de l’Union. Cela résulterait, notamment, d’une note de 2014 de la Commission répondant à une question de la République fédérale d’Allemagne ainsi que d’une série d’études qui démontreraient que l’utilisation de la superficie arbustive et, partant, l’admissibilité de surfaces avec arbustes, du type visé au point 102, premier tiret, ci-dessus, seraient fonction du type de bétail qui y est élevé.

104    En conclusion, la Commission n’aurait pas dû considérer comme non conforme et source de risque pour le Fonds la méthode de détermination des SMA au bénéfice des paiements directs pour les années de demande 2015 et 2016, à titre de PP et de PLT, appliquée par les autorités italiennes. En effet, il n’existerait pas d’obligation, pour les États membres, d’inclure les surfaces d’arbustes et d’arbrisseaux utilisées comme pâturages dans les SMA en tant que PP. Au contraire, l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 offrirait à l’État membre la possibilité de décider, lors du calcul de la SMA, de ne pas ajouter les broussailles dans les prairies permanentes lorsque les plantes fourragères herbacées demeurent prédominantes, et ce indépendamment du choix opéré pour les terrains où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne sont pas prédominantes. Il résulterait du bien-fondé du choix opéré au niveau national par les autorités italiennes que l’attribution des droits au paiement n’a créé aucun risque pour le Fonds et, ainsi, que la correction financière forfaitaire appliquée par la Commission serait manifestement illégale en raison de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013.

105    La Commission soutient que le premier moyen est dénué de fondement.

106    En effet, premièrement, ledit moyen serait contradictoire par rapport aux deuxième et troisième moyens, qui tendent à faire valoir le caractère disproportionné de la correction forfaitaire de 2 %, sans toutefois nier le bien-fondé de cette correction et par rapport à la position adoptée par les autorités italiennes au cours de la procédure d’audit. Si les autorités italiennes, à l’issue des missions d’audit sur place, dont les résultats avaient été communiqués dans la lettre de conciliation du 27 mars 2018, estimaient que la définition des PLT/PG-ELP appliquée dans les années 2015 et 2016 était correcte, il n’existait pas de raisons, pour ces dernières, de s’engager à établir un plan d’action visant à l’actualisation du SIPA, ni de proposer des calculs successifs pour tenter de redéfinir le risque maximal pour le Fonds. La Commission s’interroge sur les raisons pour lesquelles, si les autorités italiennes considéraient que leur définition des PLT, appliquée en 2015 et en 2016, était correcte, elles devaient procéder à l’actualisation du SIPA, elles ont proposé des calculs successifs pour tenter de définir le risque maximal pour le Fonds et, enfin, elles n’ont pas achevé le plan d’action, nonobstant le fait qu’elles savaient que le SIPA n’était pas fiable en raison, par exemple, du phénomène de l’abandon des terres.

107    Deuxièmement, la Commission soutient, d’une part, que le critère adopté par la République italienne lui a permis de considérer comme admissibles également des surfaces inaccessibles et qui ne sont donc pas traditionnellement utilisées à des fins de pâturage et, d’autre part, que les contrôles d’admissibilité réalisés par les autorités italiennes sur les PLT n’ont pas été efficaces. Selon la Commission, la République italienne tente de s’affranchir des obligations de définition commune et uniforme des notions de PP et de PLT, portant ainsi préjudice aux objectifs mêmes du régime de soutien direct, y compris celui d’un paiement de base pour les agriculteurs et d’autres régimes d’aide, tels que ceux visés par le règlement no 1307/2013. Ensuite, la Commission insiste sur le fait que la définition de la notion de PP, que la République italienne persiste à invoquer, est celle qui comprend des surfaces ne comportant aucune prairie, mais uniquement des arbrisseaux inaccessibles et ne pouvant donc être utilisées traditionnellement, ni même occasionnellement, pour faire paître les animaux, du fait précisément de leur inaccessibilité. L’insistance de la République italienne à se considérer comme exemptée du contrôle relatif à l’utilisation effective de la surface aux fins de sa qualification de PP, indépendamment même de tout jugement sur la possibilité d’utilisation effective de la surface à des fins de pâturage, serait suspecte. Par ailleurs, le Tribunal aurait récemment rejeté la thèse selon laquelle la nouvelle définition de PP donnerait lieu à une redéfinition totale des conditions d’éligibilité des parcelles au bénéfice de l’aide par surface adaptée au pâturage en 2015 et en 2016, pour laquelle il ne serait plus nécessaire d’en déterminer l’extension (arrêt du 9 septembre 2020, Grèce/Commission, T‑46/19, non publié, EU:T:2020:396, points 56 à 59). Ainsi, le fait que la République italienne cite les nombreuses dispositions générales qu’elle a édictées pour transposer, dans sa législation nationale, les critères d’éligibilité des surfaces, ne garantirait pas que le respect concret de ces critères ait été effectivement vérifié par les autorités compétentes au cours des années de dépenses 2015 et 2016.

108    Troisièmement, la Commission rappelle que, en vertu des principes visés à l’article 2 du règlement délégué (UE) no 639/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1307/2013 et modifiant l’annexe X dudit règlement (JO 2014, L 181, p. 1), un État membre n’est pas autorisé à méconnaître les définitions communes établies par le droit de l’Union, dans la mesure où pareille méconnaissance permettrait à cet État d’accorder des paiements à ses agriculteurs de façon discriminatoire par rapport à ce qui est autorisé dans d’autres États membres. La notion de PP appliquée par les autorités italiennes serait manifestement incorrecte et ne répondrait pas davantage à ce que les autorités italiennes auraient tenté de mettre en œuvre, quoique de manière jusqu’ici incomplète, par leur plan d’action.  

109    Il convient de souligner qu’il ressort du rapport de synthèse, qui reprend les résultats des enquêtes menées par la Commission, dont la République italienne a été informée par la lettre de conciliation du 27 mars 2018 (voir points 9 et 10 ci‑dessus), ainsi que du contenu des trois lettres finales de la Commission respectivement du 14 mars, du 19 septembre et du 22 octobre 2019 mentionnées aux points 19, 26 et 29 ci-dessus, que, selon la Commission, l’« élargissement » de la définition de PP aux fins de la détermination des parcelles éligibles à l’aide directe, visées à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, n’a pas été correctement mis en œuvre par les autorités italiennes, au motif qu’elles n’ont pas inclus, dans les PP, les arbustes et les arbres fourragers. Le rapport de synthèse expose, en outre, la réponse fournie par la Commission aux observations des autorités italiennes, qui faisaient valoir que, selon les services mêmes de la Commission, qui répondaient à une question de la République fédérale d’Allemagne, il revenait aux États membres d’établir si certaines espèces d’arbustes et/ou d’arbres présents sur les surfaces apportaient une valeur fourragère à la prairie permanente, en tenant également compte des espèces d’animaux effectivement consacrées au pâturage. À ce titre, le rapport de synthèse indique que, certes, il appartient aux États membres de décider s’il y a lieu d’inclure certaines espèces d’arbustes ou d’arbres présents sur les surfaces en cause dans les parcelles éligibles pour les paiements directs. Cependant, une fois qu’une option a été retenue, l’État membre est tenu de l’appliquer de manière identique à toutes les parcelles d’une région concernée et, afin d’accorder des paiements à ses agriculteurs, est également tenu de les informer de la manière dont les parcelles doivent être déclarées afin de déterminer la SMA.

110    En l’espèce, il y a lieu de vérifier si l’interprétation et la mise en œuvre, par les autorités italiennes, de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 ont donné lieu, ainsi que le soutient la Commission, à l’enregistrement erroné des PP dans le SIPA avec, par voie de conséquence, une identification erronée de la surface maximale admissible et des insuffisances dans les contrôles administratifs sur les droits au paiement, lors de l’introduction du régime de paiement de base. En effet, la Commission conteste l’application « cohérente et uniforme » de la disposition précitée et soutient, plus précisément, que le critère d’identification des PLT, qui a été choisi par les autorités italiennes, leur a permis de considérer comme admissibles également des surfaces inaccessibles et qui ne peuvent donc être considérées comme traditionnellement utilisées à des fins de pâturage. Cela démontrerait que les contrôles d’admissibilité réalisés par les autorités italiennes sur les PLT n’ont pas été efficaces.  

111    À titre liminaire, il convient de préciser que le règlement no 1307/2013 a défini les règles applicables aux paiements directs destinés à aider les agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune (ci-après la « PAC ») de l’Union. Ces paiements sont versés à condition que les agriculteurs observent des règles strictes (la conditionnalité) en matière de santé et de bien-être des personnes et des animaux, et de protection des végétaux et de l’environnement. Les paiements directs en faveur des agriculteurs sont versés au titre des régimes nationaux de soutien dans chaque État membre qui doit désormais allouer une certaine proportion de son financement au titre de la PAC aux régimes de soutien obligatoires suivants :

–        paiements standard à l’hectare : afin de répartir plus équitablement cette aide, tous les pays de l’Union ont dû adopter un système de paiement uniformisé à l’hectare dès 2015 (régime de paiement de base) ;

–        paiements verts par hectare, accordés aux agriculteurs qui mettent en place des pratiques en faveur du climat et de l’environnement (30 % de l’allocation de financement nationale) ;

–        paiements en faveur des jeunes agriculteurs par hectare : pour les agriculteurs de moins de 40 ans, qui s’installent pour la première fois à la tête de leur exploitation au cours des cinq années précédant la demande. Ce paiement est octroyé pour une durée maximale de cinq ans.

112    Il existe également des régimes de soutien facultatifs, en vertu desquels les États membres peuvent choisir :

–        de soutenir les petites exploitations en leur versant une aide d’un montant plus élevé au titre des premiers hectares (paiement redistributif) ;

–        d’accorder des paiements supplémentaires pour les zones soumises à des contraintes naturelles ;

–        d’accorder des aides plafonnées au titre de la production (« soutien couplé », paiements liés à des cultures ou des élevages particuliers) afin de soutenir la production dans les secteurs en difficulté au sein de leur propre territoire ;

–        de proposer un régime simplifié aux petits exploitants, qui se traduit par un paiement annuel d’un montant maximal de 1 250 euros.

113    Plus précisément, l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1307/2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la PAC, en vigueur au moment de l’adoption de la décision attaquée, était rédigé comme suit :

« 1. Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

c) “activité agricole” :

i)      la production, l’élevage ou la culture de produits agricoles, y compris la récolte, la traite, l’élevage et la détention d’animaux à des fins agricoles,

ii)      le maintien d’une surface agricole dans un état qui la rend adaptée au pâturage ou à la culture sans action préparatoire allant au-delà de pratiques agricoles courantes ou du recours à des machines agricoles courantes, sur la base de critères à définir par les États membres en se fondant sur un cadre établi par la Commission, ou

iii)      l’exercice d’une activité minimale, définie par les États membres, sur les surfaces agricoles naturellement conservées dans un état qui les rend adaptées au pâturage ou à la culture ;

[...]

h)      “prairies permanentes et pâturages permanents” (ci-après dénommés conjointement “prairies permanentes”), les terres consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans au moins ; d’autres espèces adaptées au pâturage comme des arbustes et/ou des arbres peuvent être présentes, pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes ; les prairies permanentes peuvent également comprendre, lorsque les États membres le décident, des surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies dans lesquelles l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement [...] »

114    Selon l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013, les États membres :

« a)      définissent les critères à remplir par les agriculteurs pour respecter l’obligation de maintien d’une surface agricole dans un état qui la rend adaptée au pâturage ou à la culture, au sens du paragraphe 1, [sous] c), ii) ;

b)      le cas échéant dans un État membre, définissent l’activité minimale à exercer sur les surfaces agricoles naturellement conservées dans un état qui les rend adaptées au pâturage ou à la culture, au sens du paragraphe 1, [sous] c), iii) ;

[…]

Les États membres peuvent décider de considérer comme prairies permanentes des surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies, où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement, au sens du paragraphe 1, [sous] h). »

115    L’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1307/2013 précise que, afin de garantir la sécurité juridique, « la Commission est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 70 en vue d’établir :

a)      le cadre dans lequel les États membres doivent établir les critères à remplir par les agriculteurs pour respecter l’obligation de maintien d’une surface agricole dans un état adapté au pâturage ou à la culture au sens du paragraphe 1, [sous] c), ii) ;

b)      le cadre dans lequel les États membres définissent l’activité minimale à exercer sur les surfaces agricoles naturellement conservées dans un état qui les rend adaptées au pâturage ou à la culture, au sens du paragraphe 1, [sous] c), iii) ;

c)      les critères permettant de déterminer la prédominance d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées ainsi que ceux permettant de déterminer les pratiques locales établies au sens du paragraphe 1, [sous] h). »

116    Selon le considérant 7 du règlement délégué no 639/2014, pour des raisons environnementales, la définition de PP figurant à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 englobe également des espèces non herbacées comme les arbustes et/ou les arbres, qui sont adaptées au pâturage, pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes sur les surfaces concernées. Selon ledit considérant, il est dès lors nécessaire de définir un critère pour déterminer les cas dans lesquels l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes au sens de la disposition concernée. Au considérant 8 du règlement délégué no 639/2014, il est indiqué que la définition des PP, figurant à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, permet aux États membres de considérer comme prairies permanentes également des PLT. Ledit considérant se conclut en précisant qu’il est nécessaire de définir les critères sur la base desquels ces pratiques locales établies peuvent être déterminées. Selon le considérant 9 du règlement délégué no 639/2014, conformément à l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1307/2013, les États membres peuvent considérer comme prairies permanentes les PLT. À ce titre, il est précisé qu’un coefficient de réduction peut être appliqué à ces PP conformément à l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1307/2013 et que, afin de garantir l’application proportionnée de cette disposition, il y a lieu de prévoir la possibilité d’établir une distinction entre les diverses catégories de surfaces en vue d’appliquer différents coefficients de réduction à ces catégories.

117    La section 2 du chapitre 1 du règlement délégué no 639/2014 contient des dispositions concernant les définitions figurant dans le règlement no 1307/2013. Plus précisément, l’article 4 du règlement délégué no 639/2014 définit les critères relatifs au maintien de la surface agricole dans un état qui la rend adaptée au pâturage ou à la culture. L’article 5 dudit règlement définit les activités minimales exercées sur les surfaces agricoles naturellement conservées dans un état qui les rend adaptées au pâturage ou à la culture. L’article 6 du même règlement précise que, aux fins de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, « l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées sont considérées comme restant prédominantes lorsqu’elles couvrent plus de 50 % de la surface admissible au niveau de la parcelle agricole au sens de l’article 67, paragraphe 4, [sous] a), du règlement […] no 1306/2013 ».

118    Selon l’article 7 du règlement délégué no 639/2014, aux fins de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, les pratiques locales établies sont les suivantes, ou toute combinaison de celles-ci :

« a)      les pratiques concernant les surfaces consacrées au pâturage du bétail qui présentent un caractère traditionnel et sont généralement mises en œuvre sur les surfaces concernées ;

b)      les pratiques importantes pour la conservation des habitats énumérés à l’annexe I de la directive 92/43/CEE du Conseil ainsi que des biotopes et habitats relevant de la directive 2009/147 […] »

119    Enfin, l’article 8 du règlement délégué no 639/2014 précise que, lors de l’application de l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1307/2013 aux PLT, les États membres peuvent établir une distinction entre les diverses catégories de surfaces afin d’appliquer différents coefficients de réduction à ces catégories.

120    Dans l’arrêt du 9 septembre 2020, Grèce/Commission (T‑46/19, non publié, EU:T:2020:396, point 51), le Tribunal a jugé qu’il ressortait du libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, en vigueur au moment de l’adoption de la décision attaquée (voir point 113 ci-dessus), que trois catégories de terres pouvaient, aux fins des mesures d’aides liées à la surface, être qualifiées de PP :

–        les terres consacrées à la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées ;

–        les terres où d’autres espèces adaptées au pâturage, comme des arbustes et/ou des arbres sont présentes, pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes ;

–        lorsque les États membres le décident, les PLT.

121    Dans ce même arrêt du 9 septembre 2020, Grèce/Commission (T‑46/19, non publié, EU:T:2020:396), le Tribunal a précisé que la troisième hypothèse prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 consacrait, aux côtés du critère fondé sur le type de végétation et à l’instar de l’appréciation portée par la Cour dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 mai 2019, Grèce/Commission (C‑341/17 P, EU:C:2019:409), le critère de l’utilisation effective de la surface aux fins de sa qualification de PP, pour autant que celle-ci soit effectivement adaptée au pâturage et relève des pratiques locales établies, où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement (arrêt du 9 septembre 2020, Grèce/Commission, T‑46/19, non publié, EU:T:2020:396, point 55). 

122    En application du règlement no 1307/2013, la République italienne a adopté le décret ministériel no 6513, du 18 novembre 2014 (GURI no 295, du 20 décembre 2014), qui, notamment, prévoit ce qui suit :

« 1. Au sens de l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement […] no 1307/2013 et sans préjudice des autres définitions prévues par les règlements de l’Union rappelés en introduction, on entend par : …

d)      [PP] : les surfaces visées à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement […] no 1307/2013, y compris les surfaces relevant des pratiques locales établies prévues à l’article 7 du règlement délégué […] no 639/2014, qui sont recensées par l’organisme de coordination prévu à l’article 7, paragraphe 4, du règlement […] no 1306/2013 dans le [SIPA], sur indication des références cadastrales par la Région ou la Province autonome compétente … »

123    Dans ses écritures, la République italienne fait valoir qu’elle a ainsi choisi d’inclure, dans les surfaces PP, les PLT. Elle n’a pas, en revanche, fait usage de la possibilité visée à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 d’inclure, dans les surfaces PP d’autres espèces comme des arbustes et/ou des arbres lorsque le couvert herbacé est prédominant.

124    En l’espèce, il convient de constater que tant le libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 (voir point 113 ci‑dessus) que la réglementation de l’Union mentionnée aux points 116 à 119 ci‑dessus et la jurisprudence citée aux points 120 et 121 ci‑dessus reconnaissent aux États membres la possibilité, et non l’obligation, de considérer comme PP, outre les « terres consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans au moins », d’une part, les surfaces comportant d’autres espèces, comme des arbustes et/ou des arbres, adaptées au pâturage en précisant que cette possibilité est admise « pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes », à savoir couvrent plus que 50 % de la surface et, d’autre part, les PLT.

125    Ainsi, le règlement no 1307/2013 permet de distinguer deux grandes catégories de surfaces admissibles comme prairies permanentes, celles où le couvert herbacé est prédominant et celles traditionnellement adaptées au pâturage, où le couvert herbacé n’est pas prédominant.

126    Comme le souligne pertinemment la République italienne et comme il est rappelé dans le rapport de synthèse (annexe A 2, page 176), le projet « Omnibus Regulation » concernant le règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2017, modifiant les règlements (UE) no 1305/2013 relatif au soutien au développement rural par le [Feader], no 1306/2013, no 1307/2013, (UE) no 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et (UE) no 652/2014 fixant des dispositions pour la gestion des dépenses relatives, d’une part, à la chaîne de production des denrées alimentaires, à la santé et au bien‑être des animaux et, d’autre part, à la santé et au matériel de reproduction des végétaux (JO 2017, L 350, p. 15), confirme que l’approche suivie par les autorités italiennes en ce qui concerne la définition de la notion de « prairies permanentes » était correcte. En effet, selon ledit règlement, l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 a été modifié comme suit :

« h)      [PP], les terres consacrées à la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans au moins et, lorsque les États membres le décident, qui n’ont pas été labourées depuis cinq ans au moins ; d’autres espèces adaptées au pâturage comme des arbustes et/ou des arbres peuvent être présentes, de même que, lorsque les États membres le décident, d’autres espèces adaptées à la production d’aliments pour animaux comme des arbustes et/ou des arbres, pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes. Les États membres peuvent aussi décider de considérer comme des [PP] :

i)      des [PLT] ; et/ou

ii)      des surfaces adaptées au pâturage où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas ou sont absentes ; »

127    La distinction entre deux grandes catégories de surfaces admissibles comme PP (voir point 125 ci-dessus) est cohérente, en outre, avec les études produites par la République italienne, qui n’ont pas été contestées, ni contredites, par la Commission et qui indiquent que la valeur fourragère des espèces d’arbustes et d’arbres adaptées au pâturage varie en fonction de la présence prédominante ou non de l’herbe dans les PP, ainsi que des espèces (ou races) d’animaux effectivement au pâturage. Plus précisément il ressort desdites études que, lorsque l’herbe demeure prédominante, la valeur fourragère apportée par les arbustes à une surface de PP est négligeable, puisque les animaux préfèrent se nourrir d’herbe. En revanche, comme l’explique la République italienne, les PLT se distinguent profondément des prairies‑pâturages « normaux » (et également des pâturages comportant des arbres et des broussailles où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées demeurent prédominantes) du fait qu’elles sont constituées principalement de formations végétales naturelles ou semi-naturelles qui, pour certaines zones régionales et/ou locales, constituent, historiquement et traditionnellement, la principale source d’alimentation d’un type de bétail adapté aux systèmes particuliers d’élevage extensif ou en liberté.

128    En outre, il ressort de la réglementation de l’Union, mentionnée au point 119 ci-dessus, que les États membres peuvent établir une distinction entre les diverses catégories de surfaces afin d’appliquer différents coefficients de réduction aux catégories concernées. Il s’ensuit que la possibilité de traiter de manière différente des surfaces présentant des caractéristiques différentes ne va pas à l’encontre de la réglementation de l’Union. En effet, le droit de l’Union autorise les États membres à tenir compte des spécificités locales et à considérer que, dans certaines régions, où les pratiques de pâturage des surfaces sont établies et communément appliquées ou, en tout état de cause, ces pratiques sont essentielles pour la conservation des habitats énumérés à l’annexe I de la directive 92/43, ainsi que des biotopes et habitats prévus par la directive 2009/147, les PLT sont incluses, au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, parmi les surfaces admissibles en tant que PP.

129    De surcroît, ainsi que cela a été souligné par les autorités italiennes, les services de la Commission, interrogés par un État membre (la République fédérale d’Allemagne) sur les critères à suivre pour déterminer les espèces d’arbustes et d’arbres fourragers à inclure dans la définition de prairies permanentes au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, ont eux-mêmes précisé, dans la note Ares (2014) 2030308, qu’il revenait aux États membres d’établir si certaines espèces d’arbustes et/ou d’arbres présents sur les surfaces apportaient une valeur fourragère à la prairie permanente, en tenant également compte des espèces d’animaux effectivement au pâturage.

130    À ce titre, les autorités italiennes ont expliqué que, dans sept régions (les Pouilles, la Sicile, la Sardaigne, les Abruzzes, le Frioul-Vénétie Julienne, la Campanie et la Basilicate), les espèces arbustives et arborées pâturables étaient considérées comme admissibles à la suite d’une photo-interprétation et que les pourcentages de réduction proportionnelle étaient appréciés à la suite de visites sur le terrain et de contrôles sur place.

131    De plus, contrairement à ce que soutient la Commission, la définition de la notion de PP appliquée par les autorités italiennes n’a pas pour effet d’inclure dans les surfaces relevant de cette notion des rochers, des plans d’eau et des obstacles empêchant l’accès à une zone herbacée, voire broussailleuse pouvant en théorie être consacrée au pâturage. En d’autres termes, la définition de la notion de PP appliquée par les autorités italiennes n’est pas de nature à rendre admissibles des surfaces inaccessibles. En effet, il ressort de l’article 10 du règlement délégué no 640/2014, que les États membres peuvent appliquer un système de prorata leur permettant de déduire les éléments non admissibles des superficies des PP à déclarer aux fins de l’aide, en utilisant un coefficient fixe. Ainsi, l’existence, sur certaines surfaces, d’éléments inadmissibles n’est pas exclue par la réglementation de l’Union et ne peut, en l’espèce, démontrer que la République italienne a appliqué de manière erronée la définition de la notion de PP en incluant, dans celle-ci, les PLT.

132    Dans la mesure où il appartient aux États membres de choisir d’inclure ou non, dans les surfaces PP visées à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, les parcelles agricoles comprenant d’autres espèces telles que des arbustes et/ou des arbres pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes, ou bien les PLT, la Commission ne saurait soutenir que, en ayant choisi la seconde option, les autorités italiennes ont enfreint l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 ou bien ont rendu admissibles des surfaces originairement inadmissibles.

133    Au contraire, il y a lieu de reconnaître que la réglementation de l’Union permet aux autorités italiennes de ne pas tenir compte des arbustes et des arbres lorsque l’herbe demeure prédominante. En effet, il n’est pas contesté que, lorsque l’herbe demeure prédominante, les animaux préfèrent se nourrir d’herbe et donc que, dans ce type de configuration, la valeur fourragère apportée par les arbustes à une surface de PP est négligeable. Il en va différemment, en revanche, pour les PLT où paissent traditionnellement et effectivement des espèces de bétail adaptées aux pratiques établies de pâturage d’espèces fourragères non herbacées. Dans ces conditions, étant donné que les espèces d’arbustes et/ou d’arbres constituent, pour ces surfaces, une importante ressource pour l’alimentation du bétail et que, pendant certaines saisons, il s’agit de la seule ressource fourragère disponible, les autorités italiennes ont pu légitimement inclure lesdites PLT dans la définition de la notion de PP sans pour autant donner lieu à des discriminations. Ainsi que l’affirme également l’organe de conciliation, il ne saurait être reconnu que les autorités italiennes appliquent un régime discriminatoire. En effet, les agriculteurs n’ayant pas déclaré que des animaux paissaient traditionnellement sur leurs parcelles ne se trouvaient pas dans la même situation que les agriculteurs ayant déclaré que des animaux paissaient sur leurs parcelles sur lesquelles les régions ont reconnu que le pâturage résultait de la pratique locale traditionnelle (voir point 130 ci-dessus).

134    Il s’ensuit que la définition de la notion de PP appliquée par les autorités italiennes ne crée pas de discriminations injustifiées entre les agriculteurs, dès lors que les autorités italiennes se sont limitées à tenir compte de la spécificité de la surface adaptée au pâturage eu égard aux pratiques d’élevage traditionnellement adoptées en Italie. Cette approche a donc conduit à traiter de manière similaire des situations similaires et de manière différente des situations différentes.

135    Par conséquent, la Commission a conclu à tort que la République italienne avait appliqué de manière erronée la définition de la notion de PP et de PLT au motif que la définition appliquée par les autorités italiennes comprenait des surfaces ne comportant aucune prairie, mais uniquement des arbrisseaux inaccessibles et que ces surfaces n’étaient pas utilisées traditionnellement, ni même occasionnellement pour faire paître les animaux du fait de leur inaccessibilité. Contrairement à ce qu’affirme la Commission, la République italienne a adopté une législation nationale fixant des critères d’éligibilité des surfaces, liés notamment à leur accessibilité et à leur caractère pâturable, conformes aux exigences de la législation de l’Union.

136    La décision des autorités italiennes d’inclure les espèces d’arbustes et/ou d’arbres sur les PLT n’obligeait pas lesdites autorités à étendre ce choix également aux terrains où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacée sont prédominantes. Ainsi, la République italienne a pu, sans enfreindre les dispositions de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, identifier, en application de l’article 7, paragraphe 9, du décret ministériel no 6513, du 18 novembre 2014, deux types de surfaces éligibles dans les notifications du système d’information des marchés agricoles (ISAMM), à savoir :

–        le pâturage comportant des broussailles et des arbres de type méditerranéen, à savoir des surfaces comportant des arbres et des broussailles (où la végétation ligneuse couvre la partie principale de la surface) qui, avec l’herbe, constituent un couvert fourrager supérieur à 50 % ;

–        les autres pâturages, à savoir les pâturages traditionnels où le couvert d’herbes et d’autres espèces fourragères herbacées, avec les plantes fourragères non utilisées pour le pâturage, ne dépassent pas 50 %.

137    La conclusion qui figure aux points 135 et 136 ci-dessus n’est pas remise en cause par les autres arguments avancés par la Commission.

138    Contrairement à ce que soutient la Commission, le premier moyen n’est pas en contradiction avec ce que les autorités italiennes ont soutenu tant lors de la procédure administrative que dans le cadre des deuxième et troisième moyens du recours.

139    En effet, ainsi que cela ressort du dossier, et comme le soutient la République italienne, le but des activités de quantification du risque sur une base ponctuelle au cours de la procédure administrative était d’éviter l’application de la correction forfaitaire et c’est uniquement pour suivre les indications de la Commission, tout en précisant qu’elles ne les partageaient pas, que les autorités italiennes ont inclus, dans le calcul du risque financier, les autres manquements relatifs aux PP en insistant sur le fait que la Commission adoptait une définition erronée de celles-ci et des PLT. Plus précisément, sans être contredites sur ce point par la Commission, les autorités italiennes ont notamment fait valoir que la quantification initiale de 875 552,94 euros, envoyée avant la procédure de conciliation et résultant exclusivement de certains décalages entre les parcelles enregistrées et la parcelle de référence qui, en Italie, est la parcelle cadastrale, est passée à 12 848 370,50 euros dans la lettre du 15 juillet 2019 (voir point 25 ci-dessus), précisément en raison, d’une part, de l’extension des PLT aux parcelles limitrophes appartenant à des agriculteurs sans bétail afin d’éviter une prétendue discrimination et, d’autre part, de la diminution de moitié, dans les prairies permanentes proches des surfaces adaptées au pâturage selon les pratiques locales traditionnelles où l’herbe est prédominante, des coefficients du système de prorata de 50 et de 20 %.

140    S’agissant de l’allégation de la Commission selon laquelle la République italienne ne pouvait pas, d’une part, soutenir que la définition de la notion de PLT était correcte et, d’autre part, s’engager à mettre en place un plan d’action visant à l’actualisation du SIPA, il ressort de l’annexe C1 que l’objectif du plan d’action était d’abandonner l’usage de la parcelle cadastrale comme parcelle de référence pour le SIPA et de procéder à une redéfinition globale des méthodes de vérification des conditions d’éligibilité du sol. La raison pour laquelle les autorités italiennes ont prévu une nouvelle forme de représentation des surfaces, plus conforme au caractère objectif du sol, est due à l’application de nouvelles méthodes de représentation du sol apparue au fil du temps. Ledit plan n’est pas censé influencer l’interprétation et l’application correcte des notions de PP et de PLT. Ainsi, la Commission ne peut être suivie lorsque, par son argumentation, elle suggère que la mise en place d’un plan d’action par les autorités italiennes et l’efficacité de ce plan avaient une incidence sur l’interprétation de la notion de PP. Au contraire, c’est la question de l’interprétation de la notion de PP qui avait une incidence sur la mise en place et sur l’efficacité du plan d’action. En effet, force est de constater qu’une divergence d’interprétation en ce qui concerne ladite notion faisait obstacle à l’établissement, par les autorités italiennes, d’un plan d’action susceptible d’être accepté par la Commission.

141    S’agissant de la contradiction alléguée par la Commission entre le premier et le deuxième moyen, il convient de constater que ce dernier moyen a été soulevé « en tout état de cause », à savoir à titre subsidiaire, pour le cas où le premier moyen ne pourrait pas aboutir. Par ailleurs, ledit moyen porte sur la quantification du risque lié à l’ensemble des manquements identifiés par la Commission, y compris celui lié à la définition de la notion de PP. Ainsi, il n’existe aucune contradiction entre les moyens en question. L’absence de contradiction entre le premier et le deuxième moyen implique également l’absence de contradiction entre le premier et le troisième moyen, qui se limite à soulever la violation de l’obligation de motivation et la violation des droits de la défense résultant de l’absence d’explications du caractère « disproportionné » de l’effort qui aurait dû, selon la Commission, être mis en place pour vérifier les calculs fournis par les autorités italiennes.

142    Au regard de tout ce qui précède et comme cela ressort des développements consacrés à l’examen du caractère opérant du premier moyen, l’erreur commise par la Commission a une incidence sur le montant de la correction financière décidée par cette dernière. Dans ces conditions, la décision attaquée doit être annulée en ce qu’elle prévoit une correction financière de 143 924 279,14 euros, établie à la suite des enquêtes AA/2016/003/IT, AA/2016/012/IT et AA/2016/015/IT, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deuxième et troisième moyens.

B.      Sur les quatrième et cinquième moyens, afférents à la correction de 11 050 070,04 euros établie à la suite de l’enquête FV/2016/002/IT

143    Le quatrième moyen est tiré de ce que la décision attaquée, pour autant qu’elle prévoit la correction financière mentionnée au deuxième tiret du point 2 ci‑dessus, viole les articles 26, 27 et 106 du règlement d’exécution (UE) no 543/2011 de la Commission, du 7 juin 2011, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés, (JO 2011, L 157, p. 1), ainsi que l’article 155 du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) n234/2007 du Conseil, (JO 2013, L 347, p. 671), en ce qui concerne le contrôle clé no 1 relatif aux contrôles visant à établir l’accès à l’aide demandée.

144    Le cinquième moyen est tiré de ce que la décision attaquée, pour autant qu’elle prévoit la correction financière mentionnée au deuxième tiret du point 2 ci‑dessus, viole les articles 31 et 106 du règlement d’exécution no 543/2011 ainsi que le règlement délégué (UE) no 499/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant les règlements nos 1308/2013 et 1306/2013 en modifiant le règlement d’exécution no 543/2011 en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés (JO 2014, L 145, p. 5), au motif que, s’agissant du contrôle clé n3, ladite décision considère qu’il existe une insuffisance dans le contrôle du respect du « critère démocratique » des organisations de producteurs (OP).

1.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des articles 26, 27 et 106 du règlement d’exécution no 543/2011 et de l’article 155 du règlement no 1308/2013

145    Par la première branche du quatrième moyen, tirée de la violation de l’article 106 du règlement d’exécution no 543/2011, la République italienne conteste les lacunes constatées par la Commission en ce qui concerne le contrôle de l’éligibilité du PO des OP avant son approbation, sous l’angle de la vérification du sérieux des estimations des prix pour l’achat des biens et des services.

146    Par la seconde branche du quatrième moyen, tirée de la violation de l’article 155 du règlement no 1308/2013 et des articles 26 et 27 du règlement d’exécution no 543/2011, en ce qui concerne le contrôle clé no 1, relatif aux contrôles visant à établir l’accès à l’aide, la République italienne conteste les lacunes constatées par la Commission en ce qui concerne le contrôle relatif à l’octroi de la reconnaissance du statut des OP sous l’angle de l’externalisation de leur activité principale.

a)      Sur la première branche du quatrième moyen, concernant le contrôle de l’éligibilité du PO des OP avant son approbation sous l’angle de la vérification du sérieux des estimations des prix pour l’achat des biens et des services

147    Dans le cadre de la première branche du quatrième moyen, la République italienne fait valoir que la Commission a considéré, à tort, que le contrôle de l’éligibilité des PO des OP sous l’angle de la vérification du sérieux des estimations des prix pour l’achat des biens et des services, effectué dans le cadre des exercices financiers 2014 à 2017, était insuffisant. Selon la République italienne, la décision attaquée est entachée d’une violation de l’article 106 du règlement d’exécution n543/2011 qui prévoit les contrôles sur place relatifs aux demandes d’aide en faveur des PO.

148    Premièrement, d’abord, la République italienne considère que la Commission a fondé ses conclusions sur un seul cas, celui de l’organisation de producteurs Kiwi Sole, dans lequel, pour une dépense supérieure à 50 000 euros, il n’y avait pas eu d’étude de marché fondée sur l’obtention d’au moins trois devis. Cependant, d’une part, ce cas isolé concernerait une dépense qui n’a jamais été déclarée et partant insusceptible de porter préjudice au budget de l’Union. D’autre part, ledit cas ne saurait fonder l’existence d’une insuffisance systémique du contrôle clé relatif à l’éligibilité des PO des OP.

149    Ensuite, dans la réplique, la République italienne conteste le manque de clarté du rappel, effectué par la Commission dans le mémoire en défense, des éléments essentiels de l’enquête FV/2016/002/IT, au motif que cette institution utilise des expressions imprécises, tels que « pas toujours », « généralement », « listes de contrôles […] pas claires ». La République italienne fait valoir que, si la Commission avait estimé que des éléments fournis par les autorités italiennes n’étaient pas clairs, il lui incombait d’obtenir des informations supplémentaires. La République italienne soutient que, au cours de la procédure administrative, la Commission n’a fait aucune référence précise aux prétendues irrégularités de l’activité de contrôle réalisée par les autorités italiennes. S’agissant du document joint à la notification des conclusions du 8 juillet 2016 (mentionnée au point 32 ci-dessus), il contiendrait uniquement une liste d’OP soumises à une analyse documentaire. Cette liste n’indiquerait pas de manière concrète les lacunes en matière d’exécution de contrôles relatifs au sérieux des estimations des prix spécifiquement constatées s’agissant des OP figurant sur la liste. En outre, les griefs soulevés par la Commission lors de l’enquête seraient très généraux et auraient empêché les autorités italiennes d’en comprendre la portée afin d’exercer pleinement leurs droits de la défense. De plus, ces griefs ne seraient pas étayés. En effet, selon la République italienne, la Commission utilise les cas de différentes OP pour justifier le caractère systémique de l’insuffisance dans les contrôles du sérieux des estimations des prix. Cependant, la Commission ne préciserait pas de quels documents elle tire de telles conclusions (listes de contrôle, dossiers d’instruction, procès-verbaux de contrôle, etc.).

150    Enfin, il ressortirait de la réglementation italienne que plusieurs devis doivent être présentés pour les investissements supérieurs à 50 000 euros. Par ailleurs, trois devis seraient obtenus et contrôlés tant au stade de l’approbation des dépenses pour vérifier le sérieux des estimations des prix qu’au stade de la vérification de la déclaration des dépenses, afin de contrôler la cohérence des dépenses programmées et approuvées avec leur réalisation effective.

151    Deuxièmement, la Commission n’aurait pas pris en compte, à tort, la liste plus complète des contrôles effectués démontrant que, pour les investissements d’une valeur supérieure à 50 000 euros, les régions italiennes avaient autorisé les achats uniquement après la présentation de trois devis, comme il est prévu par la réglementation nationale. En effet, les autorités italiennes auraient fourni à la Commission, par note AGEA du 21 avril 2017, une liste de cas d’investissements qui démontrerait que les achats d’un montant supérieur à 50 000 euros auraient toujours été autorisés par les régions après la présentation systématique et récurrente de trois devis.

152    Troisièmement, s’agissant des investissements d’une valeur inférieure à 50 000 euros, la réglementation nationale et de l’Union ne prévoirait pas l’obligation de l’obtention préalable de trois devis. La République italienne ajoute que les montants globalement octroyés pour des investissements inférieurs au seuil de 50 000 euros représentaient à peine 1,97 à 1,98 % du montant total du financement. Ainsi, les dépenses inférieures à 50 000 euros représenteraient une part négligeable. Ainsi, la correction financière appliquée par rapport au risque supporté par le Fonds se révélerait disproportionnée. Enfin,  nonobstant l’absence d’une obligation en ce sens, la région du Latium aurait, par décision du 19 juillet 2016, renforcé les procédures d’estimation relatives au contrôle de l’éligibilité des PO, en prévoyant l’obtention de trois devis également pour les dépenses inférieures au seuil des 50 000 euros. La nouvelle réglementation de la région du Latium aurait été appliquée dès l’année 2016 et aurait concerné l’actualisation des PO de la majorité des OP de ladite région déjà au cours de l’année 2016. Ainsi, la correction financière ne serait pas justifiée.

153    La Commission conteste les allégations de la République italienne.

154    À titre liminaire, il convient de rappeler que le règlement (CE) no 1234/2007, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique ») (JO 2007, L 299, p. 1), fixe notamment les règles concernant la reconnaissance et le fonctionnement des OP. Ces dernières doivent notamment permettre d’élaborer une programmation commune de la production de leurs membres et de pouvoir l’adapter à la demande.

155    L’article 100 du règlement d’exécution no 543/2011, intitulé « Procédure de présentation des demandes », prévoit que :

« Sans préjudice des dispositions particulières du présent règlement, les États membres prévoient des procédures appropriées pour la présentation des demandes d’aide, pour les demandes de reconnaissance ou d’approbation des programmes opérationnels ainsi que pour les demandes de paiement. »

156    L’article 101 du même règlement, intitulé « Échantillonnage », dispose que :

« Lorsqu’il est souhaitable d’effectuer des contrôles par sondage, les États membres s’assurent, sur la base d’une analyse des risques, que la nature et la fréquence des contrôles soient adaptées à la mesure concernée. »

157    L’article 104, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011 est rédigé comme suit :

« 2. Avant d’approuver un programme opérationnel en application de l’article 64, l’autorité compétente de l’État membre vérifie par tous les moyens utiles, y compris les contrôles sur place, le programme opérationnel soumis pour approbation et, le cas échéant, les demandes de modification. Ces contrôles portent en particulier sur :

« […]

d)      la cohérence et la qualité technique des programmes, le sérieux des estimations, la solidité du plan de financement ainsi que la programmation de sa mise en œuvre. Les contrôles permettent de vérifier si des objectifs quantifiables ont été fixés pour qu’il soit possible de contrôler leur bonne réalisation et si les objectifs fixés peuvent être atteints grâce à la mise en œuvre des actions proposées, et

e)      la conformité des opérations pour lesquelles une aide est demandée avec les règles nationales et de l’Union applicables en matière, notamment et, le cas échéant, de marchés publics et d’aides d’État ainsi qu’avec les autres normes obligatoires concernées, établies par la législation nationale, dans le cadre national ou dans la stratégie nationale. »

158    L’article 106 du règlement d’exécution no 543/2011 prévoit que :

« 1. Dans le contexte de la vérification de la demande d’aide visée à l’article 69, paragraphe 1, les États membres effectuent des contrôles sur place dans les locaux des organisations de producteurs afin de s’assurer du respect des conditions d’octroi de l’aide ou du solde de l’aide pour l’année considérée.

Ces contrôles concernent en particulier :

a)      le respect des critères de reconnaissance pour l’année considérée ;

b)      l’utilisation du fonds opérationnel pour l’année considérée, y compris les dépenses déclarées dans les demandes d’avance ou de paiement partiel, la valeur de la production commercialisée, les contributions au fonds opérationnel et les dépenses exposées justifiées par des documents comptables ou d’une autre nature ;

[…]

2. Les contrôles visés au paragraphe 1 portent, chaque année, sur un échantillon significatif de demandes. L’échantillon représente au moins 30 % du montant total de l’aide demandée dans les États membres où plus de dix organisations de producteurs sont reconnues. Dans les autres cas, chaque organisation de producteurs fait l’objet d’une visite au moins une fois tous les trois ans.

Chaque organisation de producteurs fait l’objet d’au moins un contrôle avant le paiement de l’aide ou du solde de l’aide pour la dernière année du programme opérationnel la concernant.

3. Les résultats des contrôles sur place sont évalués en vue de déterminer si les éventuels problèmes rencontrés sont de nature systémique et laissent donc supposer un risque pour d’autres actions, bénéficiaires ou organismes similaires. L’évaluation détermine en outre les causes de ces situations, les analyses complémentaires éventuelles à effectuer et les mesures préventives et correctives à prendre.

Si les contrôles font apparaître des irrégularités significatives dans une région ou partie de région ou pour une organisation de producteurs donnée, l’État membre effectue des contrôles supplémentaires pendant l’année considérée et accroît le pourcentage des demandes correspondantes à contrôler l’année suivante.

4. L’État membre détermine, sur la base d’une analyse des risques, quelles sont les organisations de producteurs à contrôler.

L’analyse des risques tient compte en particulier :

a)      du montant de l’aide ;

b)      des constatations effectuées lors de contrôles au cours des années précédentes ;

c)      d’un facteur aléatoire, et

d)      d’autres paramètres à définir par les États membres. »

159    Il convient de vérifier si la République italienne a présenté la preuve de l’inexactitude des constatations de la Commission, conformément à la jurisprudence mentionnées aux points 68 à 71 ci‑dessus.

160    En l’espèce, ainsi que l’affirme à bon droit la Commission et sans que la République italienne le conteste au demeurant dans la réplique, la disposition pertinente est l’article 104, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011 qui définit les contrôles, y compris les contrôles sur place, que l’autorité compétente de l’État membre doit effectuer avant d’approuver le PO soumis pour approbation et, le cas échéant, les demandes de modification. Ces contrôles portent notamment sur « la cohérence et la qualité technique des programmes, le sérieux des estimations des prix, la solidité du plan de financement ainsi que la programmation de sa mise en œuvre » (voir point 157 ci-dessus).

161    À cet égard, il importe de rappeler qu’il ressort du rapport de synthèse que, selon la Commission, les contrôles de l’éligibilité du PO qui devaient être effectués par les autorités nationales avant l’approbation et la modification de ce programme n’étaient pas conformes aux articles 100 et 104 du règlement d’exécution no 543/2011, étant donné qu’ils n’offraient pas de garanties suffisantes quant au sérieux des estimations de prix. Dans ledit rapport de synthèse, il est indiqué que l’insuffisance qui avait engendré le risque que des investissements surestimés soient approuvés et, que partant des paiements excessifs soient effectués, constituait le motif justifiant d’exclure les dépenses du financement du FEAGA. Le rapport de synthèse fait également état des observations des autorités italiennes selon lesquelles le régime national prévoit l’obligation, pour les OP, de présenter trois offres uniquement lorsque la valeur des investissements excède 50 000 euros. À cet égard, le rapport de synthèse précise que, selon la Commission, les preuves recueillies au cours des audits démontraient que, de manière générale, les autorités italiennes approuvaient des investissements supérieurs à 50 000 euros sur la base d’une seule offre. En revanche, la Commission considérait que la présentation d’une offre unique pour les équipements d’une valeur inférieure à 50 000 euros démontrait l’absence d’une comparaison adéquate et ne garantissait pas que les estimations de coût étaient suffisamment fiables en ce qui concerne les programmes opérationnels de 2013 à 2016.

162    Dans le rapport de synthèse, il est, en outre, indiqué que, selon la Commission, la population à risque ne devait pas être limitée à celle relative aux investissements inférieurs à 50 000 euros, représentant uniquement 2 % du montant total versé, mais devait inclure également celle relative aux investissements supérieurs à 50 000 euros. Si la Commission a pris en compte le fait que les autorités italiennes avaient fourni un calcul plus précis du dommage financier pour le Fonds, à la suite de l’avis de l’organe de conciliation, elle a tout de même considéré que la « population » à risque à prendre en compte était la plus large, laquelle absorbait les autres « populations » de dépenses affectées par cette insuffisance de contrôle. Par conséquent, c’est sur cette « population » à risque plus large, à savoir celle relative tant aux investissements supérieurs qu’aux investissements inférieurs à 50 000 euros, que la Commission a appliqué une correction forfaitaire de 5 %. Enfin, le rapport de synthèse précise que, selon la Commission, l’acceptation de la proposition des autorités italiennes d’appliquer la correction sur une « population » de dépenses limitée n’a pas remis en cause la pertinence du grief formulé dans la lettre de conciliation quant à l’insuffisance des contrôles.

163    Premièrement, il ressort de l’annexe à la notification des conclusions du 8 juillet 2016 (mentionnée au point 32 ci-dessus), que la Commission, pour conclure à l’existence d’une insuffisance de nature systématique des contrôles préalables des PO conformément aux dispositions de l’article 104, paragraphe 2, sous d), du règlement d’exécution no 543/2011, s’est fondée sur l’analyse des dossiers de neufs OP et a procédé à des contrôles sur place pour quatre desdites OP. Dans cette annexe, la Commission a communiqué aux autorités italiennes la liste des OP ayant fait l’objet de vérifications.

164    En outre, dans la lettre de conciliation du 23 novembre 2017, la Commission a précisé que, lors de la réunion bilatérale du 18 janvier 2017 (voir point 34 ci‑dessus), les autorités italiennes avaient reconnu que les lacunes observées ne concernaient pas uniquement une OP et avaient par conséquent demandé davantage d’informations. Ce courrier contient, en son annexe 3, la liste de cinq OP dans lesquelles des lacunes avaient été constatées en matière d’exécution des contrôles relatifs au sérieux des estimations des prix.

165    Il ressort des courriers, mentionnés aux points 163 et 164 ci-dessus, que, contrairement à ce que prétend la République italienne, la Commission ne s’est pas limitée à fournir une liste d’OP sans indiquer de manière concrète les lacunes en matière d’exécution de contrôles relatifs au sérieux des estimations des prix spécifiquement constatées s’agissant des OP figurant sur la liste. En effet, dans les courriers en cause, il est précisé que l’analyse des dossiers a permis à la Commission de constater que, pour certains aspects du PO, tels que les équipements des OP pour la récolte ou les services des organisateurs d’événements, il manquait des éléments probants attestant que les autorités de contrôle avaient dûment vérifié la fiabilité des estimations de prix et le caractère raisonnable du niveau des coûts des investissements avant l’approbation desdits programmes et des modifications correspondantes. C’est en raison de ces considérations que la Commission a conclu que les dossiers soumis à vérification se fondaient, généralement, sur une seule offre ou ne comportaient pas des études de marché, une liste comparative des prix ou les critères détaillés utilisés pour le calcul des coûts et que les autorités italiennes n’avaient pas procédé à des contrôles croisés avec les prix du marché. Enfin, la Commission a considéré que la liste de contrôles fournie par les autorités italiennes n’était pas claire en ce qui concernait l’exécution effective des vérifications des estimations des prix.

166    S’agissant de la contestation du caractère général et imprécis des griefs de la Commission visant à faire valoir l’insuffisance des contrôles du sérieux des estimations des prix en ce qui concerne les organisations de producteurs autres que Kiwi Sole, qui empêcherait l’exercice des droits de la défense de la République italienne, il convient de noter qu’il ressort des documents officiels, tels que des directives exécutives ou des décisions de gestion, par lesquels les années des PO ou leurs modifications ont été individuellement approuvées au cours d’une année déterminée, que les autorités italiennes n’ont pas effectué les contrôles requis par l’article 104, paragraphe 2, du règlement d’exécution n543/2011.

167    Plus précisément, la lecture de la décision du directeur de la région des Abruzzes, adoptée le 10 janvier 2014 et relative à l’approbation de l’année 2014 du PO présenté par l’OP Meteora Società agricola a.r.l, ne fait aucune référence au fait qu’un contrôle spécifique et détaillé du sérieux des estimations des coûts des mesures prévues et approuvées pour l’année 2014 aurait été effectué. De plus, l’approbation régionale du PO ne contient pas d’éléments permettant d’apprécier si le contrôle du sérieux des estimations des prix a eu lieu. Cette approbation se limite à observer que, sur la base des vérifications figurant dans la liste des contrôles annexée, le PO est conforme à la réglementation de l’Union et, en particulier, au règlement d’exécution no 543/2011. Cette liste annexée ne montre pas qu’un contrôle du sérieux des estimations des prix a été effectué. La même conclusion, à savoir l’absence de démonstration de la vérification du sérieux des estimations des prix, peut être formulée en ce qui concerne les OP Associazione Ortofrutticola Molisana (ci-après « AOM ») de la région de Molise, CO.VAL.PA. de la région des Abruzzes et Funghidea de la région du Latium.

168    Ainsi, au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient la République italienne, la Commission ne s’est pas limitée à communiquer une liste d’OP. Elle a également expliqué les raisons qui l’ont conduite à considérer que, s’agissant de ces OP, la vérification du sérieux des estimations des prix de la part des autorités italiennes était insuffisante. La République italienne n’est donc pas fondée à faire valoir que ses droits de la défense auraient été méconnus.

169    En ce qui concerne l’OP Kiwi Sole de la région du Latium, dans la notification des conclusions du 8 juillet 2016 (voir point 32 ci-dessus), il est indiqué que l’audit avait mis en lumière que cette OP avait présenté une seule offre d’une valeur supérieure à 50 000 euros, pour investir dans des équipements pour la récolte, et que les autorités italiennes avaient promptement accepté l’explication avancée par l’OP, à savoir qu’il s’agissait d’un type unique d’équipement pour la récolte, conçu précisément pour répondre aux exigences de ladite organisation. Cependant, la Commission, en soumettant les fournisseurs éventuels de ce type d’équipement de récolte à un double contrôle, avait identifié des équipements similaires auprès de deux autres fournisseurs en Italie. C’est ainsi que, dans la notification de conclusion du 8 juillet 2016, la Commission a conclu que les investissements avaient été réalisés sans que la validité des estimations des prix soit adéquatement contrôlée, comme le requiert l’article 104, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011 et a considéré que le coût approuvé pouvait avoir été surestimé, entraînant ainsi un paiement excessif.

170    Il est vrai que, comme l’affirme la République italienne, l’investissement pour acheter une nouvelle machine à un prix supérieur à 50 000 euros en proposant une modification de l’OP Kiwi Sole n’a pas été reporté dans la déclaration des dépenses. Toutefois, force est de constater que, comme le fait valoir la Commission, cette OP a introduit une demande de modification de son programme, en vue d’acheter une autre machine à un prix inférieur à 50 000 euros et présentant des caractéristiques techniques différentes de celle initialement approuvée dans le cadre du PO, sans avancer une justification et sans à nouveau fournir plusieurs devis. En outre, la réponse de la République italienne, fondée sur la circonstance que, en vertu de la réglementation italienne, ladite OP n’était pas tenue de présenter plusieurs offres au motif que l’investissement était finalement inférieur à 50 000 euros, ne fait que confirmer le constat général de la Commission selon lequel il y a une insuffisance de nature systémique dans le contrôle de la vérification du sérieux des estimations des prix indépendamment du montant de l’investissement à effectuer. En effet, la circonstance que la législation n’imposait pas d’obtenir, au préalable, trois devis pour les investissements inférieurs à 50 000 euros ne saurait justifier, ainsi que le fait valoir la Commission, que ce type d’investissements était effectué sans contrôle adéquat du sérieux des estimations des prix, comme l’exige l’article 104, paragraphe 2, sous d), du règlement d’exécution no 543/2011.

171    Deuxièmement, s’agissant de l’absence de prise en compte, de la part de la Commission, de la liste des OP fournie par les autorités italiennes pour montrer différents cas dans lesquels l’obligation de présenter trois offres pour les investissements supérieurs à 50 000 euros avait été respectée, il y a lieu de relever que, certes, selon l’article 101 du règlement d’exécution no 543/2011, il appartient aux États membres de s’assurer, sur la base d’une analyse des risques, que la nature et la fréquence des contrôles soient adaptées à la mesure concernée. Cependant, il doit être possible de vérifier que l’échantillon a été choisi sur la base d’une analyse des risques ou de manière aléatoire. En l’espèce, aucune explication quant à la méthode utilisée pour effectuer la sélection des cas mentionnés dans la liste n’a été fournie par les autorités italiennes. C’est donc à juste titre que la Commission a estimé ne pas pouvoir prendre en compte la liste fournie par lesdites autorités afin d’exclure l’existence d’une insuffisance de nature systémique en ce qui concerne la vérification du sérieux des estimations des prix avant l’approbation du PO ou avant sa modification. Par ailleurs, il est vrai que, s’agissant de l’OP Consorzio Jonico ortofrutticoltori – soc.coop., la République italienne a fourni la démonstration qu’il y avait eu trois devis relatifs à l’achat d’ensacheuses et d’autres produits. Toutefois, comme le fait valoir la Commission, la preuve que ces devis ont été soumis avant l’approbation du PO ou avant sa modification fait défaut. En effet, comme l’affirme la Commission, la présentation de factures aux autorités compétentes en même temps que les offres correspondantes ne démontre pas que les contrôles ont été effectués avant l’approbation du PO ou au stade de la déclaration des dépenses. Au contraire, cela démontre plutôt que l’échantillon sélectionné par les autorités italiennes n’est pas apte à établir que la vérification du sérieux des estimations des prix avait été effectuée conformément à la réglementation de l’Union, à savoir avant l’approbation ou avant la modification du PO.

172    Il s’ensuit, en outre, que la République italienne n’a pas démontré que la Commission s’est fondée sur un seul cas, à savoir celui de l’OP Kiwi Sole, lorsqu’elle a conclu à une insuffisance de nature « systémique » dans la vérification du sérieux des estimations des prix.

173    Troisièmement, il y a lieu d’écarter les arguments de la République italienne selon lesquels la correction financière appliquée se révélerait disproportionnée au motif, d’une part, que le risque pour le Fonds, résultant des investissements inférieurs à 50 000 euros ayant fait l’objet de déclaration des dépenses pour les années 2013 et 2014 pour les OP payées par l’AGEA, correspondrait à un montant très faible et, d’autre part, que la région du Latium aurait adopté et appliqué, dès l’année 2016, une nouvelle réglementation garantissant la vérification du sérieux des estimations des prix s’agissant des PO de la majorité des OP de ladite région.

174    À cet égard, il importe de relever qu’il ressort du courrier Ares du 24 février 2017 (voir point 34 ci-dessus) que la Commission a pris acte du projet de modification de la réglementation italienne adoptée et appliquée par la région du Latium dès l’année 2016. Cependant, elle a considéré que cette modification ne remettait pas en cause le constat d’une insuffisance systématique des contrôles préalables des PO au regard de l’article 104, paragraphe 2, sous d), du règlement d’exécution no 543/2011.

175    En outre, d’une part, il convient d’observer que la réglementation en cause a été adoptée à une date postérieure à celle de l’audit qui a été mené en mars 2016. Ainsi, cette réglementation a eu une incidence sur la procédure qui s’est déroulée de septembre à décembre 2016 et qui concerne l’approbation des PO pour l’exercice 2017. En revanche, elle n’a eu aucun impact sur les programmes opérationnels relatifs aux exercices 2013 à 2016. D’autre part, même à supposer que, comme l’affirme la République italienne, la réglementation en cause, prévoyant la soumission de trois offres pour les investissements inférieurs à 50 000 euros, se soit appliquée dès l’année 2016 pour les modifications des PO demandées après juillet 2016, il y a lieu de considérer, à l’instar de la Commission, que l’incidence de la diminution de la population concernée par cette réglementation ne se révélerait pas significative. En effet, elle ne couvrirait que les investissements inclus dans les PO des OP de la région du Latium qui font l’objet d’une demande de modification au second semestre de la mise en œuvre desdits programmes.

176    Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que la République italienne n’a pas démontré l’inexactitude des constatations de la Commission. Par ailleurs, comme le fait valoir à bon droit la Commission, la République italienne fait référence de manière erronée à l’article 106 du règlement d’exécution no 543/2011. En effet, ainsi que cela ressort de la notification des conclusions du 8 juillet 2016, du courrier Ares(2017) 1011558, du 24 février 2017, et du rapport de synthèse, le contrôle clé dont le non-respect est reproché aux autorités italiennes est visé à l’article 104 du règlement d’exécution no 543/2011.

177    Il y a donc lieu de rejeter la première branche du quatrième moyen.

b)      Sur la seconde branche du quatrième moyen, tirée de la violation de l’article 155 du règlement no 1308/2013 et des articles 26 et 27 du règlement d’exécution no 543/2011, en ce qui concerne le contrôle de la reconnaissance du statut des OP sous l’angle de l’externalisation de leur activité principale

178    La République italienne fait valoir que la décision attaquée est illégale pour violation ou pour application erronée de l’article 155 du règlement no 1308/2013 ainsi que des articles 26 et 27 du règlement d’exécution no 543/2011. En effet, la Commission aurait considéré, à tort, que les OP avaient été indûment reconnues sans vérification des activités principales externalisées et que, ainsi, des paiements avaient pu être accordés à des OP qui n’y avaient pas droit.

179    Plus précisément, la République italienne estime que le grief de la Commission, tiré de l’existence d’une carence dans les contrôles de l’externalisation des activités des OP repose sur une interprétation erronée, d’une part, de l’article 125 quinquies du règlement no 1234/2007 et, d’autre part, de l’article 155 du règlement no 1308/2013 qui s’appliquerait ratione temporis. Selon la République italienne, ces deux dispositions prévoient la possibilité, pour l’État membre, d’autoriser les OP déjà reconnues à externaliser certaines activités. Lesdites dispositions ne prévoiraient pas l’obligation d’effectuer des contrôles de l’intention d’externaliser certaines activités avant la phase de reconnaissance. Les autorités italiennes auraient donc dûment effectué le contrôle de l’externalisation lors de la phase postérieure à celle de la reconnaissance. D’ailleurs, aucune OP n’aurait procédé à la moindre externalisation au cours des périodes de référence. L’observation formulée par les services de la Commission concernant l’absence de preuve de cette allégation négative serait contraire à la logique, dans la mesure où il ne peut être exigé de prouver des faits négatifs.

180    S’agissant de l’OP Funghidea, le contrôle de l’externalisation, effectué au stade du maintien de la reconnaissance déjà octroyée, aurait montré que l’externalisation de l’activité d’assistance technique en matière de culture de champignons concernait une activité accessoire par rapport à l’activité principale de l’OP de commercialisation de produits agricoles.

181    S’agissant de l’OP Consorzio Valli Trentine, la Commission aurait relevé, à tort, une insuffisance de contrôles de la part des autorités italiennes en ce qui concernait l’externalisation, par cette OP, de son activité principale. En effet, les contrôles auraient été effectués de manière correcte, puisqu’ils auraient conduit à la révocation, en 2015, de la reconnaissance accordée en 2014, en raison de la constatation du non-respect des exigences requises, et à l’exclusion de l’OP en cause du bénéfice des aides.

182    La Commission conteste les arguments de la République italienne.

183    La seconde branche du quatrième moyen vise, en substance, la conclusion de la Commission selon laquelle les contrôles effectués par les autorités italiennes en ce qui concerne les conditions posées par le droit de l’Union pour que les États membres puissent reconnaître des groupements de producteurs de fruits et légumes en tant qu’OP étaient insuffisants. Plus précisément, la Commission a reproché à la République italienne une carence dans le contrôle du critère de l’externalisation des activités des OP tant au stade de l’octroi de la reconnaissance qu’au stade de la vérification du respect des conditions pour le maintien de ladite reconnaissance.

184    À titre liminaire, il y a lieu de souligner que le législateur de l’Union confère aux OP un rôle important dans le cadre de la PAC dont elles assurent, à leur niveau, le fonctionnement décentralisé. Afin de pouvoir jouer ce rôle, les OP, notamment dans le secteur des fruits et légumes, se voient accorder certains pouvoirs et ont accès à un financement considérable tout en ayant la possibilité, sous certaines conditions, d’externaliser n’importe laquelle de leurs activités (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Fruition Po, C‑500/11, EU:C:2013:259, points 24 à 31).

185    S’agissant des objectifs des OP dans le secteur des fruits et légumes, l’article 122, premier alinéa, du règlement no 1234/2007 dispose :

« Les États membres reconnaissent les organisations de producteurs qui :

[…]

c)      ont un but précis qui peut notamment englober ou, dans le cas du secteur des fruits et légumes, qui englobe un des objectifs suivants :

i)      assurer la programmation de la production et son adaptation à la demande, notamment en quantité et en qualité ;

ii)      concentrer l’offre et mettre sur le marché la production de ses membres ;

iii)      optimiser les coûts de production et régulariser les prix à la production. »

186     De même, l’article 152 du règlement no 1308/2013 dispose que :

« Les États membres peuvent, sur demande, reconnaître les organisations de producteurs qui :

a)      se composent de producteurs dans un secteur précis énuméré à l’article 1er, paragraphe 2, et, conformément à l’article 153, paragraphe 2, [sous] c), sont contrôlées par ceux-ci ;

b)      sont constituées à l’initiative des producteurs ;

c)      poursuivent un but précis pouvant inclure au moins l’un des objectifs suivants :

i)      assurer la programmation de la production et son adaptation à la demande, notamment en termes de qualité et de quantité ;

ii)      concentrer l’offre et mettre sur le marché la production de leurs membres, y compris via une commercialisation directe ;

iii)      optimiser les coûts de production et les retours sur les investissements réalisés pour satisfaire aux normes environnementales et de bien-être des animaux, et stabiliser les prix à la production ;

[…] »

187    Par ailleurs, l’article 125 ter, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 prévoit ce qui suit :

« Les États membres reconnaissent comme organisation de producteurs dans le secteur des fruits et légumes toute entité juridique ou toute partie clairement définie d’une entité juridique qui en fait la demande à condition :

[…]

c)      qu’elle offre la garantie suffisante de pouvoir réaliser ses activités convenablement tant dans la durée qu’en termes d’efficacité et de concentration de l’offre. […] »

188    De manière similaire, aux termes de l’article 154, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013 :

« Afin d’être reconnue par un État membre, une organisation de producteurs qui fait cette demande de reconnaissance est une entité juridique ou toute partie clairement définie d’une entité juridique qui :

[…]

c)      offre des garanties suffisantes quant à l’exécution correcte de ses activités tant du point de vue de la durée que du point de vue de l’efficacité, de la mise à disposition effective de moyens d’assistance humains, matériels et techniques à ses membres, et s’il y a lieu, de la concentration de l’offre ;

[…] »

189    Le règlement d’exécution no 543/2011 prévoit, en son article 23 :

« Les États membres veillent à ce que les organisations de producteurs disposent du personnel, de l’infrastructure et de l’équipement nécessaires pour répondre aux critères fixés à l’article 122, premier alinéa, [sous] c), et à l’article 125 ter, paragraphe 1, [sous] e), du règlement (CE) no 1234/2007 et assurer leurs fonctions essentielles, notamment en ce qui concerne :

a)      la connaissance de la production de leurs membres ;

b)      la collecte, le tri, le stockage et le conditionnement de la production de leurs membres ;

c)      la gestion commerciale et budgétaire, et

d)      la comptabilité centralisée et un système de facturation. »

190    En outre, l’article 26, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011 prévoit :

« L’activité principale d’une organisation de producteurs concerne la concentration de l’offre et la mise sur le marché des produits de ses membres pour lesquels elle est reconnue. »

191    S’agissant de l’externalisation d’activités, l’article 26, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement d’exécution no 543/2011, issue de la modification apportée par le règlement délégué nº 499/2014, applicable à compter du 1er janvier 2015, dispose :

« La mise sur le marché est effectuée par l’organisation de producteurs, ou sous le contrôle de l’organisation de producteurs en cas d’externalisation au sens de l’article 27. Elle est accompagnée de la décision relative au produit destiné à être vendu, au choix du canal de distribution et, à moins que la vente ne soit réalisée par enchères, à la négociation de sa quantité et de son prix.

L’organisation de producteurs conserve pendant cinq ans au moins des documents, y compris comptables, qui prouvent que l’organisation de producteurs a concentré l’offre et mis sur le marché les produits de ses membres pour lesquels elle est reconnue. »

192    Par ailleurs, l’article 27, paragraphes 1 et 2, du règlement d’exécution no 543/2011, avant sa modification par le règlement délégué (UE) n° 499/2014, encadrait l’externalisation comme suit :

« 1. Les activités qu’un État membre peut autoriser d’externaliser, conformément à l’article 125 quinquies du règlement (CE) no 1234/2007, peuvent inclure notamment la collecte, le stockage, le conditionnement et la commercialisation de la production des membres de l’organisation de producteurs.

2. L’externalisation d’une activité d’une organisation de producteurs implique que l’organisation de producteurs conclut un accord commercial avec une autre entité, y compris un ou plusieurs de ses membres ou une filiale, pour l’exercice de l’activité concernée. L’organisation de producteurs reste néanmoins responsable de l’exercice de cette activité ainsi que du contrôle de gestion global et de la surveillance générale de l’accord commercial qui y est lié. »

193    Le règlement délégué no 499/2014 a modifié les paragraphes 1 et 2 de l’article 27 du règlement no 543/2011, qui, selon leur nouvelle formulation, applicable à compter du 1er janvier 2015, disposent :

« 1. Les activités dont un État membre peut autoriser l’externalisation, conformément à l’article 155 du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, concernent les objectifs des organisations de producteurs définis à l’article 152, paragraphe 1, [sous] c), de ce même règlement et peuvent inclure notamment la collecte, le stockage, le conditionnement et la commercialisation de la production des membres de l’organisation de producteurs.

2. Une organisation de producteurs qui externalise une activité conclut un accord commercial en passant un contrat écrit avec une autre entité, y compris un ou plusieurs de ses membres ou une filiale, aux fins de l’exercice de l’activité concernée. L’organisation de producteurs reste responsable de l’exercice de l’activité externalisée ainsi que du contrôle de gestion global et de la surveillance générale de l’accord commercial qui y sont liés. »

194    L’article 125 quinquies, du règlement no 1234/2007 indique :

« Les États membres peuvent autoriser une organisation de producteurs reconnue dans le secteur des fruits et légumes ou une association reconnue d’organisations de producteurs dans ce secteur à externaliser n’importe laquelle de ses activités, y compris à des filiales, à condition qu’elle fournisse à l’État membre des preuves suffisantes que cette solution est appropriée pour atteindre les objectifs de l’organisation de producteurs ou de l’association d’organisations de producteurs concernée. »

195    De même, l’article 155 du règlement no 1308/2013 dispose :

« Les États membres peuvent autoriser une organisation de producteurs reconnue ou une association d’organisations de producteurs reconnue dans les secteurs désignés par la Commission conformément à l’article 173, paragraphe 1, [sous] f), à externaliser n’importe quelle activité autre que la production, y compris à des filiales, à condition qu’elle reste responsable de l’exécution de l’activité externalisée et du contrôle global de la gestion et de la supervision de l’accord commercial portant sur l’exécution de l’activité. »

196    Selon l’article 104, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011, qui s’inscrit dans le chapitre V dudit règlement intitulé « Dispositions générales » et qui figure à sa section II concernant les contrôles :

« 1. Avant de reconnaître une organisation de producteurs en application de l’article 125 ter, paragraphe 2, [sous] a), du règlement (CE) no 1234/2007, les États membres effectuent une visite sur place auprès de l’organisation de producteurs afin de vérifier le respect des conditions de reconnaissance. 

[…] »

197    Aux termes de l’article 106, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011 :

« 1.      Dans le contexte de la vérification de la demande d’aide visée à l’article 69, paragraphe 1, les États membres effectuent des contrôles sur place dans les locaux des organisations de producteurs afin de s’assurer du respect des conditions d’octroi de l’aide ou du solde de l’aide pour l’année considérée.

Ces contrôles concernent en particulier :

a)      le respect des critères de reconnaissance pour l’année considérée ;

[…] »

198    Cela étant précisé, il importe de rappeler qu’il ressort du rapport de synthèse que, selon Commission, le système italien des contrôles relatifs aux OP et aux PO pour les exercices 2013 à 2016 présentait des lacunes dans l’exécution de deux contrôles clés :

–        le contrôle visant à établir l’accès à l’aide demandée, au regard, notamment, du contrôle de reconnaissance du statut en ce qui concerne l’externalisation de l’activité principale de l’OP (contrôle clé no 1) ;

–        l’exécution d’un nombre suffisant de contrôles sur place relatifs aux demandes d’aide, au regard du contrôle des critères de reconnaissance de l’externalisation de l’activité principale de l’OP (contrôle clé no 3).

199    Le rapport de synthèse indique que, lors de l’audit, la Commission a observé que les autorités italiennes n’avaient pas abordé le problème de la vérification du respect des critères fixés pour l’externalisation éventuelle des activités principales des OP (contrôle clé n1). À cet égard, elle a constaté que l’examen des listes de contrôle pour l’octroi de la reconnaissance ne permettait pas de confirmer clairement que le contrôle croisé des critères de reconnaissance avait été réellement effectué dans le cadre du contrôle sur place. Ledit rapport de synthèse précise, en outre, que  la Commission a également relevé des lacunes en matière de vérifications des activités principales externalisées des OP, lors de la phase de contrôle du maintien de la reconnaissance (contrôle clé n3). Plus précisément,  la Commission a  identifié des lacunes en ce qui concernait l’exécution d’un nombre suffisant de contrôles sur place visant à s’assurer du respect des critères de reconnaissance des OP, au regard, notamment, de l’externalisation de l’activité principale des OP (lettre de conciliation du 23 novembre 2017, section 1.2.3). Les lacunes relatives au contrôle du respect de la condition de l’externalisation portaient sur les PO allant de 2013 à 2015.

200    En premier lieu, il convient de vérifier si l’interprétation défendue par la République italienne, selon laquelle ni la réglementation nationale ni celle de l’Union ne prévoient que, au moment de l’octroi de la reconnaissance, l’intention future et éventuelle de l’OP de procéder à l’externalisation de ses activités soit vérifiée. Plus précisément, il s’agit d’apprécier si, comme le fait valoir la République italienne, le contrôle du respect du critère de l’externalisation doit être effectué uniquement lors de la phase de vérification des conditions pour le maintien de la reconnaissance déjà accordée. La République italienne procède à une telle interprétation en se fondant sur la lecture de l’article 125 quinquies du règlement no 1234/2007 et de l’article 155 du règlement no 1308/2013, dans sa version applicable ratione temporis. Elle fait notamment valoir que la réglementation de l’Union applicable aux contrôles des externalisations exclut clairement l’obligation d’effectuer des contrôles avant la phase de reconnaissance.

201    À cet égard, il convient de relever que, selon le considérant 21 du règlement d’exécution n543/2011, « il importe que les activités principales et essentielles d’une organisation de producteurs concernent la concentration de l’offre et la commercialisation ». En outre, il ressort des dispositions mentionnées aux points 185 à 190 ci-dessus que les États membres reconnaissent en tant qu’OP des entités juridiques qui offrent des garanties suffisantes de pouvoir réaliser leurs activités convenablement tant dans la durée qu’en termes d’efficacité et de concentration de l’offre. En d’autres termes, les organisations en cause, pour être reconnues, doivent assurer l’exécution correcte de leurs activités tant du point de vue de la durée que du point de vue de l’efficacité, de la mise à disposition effective de moyens d’assistance humains, matériels et techniques à leurs membres, et s’il y a lieu, de la concentration de l’offre.

202    Le règlement d’exécution n543/2011, sous le titre III « Organisations de producteurs », dans son chapitre I, intitulé « Exigences et reconnaissance », à la section II, relative aux « Exigences applicables aux organisations de producteurs », contient une disposition, l’article 26, qui rappelle que l’activité principale d’une OP concerne la concentration de l’offre et la mise sur le marché des produits de ses membres pour lesquels elle est reconnue. Cette disposition indique également que la mise sur le marché est effectuée par l’OP elle-même, ou bien sous le contrôle de celle-ci en cas d’externalisation. L’externalisation est traitée plus en détail à l’article 27 du règlement d’exécution n543/2011. Cette disposition précise, notamment, que l’externalisation d’une activité d’une OP implique que celle-ci reste néanmoins responsable de l’exercice de cette activité ainsi que du contrôle de la gestion globale et de la surveillance générale de l’accord commercial qui y est lié.

203    Il résulte donc de ce qui précède que, aux fins de la reconnaissance en tant qu’OP, l’entité juridique doit poursuivre son activité principale consistant en la concentration de l’offre et la mise sur le marché des produits de ses membres directement ou, en cas d’externalisation, en demeurant responsable de l’exercice de ladite activité. Les États membres sont tenus d’effectuer des contrôles pour s’assurer que tel est le cas. Or, les contrôles en question sont mentionnés à l’article 104 du règlement d’exécution no 543/2011, intitulé « Octroi de la reconnaissance et approbation des programmes opérationnels » et selon lequel, « avant de reconnaître une organisation de producteurs », les États membres effectuent une visite sur place auprès de celle-ci et vérifient le respect des conditions de reconnaissance. Ces conditions, ainsi qu’il vient d’être expliqué, figurent notamment dans les articles 26 et 27 du règlement d’exécution no 543/2011.

204    Au regard de ce qui précède, d’une part, la Commission soutient, à bon droit que, dans le cadre des vérifications qu’il convient d’effectuer en vue de l’octroi de la reconnaissance du statut d’OP, il y a lieu de tenir compte des exigences prévues par les articles 26 et 27 du règlement d’exécution no 543/2011, à savoir l’appréciation des activités principales exercées par les OP ainsi que de celles qu’il est permis d’externaliser. D’autre part, elle soutient également à juste titre que l’article 155 du règlement no 1308/2013 n’est qu’un rappel de l’article 27 du règlement d’exécution no 543/2011, dans la mesure où cette disposition prévoit que les États membres autorisent les OP à externaliser des activités principales, sous réserve de certaines exceptions.

205    Ladite interprétation ressort également de la jurisprudence selon laquelle l’externalisation d’activités ne peut en aucun cas permettre aux OP de s’affranchir des conditions auxquelles elles sont soumises pour être reconnues comme telles, y compris la condition qui impose à ces organisations d’offrir une garantie suffisante quant à la réalisation, à la durée et à l’efficacité de leur action (voir arrêt du 10 décembre 2015, Belgique/Commission, T‑563/13, non publié, EU:T:2015:951, point 54 et jurisprudence citée). En outre, selon ladite jurisprudence, si une OP pouvait confier à des tiers l’exercice, en toute autonomie et sans contrôle, de ses activités essentielles, elle ne serait plus en mesure de veiller continuellement au respect des conditions de reconnaissance, y compris celle qui exige de toujours garantir une exécution efficace desdites activités (voir arrêt du 10 décembre 2015, Belgique/Commission, T‑563/13, non publié, EU:T:2015:951, point 55 et jurisprudence citée).

206    Ainsi, il y a lieu de rejeter l’argument de la République italienne, tiré de ce que la vérification du respect des critères fixés pour l’externalisation éventuelle des activités principales des OP ne doit pas être effectuée au moment de l’octroi de la reconnaissance, mais uniquement lors de la phase du maintien de la reconnaissance.

207    En second lieu, s’agissant de l’allégation de la République italienne selon laquelle, en tout état de cause, aucune OP n’avait procédé à l’externalisation de son activité principale au cours de la période de référence et, selon laquelle il était donc impossible de fournir les « preuves » d’un évènement n’ayant pas eu lieu, il convient d’observer ce qui suit.

208    Premièrement, dans la mesure où la Commission a conclu à une insuffisance dans le contrôle de l’octroi de la reconnaissance des OP au regard du respect du critère de l’externalisation sur la base de son analyse de la liste des contrôles effectués en ce qui concerne les régions payées par l’AGEA à partir du programme opérationnel PO de 2013, les autorités italiennes ne sauraient soutenir qu’elles devaient fournir la preuve « impossible » de cas d’OP n’ayant pas externalisé leur activité. En effet, les autorités italiennes étaient simplement tenues de fournir la preuve « possible » que des contrôles avaient eu lieu et que ces contrôles portaient notamment sur la vérification que l’OP exerçait directement l’activité principale de concentration de l’offre et de mise sur le marché des produits de ses membres ou bien qu’elle l’externalisait tout en en demeurant responsable.

209    Deuxièmement, étant donné qu’une lacune entachant le contrôle du respect du critère de l’externalisation avait été constatée pour les années 2013 à 2015 non seulement en ce qui concernait la phase de l’octroi de la reconnaissance, mais également en qui concernait la décision de maintien de la reconnaissance, au motif que le manuel de contrôle pour le secteur des fruits et légumes, utilisé par les autorités italiennes, ne prévoyait pas suffisamment de détails sur le déroulement d’un tel contrôle, la République italienne ne saurait démentir un tel constat en se limitant à indiquer que le cas de l’organisation de producteurs Funghidea n’était pas représentatif au motif que cette OP n’avait pas externalisé son activité principale. En effet, même à vouloir admettre que l’OP en cause n’ait pas externalisé son activité principale, il n’en demeure pas moins qu’une telle observation ne permet pas de réfuter le constat de la Commission selon lequel le système de contrôle mis en place par les autorités italiennes, tel que résultant notamment du manuel de contrôle pour le secteur des fruits et légumes, était insuffisant en ce qui concernait la vérification du respect des conditions pour procéder à une externalisation lors du contrôle des conditions pour le maintien de la reconnaissance du statut d’OP. Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la République italienne selon lequel le manuel en question devait être lu ensemble avec la réglementation nationale et de l’Union pertinente, il convient d’observer que l’existence desdites réglementations ne suffit pas pour démontrer que des contrôles ont réellement été effectués conformément à cette réglementation.

210    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la République italienne selon lequel les contrôles auraient ponctuellement été effectués lors de la phase de maintien de la reconnaissance, en ce qui concerne l’externalisation des activités principales de l’OP.

211    En effet, il y a lieu d’observer que la Commission n’a pas considéré que lesdits contrôles étaient absents. Ainsi que cela ressort de la lettre de conciliation du 23 novembre 2017 (section 1.1.2.2), la Commission les a considérés comme insuffisants, en ce sens qu’ils n’avaient pas été effectués de manière adéquate et exhaustive. C’est en raison de ladite insuffisance, observée s’agissant de toutes les OP examinées lors de l’audit (voir lettre de conciliation du 23 novembre 2017, section 1.2.3.2) et dont la liste  avait été jointe à la notification des conclusions du 8 juillet 2016, que la Commission a considéré que les autorités italiennes n’avaient pas respecté l’article 106 du règlement d’exécution no 543/2011 quant aux vérifications des exigences visées aux articles 26 et 27 dudit règlement.

212    À cet égard, d’une part, il y a lieu de noter, à l’instar de la Commission, que le cas de l’OP Consorzio Valli Trentine démontre que, contrairement à ce qu’affirment les autorités italiennes, un cas d’OP ayant externalisé son activité principale existait. En effet, il résulte du procès-verbal de contrôle du respect des conditions de reconnaissance que l’activité de coordination commerciale avait été externalisée et que l’organe exécutif provincial avait accordé la reconnaissance à l’OP, par la décision no 2478, du 29 novembre 2013, à condition que des vérifications ultérieures aient été effectuées sur l’existence des conditions de reconnaissance. D’autre part, ce cas démontre également qu’aucune vérification concernant le critère de l’externalisation n’a été effectuée lors de la reconnaissance définitive, nonobstant le fait que cette vérification était mentionnée comme nécessaire dans le procès-verbal de contrôle du respect des conditions de reconnaissance.

213    Par ailleurs, les raisons ayant justifié la révocation de la reconnaissance arrêtée par la décision no 2362 de l’organe exécutif provincial du 18 décembre 2015 ne résidaient pas dans l’issue du contrôle sur le critère de l’externalisation, mais dans la découverte d’une fraude liée à l’exigence du volume de la production commercialisée.

214    Ainsi, le cas de l’OP Consorzio Valli Trentine ne démontre pas seulement que l’allégation selon laquelle il n’y aurait jamais eu de cas d’externalisation au cours des années de référence est erronée, mais aussi qu’il y a eu une lacune spécifique dans les contrôles destinés à vérifier le critère de l’externalisation dans le cas en cause. Cette vérification s’est déroulée, précisément, de manière non adéquate, en ce sens qu’elle s’est limitée à indiquer simplement la présence d’une activité externalisée dans le procès-verbal de contrôle du respect des conditions de reconnaissance. Au regard de cette circonstance, le fait que l’OP n’ait reçu aucune aide est dénué de toute pertinence pour réfuter le grief tiré de l’existence d’une lacune de nature systémique dans les contrôles sur les critères de l’externalisation, dans le cadre des vérifications des exigences pour la reconnaissance du statut d’OP.

215    Au regard de tout ce qui précède, l’allégation selon laquelle aucune OP n’avait procédé à une externalisation, d’une part, ne permet pas de réfuter l’insuffisance des contrôles réalisés par les autorités italiennes au regard du respect du critère de l’externalisation et, d’autre part, ne permet pas d’exclure le risque que certaines OP aient pu être indûment reconnues et que donc, tout en étant non éligibles, aient pu recevoir des aides. Ainsi, il y a lieu de reconnaître que le constat de l’absence d’informations détaillées dans le manuel de contrôle, non démentie par les autorités italiennes par la preuve de l’exécution d’un contrôle effectif des OP sur le plan de l’externalisation, a, à juste titre, fondé un doute sérieux quant à l’existence d’une lacune systémique dans le contrôle du respect des exigences de reconnaissance et de maintien de ladite reconnaissance d’une organisation de producteurs au regard du critère de l’externalisation.

216    Ainsi, il y a lieu de constater que la Commission a présenté des éléments de preuve susceptibles de justifier le doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouvait à l’égard du respect des conditions de reconnaissance des OP au regard du critère de l’externalisation, alors que la République italienne n’a pas, pour sa part, infirmé les constatations de la Commission par des éléments de preuve établissant l’existence de contrôles suffisants au sens de la réglementation de l’Union rappelées aux points 185 à 197 ci-dessus.

217    La seconde branche du quatrième moyen doit donc également être rejetée, ainsi que le quatrième moyen dans son ensemble.

2.      Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des articles 31 et 106 du règlement d’exécution no 543/2011 ainsi que de la violation du règlement délégué no 499/2014 en ce qui concerne le contrôle clé no 3

218    La République italienne fait valoir, en substance, que la correction financière mentionnée au deuxième tiret du point 2 ci-dessus a été appliquée en violation des articles 31 et 106 du règlement d’exécution no 543/2011 et en violation du règlement délégué no 499/2014.

219    Plus précisément, la République italienne conteste le bien-fondé du grief de la Commission tiré de l’insuffisance des contrôles relatifs au respect du critère du « caractère démocratique » des OP inspectées pendant l’audit et concernant les régions du Latium et de Molise. Selon la République italienne, la Commission soutient à tort que ladite insuffisance résultait de ce que les autorités italiennes se limitaient à la seule vérification de l’existence du procès-verbal des assemblées générales ainsi que de dispositions statutaires spécifiques. À ce titre, la République italienne fait valoir que, dans le cas de l’OP Funghidea, la présence de l’ensemble des membres lors de l’assemblée générale résultait du procès-verbal de cette dernière en date du 2 janvier 2014. Elle en déduit que cela rendait inutile l’établissement d’une liste détaillée des participants. Dans ce procès-verbal, les parts qui revenaient à chaque membre auraient été indiquées et aucun membre n’aurait disposé d’un pourcentage supérieur à 35 % des droits de vote et à 49 % des parts sociales. Afin de démontrer qu’aucun membre n’était en position dominante au moment de la reconnaissance de l’OP Funghidea et que des contrôles sur place avaient eu lieu, les autorités italiennes auraient fourni à la Commission, premièrement, le procès-verbal du 15 avril 2015 établi par les sociétés d’audit chargées des contrôles, deuxièmement, des extraits du registre du commerce et des sociétés, troisièmement, la mise à jour des parts sociales et des droits de vote et, quatrièmement, des règlements internes.

220    En outre, la République italienne estime que, au moment de la reconnaissance de l’OP Funghidea, le 11 décembre 2013, la réglementation sur le contrôle des participations n’était pas encore entrée en vigueur.

221    De plus, les faits démontreraient le caractère adéquat des contrôles effectués par les autorités italiennes au regard du respect du critère démocratique au sein des OP. En effet, à la suite de l’entrée en vigueur de l’article 31 du règlement d’exécution no 543/2011, la région du Latium, confrontée à la demande de l’OP Funghidea de modification de son PO pour l’année 2016 à l’issue d’une augmentation de capital, lui aurait envoyé une lettre faisant état du dépassement du pourcentage des parts sociales prévues par la réglementation susmentionnée. À la suite de cet envoi, l’OP en question aurait promptement réagi en modifiant les parts sociales.

222    Enfin, s’agissant de l’OP Kiwi Sole, la République italienne souligne que cette organisation est une société coopérative qui, en raison de sa nature, ne pose pas de problème en ce qui concerne le respect du critère démocratique. En effet, la législation nationale (article 2538 du code civil italien) prévoirait, pour ce type de société, que chaque membre dispose d’une voix.

223    La Commission conteste les arguments de la République italienne.

224    Le considérant 27 du règlement d’exécution no 543/2011 indique que, « [a]fin de garantir que les organisations de producteurs représentent réellement un nombre minimal de producteurs, il importe que les États membres prennent des mesures pour éviter qu’une minorité de membres qui détiennent éventuellement la plus grande part du volume de production de l’organisation de producteurs en cause dominent abusivement la gestion et le fonctionnement de l’organisation. »

225    Selon l’article 31 du règlement d’exécution no 543/2011, relatif au contrôle démocratique, dans sa version précédant l’entrée en vigueur du règlement délégué no 499/2014 :

« 1. Les États membres prennent toutes les mesures qu’ils jugent nécessaires afin d’éviter tout abus de pouvoir ou d’influence d’un ou de plusieurs membres concernant la gestion et le fonctionnement de l’organisation de producteurs, qui comprennent les droits de vote.

2. Lorsqu’une organisation de producteurs est une partie clairement définie d’une entité juridique, les États membres peuvent adopter des mesures visant à limiter ou à interdire le pouvoir de cette entité juridique de modifier, d’approuver ou de rejeter des décisions de l’organisation de producteurs. »

226    L’article 53, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011 dispose que :

« Tous les producteurs ont la possibilité de bénéficier du fonds opérationnel et de participer démocratiquement aux décisions concernant l’utilisation du fonds opérationnel de l’organisation de producteurs et des contributions financières au fonds opérationnel. »

227    L’article 106, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011 est rédigé comme suit :

« 1. Dans le contexte de la vérification de la demande d’aide visée à l’article 69, paragraphe 1, les États membres effectuent des contrôles sur place dans les locaux des organisations de producteurs afin de s’assurer du respect des conditions d’octroi de l’aide ou du solde de l’aide pour l’année considérée.

Ces contrôles concernent en particulier :

a)      le respect des critères de reconnaissance pour l’année considérée ;

[…] »

228    Il a été jugé que la réglementation de l’Union, rappelée aux points 224 à 227 ci-dessus, visait à garantir le fonctionnement démocratique des organisations de producteurs OP (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 6 mars 2012, Espagne/Commission, T‑230/10, EU:T:2012:105, point 47). Par ailleurs, il ressort de ladite réglementation que le fonctionnement démocratique est un critère de reconnaissance d’une OP.

229    En l’espèce il s’agit de vérifier si la Commission a, à juste titre, considéré qu’il existait des lacunes dans l’application, par les autorités italiennes, du contrôle clé no 3, relatif à l’exécution d’un nombre suffisant de contrôles sur place des demandes d’aide en faveur des PO, au regard du respect, en tant que critère de reconnaissance, du contrôle démocratique, et que cela entraînait un risque pour le Fonds, justifiant l’application d’une correction forfaitaire.

230    À cet égard, il ressort du rapport de synthèse que, à la suite de l’audit, la Commission a, dans la notification des conclusions du 8 juillet 2016, expliqué aux autorités italiennes que le système qu’elles avaient mis en place ne garantissait pas le respect du critère du contrôle démocratique des OP. Le rapport de synthèse précise que, selon la Commission, les contrôles effectués par les autorités italiennes se limitaient à la vérification de l’existence de procès-verbaux des assemblées générales ou de l’existence d’un article dans les statuts des OP. Ces contrôles n’auraient pas porté sur l’identité des personnes ayant réellement assisté aux réunions afin de constater l’équilibre des droits de vote et le respect du critère du contrôle démocratique.

231    Le rapport de synthèse mentionne deux cas dans lesquels la Commission a constaté et communiqué, par lettre de conciliation du 23 novembre 2017, des lacunes dans les contrôles du respect du critère démocratique. Le premier exemple concerne l’OP Funghidea dans la région du Latium, au regard de laquelle la Commission a constaté un risque élevé d’« abus de position » et une situation potentiellement artificielle. Le second exemple concerne l’OP AOM dans la région du Molise. Le rapport de synthèse indique que, dans ces cas, selon la Commission, les contrôles étaient limités à l’existence d’un article dans les statuts des OP en cause.

232    Le rapport de synthèse fait également état de ce que les autorités italiennes ont soutenu que la documentation volumineuse fournie pour les deux OP en cause montrait que la vérification du respect du critère du contrôle démocratique avait correctement été effectuée, y compris en ce qui concernait les droits de vote effectifs à l’égard des actions des entités juridiques associées aux OP, conformément aux exigences de l’article 31, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 543/2011, dans sa version entrée en vigueur le 1er janvier 2015. À ce titre, premièrement, s’agissant de l’OP Funghidea dans la région du Latium, d’une part, les autorités italiennes ont souligné qu’elles avaient produit des déclarations sur l’honneur des membres de ladite organisation selon lesquelles ils avaient participé à l’assemblée générale. D’autre part, les autorités italiennes ont affirmé avoir fourni la documentation qui attestait qu’elles avaient vérifié qu’aucune personne physique ne disposait de plus de 35 % des droits de vote. Deuxièmement, s’agissant de l’OP AOM dans la région du Molise, les autorités italiennes ont expliqué que, compte tenu de la taille de la société coopérative, ses membres ne pouvaient pas disposer de 35 % de droits de vote. Les autorités italiennes ont précisé que, en 2013, aucun membre, considéré individuellement, ne disposait de plus de 0,24 % des droits de vote et que toute entité membre disposait d’un maximum de 1,24 % de droits de vote.

233    Le rapport de synthèse explique, enfin, que, avant la procédure devant l’organe de conciliation, la Commission a abandonné ses conclusions sur l’OP AOM de la région du Molise et a maintenu sa position, exposée lors de la réunion bilatérale, en ce qui concernait l’OP Funghidea pour différentes raisons. Premièrement, les lacunes constatées dans le procès-verbal de l’assemblée générale de cette organisation ne permettaient pas d’obtenir l’assurance raisonnable que les réunions avaient effectivement eu lieu et que les membres étaient effectivement présents. Deuxièmement, les preuves produites par les autorités italiennes au cours de la procédure administrative, dans lesquelles tous les membres de l’OP déclaraient avoir participé aux assemblées générales de l’organisation en cause, n’avaient été signées que le 9 janvier 2017, à savoir après l’audit et n’avait donc pas été examinées, ni été disponibles au moment des contrôles sur le maintien de la reconnaissance. Troisièmement, lesdites preuves étaient constituées exclusivement par des simples déclarations sur l’honneur des membres de l’OP. Quatrièmement, lors de la vérification, par les autorités italiennes, du maintien de la reconnaissance octroyée à l’OP Funghidea, le pouvoir de vote réel de chacun des membres physiques de ladite organisation n’avait pas été contrôlé afin de vérifier si l’un d’entre eux avait dépassé le seuil de 35 % des droits de vote prévu par la législation italienne. De telles analyses et vérifications avaient été présentées par les autorités italiennes seulement après la mission d’audit.

234    Selon le rapport de synthèse, à la suite de la procédure devant l’organe de conciliation, la Commission a maintenu la proposition d’appliquer une correction forfaitaire de 5 % en se fondant sur la population à risque la plus large, qui était celle concernée par les contrôles des critères pour reconnaître l’accès à l’aide.

235    Cela étant précisé, il importe de rappeler que, à l’occasion du contrôle par les États membres du fonctionnement démocratique d’une OP, il ne saurait être fait abstraction de l’identité des personnes physiques ou morales qui détiennent le capital des membres de l’OP. En effet, en l’absence d’une telle vérification, une même personne physique ou morale, qui détient une grande majorité, voire la totalité, du capital de plusieurs membres d’une OP, de sorte qu’elle exerce sur ces derniers un pouvoir de contrôle, notamment sur leur processus décisionnel, pourrait alors être dissimulée derrière lesdits membres (voir, par analogie, arrêt du 6 mars 2012, Espagne/Commission, T‑230/10, EU:T:2012:105, point 50).

236    En l’espèce, il y a lieu d’écarter l’argument de la République italienne selon lequel le contrôle des parts sociales n’était pas obligatoire pour l’OP Funghidea, reconnue le 11 décembre 2013 (voir point 220 ci‑dessus), au motif que, d’une part, la réglementation sur le contrôle des participations a été introduite par le décret ministériel no 12705/2013 (GURI no 286, du 6 décembre 2013), entré en vigueur uniquement le 21 décembre 2013 et, d’autre part, la réglementation en cause a été complétée par le contrôle sur les participations indirectes, introduit par le règlement délégué no 499/2014 qui a modifié, uniquement à compter du 1er janvier 2015, l’article 31 du règlement d’exécution no 543/2011.

237    En effet, il convient de relever que l’article 31 du règlement d’exécution no 543/2011 sur le contrôle démocratique a certes été modifié à partir de 2015. Toutefois, même dans sa version antérieure applicable au cas d’espèce, cette disposition était déjà claire quant à l’obligation de résultat consistant à éviter tout abus de pouvoir ou toute situation d’influence dominante au sein des OP. Cette obligation supposait nécessairement de vérifier les parts sociales détenues par chaque personne physique associée d’une société membre d’une OP, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 235 ci‑dessus. Ainsi, l’argument de la République italienne selon lequel le contrôle des parts sociales n’était pas obligatoire avant 2015 est un indice de ce que ce contrôle n’a pas été effectué avant la date en question.

238    En outre, s’agissant du grief de la Commission selon lequel les lacunes constatées dans le procès-verbal de l’assemblée générale de l’OP Funghidea ne permettaient pas d’obtenir l’assurance raisonnable que les réunions avaient effectivement eu lieu et que les membres étaient effectivement présents, il convient de relever que le fait qu’une carence a été constatée par la Commission en ce qui concerne le processus de reconnaissance de cette organisation constitue un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable, au sens de la jurisprudence citée au point 70 ci-dessus, que la Commission éprouvait à l’égard du caractère suffisant des contrôles effectués par les autorités italiennes (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2020, Commission/Espagne, C‑406/19 P, non publié, EU:C:2020:276, point 58).

239    Il ressort de la jurisprudence citée au point 71 ci-dessus que, dans une telle situation, il incombait à la République italienne de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission. À défaut de présentation d’une telle preuve, les constatations de la Commission ne sauraient être infirmées et doivent être considérées comme exactes (arrêt du 2 avril 2020, Commission/Espagne, C‑406/19 P, non publié, EU:C:2020:276, point 59).

240    Or, tout d’abord, il ressort de l’analyse du procès-verbal de l’assemblée ordinaire de l’OP Funghidea du 2 janvier 2014, produit par la République italienne, que ce document est postérieur à la date de la reconnaissance de l’OP en cause. Ainsi, ledit document ne saurait démontrer que le respect du critère démocratique a été apprécié au moment de la reconnaissance de ladite OP. Ensuite, même à supposer que ledit procès-verbal puisse attester le fonctionnement démocratique de cette OP, force est de constater qu’il indique simplement que la présence « des membres représentant, en personne ou par procuration, correspondant au 100 % du capital social », était assurée. Ce procès-verbal ne contient donc pas une liste de présence des adhérents. Il n’indique pas davantage les parts détenues par chaque membre. Il peut être déduit de la jurisprudence, citée au point 235 ci-dessus, qu’un procès-verbal d’une assemblée générale d’une OP ne peut pas se limiter à utiliser la formule standard relative à la présence « des membres représentant, en personne ou par procuration, 100 % du capital social ». Un tel procès-verbal doit également comporter la liste des adhérents et leurs parts sociales. À défaut, ledit procès-verbal est en tout état de cause insuffisant pour permettre à l’État membre de vérifier l’identité des personnes physiques ou morales qui détiennent le capital des membres de l’organisation de producteurs et de conclure au respect du critère démocratique par cette organisation. Ainsi, l’argument de la République italienne, selon lequel il était inutile de faire une liste de personnes présentes, doit être rejeté.

241    S’agissant du cas de l’OP Kiwi Sole, il convient de rappeler, à l’instar de la Commission, que le grief qui a motivé la décision d’exclusion du financement de l’Union ne porte pas sur quelques cas isolés d’organisations de producteurs, mais concerne toutes celles soumises à l’inspection. En conséquence, le fait que la forme de société coopérative de ladite organisation soit, en elle-même, moins risquée en matière d’abus de pouvoir n’enlève rien au fait que le caractère inadéquat des contrôles effectués par les autorités italiennes, relevé dans le cadre des autres OP, a exposé le Fonds au risque découlant du non-respect du critère démocratique. Dans la mesure où les autorités italiennes n’ont pas identifié la « population » spécifique à risque, la Commission a, à juste titre, appliqué une correction forfaitaire.

242    Il ressort de ce qui précède que la République italienne n’a pas apporté la preuve que la Commission avait considéré, à tort, que les autorités italiennes ne garantissaient pas un contrôle adéquat du fonctionnement démocratique des OP aux fins de leur reconnaissance en tant que telles et du maintien de leur statut. Elle n’a pas davantage démontré que l’application d’une correction forfaitaire n’était pas justifiée.

243    Par conséquent, il convient de rejeter le cinquième moyen.

C.      Sur le sixième moyen, afférent à la correction financière de 857 498,36 euros établie à la suite de l’enquête RD 1/2016/803/IT

244    Par son sixième moyen, la République italienne conteste la légalité de la décision attaquée, pour autant qu’elle prévoit la correction financière mentionnée au point 2, troisième tiret, ci‑dessus. Ce moyen comporte deux branches. La première est tirée du caractère erroné de la correction financière appliquée par la Commission à l’échantillon/paiement no 3 concernant la commune de Bernalda, en raison de prétendues irrégularités dans les procédures d’attribution de marchés. La seconde branche est tirée du caractère erroné, dû à la prétendue absence d’irrégularités dans les procédures d’attribution de marchés, de la correction financière appliquée par la Commission à l’échantillon/paiement no 8 concernant la commune de Campoli Monte Taburno.

245    C’est à la lumière des rappels et précisions mentionnés aux points 63 à 71 ci-dessus qu’il convient d’examiner, premièrement, la première branche du sixième moyen, concernant les paiements effectués par la commune de Bernalda (échantillon/paiement no 3) et, deuxièmement, la seconde branche du sixième moyen, concernant les paiements effectués par la commune de Campoli Monte Taburno (échantillon/paiement no 8).

1.      Sur la première branche du sixième moyen, tirée du caractère erroné de la correction financière appliquée par la Commission en ce qui concerne l’échantillon/paiement no 3 commune de Bernalda

246    Par la première branche du sixième moyen, la République italienne fait valoir que la Commission a estimé, à tort, que la commune de Bernalda, lors de l’organisation d’une procédure d’appel d’offres pour les travaux de « réfection de la voirie rurale » financée par les Fonds prévus par la mesure 125 relative aux zones touchées par les inondations de 2013, avait procédé à une fragmentation artificielle d’un marché public, ce qui relevait de l’erreur no 2 selon la classification de l’annexe à la décision C(2013) 9527.

247    Plus précisément, la République italienne soutient que la commune de Bernalda a présenté une demande d’aide unique en prévoyant, dès le début, d’organiser plusieurs interventions différentes dans les zones endommagées par les inondations de 2013. À cet égard, elle souligne que l’avis public de la région de la Basilicate relatif à la mesure 125 n’interdisait pas la réalisation de plusieurs projets techniques avec un seul financement et que, au contraire, cette possibilité était justifiée. En effet, selon la République italienne, d’une part, s’agissant de routes rurales, le montant maximal admissible de 1 500 000 euros ne pouvait que porter sur un programme d’interventions et non sur un projet unique. D’autre part, le territoire touché par les dégradations de la voirie rurale aurait exigé des interventions fragmentées. Ces interventions auraient concerné un réseau routier très dense (environ 500 km), caractérisé par l’absence significative de continuité physique, ainsi que par des zones morphologiquement non homogènes, ainsi que cela ressortirait de la note du responsable de la procédure de la commune de Bernalda. Le plan relatif aux différentes zones ayant fait l’objet d’interventions, produit devant le Tribunal, montrerait l’importante fragmentation spatiale des travaux de réfection de la voirie rurale de la commune concernée, leur caractère disséminé sur une aire d’environ 28 à 30 km2. Ce plan permettrait également de comprendre que, sur les plans technique et administratif, lesdits travaux ne se prêteraient pas à une seule procédure d’appel d’offres. La République italienne produit, en outre, devant le Tribunal, le plan du cadastre où sont indiquées les zones de la commune de Bernalda non endommagées, celles sur lesquelles des entreprises agricoles avaient subi des dommages, liés à l’évènement de 2013. La commune de Bernalda aurait donc, à juste titre, présenté six projets techniques différents et procédé à six attributions distinctes. Selon la République italienne, cela aurait été conforme à l’article 2, paragraphe 1 bis, du décret législatif no 163/2006, prévoyant le code des contrats publics relatifs aux travaux, services et fournitures en application des directives 2004/17/CE et 2004/18/CE (GURI no 100, du 2 mai 2006), qui prévoit que, « [c]onformément à la réglementation communautaire en matière de marchés publics, afin de favoriser l’accès des petites et moyennes entreprises, les pouvoirs adjudicateurs doivent, lorsque cela est possible et rentable, diviser les marchés en lots fonctionnels ».

248    Premièrement, la procédure suivie pour la réfection de la voirie rurale de la commune de Bernalda aurait permis, conformément au principe de rentabilité, d’obtenir des réductions comprises entre 12,62 et 40,745 %, pour une économie globale de 248 694,91 euros. Deuxièmement, le principe d’efficacité aurait été respecté, au motif que les différentes interventions auraient atteint les résultats requis dans le respect des délais contractuels. Troisièmement, le principe de concurrence aurait également été respecté. En effet, le pouvoir adjudicateur aurait invité dix opérateurs à présenter des offres au lieu des cinq prévus par la réglementation. Par ailleurs, aucun des entrepreneurs opérant dans le secteur n’aurait été en mesure d’influencer les négociations ou aurait été admis à participer à plusieurs appels d’offres en même temps. Quatrièmement, dans la mesure où le pouvoir adjudicateur a invité au total quarante opérateurs du secteur, qui remplissaient tous les conditions légales pour l’exécution des travaux requis, les principes de non‑discrimination, de transparence et de proportionnalité auraient également été respectés.

249    En outre, la République italienne fait valoir que la décision de la Commission d’appliquer une correction financière égale à 100 % du montant de l’appel d’offres est manifestement disproportionnée. En effet, certes, la commune de Bernalda n’aurait pas fait usage, en application de l’article 57, paragraphe 2, sous c), du décret législatif no 163/2006, de son droit de déroger aux règles ordinaires d’attribution des marchés par le biais d’une déclaration du caractère urgent des travaux de réfection de la voirie rurale, devenus nécessaires à la suite de fortes inondations qui avaient sérieusement endommagé les réseaux routiers secondaires et causé des dommages sérieux pour les entreprises agricoles de la commune. Cependant, la Commission aurait pu tenir compte du fait que l’administration communale de Bernalda disposait, en théorie, de cette possibilité, au motif que, après l’octroi du financement, mais avant que les travaux ne soient attribués, l’état d’urgence avait été déclaré par une décision du Conseil des ministres du 10 janvier 2014 (GURI du 20 janvier 2014), puis par une décision ultérieure du chef de la protection civile du 8 février 2014, qui a été  publiée au GURI du 17 février 2014 et qui aurait autorisé la dérogation aux dispositions prévues par le décret législatif no 163/2006 (y compris les articles 122 et suivants dudit décret). Ainsi, aucune intention frauduleuse ne caractériserait le choix de la commune de Bernalda, laquelle n’aurait nullement dérogé aux dispositions du décret législatif no 163/2006. Par ailleurs, l’audit n’aurait fait ressortir aucune anomalie en ce qui concernait la mise en œuvre ultérieure de la procédure en cause. Enfin, tant l’autorité de vigilance que l’autorité de contrôle n’auraient pas relevé d’obstacles à l’organisation de six procédures négociées.

250    La Commission conteste les arguments de la République italienne.

251    Il convient de rappeler, d’emblée, que l’article 48, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 809/2014 prévoit que « les contrôles administratifs des demandes de soutien assurent la conformité de l’opération avec les obligations établies par la législation de l’Union ou la législation nationale ou par le programme de développement rural, y compris dans le cadre de marchés publics, des aides d’État et des autres normes et exigences obligatoires. »

252    Selon l’article 51, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 809/2014, « [l]es contrôles sur place visent à vérifier que l’opération a été mise en œuvre conformément aux règles applicables et couvre tous les critères d’admissibilité, les engagements et les autres obligations en ce qui concerne les conditions d’octroi du soutien, qu’il est possible de contrôler au moment de la visite et qui n’ont pas fait l’objet de contrôles administratifs ».

253    Selon l’article 24, paragraphe 2, sous c), du règlement no 65/2011, « le contrôle administratif des demandes d’aide porte notamment sur […] la conformité de l’opération motivant la demande d’aide avec les règles applicables au niveau national et au niveau de l’Union européenne, portant, notamment et le cas échéant, sur les marchés publics et sur les aides d’État, ainsi qu’avec les autres normes obligatoires appropriées établies par la législation nationale ou dans le programme de développement rural ».

254    En vertu de l’article 26, paragraphe 1, sous d), du règlement no 65/2011, en effectuant les contrôles sur place, les États membres s’attachent à vérifier si les opérations faisant l’objet d’un financement public ont été mises en œuvre conformément, d’une part, aux règles et aux politiques de l’Union, notamment aux règles relatives aux appels d’offres publics, et, d’autre part, aux normes pertinentes fixées par la législation nationale ou dans le programme de développement rural.

255    Il a été jugé que, à l’occasion de cette vérification, il convenait de contrôler si les appels d’offres mentionnés par les bénéficiaires dans leurs demandes avaient bien eu lieu et, aussi, pour respecter les exigences posées par le règlement no 65/2011, d’apprécier si les opérations faisant l’objet de ces demandes avaient été mises en œuvre conformément aux règles relatives aux appels d’offres publics. Ainsi, les contrôles sur place doivent porter tant sur la réalité des appels d’offres que sur la légalité de leur mise en œuvre (arrêt du 4 septembre 2019, Lituanie/Commission, T‑603/17, non publié, EU:T:2019:558, point 184).

256    Selon l’article 1er de la décision C(2013) 9527, cette décision « établit en son annexe les orientations pour la détermination des corrections financières à appliquer, en cas de non-respect des règles en matière de marchés publics, aux dépenses financées par l’Union dans le cadre de la gestion partagée pour les périodes de programmation 2007-2013 et 2014-2020 ». Ladite annexe, intitulée « Principaux types d’irrégularités et taux correspondants des corrections financières », mentionne le type d’erreur qui relève de la catégorie no 2, à savoir la séparation artificielle des marchés de travaux, de services et de fournitures. S’agissant de ce type d’erreur, la décision de la Commission indique, notamment, en tant que base juridique, l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114).

257    Aux termes de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2004/18, « aucun projet d’ouvrage, ni aucun projet d’achat visant à obtenir une certaine quantité de fourniture et/ou de services ne peut être scindé en vue de le soustraire à l’application de la présente directive ». L’article 1er, paragraphe 2, sous b), de ladite directive définit le terme « ouvrage » comme étant « le résultat d’un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique ».

258    L’article 9, paragraphe 3, de la directive 2004/18 a été repris par l’article 29, paragraphe 4, du décret législatif no 163/2006 selon lequel « aucun projet d’ouvrage, ni aucun projet d’achat visant à obtenir une certaine quantité de fourniture et/ou de services ne peut être scindé en vue de le soustraire à l’application des dispositions qui seraient applicables en l’absence de ladite scission ».

259    Selon la jurisprudence, l’existence d’un ouvrage au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18 doit être appréciée par rapport à la fonction économique et technique du résultat des travaux visés par les marchés publics concernés (voir arrêts du 5 octobre 2000, Commission/France, C‑16/98, EU:C:2000:541, points 36, 38 et 47, du 27 octobre 2005, Commission/Italie, C‑187/04 et C‑188/04, non publié, EU:C:2005:652, point 27, du 18 janvier 2007, Auroux e.a., C‑220/05, EU:C:2007:31, point 41, et du 15 mars 2012, Commission/Allemagne, C‑574/10, non publié, EU:C:2012:145, point 37).

260    Par ailleurs, la Cour a précisé que, pour que le résultat de travaux distincts puisse être qualifié d’ouvrage au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18, il suffisait qu’ils remplissent soit la même fonction économique, soit la même fonction technique (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 octobre 2005, Commission/Italie, C‑187/04 et C‑188/04, non publié, EU:C:2005:652, point 29). La constatation d’une identité économique et d’une identité technique est donc alternative et non cumulative.

261    De plus, l’unité du cadre géographique à l’intérieur duquel les marchés sont lancés et l’existence d’un seul pouvoir adjudicateur constituent, notamment, des indices supplémentaires plaidant en faveur de la considération de ce que des marchés de travaux distincts correspondent en réalité à un ouvrage unique (voir, par analogie, arrêt du 5 octobre 2000, Commission/France, C‑16/98, EU:C:2000:541, point 65).

262    De surcroît, il a été jugé que, lorsque des prestations étaient connexes et que, partant, leurs objets étaient très proches, elles devaient faire l’objet d’un seul marché et que, si tel n’était pas le cas, il serait considéré qu’un marché avait été indûment fragmenté (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2016, ENAC/INEA, T‑695/13, non publié, EU:T:2016:464, point 42).

263    En l’espèce, il y a lieu de vérifier si la Commission a constaté, à juste titre, des lacunes dans l’application, par les autorités italiennes, d’un contrôle clé en ce qui concerne notamment la mesure 125 « Infrastructures liées à l’évolution et à l’adaptation des secteurs agricole et forestier », au motif que les autorités italiennes n’avaient pas respecté la réglementation nationale et de l’Union en matière de marchés publics s’agissant de l’échantillon/paiement no 3 (commune de Bernalda). Plus précisément, il convient d’apprécier si, après avoir reçu de la région de la Basilicate 1 500 000 euros en tant que mesure d’investissement des programmes de développement rural à la charge du Feader, la commune de Bernalda pouvait organiser six procédures négociées distinctes pour les travaux de réfection de la voirie rurale endommagée par des inondations en 2013 ou bien si cela était une « séparation artificielle des marchés de travaux », constitutive d’une erreur relevant de la catégorie n° 2 de la décision C(2013) 9527 de la Commission et impliquant l’application d’une correction financière de 100 %.

264    À cet égard, il convient de rappeler que, dans le rapport de synthèse, la Commission a estimé que les informations fournies par les autorités italiennes ne permettaient pas de considérer comme justifié le recours à six procédures négociées. En effet, s’agissant du territoire concerné par les interventions, certains lots auraient visé des parcelles n’ayant pas été endommagées par les inondations de 2013. En outre, les dommages étant concentrés sur une zone relativement limitée, à savoir 26 km2, les travaux de réfection de la voirie rurale auraient pu faire l’objet d’une seule procédure d’appel d’offres. De surcroît, étant donné que les travaux auraient été exécutés avec beaucoup de retard, l’argument des autorités italiennes, selon lequel le recours à six procédures négociées aurait permis de terminer les travaux avant l’hiver suivant, s’avérerait dépourvu de fondement. Par ailleurs, les autorités italiennes ayant précisé que le retard dans l’exécution était dû à la difficulté d’obtenir les autorisations nécessaires, la Commission a estimé que cela représentait une raison supplémentaire pour ne pas subdiviser le marché en lots. Enfin, s’agissant de l’argument des autorités italiennes selon lequel, en présence d’une déclaration d’état d’urgence, il était possible de déroger aux règles en matière de passation de marchés publics, la Commission a souligné que, lors de la procédure d’audit, lesdites autorités n’avaient pas eu recours à ladite dérogation. La Commission a conclu que les autorités italiennes n’avaient pas démontré qu’il existait des raisons objectives et suffisantes pour scinder le marché de travaux en cause en six procédures négociées et qu’il y avait lieu d’appliquer une correction financière égale à 100 % du financement octroyé à la commune concernée.

265    Après avoir rappelé les observations de l’organe de conciliation, la Commission a indiqué, dans le rapport de synthèse, qu’elle maintenait son avis selon lequel la non-conformité identifiée indiquait l’existence d’une faiblesse dans l’application d’un contrôle clé, à savoir « la vérification que les procédures de passation de marchés publics respectent le droit de l’Union et national et que les contrôles sur place, en ce qui concerne les mesures ne concernant pas les animaux ou le développement rural, présentent un niveau de qualité suffisant ».

266    Enfin, dans ledit rapport, la Commission a affirmé qu’elle pouvait accepter que l’erreur commise n’était pas représentative de l’intégralité de la population objet de l’audit et a limité la correction financière aux montants des financements perçus par la commune de Bernalda pendant les exercices financiers de 2014, de 2015 et de 2016.

267    En premier lieu, il importe de noter que la note du responsable de la procédure de la commune de Bernalda  indique  que l’administration de ladite commune a scindé « le projet » des travaux à réaliser en six interventions pour des raisons d’ordre technique et fonctionnel liées, en substance, aux caractéristiques géographiques des zones touchées par les dégradations de la voirie rurale.

268    À cet égard, il y a lieu de constater que, ainsi que cela ressort des plans produits par les autorités italiennes, le territoire concerné par les travaux de réfection de la voirie rurale de la commune de Bernalda est, en effet, caractérisé par une zone morphologiquement non homogène et sans continuité physique en raison des différences altimétriques et planimétriques et de la présence de fossés profonds ou de ravins naturels, constituant des obstacles à une circulation facile et aisée sur la voirie rurale. Cependant, les travaux en question présentent un caractère uniforme du point de vue à la fois de leur nature et de leurs caractéristiques techniques, en ce qu’ils concernent tous la réfection de la voirie rurale. De plus, force est de constater que lesdits travaux ont fait l’objet d’une seule et unique demande de financement et étaient censés être effectués au cours de la même période. Ainsi, il y a lieu de considérer que, nonobstant la présentation de six projets différents, la réfection de la voirie rurale rentrait dans la définition d’ouvrage unique au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 259 à 262 ci-dessus.

269    En deuxième lieu, d’une part, il convient de noter que la possibilité prévue par la mesure 125 publiée par la région de la Basilicate, de réaliser plusieurs projets techniques distincts, relève, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, des conditions d’admissibilité au bénéfice du financement au titre de ladite mesure. D’autre part, la possibilité en question ne fait pas obstacle à l’organisation d’une seule et unique procédure d’appel d’offres scindée, le cas échéant, en plusieurs lots correspondant, chacun, à un projet technique différent. D’ailleurs, la répartition en lots est la seule procédure visée à l’article 2, paragraphe 1 bis, du décret législatif no 163/2006, que les autorités italiennes affirment avoir appliqué. En effet, cette disposition prévoit que, « [d]ans le respect de la réglementation de l’Union applicable en matière de marchés publics, afin de favoriser l’accès des petites et moyennes entreprises, les pouvoirs adjudicateurs doivent, lorsque cela est possible et économiquement avantageux, subdiviser les marchés publics en lots fonctionnels ». La République italienne n’est donc pas fondée à soutenir que la possibilité d’organiser six procédures négociées respectait ladite disposition, lesdites procédures ne pouvant pas être assimilées à des lots d’une seule procédure d’appel d’offres.

270    En troisième lieu, s’agissant des avantages que la République italienne invoque comme découlant du recours aux six procédures négociées, premièrement, force est de constater, d’une part, que l’exigence de permettre aux petites et moyennes entreprises de participer aurait pu être respectée en séparant, dans le cadre d’une procédure unique, le marché concerné en lots. D’autre part, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, la subdivision en plusieurs procédures distinctes attribuées de manière négociée, avec invitation à soumissionner transmise à des soumissionnaires sélectionnés, restreignait inévitablement la participation des opérateurs économiques à ceux qui avaient été invités directement à présenter une offre, fussent-ils cinq ou dix, et portait atteinte au principe de concurrence. Enfin, il ne saurait être exclu qu’une procédure ouverte, subdivisée en lots fonctionnels aurait permis d’obtenir un niveau équivalent, voire supérieur, de réduction de la valeur des offres et qu’elle aurait permis d’atteindre efficacement les objectifs fixés et de respecter les délais contractuels.

271    En quatrième lieu, en ce qui concerne l’argument de la République italienne selon lequel la Commission aurait dû tenir compte de ce que l’administration de la commune de Bernalda pouvait se prévaloir de la possibilité de déroger aux règles ordinaires de passation de marchés publics lors de l’annonce de l’état d’urgence, il convient de préciser que l’allégation des autorités italiennes doit être comprise comme visant à démontrer l’absence d’intention de contourner l’application de la réglementation nationale et celle de l’Union prévoyant le recours à la procédure d’appel d’offres ouverte.

272    Certes, ainsi que le fait valoir à juste titre la République italienne, la circonstance que la déclaration d’état d’urgence est intervenue après l’octroi du financement, mais avant que les travaux ne soient attribués, ne faisait pas obstacle à ce que l’administration de la commune de Bernalda se prévale de ladite déclaration, déroge à la règle prévoyant l’obligation d’organiser une procédure d’appel d’offres ouverte et recoure aux procédures négociées. Cependant, il ressort du dossier que les autorités italiennes ont expressément reconnu ne pas s’être prévalues de la déclaration d’état d’urgence. Ainsi, l’organisation de six procédures négociées aurait été possible uniquement si la valeur du marché ne dépassait pas 1 000 000 d’euros, conformément à l’article 122, paragraphe 7, du décret législatif no 163/2006.

273    À cet égard, l’analyse effectuée au point 268 ci-dessus permet de constater que, au regard de la nature, de la fonction technique et économique ainsi que de l’extension géographique limitée des travaux de réfection de la voirie rurale de la commune de Bernalda, il y avait lieu de considérer qu’il s’agissait d’un « ouvrage » au sens de la jurisprudence rappelée aux points 259 à 262 ci-dessus. La valeur du projet d’ouvrage pouvait uniquement correspondre au montant reçu par la commune de Bernalda s’élevant à 1 500 000 euros et non aux montants de chaque projet d’intervention ayant fait l’objet d’une procédure négociée. Dans la mesure où le montant dépasse le seuil prévu à l’article 122, paragraphe 7, du décret législatif no 163/2006 pour recourir aux procédures négociées, les autorités italiennes ont considéré erronément qu’elles avaient respecté ladite disposition et qu’elles n’avaient pas besoin de se prévaloir de la déclaration d’état d’urgence pour justifier le recours aux procédures négociées. En effet, étant donné que le recours à six procédures négociées n’était pas fondé sur la déclaration d’état d’urgence, la commune de Bernalda était tenue, en raison de la valeur du projet d’ouvrage, de mettre en œuvre une procédure d’appel d’offres ouverte avec publication d’un avis en application de la disposition nationale précitée.

274    En cinquième lieu, s’agissant de l’argument tiré du caractère manifestement disproportionné de la décision de la Commission d’appliquer une correction financière égale à 100 % du montant de l’appel d’offres, résultant de ce que la Commission n’aurait pas tenu compte des raisons d’urgence qui justifiaient le recours à la procédure négociée, force est de constater que, ainsi que le fait valoir la Commission sans être contredite par la République italienne, les travaux faisant l’objet des contrats conclus selon les procédures négociées n’ont pas tous été effectués dans les zones directement touchées par les dommages dus aux inondations de 2013. En outre, il ressort des informations fournies durant la procédure administrative que les travaux ont été exécutés avec un retard considérable, en raison de problèmes liés à la délivrance des permis correspondants. Ainsi, il ne peut pas être exclu que le recours à une procédure d’appel d’offres ouverte avec publication d’un avis prévoyant une répartition en lots aurait permis de respecter la condition tirée de l’urgence des interventions de réfection de la voirie rurale de la commune de Bernalda.

275    En sixième lieu, s’agissant de l’argument de la République italienne repris également par l’organe de conciliation, tiré de ce que tant l’autorité de vigilance que l’autorité de contrôle n’avaient pas relevé d’obstacles à l’organisation de six procédures négociées, il y a lieu de répondre que la circonstance que l’application erronée de la réglementation italienne n’avait pas été décelée par lesdites autorités nationales ne saurait suffire pour justifier que l’administration de la commune de Bernalda puisse s’écarter des règles en matière de passation de marchés publics.

276    La mise en place de six procédures négociées a permis à l’administration de la commune de Bernalda de se soustraire au respect du seuil visé à l’article 122, paragraphe 7, du décret législatif no 163/2006 et donc de déroger aux dispositions prévoyant l’application de la procédure d’appel d’offres ouverte. En effet, la valeur du projet d’ouvrage relatif à la réfection de la voirie rurale de la commune en question correspondait au montant du financement reçu par cette commune, à savoir 1 500 000 euros. Ce montant dépassant, ainsi que cela a été précisé au point 273 ci-dessus, le seuil fixé par l’article 122, paragraphe 7, du décret législatif no 163/2006 de 1 000 000 euros, en dessous duquel il était possible de recourir aux procédures négociées, la Commission a estimé à bon droit, que les autorités italiennes n’avaient pas respecté la réglementation nationale et celle de l’Union en matière de marchés publics.

277    Il résulte de ce qui précède que les arguments avancés par la République italienne au soutien de la première branche du sixième moyen ne permettent pas d’infirmer les motifs avancés dans le courrier Ares(2016) 7166443, du 23 décembre 2016, selon lesquels la procédure d’appel d’offres lancée par la commune de Bernalda pour le projet de travaux de réfection de la voirie rurale aurait été organisée de manière incorrecte en raison de la division artificielle du marché de travaux en six procédures négociées au lieu d’une seule procédure d’appel d’offres ouverte.

278    Dès lors, la République italienne n’a pas démontré que la Commission avait considéré erronément être en présence d’une scission artificielle des marchés de travaux en violation de la réglementation de l’Union et nationale en matière de passation de marchés publics constitutive de l’erreur relevant de la catégorie n2 de l’annexe de la décision C(2013) 9527 et justifiant l’application d’une correction financière forfaitaire de 100 % appliquée au montant des prestations effectivement facturées.

279    La première branche du sixième moyen doit donc être rejetée comme non fondée.

2.      Sur la seconde branche du sixième moyen, tirée du caractère erroné de la correction financière appliquée par la Commission en ce qui concerne l’échantillon/paiement no 8 – Commune de Campoli Monti Taburno (Campanie)

280    Par la seconde branche du sixième moyen, la République italienne soutient que la procédure d’attribution du marché public suivie par la commune de Campoli Monte Taburno n’a pas violé le principe de transparence. Elle en déduit que l’application d’une correction financière de 10 % n’est pas fondée.

281    Premièrement, la République italienne soutient que les évaluations techniques réalisées par la commission d’adjudication, lors des réunions des 12 et 19 juin 2014, se sont déroulées conformément à l’avis de marché et au cahier des charges et contenaient des références spécifiques aux analyses et aux évaluations qui ont mené à la décision finale. À titre de preuve de cette conformité, la République italienne produit les deux procès-verbaux des appels d’offres nos 2 et 3 des 12 et 19 juin 2014 ainsi que le brouillon de l’évaluation en annexes à la requête. Deuxièmement, la différence entre les notes techniques de l’adjudicataire et celles des trois autres soumissionnaires résulterait du système de calcul appliqué par la commission d’adjudication afin d’exprimer une préférence lors de la comparaison de deux offres. Troisièmement, l’appel d’offres en cause ne relèverait d’aucun des deux cas d’irrégularité no 16, concernant le « [m]anque de transparence et/ou d’égalité de traitement lors de l’évaluation », prévus par la décision C(2013) 9527, à savoir, d’une part, le cas où « la piste d’audit concernant en particulier les notes attribuées à chaque offre est peu claire/injustifiée/manque de transparence ou est inexistante » et, d’autre part, le cas où « le rapport d’évaluation n’existe pas ou ne contient pas tous les éléments requis par les dispositions pertinentes ». Quatrièmement, la République italienne invoque l’avis de l’organe de conciliation, saisi par les parties, qui aurait déclaré qu’il était possible de parvenir à une conciliation totale en ce qui concerne le cas de la commune de Campoli Monte Taburno. Ainsi, même de ce point de vue, la correction financière de 10 % serait illégale.

282    La Commission rétorque que le motif d’exclusion relatif à l’erreur constatée au sujet de l’échantillon/paiement no 8, qui a justifié la décision d’exclusion, est fondé et que la seconde branche du sixième moyen doit, dès lors, être rejetée.

283    Premièrement, les procès-verbaux des appels d’offres nos 2 et 3 des 12 et 19 juin 2014 ainsi que le brouillon de l’évaluation, mentionnés par la République italienne, communiqués au cours de la procédure contradictoire, auraient été pris en compte lors de l’évaluation du pourcentage de correction à appliquer en l’espèce, qui aurait été ainsi réduit de 25 à 10 %. Deuxièmement, les éléments qui auraient permis de justifier et de motiver la décision d’attribution ne seraient pas mentionnés dans le procès-verbal d’attribution. En outre, les documents précités n’auraient été produits qu’après l’enquête des services de la Commission, dans le cadre de la procédure contradictoire, et n’auraient pas été accessibles à tous les soumissionnaires lors de la procédure de passation du marché public. Troisièmement, l’erreur constatée dans la catégorie no 16, relative au « [m]anque de transparence et/ou d’égalité de traitement lors de l’évaluation », résulterait du fait qu’il a été établi, lors de l’audit, que le processus d’évaluation des offres, tel que retranscrit dans le procès-verbal no 3 de la réunion du 19 juin 2014, était insuffisamment étayé, en raison du peu d’informations détaillées au sujet des notes attribuées aux différentes offres. Ce serait uniquement à la suite de l’audit que les autorités italiennes auraient fourni des informations détaillées et des explications sur la manière dont la commission d’adjudication avait déterminé les notes attribuées. Quatrièmement, en ce qui concerne la référence à l’avis de l’organe de conciliation sur la possibilité d’une conciliation totale concernant l’erreur relative à l’échantillon/paiement no 8, la Commission rappelle que, dans la lettre du 5 mars 2019 contenant sa position définitive à la suite du rapport de l’organe de conciliation, elle a, d’une part, spécifiquement pris en considération la question de la compatibilité des procès-verbaux d’attribution examinés avec la réglementation nationale applicable et, d’autre part, considéré que la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) du 21 mars 2018 n’était pas applicable en l’espèce, dans la mesure où le grief formulé ne visait pas à demander des informations sur la répartition des notes attribuées par chacun des évaluateurs, mais portait sur le manque d’éléments de nature à justifier clairement la partie technique de l’évaluation. Cette circonstance aurait conduit à l’application du taux de correction de 10 %, considéré comme approprié compte tenu du fait que les autorités italiennes avaient, en tout état de cause, présenté des éléments de nature à justifier la décision d’attribution, même si elles ne l’avaient fait qu’à la suite de l’enquête.

284    À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 2 de la directive 2004/18, intitulé « Principes de passation des marchés », « [l]es pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité, de manière non discriminatoire et agissent avec transparence ».

285    Selon l’article 43 de la directive 2004/18, concernant le contenu des procès‑verbaux et s’inscrivant dans le chapitre VI relatif aux règles de publicité et de transparence de ladite directive :

« Pour tout marché, tout accord-cadre et toute mise en place d’un système d’acquisition dynamique, les pouvoirs adjudicateurs établissent un procès-verbal comportant au moins :

a)      le nom et l’adresse du pouvoir adjudicateur, l’objet et la valeur du marché, de l’accord-cadre ou du système d’acquisition dynamique ;

b)      le nom des candidats ou soumissionnaires retenus et la justification de leur choix ;

c)      le nom des candidats ou soumissionnaires exclus et les motifs de leur rejet ;

d)      les motifs du rejet des offres jugées anormalement basses ;

e)      le nom de l’adjudicataire et la justification du choix de son offre, ainsi que, si elle est connue, la part du marché ou de l’accord-cadre que l’adjudicataire a l’intention de sous-traiter à des tiers ;

[…]

Le procès-verbal ou ses principaux éléments sont communiqués à la Commission à sa demande. »

286    L’article 53 de la directive 2004/18, intitulé « Critères d’attribution des marchés », dispose notamment :

« 1. Sans préjudice des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales relatives à la rémunération de certains services, les critères sur lesquels les pouvoirs adjudicateurs se fondent pour attribuer les marchés publics sont :

a)      soit, lorsque l’attribution se fait à l’offre économiquement la plus avantageuse du point de vue du pouvoir adjudicateur, divers critères liés à l’objet du marché public en question : par exemple, la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les caractéristiques environnementales, le coût d’utilisation, la rentabilité, le service après-vente et l’assistance technique, la date de livraison et le délai de livraison ou d’exécution ;

b)      soit uniquement le prix le plus bas.

2. Sans préjudice des dispositions du troisième alinéa, dans le cas prévu au paragraphe 1, [sous] a), le pouvoir adjudicateur précise dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges ou, dans le cas du dialogue compétitif, dans le document descriptif, la pondération relative qu’il confère à chacun des critères choisis pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse.

Cette pondération peut être exprimée en prévoyant une fourchette dont l’écart maximal doit être approprié.

[…] »

287    L’annexe de la décision C(2013) 9527 décrit, en tant qu’erreur relevant de la catégorie no 16, le « [m]anque de transparence et/ou d’égalité de traitement lors de l’évaluation ». Cette annexe indique que la base juridique de référence est constituée, s’agissant de la directive 2004/18, par ses articles 2 et 43 et décrit ladite erreur comme suit :

« La piste d’audit concernant en particulier les notes attribuées à chaque offre est peu claire/injustifiée/manque de transparence ou est inexistante et/ou

Le rapport d’évaluation n’existe pas ou ne contient pas tous les éléments requis par les dispositions pertinentes. »

288    Il ressort d’une jurisprudence établie que, dans le domaine des marchés publics, le principe de transparence a essentiellement pour but de garantir l’absence de risque de favoritisme et d’arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur. Il implique que toutes les conditions et modalités de la procédure d’attribution soient formulées de manière claire, précise et univoque dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges (arrêts du 10 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑247/09, non publié, EU:T:2012:533, point 69, et du 15 septembre 2016, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑698/14, non publié, EU:T:2016:476, point 88). Ce principe vise, d’une part, à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents de comprendre la portée exacte desdites conditions et modalités et de les interpréter de la même manière et, d’autre part, à mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier effectivement si les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause (voir arrêt du 13 juillet 2011, Grèce/Commission, T‑81/09, non publié, EU:T:2011:366, point 105 et jurisprudence citée).

289    Le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, lequel a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les soumissionnaires (voir arrêt du 20 mars 2013, Nexans France/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑415/10, EU:T:2013:141, point 102 et jurisprudence citée). Cela implique également que les critères d’attribution doivent être formulés, dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché, de manière à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents de les interpréter de la même manière et que, lors d’une évaluation des offres, ces critères doivent être appliqués de manière objective et uniforme à tous les soumissionnaires (arrêts du 10 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑247/09, non publié, EU:T:2012:533, points 67 et 68, et du 15 septembre 2016, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑698/14, non publié, EU:T:2016:476, point 87).

290    S’agissant notamment de critères d’attribution d’un marché public, la Cour a interprété l’article 53, paragraphe 2, de la directive 2004/18, lu à la lumière du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de transparence qui en découle, en ce sens que, dans le cas d’un marché public devant être attribué selon le critère de l’offre économiquement la plus avantageuse du point de vue du pouvoir adjudicateur, ce dernier n’est pas tenu de porter à la connaissance des soumissionnaires potentiels dans l’avis de marché ou le cahier des charges relatifs au marché en cause la méthode d’évaluation appliquée afin d’évaluer et de classer concrètement les offres. La Cour a, en outre, précisé que ladite méthode ne saurait avoir pour effet d’altérer les critères d’attribution et leur pondération relative (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2016, TNS Dimarso, C‑6/15, EU:C:2016:555, point 37).

291    La Cour a par ailleurs précisé qu’un comité d’évaluation devait pouvoir disposer d’une certaine liberté dans l’accomplissement de sa tâche et, ainsi, que ledit comité pouvait, sans modifier les critères d’attribution du marché établis dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché, structurer son propre travail d’examen et d’analyse des offres présentées (arrêt du 21 juillet 2011, Evropaïki Dynamiki/EMSA, C‑252/10 P, non publié, EU:C:2011:512, point 35). Selon la Cour, cette liberté est justifiée par des considérations d’ordre pratique résultant du fait que le pouvoir adjudicateur doit pouvoir adapter la méthode d’évaluation qu’il appliquera afin d’évaluer et de classer les offres par rapport aux circonstances de l’espèce (arrêt du 14 juillet 2016, TNS Dimarso, C‑6/15, EU:C:2016:555, point 30).

292    En l’espèce, il ressort du rapport de synthèse que, selon la Commission, les autorités italiennes n’ont pas démontré que le respect de la transparence de l’évaluation des offres par la commission d’adjudication n’a pas été affecté par un défaut de motivation s’agissant tant de la méthode d’attribution des notes appliquées que de la démonstration que ladite méthode a été correctement suivie. Dans le rapport de synthèse, la Commission précise, également, que les éléments fournis par les autorités italiennes lors de la procédure administrative n’ont pas remis en cause le fait que, lors de la procédure de passation du marché public, ces éléments n’étaient pas accessibles à tous les soumissionnaires. Ainsi, selon la Commission, ne pouvant disposer de documents détaillés, les autres soumissionnaires auraient eu beaucoup de difficultés à introduire des réclamations motivées. Dans le rapport de synthèse en question, la Commission rappelle, en outre, que, selon l’organe de conciliation, une conciliation était envisageable s’agissant de l’échantillon/paiement no 8 relatif au financement octroyé à la commune de Campoli Monti Taburno. Nonobstant l’avis de l’organe de conciliation, d’une part, la Commission a considéré que la décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 21 mai 2018, produite par les autorités italiennes et selon laquelle, dans les « procédures de passation de marchés publics, il n’est pas obligatoire d’indiquer spécifiquement les notes attribuées par chaque membre du jury, étant donné qu’il s’agit d’une formalité interne relative aux travaux du jury, dont les appréciations, aux fins de l’établissement du procès-verbal et de la publicité externe, sont suffisamment documentées par la seule attribution de la note globale finale », n’était pas pertinente. D’autre part, la Commission, en soulignant que le marché en cause avait été attribué au soumissionnaire ayant présenté l’offre la plus onéreuse, est restée d’avis que le principe de transparence avait été violé et qu’il était approprié d’appliquer une correction forfaitaire égale à 10 % des dépenses.

293    En l’occurrence, il convient d’apprécier si la République italienne a démontré que la Commission a estimé, à tort, que le processus d’évaluation des offres dans le cadre de la procédure d’appel d’offres en cause était entaché d’un manque de transparence et donc de l’erreur relevant de la catégorie no 16 selon la classification contenue dans l’annexe de la décision C(2013) 9527.

294    À cet égard, en premier lieu, s’agissant de la question de savoir si la décision d’attribution était suffisamment motivée en ce qui concerne la méthode d’attribution des notes et si elle permettait d’apprécier que cette méthode avait été correctement suivie, il importe d’observer ce qui suit.

295    Premièrement, s’agissant du respect du principe de transparence, il convient d’observer que le cahier des charges  fait référence aux critères contenus dans l’appel d’offres et rappelés dans le procès-verbal du 19 juin 2014. Le cahier des charges  décrit également, de manière détaillée,  la méthode de calcul  appliquée lors de l’évaluation des offres dans le chapitre III, intitulé « Évaluation des offres et attribution des points ».

296    Deuxièmement, il importe de noter qu’il ressort des documents produits devant le Tribunal que l’avis de marché et les actes figurant en annexe à cet avis, y compris le cahier des charges, ont été portés à la connaissance des soumissionnaires par le biais de leur publication sur le site Internet du pouvoir adjudicateur, conformément à ce qui est prévu à l’article 23 du décret législatif no 33/2013 ayant pour objet la « réorganisation de la réglementation concernant le droit d’accès civique et les obligations de publicité, de transparence et de diffusion d’informations par les administrations publiques ».

297    Troisièmement, dans le procès-verbal de la réunion de la commission d’adjudication du 19 juin 2014, il est précisé que l’examen des offres des soumissionnaires a été réalisé en appliquant les critères d’évaluation technique établis dans l’avis de marché et, notamment, le critère indiqué au point IV. 2. 1 a), à savoir « Solution technique d’amélioration par rapport au projet de base de l’appel d’offres » et celui indiqué au point IV. 2. 1. b), à savoir « Solutions de planification/caractéristiques et qualités des prestations additionnelles ». Dans ledit procès-verbal, il est, en outre, indiqué que chaque commissaire a assigné des notes en appliquant la méthode des « comparaisons appariées » visée à l’annexe G du décret 207/2010 du président de la République portant règlement pour l’exécution et la mise en œuvre du décret législatif no 163/2006 (GURI no 288, du 10 décembre 2010). Plus précisément, selon le procès-verbal en cause, chaque commissaire a apprécié, pour chaque critère, lequel des deux éléments de chaque couple était à préférer et a assigné une note de 1 (égalité) à 6 (maximum de préférence) en fonction du degré de préférence accordé. Le procès-verbal concerné, après avoir expliqué comment la commission d’adjudication a procédé au calcul des notes et a « paramétré » tous les résultats, expose le total des points de l’évaluation technique, une grille d’évaluation et les résultats finals.

298    Quatrièmement, les « brouillons contenant l’appréciation discrétionnaire de la commission d’adjudication des offres », produits par les autorités italiennes au cours de la procédure administrative, et déposés par la République italienne devant le Tribunal, consistant en des notes manuscrites, signés par chaque commissaire et datés du 19 juin 2014, démontrent, d’une part, que la méthode de comparaison appariée a été correctement suivie et, d’autre part, que les soumissionnaires avaient non seulement compris la portée exacte des critères d’évaluation technique établis dans l’avis de marché, mais les avaient également interprétés de la même manière. En effet, il ressort desdits brouillons que, lors des comparaisons appariées des offres, des éléments techniques présentés par les soumissionnaires ont été considérés comme équivalents et, en outre, que ces éléments équivalents, ou bien les éléments auxquels une préférence a été accordée, se répètent dans les différentes comparaisons.

299    Cinquièmement, s’agissant de la différence importante entre les notes techniques attribuées à l’adjudicataire par rapport aux autres soumissionnaires, relevée par la Commission, il importe d’observer qu’elle permet uniquement de comprendre les raisons du choix de l’offre la plus onéreuse. En effet, il est évident que, plus le niveau des prestations techniques proposées est élevé, plus le prix de l’offre est susceptible d’être élevé. Autrement dit, ladite différence entre les notes techniques de l’adjudicataire et des autres soumissionnaires, relevée par la Commission, loin de démontrer un défaut d’information en ce qui concerne la partie technique de l’évaluation des offres, révèle une différence d’appréciation de leur adéquation aux critères de l’appel d’offres. De surcroît, comme il ressort de la jurisprudence mentionnée aux points 290 et 291 ci-dessus, un comité d’évaluation, sans modifier les critères d’attribution du marché établis dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché, doit pouvoir disposer d’une certaine liberté pour structurer son propre travail d’examen et d’analyse des offres présentées. Ainsi, la Commission ne saurait déduire de l’absence d’explication dans le procès-verbal du 19 juin 2014 des préférences accordées par les commissaires aux différents éléments techniques présentés par les soumissionnaires, « un défaut d’informations quant à la justification de la partie technique des offres » ou bien que la transparence du processus d’évaluation de celles-ci n’a pas été respectée.

300    Il résulte de ce qui précède que la Commission a estimé erronément que la procédure d’appel d’offres en cause était entachée d’un défaut de motivation quant à la méthode d’attribution des notes appliquée et quant à la démonstration que ladite méthode avait été correctement suivie. En effet, il ressort de ce qui précède que, dès la phase d’établissement de l’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur avait précisé, dans l’avis de marché et dans le cahier des charges, les critères choisis pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse, ainsi que la méthode de calcul et d’attribution des notes. Ces documents ayant été publiés, conformément au principe de transparence, les soumissionnaires étaient en mesure de savoir que la méthode d’évaluation des offres était la comparaison appariée et que celle-ci tenait compte des critères techniques mentionnés dans l’avis de marché et rappelés dans le cahier des charges. Par ailleurs, ainsi que cela résulte de l’analyse des brouillons, les soumissionnaires ont interprété uniformément lesdits critères aux fins de la présentation de leurs offres.

301    En second lieu, il convient d’apprécier si, ainsi que le fait valoir la Commission, dans la mesure où les éléments fournis par les autorités italiennes lors de la procédure administrative (procès-verbaux des réunions de la commission d’adjudication et brouillons des commissaires) n’avaient pas été mis à la disposition des soumissionnaires lors de la procédure de passation du marché public, ces derniers auraient eu beaucoup de difficultés à introduire des réclamations motivées et donc si, comme le soutient la Commission, une telle situation était comparable au cas où « le rapport d’évaluation n’existe[rait] pas ou ne contien[drai]t pas tous les éléments requis par les dispositions pertinentes ».

302    À cet égard, premièrement, il convient d’observer qu’il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 289 ci-dessus que le principe d’égalité de traitement implique que les critères d’attribution soient formulés, dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché, de manière à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents de les interpréter de la même manière. Ledit principe implique, en outre, que, lors d’une évaluation des offres, ces critères soient appliqués de manière objective et uniforme à tous les soumissionnaires.

303    Or, au point 296 ci-dessus, il a été indiqué que la méthode de calcul choisie pour l’évaluation des offres, en ce qu’elle était décrite de façon très détaillée dans le chapitre III du cahier des charges, avait été portée à la connaissance des soumissionnaires. En effet, ledit cahier de charges ainsi que l’avis de marché indiquant les critères d’évaluation technique des offres avaient fait l’objet d’une publication sur le site Internet institutionnel du pouvoir adjudicateur.

304    Deuxièmement, il ne ressort pas de la jurisprudence que le respect du principe de transparence, corollaire du principe d’égalité de traitement, implique l’obligation d’indiquer, dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, le processus d’évaluation suivi par le comité d’adjudication pour arriver à l’attribution du marché. Le respect des principes de transparence et d’égalité de traitement implique uniquement que la méthode de calcul des notes soit portée à la connaissance des soumissionnaires par l’avis de marché et le cahier des charges.

305    Troisièmement, contrairement à ce que soutient la Commission, la circonstance que les autorités italiennes ont fourni à la suite de l’audit des documents, tels que les procès-verbaux et les brouillons de l’évaluation des offres, ne démontre pas un manque de transparence ou d’égalité de traitement lors de l’évaluation des offres. Au contraire, ces documents, qui ont été établis au cours de l’évaluation des offres par la commission d’adjudication, démontrent l’application, par les commissaires, de la méthode prévue dans l’avis de marché et dans le cahier des charges. Par ailleurs, les soumissionnaires exclus pouvaient demander à accéder à ces documents qui étaient exploitables afin de contester l’attribution du marché au soumissionnaire retenu.

306    Il ressort de ce qui précède, d’une part, qu’il est établi que la Commission a erronément considéré que la procédure d’attribution du marché suivie par la commune de Campoli Monti Taburno était entachée de l’erreur relevant de la catégorie no 16 de l’annexe de la décision C(2013) 9527 (voir point 300 ci-dessus), à savoir que la piste d’audit concernant en particulier les notes attribuées à chaque offre était peu claire, injustifiée, manquait de transparence ou était inexistante (voir point 287 ci-dessus). D’autre part, il est également démontré que la Commission a considéré à tort que les soumissionnaires ne disposaient pas d’éléments leur permettant de comprendre l’évaluation des offres et d’apprécier s’il convenait d’introduire une réclamation à l’encontre de la décision d’attribution et que l’absence d’éléments relatifs au processus d’évaluation des offres correspondait à l’erreur no 16 de la décision C(2013) 9527, à savoir la situation où « le rapport d’évaluation n’existe pas ou ne contient pas tous les éléments requis par les dispositions pertinentes ».

307    Il s’ensuit qu’il convient d’accueillir la seconde branche du sixième moyen et d’annuler partiellement la décision attaquée en ce que, s’agissant de l’échantillon/paiement no 8, elle applique une correction forfaitaire égale à 10 % des dépenses correspondant à un montant de 72 704,23 euros (voir point 51 ci-dessus).

308    Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, d’une part, en ce qu’elle prévoit une correction financière de 2 %, relative aux aides à la surface octroyées en Italie, d’un montant de 143 924 279,14 euros, pour les années de demande 2015 et 2016, établie à la suite des enquêtes AA/2016/003/IT, AA/2016/012/IT et AA/2019/15/IT (voir point 142 ci‑dessus) et, d’autre part, en ce qu’elle prévoit une correction forfaitaire de 10 %, d’un montant de 72 704,23 euros, relative à l’échantillon/paiement no 8 concernant la commune de Campoli Monte Taburno, en application de la mesure 322, faisant partie des mesures en faveur du développement rural pour les années de demande 2014, 2015 et 2016 (voir point 307 ci-dessus) établie à la suite de l’enquête RD 1/2016/803/IT.

IV.    Sur les dépens

309    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l’espèce, il y a lieu de décider que, le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision d’exécution (UE) 2019/1835 de la Commission, du 30 octobre 2019, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), est annulée en tant qu’elle impose à la République italienne une correction forfaitaire de 2 %, relative aux aides à la surface octroyées en Italie, d’un montant de 143 924 279,14 euros pour les années de demande 2015 et 2016, et une correction forfaitaire de 10 %, d’un montant de 72 704,23 euros, relative à l’échantillon/paiement n8 concernant la commune de Campoli Monte Taburno, en application de la mesure 322, faisant partie des mesures en faveur du développement rural pour les années de demande 2014, 2015 et 2016.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La République italienne et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

Gervasoni

Madise

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 mars 2022.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Correction financière de 143 924 279,14 euros établie à la suite des enquêtes AA/2016/003/IT, AA/2016/012/IT et AA/2016/015/IT

B. Correction de 11 050 070,04 euros établie à la suite de l’enquête FV/2016/002/IT

C. Correction financière de 857 498,36 euros établie à la suite de l’enquête RD 1/2016/803/IT

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur les premier, deuxième et troisième moyens, afférents à la correction financière de 143 924 279,14 euros établie à la suite des enquêtes AA/2016/003/IT, AA/2016/012/IT et AA/2016/015/IT

1. Sur le caractère opérant du premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013

2. Sur le bien-fondé du premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013

B. Sur les quatrième et cinquième moyens, afférents à la correction de 11 050 070,04 euros établie à la suite de l’enquête FV/2016/002/IT

1. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des articles 26, 27 et 106 du règlement d’exécution no 543/2011 et de l’article 155 du règlement no 1308/2013

a) Sur la première branche du quatrième moyen, concernant le contrôle de l’éligibilité du PO des OP avant son approbation sous l’angle de la vérification du sérieux des estimations des prix pour l’achat des biens et des services

b) Sur la seconde branche du quatrième moyen, tirée de la violation de l’article 155 du règlement no 1308/2013 et des articles 26 et 27 du règlement d’exécution no 543/2011, en ce qui concerne le contrôle de la reconnaissance du statut des OP sous l’angle de l’externalisation de leur activité principale

2. Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des articles 31 et 106 du règlement d’exécution no 543/2011 ainsi que de la violation du règlement délégué no 499/2014 en ce qui concerne le contrôle clé no 3

C. Sur le sixième moyen, afférent à la correction financière de 857 498,36 euros établie à la suite de l’enquête RD 1/2016/803/IT

1. Sur la première branche du sixième moyen, tirée du caractère erroné de la correction financière appliquée par la Commission en ce qui concerne l’échantillon/paiement no 3 – commune de Bernalda

2. Sur la seconde branche du sixième moyen, tirée du caractère erroné de la correction financière appliquée par la Commission en ce qui concerne l’échantillon/paiement no 8 – Commune de Campoli Monti Taburno (Campanie)

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’italien.

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