Hypo Vorarlberg Bank v SRB (Contributions ex ante 2016) (Economic and Monetary Union - Banking Union - Single Resolution Mechanism for Credit Institutions and Certain Investment Firms (SRM) - Judgment) French Text [2025] EUECJ T-336/20 (09 April 2025)

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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: https://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/T33620.html
Cite as: ECLI:EU:T:2025:383, EU:T:2025:383, [2025] EUECJ T-336/20

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie) 

9 avril 2025 (*)(1)

« Union économique et monétaire - Union bancaire - Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d'investissement (MRU) - Fonds de résolution unique (FRU) - Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2016 - Obligation de motivation - Droit d'être entendu - Principe de sécurité juridique - Droit à une protection juridictionnelle effective - Principe de non-rétroactivité - Exception d'illégalité »

Dans l'affaire T‑336/20,

Hypo Vorarlberg Bank AG, établie à Brégence (Autriche), représentée par Mes G. Eisenberger, A. Brenneis et J. Holzmann, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par MM. D. Ceran et C. Flynn, en qualité d'agents, assistés de Mes B. Meyring, T. Klupsch et S. Ianc, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Parlement européen, représenté par MM. L. Visaggio, J. Etienne et Mme G. Bartram, en qualité d'agents,

par

Conseil de l'Union européenne, représenté par M. J. Bauerschmidt et Mme E. d'Ursel, en qualité d'agents,

et par

Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou et Mme A. Steiblytė, en qualité d'agents,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov, président, D. Petrlík, K. Kecsmár (rapporteur), Mmes S. Kingston et L. Spangsberg Grønfeldt, juges,

greffier : Mme S. Jund, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l'audience du 27 juin 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l'article 263 TFUE, la requérante, Hypo Vorarlberg Bank AG, demande l'annulation de la décision SRB/ES/2022/79 du Conseil de résolution unique (CRU), du 7 décembre 2022, retirant la décision SRB/ES/2020/16 du CRU, du 19 mars 2020, sur le calcul des contributions ex ante pour 2016 de Banco Cooperativo Español, SA, Hypo Vorarlberg Bank AG (anciennement Vorarlberger Landes- und Hypothekenbank AG) et Portigon AG au Fonds de résolution unique, et calculant leurs contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu'elle la concerne.

I.      Antécédents du litige

2        La requérante est un établissement de crédit établi en Autriche.

3        Par sa décision SRB/ES/SRF/2016/06, du 15 avril 2016, sur les contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique, le CRU a fixé, conformément à l'article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d'investissement dans le cadre d'un mécanisme de résolution unique et d'un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (FRU) (ci-après les « contributions ex ante »), pour l'année 2016 (ci-après la « période de contribution 2016 »), des établissements relevant des dispositions combinées de l'article 2 et de l'article 67, paragraphe 4, de ce règlement (ci-après les « établissements »), dont la requérante.

4        Par sa décision SRB/ES/SRF/2016/13, du 20 mai 2016, sur l'ajustement des contributions ex ante pour la période de contribution 2016 au FRU, complétant la décision SRB/ES/SRF/2016/06, le CRU a rectifié le calcul des contributions ex ante des établissements pour la période de contribution 2016.

5        Le 19 mars 2020, le CRU a adopté la décision SRB/ES/2020/16 (ci-après la « décision du 19 mars 2020 ») par laquelle il a remplacé les décisions mentionnées aux points 3 et 4 ci-dessus (ci-après les « décisions initiales »). Selon les considérants 7 et 8 de la décision du 19 mars 2020, celle-ci visait à remédier aux vices de procédure et au défaut de motivation des décisions initiales, que le Tribunal avait constatés dans les arrêts du 28 novembre 2019, Banco Cooperativo Español/CRU (T‑323/16, EU:T:2019:822), du 28 novembre 2019, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16, EU:T:2019:823), et du 28 novembre 2019, Portigon/CRU (T‑365/16, EU:T:2019:824), annulant les décisions initiales en ce qui concernait, notamment, la requérante.

6        Le 7 décembre 2022, le CRU a adopté la décision attaquée, par laquelle il a retiré et remplacé la décision du 19 mars 2020. Selon les considérants 19 à 22 de la décision attaquée, celle-ci visait à remédier au défaut de motivation de la décision du 19 mars 2020 que le CRU avait constaté à la suite de l'arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), ainsi que des ordonnances du 3 mars 2022, CRU/Portigon et Commission (C‑664/20 P, non publiée, EU:C:2022:161), et du 3 mars 2022, CRU/Hypo Vorarlberg Bank (C‑663/20 P, non publiée, EU:C:2022:162), portant sur le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2017.

7        Le 20 décembre 2022, la Finanzmarktaufsichtsbehörde (FMA, Autorité de surveillance des marchés financiers, Autriche), en sa qualité d'autorité de résolution nationale, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014, a notifié la décision attaquée à la requérante.

II.    Décision attaquée

8        La décision attaquée comprend un corps qui est accompagné, en ce qui concerne la requérante, de quatre annexes.

9        Le corps de la décision attaquée décrit, dans les sections 3 à 10, le processus de détermination des contributions ex ante pour la période de contribution 2016, qui est applicable à tous les établissements.

10      Plus particulièrement, dans la section 6 de la décision attaquée, le CRU a déterminé le niveau cible annuel, mentionné à l'article 4 du règlement d'exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d'application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au FRU (JO 2015, L 15, p. 1), pour la période de contribution 2016 (ci-après le « niveau cible annuel »).

11      Le CRU a expliqué qu'il avait fixé ce niveau cible annuel à un huitième de 1,05 % du montant des dépôts couverts, calculé en fin d'année, de l'ensemble des établissements en 2015, tel qu'il avait été obtenu à partir des données communiquées par les établissements conformément à l'article 14, paragraphe 2, du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).

12      Dans la section 7 de la décision attaquée, le CRU a décrit la méthode à suivre pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2016. À cet égard, il a précisé, au considérant 95 de ladite décision, que, pour cette période, 60 % des contributions ex ante avaient été calculées sur la « base nationale », c'est-à-dire sur la base des données communiquées par les établissements agréés sur le territoire de l'État membre participant concerné (ci-après la « base nationale »), conformément à l'article 103 de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), et conformément à l'article 4 du règlement délégué 2015/63. Le reste des contributions ex ante (à savoir 40 %) a été calculé sur la « base de l'union bancaire », c'est-à-dire sur la base des données communiquées par l'ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au mécanisme de résolution unique (MRU) (ci-après la « base de l'union » et les « États membres participants »), conformément aux articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 et à l'article 4 du règlement d'exécution 2015/81.

13      Par ailleurs, le CRU a calculé les contributions ex ante des établissements, tels que la requérante, en suivant les phases principales suivantes.

14      Dans la première phase du calcul des contributions ex ante, le CRU a calculé, conformément à l'article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, la contribution annuelle de base de chaque établissement, qui est proportionnelle au montant du passif de l'établissement concerné, hors fonds propres et dépôts couverts, rapporté au total du passif, hors fonds propres et dépôts couverts, de l'ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants. Conformément à l'article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, le CRU a déduit certains types de passifs du passif total de l'établissement à prendre en compte pour la détermination de cette contribution.

15      Dans la seconde phase du calcul des contributions ex ante, le CRU a procédé à un ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque de l'établissement concerné, conformément à l'article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014. Il a évalué ce profil de risque sur la base des quatre piliers de risque mentionnés à l'article 6 du règlement délégué 2015/63, qui sont composés d'indicateurs de risque. Afin de classer les établissements selon leur niveau de risque, tout d'abord, le CRU a établi – pour chaque indicateur de risque appliqué pour la période de contribution 2016 – des bins (paniers) dans lesquels ont été regroupés les établissements, conformément à l'annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 3, de ce règlement délégué. Les établissements appartenant au même bin se sont vu attribuer une valeur commune pour l'indicateur de risque donné, dite « valeur discrétisée ». En combinant les valeurs discrétisées pour chaque indicateur de risque, le CRU a calculé le « multiplicateur d'ajustement en fonction du profil de risque » de l'établissement concerné (ci-après le « multiplicateur d'ajustement »). En multipliant la contribution annuelle de base de cet établissement par le multiplicateur d'ajustement de celui-ci, le CRU a obtenu la « contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque » dudit établissement.

16      Ensuite, le CRU a additionné toutes les contributions annuelles de base ajustées en fonction des profils de risque pour obtenir un « dénominateur commun » utilisé pour calculer la part du niveau cible annuel que chaque établissement devait verser.

17      Enfin, le CRU a calculé la contribution ex ante de chaque établissement en répartissant le niveau cible annuel entre tous les établissements sur la base du ratio existant entre la contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque, d'une part, et le dénominateur commun, d'autre part.

18      L'annexe I de la décision attaquée contient la fiche individuelle de la requérante, qui comporte les résultats du calcul de sa contribution ex ante (ci-après la « fiche individuelle »). Cette fiche expose le montant de la contribution annuelle de base de la requérante ainsi que la valeur de son multiplicateur d'ajustement, tant sur la base de l'union que sur la base nationale, en mentionnant, pour chaque indicateur de risque, le numéro du bin auquel la requérante a été assignée. En outre, la fiche individuelle expose des données qui sont utilisées pour le calcul des contributions ex ante de tous les établissements concernés et que le CRU a déterminées en additionnant ou en combinant les données individuelles de tous ces établissements. Enfin, cette fiche comporte les données déclarées par la requérante dans le formulaire de déclaration et utilisées dans le calcul de sa contribution ex ante.

19      L'annexe II de la décision attaquée comprend des données statistiques relatives au calcul des contributions ex ante pour chaque État membre participant, sous une forme résumée et agrégée. Cette annexe précise, notamment, le montant global des contributions ex ante à verser par les établissements concernés pour chacun de ces États membres. Par ailleurs, ladite annexe énumère, pour chaque indicateur de risque, le nombre de bins, le nombre d'établissements appartenant à chacun des bins ainsi que les valeurs minimales et maximales de ces bins. Dans le cas des bins relatifs à la base nationale, ces valeurs sont, pour des raisons de confidentialité, diminuées ou augmentées d'un montant aléatoire, la répartition originale des établissements étant maintenue.

20      L'annexe IIIb de la décision attaquée examine les observations présentées par la requérante lors de la procédure de consultation menée par le CRU entre le 24 octobre et le 8 novembre 2022, préalablement à l'adoption de la décision attaquée.

III. Conclusions des parties

21      La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, y compris ses annexes, en tant qu'elle la concerne ;

–        condamner le CRU aux dépens de l'ensemble de la procédure et, à titre subsidiaire, en tout état de cause, aux dépens exposés en ce qui concerne la décision du 19 mars 2020.

22      Le CRU conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

–        rejeter partiellement les adaptations de la requête comme étant irrecevables et rejeter le recours dans son intégralité comme étant infondé ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, dans le cas où le Tribunal considérerait que la décision attaquée n'aurait pas dû être adoptée avec effet rétroactif, annuler cette décision uniquement dans cette mesure ou annuler uniquement son article 4 et la maintenir pour le reste ;

–        à titre encore plus subsidiaire, en cas d'annulation de la décision attaquée dans son intégralité, maintenir les effets de ladite décision jusqu'à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement sera définitif.

23      Le Parlement européen, le Conseil de l'Union européenne et la Commission européenne concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

IV.    En droit

24      Dans la requête, la requérante a invoqué quatre moyens à l'encontre de la décision du 19 mars 2020. Par les premier, deuxième et troisième moyens, elle a soulevé une violation des formes substantielles en raison d'une communication incomplète de cette décision et d'un défaut de motivation de celle-ci, ainsi que la méconnaissance du droit d'être entendu. Par le quatrième moyen, la requérante a soulevé une exception d'illégalité du règlement délégué 2015/63 et, à titre subsidiaire, des exceptions d'illégalité de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014.

25      Dans le mémoire en adaptation, déposé au titre de l'article 86 du règlement de procédure du Tribunal, la requérante soulève dix moyens à l'encontre de la décision attaquée, tirés :

–        le premier, d'une violation de l'article 1er, deuxième alinéa, TUE, des articles 15, 296 et 298 TFUE et des articles 42 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après la « Charte »), en raison du défaut de communication de la décision attaquée dans son intégralité ;

–        le deuxième, d'une violation du principe de sécurité juridique du fait de l'adoption de la décision attaquée avec effet rétroactif ;

–        le troisième, de ce que le CRU a déterminé le niveau cible annuel en méconnaissance de l'article 102 de la directive 2014/59, de l'article 69, paragraphes 1 et 2, et de l'article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 ainsi que de l'article 3 et de l'article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63, en ce que le niveau cible annuel pour la période de contribution 2016 serait excessif ;

–        le quatrième, d'une violation de l'article 296, deuxième alinéa, TFUE et de l'article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous c), de la Charte, en raison de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée ;

–        le cinquième, d'une violation des formes substantielles et du droit à un recours effectif consacré à l'article 47 de la Charte ainsi que de l'article 296, deuxième alinéa, TFUE et de l'article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous c), de la Charte, notamment en ce que le système de contributions ex ante serait opaque et la décision attaquée ne contiendrait pas de motivation compréhensible quant à l'exercice des marges d'appréciation du CRU ;

–        le sixième, d'une violation de l'article 102 de la directive 2014/59, de l'article 69, paragraphes 1 et 2, et de l'article 70, paragraphes 2 et 3, du règlement no 806/2014, de l'article 4, paragraphe 2, de l'article 6, paragraphe 2, sous a), de l'article 7, paragraphe 2, sous a), de l'article 17, paragraphes 3 et 4, et de l'annexe I du règlement délégué 2015/63 ainsi que des principes de protection juridictionnelle effective et de proportionnalité, au motif que la décision attaquée ne refléterait pas la situation de fait telle qu'elle existait au moment de son adoption ;

–        le septième, d'une violation de l'article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), de la Charte, en raison du non-respect du droit d'être entendu ;

–        le huitième, d'une exception d'illégalité des articles 4 à 7 et 9 ainsi que de l'annexe I du règlement délégué 2015/63, fondée sur la violation du droit à une bonne administration, du droit à une protection juridictionnelle effective, du principe de sécurité juridique, des articles 16, 17, 20 et 21 de la Charte, du principe de proportionnalité et de l'article 290 TFUE ;

–        le neuvième, d'une exception d'illégalité de l'article 8, paragraphes 1, 4 et 5, du règlement d'exécution 2015/81, fondée sur la violation de l'article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l'article 291, paragraphe 2, TFUE, ainsi que d'une exception d'illégalité de l'article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, fondée sur la violation de l'article 291, paragraphe 2, TFUE, lu conjointement avec l'article 296, deuxième alinéa, TFUE ;

–        le dixième, d'une exception d'illégalité de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, fondée sur la violation de l'article 1er, deuxième alinéa, TUE, des articles 15, 296 et 298 TFUE, des articles 16, 17, 41, 42 et 47 de la Charte, de l'obligation de motivation et du principe de sécurité juridique.

26      Il convient d'examiner d'abord les moyens par lesquels la requérante soulève une exception d'illégalité, à savoir, les neuvième, dixième et huitième moyens, puis les moyens portant directement sur la légalité de la décision attaquée.

27      Par ailleurs, le CRU excipe l'irrecevabilité, d'une part, des troisième et neuvième moyens, mentionnés au point 25 ci-dessus, au motif que leur présentation pour la première fois dans le mémoire en adaptation serait contraire à l'article 86 du règlement de procédure et, d'autre part, de certains autres moyens et griefs au motif qu'ils ne respectent pas les conditions prévues à l'article 76 du règlement de procédure. Ces fins de non-recevoir seront examinées ci-après dans l'ordre indiqué au point 26 ci-dessus.

A.      Sur les exceptions d'illégalité

1.      Sur le neuvième moyen, tiré des exceptions d'illégalité du règlement no 806/2014 et du règlement d'exécution 2015/81

28      Par le neuvième moyen, soulevé pour la première fois dans son mémoire en adaptation, la requérante soulève des exceptions d'illégalité du règlement no 806/2014 et du règlement d'exécution 2015/81. Ce moyen s'articule, en substance, en deux branches, tirées, la première, de ce que l'article 8, paragraphes 1, 4 et 5, du règlement d'exécution 2015/81 méconnaît les limites des compétences d'exécution fixées à l'article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 et à l'article 291, paragraphe 2, TFUE et, la seconde, de ce que le règlement no 806/2014 ne contient pas une justification quant au choix d'attribuer la compétence d'exécution prévue à l'article 70, paragraphe 7, dudit règlement au Conseil plutôt qu'à la Commission, en méconnaissance de l'article 291, paragraphe 2, TFUE.

29      Le CRU, soutenu par le Conseil et la Commission,  fait valoir que le présent moyen doit être rejeté comme étant irrecevable au motif qu'il aurait dû être soulevé dès l'introduction du recours relatif à la décision du 19 mars 2020. Son inclusion, pour la première fois, dans le mémoire en adaptation violerait l'article 86 du règlement de procédure. En tout état de cause, il devrait être rejeté comme étant non fondé. En outre, selon le Parlement, le neuvième moyen repose sur des motifs qui manquent de clarté.

30      Lors de l'audience, la requérante a fait valoir, d'une part, qu'elle pouvait soulever, dans son mémoire en adaptation, tout moyen nouveau, sans limitation, et, d'autre part, que, en ce qui concernait l'application de l'article 8, paragraphe 1, du règlement d'exécution 2015/81, la décision attaquée comportait des éléments nouveaux par rapport à celle du 19 mars 2020 qui lui avaient permis, pour la première fois, d'apprécier l'incidence de l'application de cette disposition sur sa situation individuelle.

31      En revanche, la requérante n'a pas soutenu, lors de l'audience, que la décision attaquée comportait des éléments nouveaux par rapport à celle du 19 mars 2020 en ce qui concernait l'application de l'article 8, paragraphes 4 et 5, du règlement d'exécution 2015/81 et de l'article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014.

a)      Sur la recevabilité

32      Tout d'abord, il convient d'examiner si, comme le fait valoir la requérante, l'article 86 du règlement de procédure doit être interprété en ce sens qu'il lui permet de soulever pour la première fois, dans son mémoire en adaptation, tout moyen nouveau, sans limitation aucune.

33      À cet égard, l'article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit, dans sa version applicable au mémoire en adaptation déposé dans la présente affaire, que « [l]orsqu'un acte, dont l'annulation est demandée, est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet, le requérant peut, avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, adapter la requête pour tenir compte de cet élément nouveau ». Le mémoire en adaptation contient, s'il y a lieu, les « moyens et arguments adaptés », ainsi que le précise l'article 86, paragraphe 4, sous b), dudit règlement.

34      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les conclusions des parties sont caractérisées, en principe, par leur immutabilité. L'article 86 du règlement de procédure constitue une codification d'une jurisprudence préexistante relative aux exceptions que ce principe d'immutabilité peut recevoir (voir arrêt du 9 novembre 2017, HX/Conseil, C‑423/16 P, EU:C:2017:848, point 18 et jurisprudence citée).

35      La Cour a déjà jugé que, en tant qu'exception au principe d'immutabilité de l'instance, l'article 86 du règlement de procédure devait être interprété strictement (arrêt du 20 septembre 2018, Espagne/Commission, C‑114/17 P, EU:C:2018:753, point 54).

36      Il ressort des termes de l'article 86 du règlement de procédure que cette disposition permet à la partie requérante d'« adapter » sa requête « pour tenir compte de [l']élément nouveau » que constitue le remplacement ou la modification de l'acte initialement attaqué et de présenter, à cette fin, des conclusions ainsi que, s'il y a lieu, des moyens et des arguments « adaptés ». Ainsi, ladite disposition ne visant qu'une « adaptation » de la requête initiale, la finalité d'une telle adaptation est limitée à la prise en compte des éléments nouveaux liés au remplacement ou à la modification de l'acte initialement attaqué, à savoir, notamment, les éléments nouveaux figurant dans l'acte remplaçant ou modifiant l'acte initialement attaqué. Dès lors, l'article 86 du règlement de procédure ne saurait être interprété comme permettant à la partie requérante de soulever pour la première fois, dans un mémoire en adaptation, tout moyen nouveau, alors même que les éléments de fait et de droit sur lesquels il repose lui étaient déjà connus lors de l'introduction de sa requête et qu'ils n'ont pas été modifiés dans l'acte remplaçant ou modifiant l'acte initialement attaqué.

37      L'interprétation contraire, préconisée par la requérante, selon laquelle elle pourrait soulever pour la première fois, dans son mémoire en adaptation, tout moyen nouveau, sans limitation aucune, se heurte non seulement au libellé de l'article 86 du règlement de procédure, mais aussi à la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus, laquelle impose une interprétation stricte de l'article 86 du règlement de procédure.

38      L'interprétation retenue au point 36 ci-dessus est corroborée par le régime procédural auquel est soumis le mémoire en adaptation en vertu des règles prévues à l'article 86 du règlement de procédure. Il découle de ces règles que l'adaptation de la requête s'inscrit dans la continuité d'une procédure déjà existante, telle qu'elle a été initialement délimitée par la requête introductive d'instance. Cela est notamment démontré, d'une part, par l'article 86, paragraphe 6, du règlement de procédure, selon lequel la phase écrite de la procédure, dans le cas d'une adaptation de la requête, ne comporte qu'un seul échange de mémoires.

39      D'autre part, selon l'article 86, paragraphe 7, du règlement de procédure, l'adaptation de la requête permet aux parties intervenantes de « compléter » leurs mémoires en intervention. En revanche, cette disposition ne permet pas l'introduction de nouvelles demandes d'intervention à la suite d'une adaptation de la requête. En effet, toute demande d'intervention doit être présentée dans un délai de six semaines, qui court à partir de la publication de la requête introductive d'instance, conformément à l'article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure, lu conjointement avec l'article 79 de ce même règlement, étant précisé que l'adaptation de la requête ne fait pas l'objet d'un avis publié au Journal Officiel de l'Union européenne. L'adaptation de la requête s'inscrit ainsi dans une procédure caractérisée par l'immutabilité des parties déjà constituées.

40      L'interprétation retenue au point 36 ci-dessus est confirmée, en outre, par le contexte réglementaire dans lequel s'inscrit l'article 86 du règlement de procédure. Cette disposition fait partie, avec les articles 84 et 85, du même chapitre du règlement de procédure, intitulé « Des moyens, des preuves et de l'adaptation de la requête ». Bien que chacun de ces articles ait son propre champ d'application, tous s'inscrivent dans le même contexte réglementaire consistant, en substance, à préserver le principe d'immutabilité de l'instance, tout en prévoyant des exceptions à ce principe, dont l'étendue est strictement circonscrite. Ainsi, selon les articles 84 et 85 du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux et la présentation de preuves ou d'offres de preuve en cours d'instance sont, en principe, interdites, à moins qu'elles ne soient dûment justifiées.

41      La conclusion figurant au point 36 ci-dessus se trouve également corroborée par l'interprétation téléologique de l'article 86 du règlement de procédure, lequel poursuit des objectifs de bonne administration de la justice et d'économie de procédure, en ce qu'il permet à la partie requérante, en cas de remplacement ou de modification de l'acte initialement attaqué par un acte ayant le même objet, de poursuivre la procédure sans être obligée d'introduire un nouveau recours devant le juge de l'Union (voir arrêt du 6 mars 2024, BSW – management company of « BMC » holding/Conseil, T‑258/22, non publié, EU:T:2024:150, point 52 et jurisprudence citée).

42      L'article 86 du règlement de procédure offre ainsi à la partie requérante un choix entre, d'une part, l'adaptation de sa requête et, d'autre part, l'introduction d'un nouveau recours visant l'annulation de l'acte remplaçant ou modifiant l'acte initialement attaqué. Si une partie requérante décide de poursuivre la procédure déjà entamée, en adaptant sa requête sur le fondement de l'article 86, elle se place alors dans la continuité d'un recours existant, faisant l'objet des contraintes qui en découlent relevées aux points 36, 38 et 39 ci-dessus, tout en bénéficiant de l'économie de procédure prévue par cette disposition. En revanche, si une partie requérante décide d'introduire un nouveau recours visant l'annulation de l'acte remplaçant ou modifiant l'acte initialement attaqué, elle ne subira pas l'objet desdites contraintes, mais renoncera alors à l'économie de procédure qui sous-tend l'article 86 du règlement de procédure.

43      La jurisprudence de la Cour corrobore également la conclusion figurant au point 36 ci-dessus. En effet, la Cour a déjà jugé qu'il appartenait au Tribunal, lorsqu'il examinait la recevabilité du mémoire adaptant la requête, de vérifier si l'acte attaqué par la voie de l'adaptation de la requête présentait, par rapport à l'acte attaqué par la voie de la requête introductive d'instance, des différences substantielles telles qu'elles rendraient nécessaire une adaptation des moyens et des arguments présentés au soutien de la requête introductive d'instance (arrêt du 24 janvier 2019, Haswani/Conseil, C‑313/17 P, EU:C:2019:57, point 38). Il convient d'en déduire que les différences entre l'acte attaqué par la voie de la requête introductive d'instance et l'acte attaqué par la voie de l'adaptation de la requête constituent un facteur pertinent aux fins de l'appréciation de la recevabilité du mémoire en adaptation et, par voie de conséquence, de celle des moyens et des arguments présentés pour la première fois dans un tel mémoire.

44      Les considérations qui précèdent ne sont pas remises en cause par le fait que le Tribunal a eu l'occasion de considérer que l'adaptation de la requête était un acte de procédure qui équivalait à l'introduction d'un recours en annulation par voie de requête [voir ordonnance du 18 juillet 2016, Arbuzov/Conseil, T‑195/16, non publiée, EU:T:2016:445, point 20 et jurisprudence citée, et arrêt du 16 juin 2021, Lucaccioni/Commission, T‑316/19, EU:T:2021:367, point 70 (non publié) et jurisprudence citée]. En effet, dans cet arrêt et cette ordonnance, le mémoire en adaptation et la requête initiale ont été considérés comme équivalents aux seules fins de l'appréciation, d'une part, des conditions de forme et de fond que ces actes devaient remplir telles qu'elles découlaient notamment de l'article 76 du règlement de procédure et, d'autre part, d'une éventuelle situation de litispendance (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2022, Saure/Commission, T‑448/21, non publié, EU:T:2022:525, point 20). En revanche, rien dans ces décisions ne permet de considérer que l'adaptation de la requête est équivalente, à tous les autres égards, à l'introduction d'un nouveau recours.

45      De même, dans l'arrêt du 24 mai 2023, Meta Platforms Ireland/Commission (T‑452/20, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:277, points 29 et 30), le Tribunal a relevé, au sujet de la recevabilité d'un chef de conclusions apparaissant dans le mémoire en adaptation, d'une part, que celui-ci relevait d'un chef de conclusions déjà présenté, à titre subsidiaire, dans la requête introductive d'instance et, d'autre part, que l'article 86 du règlement de procédure n'imposait pas à la partie requérante d'expliquer spécifiquement les raisons pour lesquelles elle avait décidé de formuler un chef de conclusions ne figurant pas, en tant que tel, dans la requête ni les raisons pour lesquelles elle n'avait pas pu formuler ce chef de conclusions dans la requête introductive d'instance, dirigée contre la décision initiale. Cependant, ce faisant, le Tribunal n'a pas jugé que l'article 86 du règlement de procédure autorisait la présentation, pour la première fois, dans le mémoire en adaptation, de tout moyen nouveau, sans limitation aucune. Il a seulement constaté l'absence d'obligation pour la partie requérante de fournir une motivation spécifique, dans son mémoire en adaptation, des raisons l'ayant amenée à adapter tel ou tel chef de conclusions présenté dans ce mémoire.

46      Par ailleurs, force est de constater qu'aucune des affaires ayant donné lieu à la jurisprudence citée aux points 44 et 45 ci-dessus ne concernait la question de savoir si une partie requérante était recevable à soulever pour la première fois, dans un mémoire en adaptation, une exception d'illégalité au titre de l'article 277 TFUE à l'encontre d'actes de portée générale sur la base desquels avaient été adoptées tant la décision initialement attaquée que la décision visée par le mémoire en adaptation.

47      À cet égard, il convient de relever qu'une telle exception d'illégalité modifie les caractéristiques essentielles du recours en annulation, dans la mesure où elle est dirigée contre d'autres institutions de l'Union, différentes de la partie défenderesse, qui sont les autrices de l'acte de portée générale en cause et auxquelles il appartient, en premier chef, d'en défendre la légalité. Or, celles-ci ne sont plus autorisées à présenter une demande d'intervention à ce stade avancé de la procédure (voir point 39 ci-dessus). La recevabilité de telles exceptions soulevées pour la première fois dans le mémoire en adaptation doit ainsi être subordonnée aux limites fixées à l'article 86 du règlement de procédure, telles qu'elles ont été rappelées au point 36 ci-dessus, et ne saurait être admise inconditionnellement, au risque de porter atteinte, de manière générale et systématique, aux droits de la défense des institutions autrices de l'acte de portée générale faisant l'objet d'une telle exception.

48      Cette appréciation n'est pas remise en cause par le fait que les auteurs des actes faisant l'objet des présentes exceptions d'illégalité, à savoir le Parlement et le Conseil, étaient déjà intervenus dans la présente affaire, dans la mesure où il ne s'agit que d'une circonstance conjoncturelle, alors que l'interprétation de l'article 86 du règlement de procédure est une question de droit.

49      Eu égard à tout ce qui précède, il convient de conclure que l'article 86 du règlement de procédure ne permet pas à la partie requérante de soulever pour la première fois, dans un mémoire en adaptation, une exception d'illégalité à l'encontre d'un acte de portée générale, alors même que les éléments de fait et de droit sur lesquels elle repose lui étaient déjà connus lors de l'introduction de sa requête et qu'ils n'ont pas été modifiés dans l'acte remplaçant ou modifiant l'acte initialement attaqué.

50      En l'espèce, la requérante n'a présenté les exceptions d'illégalité à l'encontre de l'article 8, paragraphes 1, 4 et 5, du règlement d'exécution 2015/81 et de l'article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 que dans le mémoire en adaptation.

51      Il convient donc d'examiner si les éléments de fait et de droit sur lesquels reposent les exceptions d'illégalité mentionnées au point 50 ci-dessus étaient déjà connus de la requérante lors de l'introduction de sa requête et s'ils n'ont pas été modifiés dans l'acte remplaçant ou modifiant l'acte dont l'annulation était initialement demandée.

52      À cet égard, il ressortait déjà des considérants 31 et 32 de la décision du 19 mars 2020, dont la requérante demandait l'annulation dans sa requête introductive d'instance, que le CRU avait appliqué la méthodologie figurant à l'article 8, paragraphe 1, du règlement d'exécution 2015/81.

53      Dans la décision attaquée, le CRU a repris, en substance, les mêmes motifs, ainsi qu'il ressort des considérants 94 et 95 de cette décision, sans en modifier la substance et sans y ajouter de nouveaux éléments substantiels.

54      Dans la mesure où le neuvième moyen est tiré d'une exception d'illégalité de l'article 8, paragraphe 4, du règlement d'exécution 2015/81, force est de constater que le CRU n'a fait référence à cette disposition ni dans la décision du 19 mars 2020 ni dans la décision attaquée, de sorte qu'il ne saurait être considéré que cette dernière décision a apporté un quelconque nouvel élément en ce qui concerne l'application de cette disposition.

55      Dans la mesure où le neuvième moyen est tiré d'une exception d'illégalité de l'article 8, paragraphe 5, du règlement d'exécution 2015/81, il y a lieu de relever que le CRU a repris, aux considérants 113 et 165 de la décision attaquée, en substance, les mêmes motifs que ceux exposés aux considérants 58, 64 et 65 de la décision du 19 mars 2020 pour ce qui concerne ladite disposition.

56      En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, tiré de ce que ce règlement ne contiendrait pas une justification quant au choix d'attribuer la compétence d'exécution au Conseil, plutôt qu'à la Commission, en méconnaissance de l'article 291, paragraphe 2, TFUE, il convient de constater, d'une part, que l'article 70, paragraphe 7, dudit règlement n'est explicitement mentionné, en tant que base juridique du règlement d'exécution 2015/81, ni dans la décision du 19 mars 2020 ni dans la décision attaquée. D'autre part, aucune de ces deux décisions ne contient de précisions sur l'obligation de justification découlant de l'article 291, paragraphe 2, TFUE, qui est visée par la requérante dans le cadre de son exception d'illégalité. Il ne saurait ainsi être considéré que la décision attaquée a apporté un nouvel élément quelconque à cet égard.

57      Il s'ensuit que la décision attaquée ne fait apparaître aucun nouvel élément substantiel en ce qui concerne l'application et l'interprétation des dispositions litigieuses.

58      Ce constat n'est pas remis en cause par l'affirmation de la requérante, lors de l'audience, selon laquelle l'annexe II de la décision attaquée comprenait des données statistiques relatives au calcul des contributions ex ante pour chaque État membre participant, sous une forme résumée et agrégée, alors que de telles données pour tous les États membres participants ne figuraient pas dans la décision du 19 mars 2020. Selon la requérante, ce n'est qu'au regard de ces données complètes qu'elle aurait pu comprendre que, en application de l'article 8, paragraphe 1, du règlement d'exécution 2015/81, les contributions ex ante étaient calculées en partie sur une base nationale et en partie sur la base de l'union et qu'elle aurait pu comprendre quelle conséquence cela pouvait avoir sur le calcul de sa contribution individuelle.

59      Or, il suffit de relever à cet égard, d'une part, qu'il ressortait déjà du corps de la décision du 19 mars 2020 que les contributions ex ante en cause étaient calculées sur une base nationale et sur la base de l'union, en proportion, respectivement, de 60 % et de 40 %. D'autre part, comme l'a fait valoir à juste titre le CRU lors de l'audience, la décision du 19 mars 2020 comportait également une annexe II contenant les montants utilisés pour le calcul de la contribution ex ante sur la base nationale et sur la base de l'union, pour autant que ces chiffres étaient pertinents pour la contribution ex ante de la requérante. À cet égard, il convient de relever que ces montants sont identiques à ceux figurant dans les deuxième et troisième colonnes de la page 1 de l'annexe II de la décision attaquée en ce qui concerne l'Autriche et le niveau cible annuel retenu aux fins du calcul de la contribution ex ante pour l'année de contribution en cause.

60      En ce qui concerne les autres dispositions dont la légalité est contestée dans le cadre du neuvième moyen, interrogée à cet égard lors de l'audience, la requérante n'a pas identifié d'élément nouveau concret concernant leur application dans la décision attaquée par rapport à celle du 19 mars 2020.

61      Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que les éléments de fait et de droit sur lesquels reposent les exceptions d'illégalité étaient déjà connus lors de l'introduction de la requête et n'ont pas été modifiés dans la décision attaquée.

62      Partant, le neuvième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable pour cause de tardiveté.

b)      Sur le relevé d'office de l'illégalité du règlement no 806/2014 et du règlement d'exécution 2015/81

63      Lors de l'audience, la requérante a fait valoir que, en tout état de cause, le neuvième moyen devait être considéré comme étant un moyen d'ordre public que le Tribunal serait tenu de relever d'office, au motif que, dans son arrêt du 29 mai 2024, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑395/22, sous pourvoi, EU:T:2024:333), ce dernier avait fait droit, d'une part, à l'exception d'illégalité, soulevée par la partie requérante dans cette affaire, à l'encontre de l'article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 et, par voie de conséquence, du règlement d'exécution 2015/81, en tant qu'acte dépourvu de base légale, et, d'autre part, à l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre de l'article 8, paragraphe 1, sous g), du règlement d'exécution 2015/81 au motif que, en l'adoptant, le Conseil avait outrepassé ses pouvoirs d'exécution.

64      À cet égard, il convient de rappeler que l'inapplicabilité d'une disposition constatée par voie incidente dans le cadre d'une exception d'illégalité n'a l'autorité de la chose jugée qu'à l'égard des parties au litige (voir, en ce sens, arrêts du 21 février 1974, Kortner e.a./Conseil e.a., 15/73 à 33/73, 52/73, 53/73, 57/73 à 109/73, 116/73, 117/73, 123/73, 132/73 et 135/73 à 137/73, non publié, EU:C:1974:16, point 36 ; du 5 octobre 2000, Conseil/Busacca e.a., C‑434/98 P, EU:C:2000:546, point 26, et du 25 octobre 2018, KF/CSUE, T‑286/15, EU:T:2018:718, point 157 et jurisprudence citée).

65      C'est ainsi que le Tribunal a déclaré, dans l'arrêt du 29 mai 2024, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑395/22, sous pourvoi, EU:T:2024:333, points 43 et 86), que l'article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, le règlement d'exécution 2015/81 et, à titre surabondant, l'article 8, paragraphe 1, sous g), de ce même règlement d'exécution étaient inapplicables « au cas d'espèce », c'est-à-dire dans l'affaire ayant donné lieu à cet arrêt.

66      Ainsi, le relevé d'office d'une exception d'illégalité au motif que, dans une autre affaire, le Tribunal a fait droit à une exception analogue, dûment soulevée par l'une des parties au litige, reviendrait à méconnaître l'article 277 TFUE, dont il ressort que l'inapplicabilité d'une disposition, constatée par voie incidente dans le cadre d'une exception d'illégalité, ne vaut qu'inter partes. L'interprétation contraire, préconisée par la requérante, aurait pour conséquence d'attribuer à cette disposition un effet plus étendu que celui qui y est prévu, ce qui irait à l'encontre de la jurisprudence citée au point 64 ci-dessus.

67      En outre, il découle, certes, de la jurisprudence que l'incompétence de l'auteur d'un acte faisant grief constitue un moyen d'ordre public qui doit être soulevé d'office (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 45 et jurisprudence citée). Toutefois, cette jurisprudence ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce. En effet, le neuvième moyen ne concerne pas l'incompétence éventuelle de l'auteur de l'acte faisant grief, mais l'incompétence alléguée de l'auteur de l'acte de portée générale sur la base duquel l'acte faisant grief a été adopté.

68      Or, selon la jurisprudence, le Tribunal ne saurait se saisir d'office de la question de l'illégalité éventuelle de l'acte de portée générale sur la base duquel l'acte faisant grief a été adopté, une telle illégalité n'étant pas d'ordre public (arrêt du 27 septembre 2005, Common Market Fertilizers/Commission, T‑134/03 et T‑135/03, EU:T:2005:339, point 52).

69      Partant, le Tribunal ne saurait relever d'office, dans la présente affaire, l'illégalité du règlement no 806/2014 ni celle du règlement d'exécution 2015/81.

2.      Sur le dixième moyen, tiré des exceptions d'illégalité de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014

70      Par son dixième moyen, déjà soulevé, en substance, dans la requête, la requérante soutient que la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014 sont incompatibles avec le droit primaire, en particulier avec l'article 1er, deuxième alinéa, TUE, les articles 15, 296 et 298 TFUE, les articles 16, 17, 41, 42 et 47 de la Charte ainsi que l'obligation de motivation et le principe de sécurité juridique. En effet, cette directive et ce règlement accorderaient à la Commission une marge de manœuvre si large qu'ils habiliteraient cette dernière à adopter une méthode de calcul complexe, impliquant le recours à des données confidentielles d'un grand nombre d'établissements.

71      Le CRU, soutenu par la Commission, considère que le dixième moyen est irrecevable pour défaut de précision. D'une part, la requérante n'identifierait ni les droits fondamentaux et les valeurs de l'Union européenne qui auraient été violés par la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014 ni l'étendue exacte de cette violation. D'autre part, la requérante ne préciserait pas quelles dispositions de ces actes seraient contraires au droit primaire. En tout état de cause, l'argumentation de la requérante ne serait pas fondée.

72      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l'article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l'objet du litige ainsi que l'exposé sommaire des moyens et cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d'exercer son contrôle, le cas échéant, sans autre information à l'appui (arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission, T‑194/13, EU:T:2017:144, point 191).

73      Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu'un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt du 25 janvier 2018, BSCA/Commission, T‑818/14, EU:T:2018:33, point 95 et jurisprudence citée). Des exigences analogues sont requises lorsqu'un grief est invoqué au soutien d'un moyen (voir arrêt du 25 mars 2015, Belgique/Commission, T‑538/11, EU:T:2015:188, point 131 et jurisprudence citée).

74      En particulier, la simple invocation du principe du droit de l'Union dont la violation est alléguée, sans indication des éléments de fait et de droit sur lesquels cette allégation se fonde, ne satisfait pas aux exigences de l'article 76, sous d), du règlement de procédure (voir arrêt du 7 novembre 2019, ADDE/Parlement, T‑48/17, EU:T:2019:780, point 22 et jurisprudence citée).

75      En effet, la partie requérante est tenue d'exposer d'une manière suffisamment systématique les développements relatifs à chaque moyen qu'elle présente, sans que le Tribunal puisse être contraint, du fait du manque de structure de la requête ou du manque de rigueur de cette partie, de reconstituer l'articulation juridique censée soutenir un moyen en rassemblant divers éléments épars de la requête, au risque de reconstruire ce moyen en lui donnant une portée qu'il n'avait pas dans l'esprit de ladite partie. En décider autrement serait contraire à la fois à une bonne administration de la justice, au principe dispositif ainsi qu'aux droits de la défense de la partie défenderesse [arrêt du 2 avril 2019, Fleig/SEAE, T‑492/17, EU:T:2019:211, point 44 (non publié), et ordonnance du 9 juillet 2019, Scaloni et Figini/Commission, T‑158/18, non publiée, EU:T:2019:491, point 30].

76      En l'espèce, il convient de relever que, contrairement aux allégations du CRU, le point 96 de la requête et le point 133 du mémoire en adaptation permettent d'identifier les principes et dispositions du droit primaire qui ont été violés, selon la requérante, par la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014.

77      En revanche, la requérante n'a pas identifié avec suffisamment de clarté les dispositions de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014 qui auraient violé ces principes et dispositions du droit primaire. Dans le mémoire en adaptation, elle a affirmé qu'il lui était impossible de déterminer quelles dispositions exactes de la directive 2014/59 ou du règlement no 806/2014 étaient illégales et elle s'est bornée à indiquer qu'elle contestait la validité de celles des dispositions de cette directive et de ce règlement « qui impos[ai]ent (de la manière décrite en détail dans le cadre de l'exposé relatif au huitième moyen) d'une manière contraire aux droits fondamentaux et aux valeurs fondamentales de l'Union le régime des contributions institué de manière contraignante par le règlement délégué [...] 2015/63 ».

78      Or, une telle argumentation ne répond pas aux exigences de clarté et de précision prescrites par la jurisprudence citée aux points 72 à 75 ci-dessus.

79      En effet, conformément à la jurisprudence citée aux points 72 à 75 ci-dessus, il n'appartient pas au Tribunal de reconstruire la présente exception d'illégalité en déduisant, sur la base des divers éléments présentés par la requérante au soutien de cette exception, les dispositions concrètes de la directive 2014/59 ou du règlement no 806/2014 qui pourraient éventuellement correspondre aux cas de figure évoqués par la requérante, tels qu'ils sont mentionnés au point 77 ci-dessus. En effet, une telle approche risquerait de reconstruire cette exception d'illégalité en lui donnant une portée qu'elle n'avait pas dans l'esprit de la requérante.

80      En tout état de cause, dans la mesure où l'argumentation de la requérante devrait être comprise en ce sens qu'elle conteste la validité de l'article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, lu conjointement avec l'article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014, du fait que ces dispositions ont accordé à la Commission une marge d'appréciation trop étendue qui aurait permis à cette dernière d'établir un système excessivement complexe de calcul des contributions ex ante impliquant le recours à des données confidentielles d'un grand nombre d'établissements, une telle argumentation n'est pas fondée.

81      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que l'article 290, paragraphe 1, second alinéa, première phrase, TFUE permet au législateur de l'Union de conférer à la Commission une marge d'appréciation pour exercer le pouvoir qu'il lui délègue, laquelle peut, en fonction des caractéristiques de la matière concernée, être plus ou moins étendue, étant entendu qu'une délégation de pouvoir au sens de l'article 290 TFUE – et toute marge d'appréciation éventuelle qu'elle implique – doit être encadrée par des limites fixées dans l'acte de base (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, République tchèque/Commission, C‑696/15 P, EU:C:2017:595, point 52).

82      Dans le domaine de la fixation des contributions ex ante, la Cour a par ailleurs reconnu que le législateur de l'Union disposait d'un large pouvoir d'appréciation, puisque ce domaine impliquait, de sa part, des choix de nature politique, économique et sociale et qu'il était appelé à effectuer dans celui-ci des appréciations complexes. Ainsi, le législateur de l'Union a pu valablement faire le choix d'une méthode telle que celle résultant de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, afin d'assurer une adaptation dynamique du financement du FRU aux évolutions du secteur financier par la prise en compte comparative, en particulier, de la situation financière de chaque établissement (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 116 à 118).

83      Il en résulte que, en vue de garantir une telle adaptation dynamique du financement du FRU, d'une part, le législateur de l'Union a pu habiliter la Commission à adopter un acte délégué qui préciserait la méthode de calcul des contributions ex ante résultant de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, fondée sur la prise en compte comparative de la situation financière de chaque établissement, et ce en dépit d'une certaine complexité qu'une telle méthode implique. D'autre part, le législateur a pu conférer à la Commission une marge d'appréciation étendue pour préciser, dans un tel acte délégué, ladite méthode de calcul, à condition que cette marge soit encadrée par des limites suffisantes fixées dans les actes de base (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2014, Commission/Parlement et Conseil, C‑427/12, EU:C:2014:170, point 38).

84      Le législateur de l'Union a prévu de telles limites, notamment, à l'article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, par lequel il a habilité la Commission à préciser un volet de la méthode de calcul des contributions ex ante, à savoir la notion d'adaptation de ces contributions en fonction des profils de risque des établissements, tout en l'obligeant à tenir compte des facteurs énumérés dans ladite disposition afin de déterminer ces profils de risque.

85      Or, la requérante n'a pas soutenu, et encore moins démontré, que les facteurs énumérés à l'article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 étaient inappropriés pour fixer de tels profils de risque ni qu'ils étaient formulés de manière tellement imprécise que la marge d'appréciation de la Commission n'était pas suffisamment encadrée au sens de la jurisprudence citée au point 81 ci-dessus.

86      Il en va d'autant plus ainsi que, conformément à l'article 115, paragraphe 5, de la directive 2014/59, l'acte délégué de la Commission précisant la notion d'adaptation des contributions en fonction du profil de risque des établissements n'entre en vigueur que si le Parlement ou le Conseil n'ont pas exprimé d'objections dans un délai de trois mois à compter de la notification de cet acte au Parlement et au Conseil ou si, avant l'expiration de ce délai, le Parlement et le Conseil ont tous deux informé la Commission de leur intention de ne pas exprimer d'objections.

87      Par conséquent, la requérante n'a pas établi que l'article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, lu conjointement avec l'article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014, enfreignait l'obligation de motivation prévue à l'article 296 TFUE, le principe de sécurité juridique, l'article 1er, deuxième alinéa, TUE, les articles 15 et 298 TFUE ni les articles 16, 17, 41, 42 et 47 de la Charte au motif que ces dispositions avaient accordé à la Commission une marge d'appréciation trop étendue qui lui avait permis d'établir un système complexe de calcul des contributions ex ante.

88      Dans la mesure où la requérante soulève pour la première fois, dans le mémoire en adaptation, un grief portant sur l'illégalité de l'article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, il convient de le rejeter comme étant irrecevable pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 32 à 57 ci-dessus.

89      Dans ces circonstances, il convient de rejeter le dixième moyen.

3.      Sur le huitième moyen, tiré d'une exception d'illégalité des articles 4 à 7 et 9 ainsi que de l'annexe I du règlement délégué 2015/63

90      Par le huitième moyen, déjà soulevé, en substance, dans la requête, la requérante excipe de l'illégalité des articles 4 à 7 et 9 ainsi que de l'annexe I du règlement délégué 2015/63. Ce moyen s'articule, en substance, en quatre branches, relatives, la première, à la violation du principe de sécurité juridique, la deuxième, à la violation du droit à une bonne administration, la troisième, à la violation du droit à une protection juridictionnelle effective et, la quatrième, à la violation du droit primaire par l'habilitation de la Commission à adopter le règlement délégué 2015/63.

91      Le CRU fait valoir que le huitième moyen est irrecevable, car la requérante n'avance pas d'arguments concrets au soutien des illégalités alléguées, mais se fonde sur des allégations de nature purement générale et spéculative, ce qui ne lui permet pas d'y répondre de manière effective. En tout état de cause, ce moyen ne serait pas fondé. La Commission conteste également le bien-fondé du présent moyen.

a)      Sur la première branche, relative à la violation du principe de sécurité juridique

92      La requérante soutient que les articles 4 à 7 et 9 ainsi que l'annexe I du règlement délégué 2015/63 violent le principe de sécurité juridique en ce qu'ils ne permettent pas aux établissements de connaître avec exactitude l'étendue des obligations qu'ils leur imposent.

93      Plus particulièrement, la requérante ne serait pas en mesure de calculer par avance le montant de sa contribution ex ante ni de prendre ses dispositions en conséquence. Cela s'expliquerait, d'une part, par le fait que ce montant dépendrait des données des autres établissements. D'autre part, le règlement délégué 2015/63 conférerait au CRU un large pouvoir d'appréciation en vue de la détermination du niveau cible annuel, de la non-application des indicateurs de risque, de l'ajustement de l'indicateur de risque « éventuelle appartenance de l'établissement à un système de protection institutionnel », du traitement des modifications a posteriori ainsi que du remplacement des décisions antérieures sur les contributions ex ante par de nouvelles décisions. En outre, le CRU exercerait ce pouvoir d'appréciation en adoptant des décisions internes qui auraient précisé la méthodologie à suivre pour le calcul des contributions ex ante (ci-après les « décisions intermédiaires »), mais qui n'auraient pas été publiées. Le règlement délégué 2015/63 ne présenterait ainsi pas le degré de précision nécessaire pour exclure un calcul arbitraire des contributions ex ante par le CRU.

94      À titre liminaire, il convient de relever que l'article 4 du règlement délégué 2015/63 prévoit que le CRU calcule la contribution ex ante que doit verser chaque établissement en proportion du profil de risque de l'établissement sur la base des informations fournies par celui-ci et en application de la méthode énoncée aux articles 4 à 13 de ce règlement délégué.

95      L'article 5 du règlement délégué 2015/63, intitulé « Ajustement au risque des contributions annuelles de base », indique, notamment, les passifs qui sont exclus du calcul de ces contributions. L'article 6 de ce règlement délégué énumère les piliers et indicateurs de risque que le CRU doit prendre en compte pour évaluer le profil de risque des établissements, tandis que l'article 7 dudit règlement délégué précise la pondération relative de chaque pilier de risque et indicateur de risque qui doit être appliquée par le CRU lorsqu'il évalue le profil de risque de chaque établissement.

96      Par ailleurs, l'article 9 du règlement délégué 2015/63, intitulé « Application de l'ajustement en fonction du profil de risque à la contribution annuelle de base », prévoit que le CRU calcule le multiplicateur d'ajustement sur la base des indicateurs de risque mentionnés à l'article 6 de ce règlement délégué, conformément à la formule et aux procédures exposées à l'annexe I dudit règlement délégué, et qu'il calcule la contribution annuelle de chaque établissement pour chaque période de contribution en multipliant la contribution annuelle de base par ce multiplicateur d'ajustement, conformément à la formule et aux procédures exposées à l'annexe I de ce même règlement délégué.

97      Enfin, l'annexe I du règlement délégué 2015/63 établit la procédure de calcul des contributions annuelles des établissements en plusieurs étapes.

98      Selon les articles 4 à 7 et 9 ainsi que l'annexe I du règlement délégué 2015/63, l'ajustement de la contribution annuelle de base de chaque établissement en fonction de son profil de risque est fondé sur la comparaison des données individuelles de tous les établissements concernés. Or, le CRU considère que toutes ces données sont couvertes par le secret des affaires, de sorte qu'il ne peut pas les communiquer aux établissements dont la contribution ex ante est calculée dans la décision fixant le montant de ces contributions.

99      S'agissant, en premier lieu, du grief tiré de la prétendue violation du principe de sécurité juridique en raison de l'utilisation des données des autres établissements aux fins du calcul des contributions ex ante, l'argumentation de la requérante est suffisamment claire, de sorte que ce grief est recevable.

100    Sur le fond, il convient de rappeler que le principe même de la méthode de calcul des contributions ex ante, tel qu'il ressort de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, dont la validité n'a pas été valablement contestée par la requérante, implique l'utilisation, par le CRU, de données des autres établissements couvertes par le secret des affaires (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 114).

101    Dans ces conditions, le seul fait que la requérante ne puisse pas, du fait que les données des autres établissements ne sont pas portées à sa connaissance, calculer, à l'avance, les contributions ex ante qu'elle doit verser ne constitue pas une violation du principe de sécurité juridique.

102    De même, la requérante ne saurait soutenir qu'une telle violation découle du fait que la méthode de calcul des contributions ex ante, prévue par le règlement délégué 2015/63, est fondée sur l'utilisation d'un grand nombre de données provenant d'un nombre élevé d'établissements, ce qui rendrait cette méthode complexe. En effet, d'une part, le nombre d'établissements concernés par ce calcul est déterminé par l'article 2 du règlement no 806/2014, dont la légalité n'a pas été contestée par la requérante. D'autre part, la Cour a déjà admis que le calcul de ces contributions pouvait être fondé sur la comparaison de la situation financière de tels établissements afin d'assurer une adaptation dynamique du financement du FRU aux évolutions du secteur financier et en vue de respecter le large pouvoir d'appréciation dont le législateur de l'Union doit disposer à cette fin (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 116 à 118).

103    Or, une telle comparaison est, par sa nature, complexe. Toutefois, le seul fait que la méthode de calcul des contributions ex ante adoptée par le législateur de l'Union soit considérée comme étant complexe ne signifie pas que celle-ci est contraire au principe de sécurité juridique.

104    Il s'ensuit que le présent grief doit être rejeté comme étant non fondé.

105    En ce qui concerne, en deuxième lieu, le grief tiré de la prétendue violation du principe de sécurité juridique en raison de l'absence de publication des décisions intermédiaires, l'argumentation de la requérante est suffisamment claire, de sorte que ce grief est recevable.

106    Sur le fond, il suffit de relever que l'éventuelle adoption ou absence d'accessibilité de telles décisions est imputable au CRU et n'est pas prévue par les articles 4 à 7 et 9 ni par l'annexe I du règlement délégué 2015/63.

107    Par conséquent, le présent grief doit être rejeté.

108    S'agissant, en troisième lieu, du grief tiré de la prétendue violation du principe de sécurité juridique du fait que les articles 4 à 7 et 9 ainsi que l'annexe I du règlement délégué 2015/63 octroieraient une marge d'appréciation « considérable » au CRU, la requérante se limite à dresser une liste des éléments sur lesquels le CRU disposerait d'une telle marge d'appréciation, sans expliciter les raisons pour lesquelles toutes les dispositions contestées dudit règlement délégué violeraient le principe de sécurité juridique en accordant au CRU ladite marge d'appréciation. Cela étant, il ressort de l'argumentation de la requérante qu'elle conteste, en réalité, le fait que le règlement délégué 2015/63 octroie au CRU une marge d'appréciation trop étendue pour définir certains indicateurs de risque, ce qui serait contraire au principe de sécurité juridique. Dès lors, l'argumentation de la requérante, pour autant qu'elle vise les articles 6 et 7 de ce règlement délégué, est suffisamment claire, de sorte que ce grief est recevable.

109    Sur le fond, il convient de relever que, aux termes des articles 6 et 7 du règlement délégué 2015/63, il incombe au CRU d'ajuster la contribution annuelle de base des établissements en tenant compte de quatre piliers de risque, chaque pilier étant composé d'indicateurs de risque qui, à leur tour, peuvent être composés de sous-indicateurs de risque.

110    Or, s'agissant des trois premiers piliers de risque mentionnés à l'article 6, paragraphe 1, sous a) à c), du règlement délégué 2015/63, la requérante n'a soumis au Tribunal aucun élément concret afin de contester leur légalité au motif de leur supposée contradiction avec le principe de sécurité juridique. En outre, en ce qui concerne le pilier de risque mentionné à l'article 6, paragraphe 1, sous d), de ce règlement délégué, dénommé « indicateurs de risque supplémentaires à déterminer par l'autorité de résolution » (ci-après le « pilier de risque IV »), la requérante n'a pas soutenu que l'indicateur de risque « mesure dans laquelle l'établissement a déjà bénéficié d'un soutien financier public exceptionnel », qui constitue l'un des indicateurs de risque du pilier de risque IV, manquait de clarté et était donc contraire à ce principe.

111    Dans ces conditions, il y a lieu d'en déduire que le présent grief vise la prétendue non-conformité avec le principe de sécurité juridique des indicateurs de risque du pilier de risque IV, à l'exception de l'indicateur de risque « mesure dans laquelle l'établissement a déjà bénéficié d'un soutien financier public exceptionnel ».

112    Ces précisions étant faites, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le principe de sécurité juridique exige, d'une part, que les règles de droit soient claires et précises et, d'autre part, que leur application soit prévisible pour les justiciables, en particulier lorsqu'elles peuvent avoir des conséquences défavorables. Ledit principe exige, notamment, qu'une réglementation permette aux intéressés de connaître avec exactitude l'étendue des obligations qu'elle leur impose et que ces derniers puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêts du 29 avril 2021, Banco de Portugal e.a., C‑504/19, EU:C:2021:335, point 51, et du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑157/21, EU:C:2022:98, point 319).

113    Pour autant, ces exigences ne sauraient être comprises comme s'opposant à ce qu'une institution de l'Union, dans le cadre d'une norme qu'elle adopte, emploie une notion juridique abstraite ni comme imposant qu'une telle norme abstraite mentionne les différentes hypothèses concrètes dans lesquelles elle est susceptible de s'appliquer, dans la mesure où toutes ces hypothèses ne peuvent pas être déterminées à l'avance par ladite institution (voir, par analogie, arrêts du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, points 39 et 40, et du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑157/21, EU:C:2022:98, point 320).

114    En conséquence, une disposition d'un acte de l'Union ne viole le principe de sécurité juridique, en raison de son manque de clarté, que si elle présente une ambiguïté telle qu'elle ferait obstacle à ce que les justiciables puissent lever avec une certitude suffisante d'éventuels doutes sur la portée ou le sens de cette disposition (voir, en ce sens, arrêts du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, EU:C:2005:223, point 31, et du 22 mai 2007, Mebrom/Commission, T‑216/05, EU:T:2007:148, point 108).

115    De même, le fait qu'un acte de l'Union confère un pouvoir d'appréciation aux autorités chargées de sa mise en œuvre ne méconnaît pas en soi l'exigence de prévisibilité, à la condition que l'étendue et les modalités d'exercice d'un tel pouvoir soient définies avec une netteté suffisante, eu égard au but légitime en jeu, pour fournir une protection adéquate contre l'arbitraire (voir arrêt du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑157/21, EU:C:2022:98, point 321 et jurisprudence citée).

116    Au regard de ces considérations, il convient d'examiner si la méthode de calcul des contributions ex ante, dans la mesure où elle est influencée par le pilier de risque IV, est définie avec suffisamment de précision pour que les justiciables puissent lever avec une certitude suffisante d'éventuels doutes quant à la portée ou au sens des dispositions relatives à ce pilier de risque.

117    À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante ne fait pas valoir que les notions utilisées aux articles 6 et 7 du règlement délégué 2015/63 sont d'une ambiguïté telle qu'elle ne peut pas lever avec une certitude suffisante d'éventuels doutes sur leur portée ou leur sens.

118    En revanche, il convient de relever, à l'instar de la requérante, que les articles 6 et 7 du règlement délégué 2015/63 octroient une marge d'appréciation au CRU.

119    En effet, conformément à l'article 6, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement délégué 2015/63, le pilier de risque IV se compose de trois indicateurs de risque, à savoir, premièrement, les « activités de négociation, les expositions hors bilan, les instruments dérivés, la complexité et la résolvabilité de l'établissement », deuxièmement, l'« éventuelle appartenance de l'établissement à un système de protection institutionnel » et, troisièmement, la « mesure dans laquelle l'établissement a déjà bénéficié d'un soutien financier public exceptionnel ».

120    Selon l'article 6, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement délégué 2015/63, le CRU doit tenir compte, lorsqu'il détermine les indicateurs de risque mentionnés au point 119 ci-dessus, de la « probabilité que l'établissement concerné soit mis en résolution et de la probabilité consécutive que le dispositif de financement pour la résolution soit utilisé à cette fin ».

121    Il ressort du libellé de l'article 6, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement délégué 2015/63 que cette disposition octroie une marge d'appréciation au CRU s'agissant de la façon dont celui-ci doit « tenir compte », aux fins de la détermination desdits indicateurs de risque, « de la probabilité que l'établissement concerné soit mis en résolution et de la probabilité consécutive que le dispositif de financement pour la résolution soit utilisé à cette fin », car les critères indiqués dans ladite disposition doivent être précisés par le CRU pour pouvoir être appliqués à un cas particulier.

122    S'agissant du premier indicateur de risque qui relève du pilier de risque IV et qui est relatif aux activités de négociation, aux expositions hors bilan, aux instruments dérivés, à la complexité et à la résolvabilité de l'établissement, l'article 6, paragraphe 6, du règlement délégué 2015/63 prévoit plusieurs éléments que le CRU doit prendre en compte lors de la détermination de cet indicateur, dont certains peuvent conduire à augmenter le profil de risque de l'établissement concerné et d'autres à le diminuer.

123    Ainsi, les éléments pouvant entraîner une augmentation du profil de risque de l'établissement concerné sont au nombre de quatre, à savoir, premièrement, « l'importance des activités de négociation par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres, au degré de risque des expositions et au modèle économique global de l'établissement », deuxièmement, « l'importance des expositions hors bilan par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres et au degré de risque des expositions », troisièmement, « l'importance du montant des instruments dérivés par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres, au degré de risque des expositions et au modèle économique global de l'établissement » et, quatrièmement, « la mesure dans laquelle […] le modèle économique et la structure organisationnelle de l'établissement sont jugés complexes ».

124    Les éléments pouvant entraîner une diminution du profil de risque de l'établissement concerné sont au nombre de deux, à savoir le « montant relatif des instruments dérivés qui sont compensés par une contrepartie centrale » et « la mesure dans laquelle […] l'établissement peut faire l'objet d'une résolution rapide et sans obstacles juridiques ».

125    Il résulte du libellé de l'article 6, paragraphe 6, du règlement délégué 2015/63 que cette disposition octroie au CRU une marge d'appréciation s'agissant de l'« importance » qu'il doit attacher aux « activités de négociation », aux « expositions hors bilan » et au « montant des instruments dérivés » ainsi que de l'articulation entre les différents éléments mentionnés dans cette disposition.

126    Ainsi, s'il ressort de l'article 6, paragraphe 6, du règlement délégué 2015/63 que, selon le premier sous-indicateur de risque mentionné par cette disposition, il convient de comparer l'importance des « activités de négociation » par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres, au degré de risque des expositions et au modèle économique global de l'établissement, ladite disposition ne contient pas de précisions concernant la mise en œuvre concrète de cette comparaison.

127    Il en va de même en ce qui concerne les deuxième et troisième sous-indicateurs de risque prévus à l'article 6, paragraphe 6, sous a), ii) et iii), du règlement délégué 2015/63.

128    S'agissant, par ailleurs, de la détermination de l'indicateur de risque « éventuelle appartenance de l'établissement à un système de protection institutionnel », il découle de l'article 6, paragraphe 7, du règlement délégué 2015/63 que le CRU doit tenir compte de l'adéquation du montant des fonds immédiatement disponibles avec celui des fonds nécessaires « pour permettre un soutien crédible et efficace de [l'établissement concerné] » et du degré de sécurité juridique ou contractuelle quant au fait que ces fonds « seront pleinement utilisés avant que le moindre soutien public extraordinaire puisse être demandé ».

129    Il ressort du libellé de l'article 6, paragraphe 7, du règlement délégué 2015/63 que le CRU dispose d'une marge d'appréciation s'agissant du respect des conditions prévues par ladite disposition, lesquelles sont liées à l'adéquation des fonds disponibles du système de protection institutionnel concerné avec les fonds nécessaires au financement de l'établissement en cause et au degré de sécurité juridique ou contractuelle concernant ces fonds.

130    Il en va de même s'agissant de la pondération des différents indicateurs de risque dans le cadre du pilier de risque IV, prévue à l'article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63.

131    En effet, bien que l'article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 indique de façon claire la pondération relative des trois indicateurs de risque qui composent le pilier de risque IV et qui sont mentionnés au point 119 ci-dessus, il ne ressort pas de cette disposition de quelle façon la pondération des différents sous-indicateurs de risque au sein des deux premiers indicateurs de risque doit être effectuée. En particulier, ladite disposition ne précise pas si cette pondération doit être répartie entre de tels sous-indicateurs de risque d'une manière proportionnelle. Ainsi, l'article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 confère un pouvoir d'appréciation au CRU s'agissant de déterminer la pondération des différents sous-indicateurs de risque constituant ces indicateurs de risque, lesquels doivent être pris en compte, conformément à l'article 6, paragraphes 5 à 7, du règlement délégué 2015/63.

132    Dans ces conditions, il convient d'examiner si l'article 6, paragraphes 5 à 7, et l'article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 peuvent être considérés, conformément à la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus, comme des dispositions qui définissent avec une netteté suffisante l'étendue et les modalités d'exercice du pouvoir d'appréciation conféré au CRU, eu égard au but légitime en jeu, de sorte qu'elles fournissent une protection adéquate contre l'arbitraire et que les justiciables puissent lever avec une certitude suffisante d'éventuels doutes sur la portée ou le sens desdites dispositions.

133    Lorsqu'une disposition confère aux institutions ou aux organes de l'Union un pouvoir d'imposer des charges pécuniaires, il convient de déterminer au regard de tous les éléments pertinents si elle définit avec une netteté suffisante l'étendue et les modalités d'exercice d'un tel pouvoir, afin de permettre aux justiciables d'anticiper les conditions dans lesquelles une telle charge sera imposée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑157/21, EU:C:2022:98, points 319 à 321).

134    En particulier, il convient d'évaluer si un opérateur avisé peut, en recourant au besoin aux services d'un conseil juridique et économique, prévoir de manière suffisamment précise la méthode de calcul et l'ordre de grandeur de telles charges pécuniaires, étant entendu que le fait que cet opérateur ne puisse, à l'avance, connaître avec précision le niveau desdites charges que l'institution ou l'organe de l'Union imposera dans chaque espèce ne saurait constituer une violation du principe de sécurité juridique (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 95, et du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 58 et jurisprudence citée).

135    À cet égard, il convient, notamment, d'apprécier si l'institution ou l'organe de l'Union sont guidés dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation par certaines indications objectives qui permettent aux justiciables d'anticiper de manière suffisamment précise la méthode de calcul et l'ordre de grandeur des charges à imposer. Parmi ces indices figurent, notamment, les règles de conduite que l'institution ou l'organe de l'Union s'est lui-même imposées dans ce domaine et qui limitent son pouvoir d'appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 95). Cependant, de tels indices peuvent également découler de la pratique administrative constante, connue et accessible de cette institution ou de cet organe (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2012, Ecka Granulate et non ferrum Metallpulver/Commission, T‑400/09, non publié, EU:T:2012:675, point 31).

136    De même, une définition claire, dans la réglementation applicable, du résultat à atteindre peut constituer un indice pertinent pour les justiciables permettant d'anticiper la façon dont une institution ou un organe de l'Union exercera son pouvoir d'appréciation (voir, par analogie, arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, point 100). Il en va d'autant plus ainsi si la méthode ou le procédé concret aux fins de l'atteinte de ce résultat est prescrit par la réglementation en cause (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, point 101).

137    En l'espèce, il convient de relever, en premier lieu, que la réglementation applicable prévoit le résultat à atteindre, selon lequel les moyens financiers disponibles dans le FRU doivent atteindre le niveau cible final au terme de la période initiale de huit années à compter du 1er janvier 2016 (ci-après la « période initiale »), ainsi qu'une méthode pour atteindre ce résultat, ce qui réduit l'impact du pouvoir d'appréciation que le CRU exerce lors de la détermination des contributions ex ante. D'une part, le montant de la contribution ex ante de chaque établissement dépend du montant du niveau cible annuel qui est déterminé par le CRU sur la base de son estimation du montant qui correspond, au 31 décembre 2023, à au moins 1 % des dépôts couverts dans l'ensemble des États membres participants, en vertu de l'article 69, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014.

138    D'autre part, ainsi qu'il ressort du point 14 ci-dessus, la contribution ex ante de chaque établissement est déterminée, notamment, sur le fondement de la contribution annuelle de base, qui est calculée à partir des montants des passifs nets des établissements concernés. Or, le CRU n'exerce aucun pouvoir d'appréciation concernant la détermination de ces montants. En outre, l'établissement concerné a connaissance du montant de ses passifs nets et il peut avoir accès au montant global des passifs nets des autres établissements, sans pouvoir exiger, en raison de la protection du secret des affaires, d'avoir accès aux données individuelles confidentielles d'autres établissements afin de vérifier le calcul desdits montants (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 114 à 125).

139    En second lieu, la contribution annuelle de base est ajustée au regard du profil de risque de l'établissement concerné, étant entendu que, conformément à l'article 9, paragraphe 3, du règlement délégué 2015/63, le multiplicateur d'ajustement est compris entre les valeurs 0,8 et 1,5.

140    Cet ajustement est calculé sur la base de l'appréciation des quatre piliers de risque prévus à l'article 6 du règlement délégué 2015/63. Or, ainsi qu'il a été relevé au point 110 ci-dessus, la requérante n'a soumis aucun élément au Tribunal pour démontrer le manque de clarté des trois premiers piliers de risque, ces piliers déterminant 80 % du profil de risque de chaque établissement, en vertu de l'article 7, paragraphe 1, dudit règlement délégué.

141    De même, la requérante n'a pas contesté un manque de clarté de l'indicateur de risque « mesure dans laquelle l'établissement a déjà bénéficié d'un soutien financier public exceptionnel », qui fait partie du pilier de risque IV et qui a, conformément à l'article 7, paragraphe 4, premier alinéa, sous c), du règlement délégué 2015/63, une pondération de 10 % au sein de ce pilier.

142    Il s'ensuit que les indicateurs de risque dont le manque de clarté est contesté par la requérante et pour lesquels le CRU exerce un certain pouvoir d'appréciation n'influent sur le profil de risque de l'établissement qu'à une hauteur qui se situe au-dessous de 20 %. En outre, l'impact de ces indicateurs sur le montant final de la contribution ex ante est davantage réduit par le fait que le CRU n'exerce aucun pouvoir d'appréciation concernant la détermination du montant de la contribution annuelle de base et que l'ajustement de cette contribution au profil de risque d'un établissement est nettement encadré dans une fourchette préalablement définie allant de 0,8 à 1,5, ainsi qu'il a été rappelé au point 139 ci-dessus.

143    Dans ces conditions, l'étendue et les modalités d'exercice du pouvoir d'appréciation que l'article 6, paragraphes 5 à 7, et l'article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 confèrent au CRU ne peuvent être considérées comme étant insuffisamment encadrées ou définies avec une netteté insuffisante, eu égard au but légitime en jeu, et ne peuvent donc être considérées comme ne fournissant pas une protection adéquate contre l'arbitraire.

144    Il en va d'autant plus ainsi que la requérante est une opératrice avisée qui peut, en recourant au besoin aux services d'un conseil juridique et économique, prévoir de manière suffisamment précise la méthode de calcul et l'ordre de grandeur de sa contribution ex ante.

145    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante n'a pas démontré que les articles 6 et 7 du règlement délégué 2015/63 violaient le principe de sécurité juridique.

146    Sur la base des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la première branche du huitième moyen.

b)      Sur la deuxième branche, relative à la violation du droit à une bonne administration

147    La requérante soutient que les articles 4 à 7 et 9 ainsi que l'annexe I du règlement délégué 2015/63 violent le droit à une bonne administration prévu à l'article 41 de la Charte.

148    Les articles 4 à 7 et 9 ainsi que l'annexe I du règlement délégué 2015/63 prévoiraient un système de fixation des contributions ex ante qui serait dépourvu de transparence et qui ne permettrait pas d'effectuer un calcul compréhensible et vérifiable de ces contributions. Le contrôle du calcul de ces contributions se heurterait notamment au fait que le CRU ferait valoir de larges obligations de confidentialité au profit des autres établissements. En outre, le CRU jouirait de nombreux pouvoirs discrétionnaires dont l'exercice ne s'accompagnerait pas d'une justification compréhensible et vérifiable. Au surplus, le calcul desdites contributions serait effectué en parallèle pour plus de 3 000 établissements et reposerait sur une quantité « astronomique » de données. Le règlement délégué 2015/63 établirait ainsi en définitive une « boîte noire » qui serait totalement opaque et à laquelle n'auraient accès ni les autorités de résolution nationales ni les établissements soumis aux contributions ex ante.

149    Il en résulterait une violation de l'ensemble des droits qui constituent des expressions du droit à une bonne administration consacré à l'article 41, paragraphe 2, de la Charte, à savoir, premièrement, le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son égard, deuxièmement, le droit d'accès de toute personne au dossier qui la concerne et, troisièmement, l'obligation incombant à l'administration de motiver ses décisions.

150    Sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la présente branche est recevable au regard de la jurisprudence citée aux points 72 à 75 ci-dessus, il convient de constater qu'elle n'est, en tout état de cause, pas fondée.

151    À cet égard, il suffit de relever, d'une part, qu'aucun des éléments apportés par la requérante ne permet de constater que les articles 4 à 7 et 9 ou l'annexe I du règlement délégué 2015/63 empêchent le CRU de respecter les obligations qui lui incombent en vertu de l'article 41, paragraphe 2, sous a) à c), de la Charte en établissant, notamment, une procédure de consultation des établissements concernés avant l'adoption de la décision attaquée et en fournissant dans cette dernière une motivation suffisante.

152    D'autre part, l'argumentation avancée par la requérante au soutien de la présente exception d'illégalité repose sur les éléments qui se rapportent à la manière dont le CRU a appliqué le règlement délégué 2015/63 plutôt qu'à la légalité de celui-ci, à savoir sur le fait que le CRU n'a pas divulgué de données individuelles des autres établissements pour des raisons de confidentialité et qu'il n'a pas justifié à suffisance la manière dont il a exercé ses pouvoirs discrétionnaires.

153    Or, de tels griefs font l'objet du premier moyen, de la deuxième branche du quatrième moyen ainsi que du cinquième moyen, qui seront examinés ci-après.

154    Par conséquent, la présente branche doit être écartée.

c)      Sur la troisième branche, relative à la violation du droit à une protection juridictionnelle effective

155    La requérante fait valoir que les articles 4 à 7 et 9 ainsi que l'annexe I du règlement délégué 2015/63 violent le droit à une protection juridictionnelle effective, consacré à l'article 47, paragraphe 1, de la Charte.

156    En effet, dès lors que les articles 4 à 7 et 9 ainsi que l'annexe I du règlement délégué 2015/63 instaurent une méthode de calcul complexe et qu'elles impliquent l'utilisation des données des autres établissements que le CRU considère comme étant confidentielles, il serait impossible, même pour le Tribunal, de contrôler entièrement l'exactitude de la décision attaquée. Le Tribunal serait ainsi forcé de se fier à l'exactitude comptable des contributions ex ante telles qu'elles sont fixées par le CRU. Or, un système de contributions qui échappe de telle façon à un contrôle juridictionnel effectif serait en contradiction avec les droits fondamentaux garantis par l'Union, notamment avec le droit à la liberté d'entreprise consacré à l'article 16 de la Charte, le droit à la protection de la propriété garanti par l'article 17 de la Charte ainsi que le droit à un recours effectif et à une procédure équitable devant un tribunal indépendant et impartial, consacré à l'article 47, premier et deuxième alinéas, de la Charte. Dans le cadre d'un tel système, il ne serait pas non plus possible de garantir le respect des principes d'égalité de traitement, inscrit à l'article 20 de la Charte, de non-discrimination, inscrit à l'article 21 de la Charte, de proportionnalité et de sécurité juridique.

157    Pour ce qui est de la recevabilité de la présente branche, il ressort, à tout le moins sommairement, des allégations de la requérante qu'elle considère que, en raison de la complexité des dispositions dont elle excipe de l'illégalité, le juge de l'Union est empêché d'effectuer correctement son contrôle. Un tel grief est suffisamment clair pour permettre au Tribunal de l'examiner.

158    Sur le fond, il y a lieu de relever que l'effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l'article 47 de la Charte exige que l'intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard, soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d'exiger de l'autorité en cause qu'elle communique lesdits motifs, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possible et de décider en pleine connaissance de cause s'il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d'exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (arrêts du 26 avril 2018, Donnellan, C‑34/17, EU:C:2018:282, point 55, et du 24 novembre 2020, Minister van Buitenlandse Zaken, C‑225/19 et C‑226/19, EU:C:2020:951, point 43).

159    En outre, eu égard au principe du contradictoire, lequel fait partie des droits de la défense mentionnés à l'article 47 de la Charte, les parties à un procès doivent avoir le droit de prendre connaissance de toutes les pièces ou observations présentées au juge en vue d'influer sur sa décision et de les discuter. En effet, le droit fondamental à un recours juridictionnel effectif ne permet pas de fonder une décision juridictionnelle sur des faits et des documents dont les parties elles-mêmes, ou l'une d'entre elles, n'ont pas pu prendre connaissance et sur lesquels elles n'ont donc pas été en mesure de prendre position (arrêts du 4 juin 2013, ZZ, C‑300/11, EU:C:2013:363, points 55 et 56, et du 23 octobre 2014, Unitrading, C‑437/13, EU:C:2014:2318, point 21).

160    Cependant, dans certains cas exceptionnels, une autorité de l'Union peut s'opposer à la communication à l'intéressé des motifs précis et complets qui constituent le fondement d'une décision prise à son encontre, en invoquant des raisons relevant de la protection des données confidentielles. Dans un tel cas, il est nécessaire de mettre en œuvre des techniques et des règles de droit permettant de concilier, d'une part, les considérations légitimes relatives à la protection des données confidentielles ayant été prises en compte pour l'adoption d'une telle décision et, d'autre part, la nécessité de garantir à suffisance au justiciable le respect de ses droits procéduraux, tels que le droit d'être entendu ainsi que le principe du contradictoire (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 115 à 120 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 125).

161    Au regard de la nature spécifique des contributions ex ante, une telle conciliation doit également être effectuée dans le cas du calcul de ces contributions. En effet, ainsi qu'il ressort des considérants 105 à 107 de la directive 2014/59 et du considérant 41 du règlement no 806/2014, lesdites contributions visent à garantir, dans une logique d'ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu'il puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l'adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués. Ainsi, le calcul des contributions ex ante repose, non sur l'application d'un taux à une assiette, mais, en application des articles 102 et 103 de la directive 2014/59 ainsi que des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014, sur la définition d'un niveau cible final devant être atteint par la somme de ces contributions prélevées avant le 31 décembre 2023 (ci-après le « niveau cible final »), puis d'un niveau cible annuel devant être réparti entre les établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

162    Dès lors que le niveau cible final est défini comme devant s'élever à au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l'ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants et que la contribution annuelle de base de chaque établissement est calculée proportionnellement au montant de son passif net, rapporté au passif net cumulé de l'ensemble desdits établissements, il apparaît que le principe même de la méthode de calcul des contributions ex ante, tel qu'il ressort de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, implique l'utilisation, par le CRU, de données couvertes par le secret des affaires (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 114).

163    Or, les institutions et organismes de l'Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, qui constitue un principe général du droit de l'Union, lequel est, notamment, concrétisé à l'article 339 TFUE, de ne pas révéler aux concurrents d'un opérateur privé des informations confidentielles fournies par celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 109 et 114 et jurisprudence citée).

164    Dans ces conditions, il appartenait à la Commission et au Conseil, lors de la mise en place du système de calcul des contributions ex ante par le règlement délégué 2015/63 et le règlement d'exécution 2015/81, de concilier le respect du secret des affaires avec le principe de protection juridictionnelle effective, de sorte que les données couvertes par ce secret ne puissent pas être communiquées aux intéressés et qu'elles ne puissent pas, notamment, être incluses dans la motivation des décisions fixant le montant des contributions ex ante.

165    Cette caractéristique du système de calcul des contributions ex ante n'empêche pas pour autant l'exercice d'un contrôle juridictionnel effectif par le juge de l'Union.

166    En effet, d'une part, rien dans les articles 4 à 7 et 9 ni dans l'annexe I du règlement délégué 2015/63 ne s'oppose à ce que, conformément à l'article 88, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 806/2014, le CRU divulgue, lors de l'adoption de sa décision fixant les contributions ex ante, des informations confidentielles obtenues dans le cadre de son activité sous une forme résumée ou agrégée, de telle sorte que les établissements concernés ne puissent être identifiés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 136).

167    D'autre part, lorsque la motivation d'une décision fixant les contributions ex ante doit être limitée en vue d'assurer la protection des données confidentielles, il appartient à l'auteur de cette décision, en cas de recours devant les juridictions de l'Union mettant en cause ces données, de se justifier devant ces dernières dans le cadre de l'instruction contentieuse (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 110, et du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 145).

168    Le cas échéant, afin d'exercer un contrôle juridictionnel effectif conforme aux exigences de l'article 47 de la Charte, les juridictions de l'Union peuvent solliciter du CRU la production de données susceptibles de justifier les calculs dont l'exactitude est contestée devant elles, en assurant, en tant que de besoin, la confidentialité de ces données (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 146).

169    En outre, lorsqu'il procède à un examen de l'ensemble des éléments de droit et de fait fournis par le CRU, il incombe au juge de l'Union de vérifier le bien-fondé des raisons invoquées par celui-ci pour s'opposer à la communication des données utilisées aux fins du calcul des contributions ex ante (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 126).

170    S'il s'avère que les raisons invoquées par le CRU s'opposent effectivement à la communication d'informations ou d'éléments de preuve produits devant le juge de l'Union, il est nécessaire de mettre en balance de manière appropriée les exigences liées au droit à une protection juridictionnelle effective, en particulier au respect du principe du contradictoire, et celles découlant de la protection du secret des affaires (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 128).

171    Il découle de ce qui précède que le calcul des contributions ex ante sur la base de données couvertes par le secret des affaires, conformément aux articles 4 à 7 et 9 ainsi qu'à l'annexe I du règlement délégué 2015/63, sans que lesdites données soient mises à la disposition des intéressés, n'implique pas en soi que ces dispositions soient incompatibles avec le principe de protection juridictionnelle effective.

172    En ce qui concerne, enfin, l'argument de la requérante tiré de la complexité du calcul des contributions ex ante, le seul fait que la méthode de calcul de ces contributions soit considérée comme étant complexe n'empêche pas l'exercice d'un contrôle juridictionnel effectif par le juge de l'Union. En particulier, ni les articles 4 à 7 et 9 ni l'annexe I du règlement délégué 2015/63 ne font obstacle à ce que le Tribunal prenne, parmi les mesures prévues, notamment, dans son règlement de procédure, celles qu'il juge nécessaires afin d'exercer un tel contrôle.

173    Dans ces conditions, il convient de rejeter la présente branche comme n'étant pas fondée.

d)      Sur la quatrième branche, tirée de la méconnaissance, par la Commission, du cadre d'habilitation établi par la réglementation de base et du principe d'égalité de traitement

174    La requérante fait valoir, en substance, que, lors de l'adoption du règlement délégué 2015/63, la Commission était tenue, conformément à l'article 290, paragraphe 1, TFUE, de compléter ou de modifier le cadre établi par le législateur de l'Union dans les bases juridiques d'habilitation dudit règlement délégué, à savoir la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014, afin d'instaurer un système de calcul des contributions ex ante qui soit compatible avec le droit primaire, notamment avec le principe d'égalité de traitement.

175    À cet égard, il existerait des différences flagrantes entre le calcul de la composante de la contribution ex ante calculée sur la base nationale, d'une part, et celui de la composante de cette contribution calculée sur la base de l'union, d'autre part. Dans ces conditions, la méthode de calcul définie par le règlement délégué 2015/63 aurait dû atténuer les inégalités de traitement entre les établissements agréés dans les différents États membres. Comme ce règlement délégué ne l'a pas fait, il serait contraire au principe d'égalité de traitement.

176    Par ailleurs, le caractère invérifiable du calcul des contributions ex ante prévu par le règlement délégué 2015/63, tenant au fait que l'ajustement en fonction du profil de risque s'effectue sur la base des données confidentielles des autres établissements, prises en compte de manière interdépendante, n'aurait été imposé ni par la directive 2014/59 ni par le règlement no 806/2014. En effet, le système choisi par la Commission aurait pu être moins complexe, à l'instar du régime des contributions aux dépenses administratives du CRU, contributions que ce dernier perçoit conformément à l'article 65, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 et qui seraient fixées selon une procédure plus simple et, partant, plus transparente.

177    Sans qu'il soit nécessaire d'examiner la recevabilité de la présente branche, il y a lieu de constater que, en tout état de cause, celle-ci n'est pas fondée.

178    En effet, s'agissant, en premier lieu, de l'argument tiré de ce que le règlement délégué 2015/63 viole le principe d'égalité de traitement en ce qu'il n'a pas « modifié » le système de calcul des contributions ex ante établi par la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014 de manière à rendre ce système compatible avec ledit principe, il convient de rappeler que, lorsque le législateur de l'Union confère à la Commission, dans un acte législatif, un pouvoir délégué en vertu de l'article 290, paragraphe 1, TFUE, cette dernière est appelée à adopter des règles qui complètent ou modifient des éléments non essentiels de cet acte (arrêt du 18 mars 2014, Commission/Parlement et Conseil, C‑427/12, EU:C:2014:170, point 38).

179    Il résulte des termes « complètent ou modifient » que les deux catégories de pouvoir délégué prévues à l'article 290, paragraphe 1, TFUE se distinguent nettement. En effet, la délégation d'un pouvoir de « compléter » un acte législatif ne vise qu'à autoriser la Commission à concrétiser cet acte. Lorsque celle-ci exerce un tel pouvoir, son mandat est limité au développement en détail, dans le respect de l'intégralité de l'acte législatif arrêté par le législateur, des éléments non essentiels de la réglementation concernée que le législateur n'a pas définis (arrêt du 17 mars 2016, Parlement/Commission, C‑286/14, EU:C:2016:183, points 40 et 41).

180    En l'espèce, le règlement délégué 2015/63 a été adopté sur le fondement de l'article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, qui habilite la Commission à « préciser » l'adaptation des contributions ex ante au profil de risque. Or, le verbe « préciser » doit être entendu comme visant à « compléter » l'acte législatif, notamment afin de prendre en considération des éléments techniques (voir, par analogie, arrêt du 17 mars 2016, Parlement/Commission, C‑286/14, EU:C:2016:183, points 47 et suivants).

181    Il en résulte que la Commission ne disposait pas, lors de l'adoption du règlement délégué 2015/63, de la compétence pour modifier le cadre fixé par la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014 quant à la méthode de calcul des contributions ex ante.

182    Dans ce contexte, pour ce qui est de l'argument de la requérante selon lequel le caractère prétendument invérifiable du calcul des contributions ex ante n'aurait été imposé ni par la directive 2014/59 ni par le règlement no 806/2014, il ressort de la jurisprudence citée aux points 161 et 162 ci-dessus que le principe même de la méthode de calcul des contributions ex ante, tel qu'il ressort de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, implique l'utilisation, par le CRU, de données couvertes par le secret des affaires ne pouvant pas être reprises dans la motivation de la décision attaquée (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 113 et 114).

183    En ce qui concerne, en second lieu, l'argument tiré de ce que le règlement délégué 2015/63 viole le principe d'égalité de traitement en ce qu'il n'a pas « complété » le système de calcul des contributions ex ante établi par la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014 de manière à rendre ce système compatible avec ledit principe, il y a lieu de rappeler que l'article 103, paragraphe 7, de cette directive a habilité la Commission à préciser la notion d'adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements « en tenant compte de tous les éléments [énumérés dans cette disposition] ».

184    Or, à supposer même que l'argument de la requérante soit interprété en ce sens que celle-ci reproche à la Commission une erreur d'appréciation lors de la mise en œuvre de l'article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, la requérante n'explique pas, à suffisance de droit, les raisons pour lesquelles la Commission aurait dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation.

185    Par ailleurs, la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014 ne confèrent aucun pouvoir de délégation à la Commission pour harmoniser, dans un acte délégué, la méthode de calcul de la composante de la contribution ex ante calculée sur la base nationale et celle de la composante de cette contribution calculée sur la base de l'union. Par conséquent, la Commission n'avait pas la compétence pour effectuer une telle harmonisation dans le règlement délégué 2015/63.

186    Il découle de tout ce qui précède que la quatrième branche du huitième moyen doit être écartée, de même que le huitième moyen dans son intégralité.

B.      Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

1.      Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'article 1er, deuxième alinéa, TUE, des articles 15, 296 et 298 TFUE et des articles 42 et 47 de la Charte en raison du défaut de communication de la décision attaquée dans son intégralité

187    La requérante soutient que la décision attaquée viole l'obligation de motivation prévue à l'article 296 TFUE, le droit à un recours effectif prévu à l'article 47 de la Charte, l'exigence d'une administration européenne ouverte et proche des citoyens inscrite à l'article 1er, deuxième alinéa, TUE et aux articles 15 et 298 TFUE ainsi que le droit d'accès aux documents prévu à l'article 42 de la Charte et à l'article 15 TFUE, car cette décision ne lui a pas été communiquée dans son intégralité dès lors que le CRU n'a pas porté à sa connaissance les décisions intermédiaires prises en compte lors du calcul des contributions ex ante.

188    En effet, la requérante aurait reçu uniquement par extraits le résultat final du montant de sa contribution ex ante ainsi que les « postes individuels sélectionnés et certains points de données agrégé[e]s, lesquels ne sont pas révélateurs en eux-mêmes ». Ainsi, elle ne se serait pas vu communiquer, d'une part, les calculs effectués par le CRU, y compris les données ayant fondé ces calculs, ni, d'autre part, les informations permettant de déterminer quels étaient les indicateurs de risque pour chacun des établissements concernés. Or, les données non communiquées constitueraient un élément central de la décision attaquée, seraient nécessaires pour comprendre et vérifier le calcul de la contribution ex ante de la requérante et auraient une incidence directe sur le montant de celle-ci.

189    Le CRU conteste l'argumentation de la requérante.

190    Il est constant que la FMA a communiqué à la requérante la décision attaquée dans la mesure où celle-ci la concernait, à savoir le corps de cette décision, la fiche individuelle de la requérante ainsi que les annexes II et IIIb de cette même décision.

191    Dans la mesure où, par le présent moyen, la requérante fait valoir que la décision attaquée était incomplète, ce moyen porte en réalité sur le défaut de motivation de celle-ci. Dans la mesure où ce grief sera examiné dans le cadre du quatrième moyen, aux points 246 à 322 ci-après, il n'y a pas lieu de l'examiner à titre autonome dans le cadre du présent moyen.

192    Il en va de même s'agissant du grief relatif à la non-divulgation des décisions intermédiaires, en ce qu'il est tiré d'une violation de l'obligation de motivation. En effet, un tel grief sera examiné dans le cadre du quatrième moyen aux points 316 à 322 ci-après.

193    En ce qui concerne les griefs relatifs au droit à un recours effectif, au droit d'accès aux documents et à l'exigence d'une administration européenne ouverte et proche des citoyens, la requérante se contente, dans sa requête, d'énumérer les dispositions du droit primaire qui énoncent ces droits, sans avancer d'argumentation qui viserait à démontrer en quoi consiste la violation de ces derniers.

194    Dans ces conditions, et eu égard aux considérations figurant aux points 246 à 322 ci-après, il convient de rejeter le premier moyen.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation du principe de sécurité juridique

195    La requérante fait valoir que la décision attaquée viole le principe de sécurité juridique en ce que son dispositif prévoit qu'elle prend effet le 15 avril 2016, à savoir au moment de la prise d'effet de la première des décisions initiales. Le principe de sécurité juridique s'opposerait à ce que le point de départ de la durée de validité d'un acte soit fixé à une date antérieure à sa publication. Exceptionnellement, un acte de l'Union peut avoir un effet rétroactif lorsque le but à atteindre l'exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée. En l'espèce, ces deux conditions ne seraient pas satisfaites.

196    Le CRU conteste l'argumentation de la requérante.

197    La décision attaquée a été adoptée le 7 décembre 2022 et, conformément à ce que prévoit l'article 4 de son dispositif, elle a pris effet le 15 avril 2016, à savoir au moment de la prise d'effet de la première des décisions initiales, lesquelles avaient elles-mêmes été remplacées, également avec effet au 15 avril 2016, par la décision du 19 mars 2020, ainsi qu'il ressort des points 5 et 6 ci-dessus.

198    Il découle des considérants 19 à 22 de la décision attaquée que celle-ci visait à remédier au défaut de motivation de la décision du 19 mars 2020 que le CRU avait constaté à la suite de l'arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), ainsi que des ordonnances du 3 mars 2022, CRU/Portigon et Commission (C‑664/20 P, non publiée, EU:C:2022:161), et du 3 mars 2022, CRU/Hypo Vorarlberg Bank (C‑663/20 P, non publiée, EU:C:2022:162), relatif au calcul des montants des contributions ex ante pour la période de contribution 2017.

199    En outre, comme cela ressort des considérants 6 à 8 de la décision du 19 mars 2020, cette dernière a été adoptée afin de remédier aux vices de procédure et au défaut de motivation des décisions initiales, que le Tribunal avait constatés dans les arrêts du 28 novembre 2019, Banco Cooperativo Español/CRU (T‑323/16, EU:T:2019:822), du 28 novembre 2019, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16, EU:T:2019:823), et du 28 novembre 2019, Portigon/CRU (T‑365/16, EU:T:2019:824).

200    Partant, la décision attaquée ainsi que les arrêts et ordonnances mentionnés aux points 198 et 199 ci-dessus n'ont pas modifié la portée de l'obligation de la requérante de verser une contribution ex ante pour la période de contribution 2016, telle qu'elle avait été arrêtée par la seconde des décisions initiales et telle qu'elle avait existé pour cette période de contribution.

201    En effet, le calcul de la contribution ex ante de la requérante pour la période de contribution 2016 ainsi que le montant de cette contribution étaient les mêmes dans la seconde des décisions initiales, dans la décision du 19 mars 2020 et dans la décision attaquée. À cet égard, le seul élément nouveau introduit par la décision attaquée était une motivation plus étendue du calcul de la contribution ex ante de la requérante pour la période de contribution 2016.

202    Aux considérants 188 à 194 de la décision attaquée, le CRU a exposé les raisons pour lesquelles il avait fixé les effets dans le temps de cette décision de la manière décrite au point 197 ci-dessus. Il a, notamment, précisé qu'il avait procédé ainsi afin de maintenir le titre juridique par lequel les contributions ex ante des établissements concernés avaient été perçues au cours de la période de contribution 2016 et de préserver la validité du paiement de ces contributions.

203    Selon la jurisprudence, le principe de sécurité juridique s'oppose à ce que la portée d'un acte de l'Union dans le temps voie son point de départ fixé à une date antérieure à son adoption, sauf lorsque, à titre exceptionnel, le but à atteindre l'exige et la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (voir, en ce sens, arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, EU:C:1990:391, point 45, et du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 102 et jurisprudence citée).

204    Il découle de la jurisprudence citée au point 203 ci-dessus que, lorsque les conditions que cette dernière mentionne sont remplies, le pouvoir des institutions, des organes et des organismes de l'Union d'adopter un acte avec effet rétroactif découle des principes généraux du droit de l'Union, sans qu'il soit subordonné à l'existence d'une base juridique explicite dans la réglementation concernée.

205    En premier lieu, s'agissant de la question de savoir si le but à atteindre par la décision attaquée exigeait que cette dernière prenne effet à une date antérieure à la date de son adoption, il convient de tenir compte du contexte dans lequel cette décision a été prise.

206    À cet égard, il ressort des points 5 et 6 ci-dessus que l'arrêt ayant porté annulation des décisions initiales ainsi que les arrêts ayant conduit au retrait de la décision du 19 mars 2020 n'ont ni levé l'obligation de la requérante de s'acquitter de sa contribution ex ante pour la période de contribution 2016, conformément au cadre juridique applicable, ni revu à la baisse le montant de ladite contribution, ce que la requérante ne conteste pas.

207    Dans ces conditions particulières, si le CRU n'avait pas adopté la décision attaquée en lui donnant effet à compter de la date d'effet de la première des décisions initiales, la décision attaquée n'aurait pas pu déployer ses effets pendant la période allant du 15 avril 2016 au 7 décembre 2022, au cours de laquelle la requérante aurait été dispensée de son obligation de verser une contribution ex ante pour la période de contribution 2016, alors qu'elle était soumise à cette obligation en vertu de l'article 2, de l'article 67, paragraphe 4, et des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014. De même, au cours de cette période, le FRU aurait été privé, en méconnaissance de ces mêmes dispositions, des fonds provenant des contributions ex ante de la requérante, ce qui aurait porté atteinte à la mise en œuvre de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63 (voir, par analogie, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 176 et 177).

208    Par conséquent, le fait d'adopter la décision attaquée avec effet à compter du 15 avril 2016 visait à assurer une concomitance entre l'applicabilité de la décision attaquée et le moment auquel l'obligation de la requérante de verser une contribution ex ante pour la période de contribution 2016 avait pris naissance et, ainsi, à éviter un résultat contraire à la réglementation applicable. Or, l'atteinte d'un tel but légitime et d'intérêt public exigeait que cette décision prenne effet à une date antérieure à celle de son adoption, à savoir à la même date que la décision du 19 mars 2020 qu'elle venait remplacer.

209    En second lieu, la requérante ne fait pas valoir d'éléments étayés visant à démontrer que le caractère rétroactif de la décision attaquée méconnaît le principe de protection de la confiance légitime. Au demeurant, rien n'indique que la confiance légitime de la requérante ou celle de tiers n'a pas été dûment respectée dans les circonstances de l'espèce.

210    Il convient donc de relever que, contrairement à ce qu'affirme la requérante, la décision attaquée n'a pas violé le principe de sécurité juridique, dans la mesure où les conditions mentionnées au point 203 ci-dessus sont remplies, et que, en l'espèce, le CRU était en droit de fixer la date d'effet de la décision attaquée à une date antérieure à celle de son adoption, à savoir le 15 avril 2016, qui correspond à la date d'entrée en vigueur de la première décision initiale.

211    Eu égard à ce qui précède, il convient d'écarter le deuxième moyen comme étant non fondé.

3.      Sur le troisième moyen, tiré d'une méconnaissance de l'article 102 de la directive 2014/59, de l'article 69, paragraphes 1 et 2, et de l'article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 ainsi que de l'article 3 et de l'article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63, en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel

212    Le présent moyen est tiré d'une violation de l'article 102 de la directive 2014/59, de l'article 69, paragraphes 1 et 2, et de l'article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 ainsi que de l'article 3 et de l'article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63, en ce que le niveau cible annuel pour la période de contribution 2016 serait trop élevé.

213    Ce moyen s'articule, en substance, en trois griefs.

214    En premier lieu, la requérante affirme, en substance, qu'aucune disposition du droit applicable n'impose que le niveau cible final corresponde à 1 % des dépôts couverts de l'année 2023.

215    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que l'article 69, paragraphe 1, et l'article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, lus en combinaison avec l'article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63, doivent être compris en ce sens que le niveau cible annuel ne saurait dépasser 1 % des dépôts couverts de l'année précédente.

216    En troisième lieu, la requérante considère que l'article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 exige que le montant des contributions ex ante dues par l'ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépasse pas 12,5 % du niveau cible final (ci-après le « plafond de 12,5 % »). Or, selon la requérante, il ressort de la décision attaquée que le niveau cible final s'élève à 56 milliards d'euros. Dans la mesure où environ 7,01 milliards d'euros ont été levés par le CRU pour la période de contribution 2016, le plafond de 12,5 % aurait été dépassé.

217    Le CRU excipe de l'irrecevabilité des trois griefs au motif que leur inclusion, pour la première fois, dans le mémoire en adaptation méconnaît l'article 86 du règlement de procédure, puisque toutes les données sur lesquelles ils s'appuient étaient déjà connues de la requérante ou publiquement connues au moment où celle-ci a présenté la requête. Il conteste également le bien‑fondé du présent moyen.

a)      Sur le premier grief, tiré de ce qu'aucune disposition du droit applicable n'impose que le niveau cible final s'élève à 1 % des dépôts couverts de l'année 2023

218    La requérante fait valoir, en substance, que le CRU a déterminé le niveau cible final par rapport au montant des dépôts couverts de l'année 2023, tandis qu'il était tenu de prendre en compte les dépôts couverts de l'année précédant la période de contribution.

219    À cet égard, il convient de rappeler que l'article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 dispose que, « au terme [de la] période initiale[,] les moyens financiers disponibles du [FRU] atteignent au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l'ensemble des établissements de crédit agréés dans tous les États membres participants ».

220    Tout d'abord, il ressort du libellé de l'article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 que la date de la fin de la période initiale n'est pas déterminante seulement pour fixer la date à laquelle les moyens financiers disponibles du FRU doivent atteindre au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l'ensemble des établissements agréés dans tous les États membres participants, à savoir le niveau cible final, mais également pour préciser le montant de ces dépôts qui doit être pris en considération aux fins de calculer ce niveau cible.

221    Ensuite, il découle des travaux préparatoires du règlement no 806/2014 que, contrairement à ce que prétend la requérante, l'article 69, paragraphe 1, de ce règlement est fondé sur une approche dynamique du niveau cible final, en ce sens que ce dernier doit être déterminé au regard du montant des dépôts couverts à la fin de la période initiale. En effet, au point 4.3.2 de l'exposé des motifs de sa proposition COM(2013) 520 final, du 10 juillet 2013, qui a abouti à l'adoption dudit règlement, la Commission a exposé que le niveau cible final resterait dynamique et qu'il augmenterait en cas de développement du secteur bancaire.

222    Enfin, la nécessité de prendre en compte l'évolution du montant des dépôts couverts s'explique par l'objectif de perception des contributions ex ante, qui est de garantir, dans une logique d'ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour que ce dernier puisse remplir ses fonctions, ainsi que cela ressort du considérant 41 du règlement no 806/2014 (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113). L'objectif du MRU consiste, conformément au considérant 12 de ce règlement, à renforcer à son tour la stabilité des établissements dans les États membres participants et à prévenir la propagation d'éventuelles crises aux États membres non participants.

223    À cet égard, il ressort du point 4.3.2 de l'exposé des motifs de la proposition COM(2013) 520 final que, plus la taille du secteur bancaire croîtra dans le temps, plus les ressources financières devant être mises à la disposition du FRU devront augmenter. Une estimation de cette taille permet ainsi de prévoir le montant des moyens financiers qui devraient être procurés au FRU afin que ce dernier puisse être utilisé, en cas de crise affectant le secteur bancaire, pour financer les instruments de résolution et assurer ainsi leur application efficace, conformément à l'article 76, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, lu à la lumière du considérant 101 de ce même règlement.

224    Or, dans le cadre de l'article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le législateur de l'Union a opté pour une approche selon laquelle le montant des dépôts couverts vise à estimer la taille du secteur bancaire et à calculer ainsi les ressources financières qui doivent être mises à la disposition du FRU. Dans une telle optique, une éventuelle augmentation du montant des dépôts couverts entre le début et la fin de la période initiale reflète un accroissement de la taille du secteur bancaire, ce qui implique une augmentation des moyens financiers requis par le FRU à la fin de cette période.

225    Partant, l'article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 doit être interprété en ce sens que le montant du niveau cible final, prévu par cette disposition, doit être déterminé au regard du montant des dépôts couverts pronostiqué pour la fin de la période initiale.

226    Il s'ensuit qu'il convient de rejeter le premier grief du présent moyen, sans qu'il y ait besoin de se prononcer sur sa recevabilité.

b)      Sur le deuxième grief, tiré de ce que le CRU aurait déterminé le niveau cible annuel pour la période de contribution 2016 à un huitième de 1,05 % des dépôts couverts de l'année précédente

227    En ce qui concerne la recevabilité du deuxième grief, selon lequel le CRU aurait commis une erreur lorsqu'il a déterminé le niveau cible annuel pour la période de contribution 2016 à un huitième de 1,05 % des dépôts couverts de l'année précédant la période de contribution 2016, c'est-à-dire l'année 2015, il ressort tant du considérant 30 de la décision du 19 mars 2020 que du considérant 84 de la décision attaquée que le CRU a appliqué un tel coefficient pour la période de contribution 2016.

228    Eu égard à ce qui précède, en application de l'article 86 du règlement de procédure, il convient de constater que les éléments de fait et de droit sur lesquels repose le présent grief étaient connus de la requérante lors de l'introduction de la requête et qu'ils n'ont pas été modifiés dans la décision attaquée, de sorte que ce grief doit être considéré comme étant irrecevable pour cause de tardiveté.

c)      Sur le troisième grief, tiré de ce que les contributions annuelles pour la période de contribution 2016 dépassent le plafond de 12,5 %

i)      Sur la recevabilité

229    Conformément à l'article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, les contributions dues par l'ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne doivent pas dépasser annuellement 12,5 % du niveau cible final. Afin de pouvoir vérifier si le plafond de 12,5 % avait été respecté, il a été nécessaire à la requérante de disposer des éléments d'information sur le montant du niveau cible final. Or, aucun considérant de la décision du 19 mars 2020 ne contenait une telle information. De même, le CRU n'a soumis au Tribunal aucun élément qui démontrerait que cette information ressortait d'éléments publiquement accessibles avant le dépôt de la requête. En revanche, la décision attaquée a exposé, pour la première fois, à son considérant 83, le montant du niveau cible final estimé au cours de la période de contribution 2016, en précisant que ce montant s'élevait à 56 milliards d'euros (ci-après le « niveau cible final pronostiqué »).

230    Ce n'est donc que sur la base de ce nouvel élément, à savoir le montant du niveau cible final pronostiqué, qui figurait pour la première fois dans la décision attaquée, que la requérante a pu vérifier si le plafond de 12,5 % avait été respecté et faire valoir une méconnaissance de la disposition mentionnée au point 229 ci-dessus.

231    Eu égard à ce qui précède, en application de l'article 86 du règlement de procédure, il convient de constater que les éléments de fait et de droit sur lesquels repose le présent grief n'étaient pas connus de la requérante lors de l'introduction de la requête, de sorte que ce grief doit être considéré comme étant recevable.

ii)    Sur le fond

232    Il ressort du point 48 de l'arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216), que, lorsque le CRU calcule les contributions ex ante pour une période de contribution donnée, il est tenu de s'assurer, conformément à l'article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, que le montant des contributions ex ante dues par l'ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépasse pas 12,5 % du niveau cible final pronostiqué. Il ressort également du point 38 de cet arrêt que ce plafond de 12,5 % est applicable pendant la période initiale.

233    À l'appui de son argumentation visant à démontrer que le plafond de 12,5 % a été respecté pendant la période de contribution 2016, le CRU soutient que le montant qui devrait être pris en compte aux fins de cette vérification n'est pas celui du niveau cible annuel, mais celui qui résulte de l'ajustement de ce niveau cible et qui correspond ainsi à la somme des contributions ex ante effectivement dues par l'ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants. Comme cette dernière somme s'élèverait à 6,43 milliards d'euros, elle représenterait 11,48 % du niveau cible final pronostiqué, de sorte que le plafond de 12,5 % ne serait pas dépassé.

234    À cet égard, premièrement, il ressort du libellé de l'article 70, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 806/2014 que, « [c]haque année », le CRU calcule les contributions individuelles pour faire en sorte que les « contributions dues par l'ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants » ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible final. Selon le quatrième alinéa de cette disposition, le « cumul des contributions de l'ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants » ne dépasse pas « annuellement » 12,5 % du niveau cible final.

235    Il convient ainsi de constater que la notion de « contributions dues » au sens de l'article 70, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 806/2014, se réfère au montant des contributions que les établissements sont effectivement tenus de verser. De même, la notion de « cumul des contributions de l'ensemble des établissements » au sens du quatrième alinéa de cette disposition renvoie à la somme des contributions ex ante individuelles dont chaque établissement est effectivement redevable.

236    Deuxièmement, s'agissant du contexte dans lequel l'article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 a été adopté, il ressort du document interinstitutionnel 8078/1/14 REV 1, du 27 mars 2014, qui fait partie des travaux préparatoires de ce règlement, que, au cours de la procédure législative, le Conseil avait proposé de plafonner annuellement les contributions « dues » par tous les établissements à 10 % du niveau cible final. De même, tout en s'accordant à porter ce plafond à 12,5 %, le Parlement et le Conseil ont maintenu que son respect devrait être vérifié au regard des contributions « dues » par l'ensemble des établissements. Il en ressort que, au cours de la procédure législative ayant abouti à l'adoption dudit règlement, il avait été envisagé de plafonner le montant des contributions ex ante devant être effectivement payées.

237    Cette interprétation est confirmée par le contexte normatif dans lequel s'inscrit l'article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014. En effet, cette disposition est immédiatement suivie par l'article 70, paragraphe 3, de ce règlement, qui a également comme point de référence le montant des contributions ex ante effectivement dues. Cet article prévoit ainsi que la part des engagements de paiement irrévocables pouvant être accordée aux établissements ne dépasse pas 30 % du montant total des « contributions perçues », étant ainsi entendu que le calcul de ces engagements est fait sur la base du montant des contributions ex ante que les établissements sont effectivement tenus de verser.

238    Troisièmement, il convient de rappeler que le Tribunal a déjà jugé que l'article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 avait pour objectif de plafonner, pour chaque année considérée individuellement, le montant des contributions dues par l'ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, point 54].

239    Eu égard à ce qui précède, l'article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 doit être interprété en ce sens que le respect du plafond de 12,5 % doit être vérifié au regard du montant des contributions ex ante effectivement dues par l'ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

240    En l'espèce, il convient de constater que, même si, selon le considérant 84 de la décision attaquée, le montant du niveau cible annuel était de 7 007 654 704 euros, la somme des contributions ex ante effectivement dues par lesdits établissements, pour la période de contribution 2016, était de 6 423 923 918 euros. Ce montant ressort de la première page de l'annexe II de la décision attaquée, dont il découle également que ce dernier montant prend en compte tant la « déduction des contributions 2015 » que les « ajustements pour les retraitements et révisions en conformité avec l'article 17, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63 ».

241    Dans ces conditions, il convient de constater que la décision attaquée a fixé le montant des contributions ex ante dues par l'ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants à un montant qui ne dépasse pas le plafond de 12,5 % du niveau cible final pronostiqué au cours de la période de contribution 2016, tel que cela est prévu par l'article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014.

242    Cette conclusion n'est pas remise en cause par les arguments soulevés par la requérante lors de l'audience.

243    En premier lieu, la requérante ne saurait soutenir que la contribution pour l'année 2015 constitue une avance sur la contribution ex ante pour la période de contribution 2016 ou une « note de crédit », de sorte qu'elle devait être englobée dans cette contribution. D'une part, la contribution pour l'année 2015 a été perçue par les États membres sur le fondement de l'article 103 de la directive 2014/59, et donc antérieurement à l'instauration du régime des contributions ex ante par le règlement no 806/2014. D'autre part, rien dans ce règlement n'indique qu'il convient de tenir compte, aux fins de l'application du plafond de 12,5 %, d'une telle contribution, perçue avant l'instauration de ce régime.

244    En second lieu, la requérante ne saurait faire valoir que l'interprétation exposée aux points 234 et 235 ci-dessus viole le principe d'égalité de traitement en ce que seuls les établissements ayant payé une contribution en 2015 pourraient bénéficier du respect du plafond de 12,5 %. À cet égard, la requérante n'a pas expliqué, à suffisance de droit, si la violation de ce principe découlait d'un traitement différent de situations comparables ou d'un traitement identique de situations différentes. En outre, il découle du libellé de l'article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 que le respect du plafond de 12,5 % est vérifié globalement, au regard des contributions dues par l'ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, de sorte qu'il ne peut pas y avoir de situation dans laquelle, pour une période de contribution donnée, le plafond est respecté pour certains établissements et dépassé pour d'autres.

245    Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le troisième grief du présent moyen, ainsi que le troisième moyen dans son intégralité.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation des formes substantielles en raison de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée

246    La requérante fait valoir que la décision attaquée ne satisfait pas aux exigences de l'obligation de motivation découlant de l'article 296, deuxième alinéa, TFUE et de l'article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous c), de la Charte.

247    Le quatrième moyen s'articule, en substance, en quatre branches.

a)      Observations liminaires

248    L'article 296, deuxième alinéa, TFUE dispose que les actes juridiques sont motivés. De même, le droit à une bonne administration, consacré à l'article 41 de la Charte, prévoit l'obligation, pour les institutions, les organes et les organismes de l'Union, de motiver leurs décisions.

249    La motivation d'une décision d'une institution, d'un organe ou d'un organisme de l'Union revêt une importance toute particulière, en tant qu'elle permet à l'intéressé de décider en pleine connaissance de cause s'il entend introduire un recours contre cette décision ainsi qu'à la juridiction compétente d'exercer son contrôle, et en tant qu'elle constitue donc l'une des conditions de l'effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l'article 47 de la Charte (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 103 et jurisprudence citée).

250    La motivation d'une décision d'une institution, d'un organe ou d'un organisme de l'Union doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. À cet égard, il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d'une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l'intérêt que les personnes concernées par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu'il est intervenu dans un contexte connu de l'intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 104 et jurisprudence citée).

251    Afin d'examiner si cette motivation est suffisante en ce qui concerne une décision fixant les contributions ex ante, premièrement, il convient de rappeler qu'il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour que la motivation de toute décision d'une institution, d'un organe ou d'un organisme de l'Union mettant à la charge d'un opérateur privé le paiement d'une somme d'argent doit nécessairement comprendre l'intégralité des éléments permettant à son destinataire de vérifier l'exactitude du calcul du montant de cette somme d'argent (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 105 et jurisprudence citée).

252    Deuxièmement, les institutions, les organes et les organismes de l'Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, qui constitue un principe général du droit de l'Union, lequel est, notamment, concrétisé à l'article 339 TFUE, de ne pas révéler aux concurrents d'un opérateur privé des informations confidentielles fournies par celui-ci (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 109 et jurisprudence citée).

253    Troisièmement, considérer que la motivation de la décision du CRU fixant des contributions ex ante doit nécessairement permettre aux établissements de vérifier l'exactitude du calcul de leur contribution ex ante impliquerait, nécessairement, d'interdire au législateur de l'Union d'instituer un mode de calcul de cette contribution intégrant des données dont le caractère confidentiel est protégé par le droit de l'Union et, partant, de réduire de manière excessive le large pouvoir d'appréciation dont doit disposer, à cette fin, ce législateur, en l'empêchant, notamment, d'opter pour une méthode susceptible d'assurer une adaptation dynamique du financement du FRU aux évolutions du secteur financier par la prise en compte comparative, en particulier, de la situation financière de chaque établissement agréé sur le territoire d'un État membre participant (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 118).

254    Quatrièmement, s'il résulte de ce qui précède que l'obligation de motivation pesant sur le CRU doit être mise en balance, en raison de la logique du système de financement du FRU et du mode de calcul établi par le législateur de l'Union, avec l'obligation du CRU de respecter le secret des affaires des établissements concernés, il n'en demeure pas moins que cette dernière obligation ne doit pas être interprétée à ce point extensivement qu'elle vide l'obligation de motivation de sa substance (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 120).

255    Toutefois, il ne saurait être considéré, dans le cadre de la mise en balance de l'obligation de motivation avec le principe de protection du secret des affaires, que motiver une décision mettant à la charge d'un opérateur privé le paiement d'une somme d'argent sans lui fournir l'intégralité des éléments permettant de vérifier avec exactitude le calcul du montant de cette somme d'argent porte nécessairement, dans tous les cas, atteinte à la substance de l'obligation de motivation (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 121).

256    S'agissant de la décision du CRU fixant des contributions ex ante, l'obligation de motivation doit être considérée comme étant respectée lorsque les personnes concernées par cette décision, tout en ne se voyant pas transmettre de données couvertes par le secret des affaires, disposent de la méthode de calcul utilisée par le CRU et d'informations suffisantes pour comprendre, en substance, de quelle façon leur situation individuelle a été prise en compte, aux fins du calcul de leur contribution ex ante, au regard de la situation de l'ensemble des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).

257    Dans un tel cas, ces personnes sont, en effet, en mesure de vérifier si leur contribution ex ante a été fixée de manière arbitraire, en méconnaissant la réalité de leur situation économique ou en utilisant des données relatives au reste du secteur financier dépourvues de plausibilité. Lesdites personnes peuvent, dès lors, comprendre les justifications de la décision fixant leur contribution ex ante et évaluer s'il apparaît utile d'introduire un recours contre cette décision, de sorte qu'il serait excessif d'exiger du CRU qu'il communique chacun des éléments chiffrés sur lesquels s'appuie le calcul de la contribution ex ante de chaque établissement concerné (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 123).

258    Il résulte de ce qui précède que le CRU n'est pas, notamment, tenu de fournir à un établissement les données lui permettant de vérifier, de manière complète, l'exactitude de la valeur du multiplicateur d'ajustement, puisque cette vérification supposerait de disposer de données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 135).

259    En revanche, il incombe au CRU de publier ou de transmettre aux établissements concernés, sous une forme agrégée et anonymisée, les informations relatives à ces établissements, utilisées pour calculer cette contribution, dans la mesure où ces informations peuvent être communiquées sans porter atteinte au secret des affaires (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 166).

260    Parmi les informations devant ainsi être mises à la disposition des établissements figurent, notamment, les valeurs limites de chaque bin et celles des indicateurs de risque s'y rapportant, sur la base desquelles la contribution ex ante des établissements a été adaptée au profil de risque de ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 167).

261    C'est au regard de ces considérations qu'il convient d'examiner les arguments de la requérante développés dans le cadre du quatrième moyen.

b)      Sur la première branche, relative au caractère prétendument incompréhensible et invérifiable du calcul de la contribution ex ante de la requérante

262    Premièrement, la requérante fait valoir que la décision attaquée se résume à des considérations générales sur les méthodes de collecte de données et de calcul des contributions ex ante. Ainsi, le texte de cette décision ne contiendrait aucun élément relatif au calcul concret de la contribution ex ante de la requérante. Plus particulièrement, les annexes de ladite décision ne contiendraient que des résultats finaux, ce qui rendrait le calcul de cette contribution incompréhensible et invérifiable. Les données figurant dans ces annexes seraient d'ailleurs dénuées de pertinence, car non probantes, et n'auraient aucune valeur explicative ni justificative en raison des fluctuations inexplicables de certaines valeurs d'une année à l'autre.

263    À cet égard, ainsi qu'il a été relevé au point 18 ci-dessus, l'annexe I de la décision attaquée contient la fiche individuelle de la requérante, qui expose non seulement les données communes déterminées par le CRU en additionnant ou en combinant les données de tous les établissements, mais aussi toutes les données individuelles de la requérante utilisées dans le calcul de sa contribution ex ante, telles que le montant de sa contribution annuelle de base, les valeurs de ses indicateurs de risque ainsi que son classement dans les bins respectifs en fonction de ces valeurs. En outre, il ressort de l'annexe II de cette décision que la requérante était informée du nombre de bins correspondant à chaque indicateur de risque ainsi que des valeurs limites de ces bins. Conformément à la jurisprudence citée au point 260 ci-dessus, la requérante était donc, notamment, en mesure de vérifier, au regard des données figurant à l'annexe I de ladite décision, lues conjointement avec les données figurant à l'annexe II de cette même décision, si elle avait été placée dans les bins corrects par rapport à l'ensemble des autres établissements. Par ailleurs, le fait que, pour des raisons de confidentialité, le CRU a diminué ou augmenté d'un montant aléatoire les valeurs minimales et maximales des bins n'a aucune incidence sur cette conclusion, étant donné que le CRU a maintenu la répartition originale.

264    Il en va d'autant plus ainsi que le CRU a transmis à la requérante, avant l'adoption de la décision attaquée, un outil de calcul des contributions ex ante afin qu'elle puisse effectuer à l'avance le calcul de sa contribution ex ante. Cet outil contenait, d'une part, les algorithmes utilisés par le CRU pour effectuer les calculs préliminaires et, d'autre part, les données communes déterminées par le CRU en additionnant ou en combinant les données individuelles de tous les établissements concernés. Ainsi, la requérante, en insérant ses données individuelles dans les champs appropriés dudit outil, a pu calculer, étape par étape, sa contribution ex ante individuelle, conformément aux calculs préliminaires effectués par le CRU qui concernent les contributions ex ante pour la période de contribution 2016.

265    Il est vrai que, en ce qui concerne les données des autres établissements utilisées par le CRU dans le cadre des étapes de calcul des contributions ex ante, telles qu'elles sont définies à l'annexe I du règlement délégué 2015/63, portant sur la « discrétisation des indicateurs » (étape 2), l'« intégration du signe affecté » (étape 4) et le « calcul des contributions annuelles » (étape 6), les annexes I et II de la décision attaquée ne contiennent que les données communes déterminées par le CRU en additionnant ou en combinant les données individuelles de tous les établissements concernés. Cependant, il découle de la jurisprudence citée au point 258 ci-dessus que le CRU n'est pas tenu de fournir aux établissements le calcul complet effectué pour obtenir ces données communes, dès lors que cela supposerait de divulguer des données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés.

266    Enfin, l'affirmation de la requérante selon laquelle les données figurant dans les annexes de la décision attaquée sont dépourvues de toute « valeur explicative » en raison des fluctuations prétendument incompréhensibles, d'une année à l'autre, de certaines valeurs, ne saurait prospérer. En effet, le seul fait que certaines valeurs, qui sont obtenues en additionnant ou en combinant les données d'un grand nombre d'établissements, puissent varier d'une année à l'autre ne saurait remettre en question la crédibilité, pour les établissements concernés, de toutes les données figurant aux annexes I et II de la décision attaquée.

267    Deuxièmement, la requérante fait valoir que le calcul de sa contribution annuelle de base et de son multiplicateur d'ajustement est incompréhensible. À cet égard, la valeur de ce multiplicateur serait excessivement élevée, malgré les notations internationales excellentes de la requérante, son profil de risque meilleur que la moyenne de celui des établissements concernés et son modèle économique d'une complexité relativement réduite.

268    À cet égard, il convient de relever que la valeur du multiplicateur d'ajustement découle d'un calcul qui est fondé sur la méthode décrite à l'annexe I du règlement délégué 2015/63 et qui est détaillé aux considérants 133 à 167 de la décision attaquée ainsi que dans la fiche individuelle de la requérante, qui fait partie de l'annexe I de cette décision. Or, la requérante n'a soumis au Tribunal aucun élément concret par lequel elle viserait à démontrer un caractère incompréhensible ou incohérent de cette méthode et des données figurant auxdits considérants de la décision attaquée ou dans la fiche individuelle.

269    En tout état de cause, étant donné que les indicateurs de risque, tels qu'ils sont détaillés aux considérants 133 à 142 de la décision attaquée, sont pondérés au sein de chacun des quatre piliers de risque et que ces quatre piliers de risque sont, eux aussi, pondérés, certains indicateurs de risque ont un poids moins important pour le résultat du calcul du multiplicateur d'ajustement que les autres. En effet, s'agissant des indicateurs de risque auxquels la méthode de calcul attribue un poids relativement plus important dans le processus de calcul, la requérante n'a pas été classée dans des bins correspondant à des risques particulièrement faibles. Dans ces conditions, la requérante a tort de soutenir que la valeur de son multiplicateur d'ajustement est inexplicablement élevée.

270    Troisièmement, la requérante soutient que l'assignation des établissements aux bins est inintelligible et qu'elle produit des distorsions considérables ainsi que des résultats erronés. En particulier, la raison pour laquelle le même nombre d'établissements n'a pas été attribué à chaque bin dans le cadre de l'indicateur de risque « ratio de levier » ne serait pas précisée. La répartition des établissements entre les bins serait également incompréhensible en ce qui concerne l'indicateur de risque « actifs pondérés en fonction du risque du marché, divisés par les fonds propres de base de catégorie l », qui relève du pilier de risque IV, car les établissements ne seraient pas davantage répartis entre ces bins d'une manière égale et justifiable. Il en va de même en ce qui concerne d'autres indicateurs de risque, tels que l'indicateur de risque « actifs pondérés en fonction du risque du marché, divisés par le total de l'actif ». Ainsi, il serait impossible d'apprécier de manière définitive si la définition des bins et la répartition des établissements entre ces bins ont été correctement établies par le CRU et si le classement de la requérante est réaliste.

271    Plus concrètement, le CRU aurait dû divulguer, éventuellement sous une forme anonymisée, les données de chaque établissement utilisées pour le calcul des indicateurs bruts, pour que la requérante puisse vérifier si des établissements ayant fourni des données comparables avaient été assignés à des bins similaires.

272    À cet égard, tout d'abord, s'agissant de la motivation de la décision attaquée quant au fait que le même nombre d'établissements n'a pas été attribué à chaque bin en ce qui concerne les indicateurs de risque mentionnés au point 270 ci-dessus, il convient de relever que le CRU a suffisamment expliqué, au considérant 149 de la décision attaquée, les motifs d'une telle répartition, en indiquant que celle-ci visait à éviter que des établissements présentant la même valeur pour un indicateur de risque brut ne soient assignés à des bins différents, de sorte que des établissements présentant la même valeur pour un tel indicateur ont été assignés au même bin, ce qui a pu conduire à ce qu'un nombre différent d'établissements soit attribué à chaque bin.

273    Contrairement à ce que suggère la requérante, l'obligation de motivation qui pèse sur le CRU ne va pas jusqu'à lui imposer de préciser, dans la décision attaquée, quels établissements ont été regroupés dans un même bin pour les raisons décrites au point 272 ci-dessus, puisqu'une telle précision supposerait de divulguer des données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés. De même, la requérante ne saurait soutenir que le CRU était obligé d'indiquer quelles répercussions exactes ce regroupement a eu sur le montant de sa contribution ex ante, dès lors qu'elle n'explique pas pourquoi une telle indication était nécessaire pour respecter les exigences rappelées aux points 251 à 260 ci-dessus et notamment lui permettre de vérifier si sa contribution ex ante a été fixée de manière arbitraire, en méconnaissant la réalité de sa situation économique ou en utilisant des données relatives au reste du secteur financier dépourvues de plausibilité.

274    Par ailleurs, compte tenu de la jurisprudence citée aux points 251 à 260 ci-dessus, la requérante soutient à tort que le CRU aurait dû lui permettre de vérifier, de manière complète, la détermination du nombre de bins et l'assignation des établissements à ces bins, puisqu'une telle approche aurait impliqué que des données des autres établissements couvertes par le secret des affaires lui soient communiquées.

275    À cet égard, il y a lieu d'ajouter que, contrairement à ce que soutient la requérante, le CRU n'est pas tenu de divulguer, pour chaque établissement concerné, l'intégralité des données qui lui ont été fournies par ce dernier ni son assignation aux différents bins au sein de chaque indicateur de risque, en se limitant à remplacer le nom de chaque établissement par un pseudonyme. En effet, ainsi que le CRU l'a expliqué, sans être sérieusement contredit sur ce point, un tel procédé ne pourrait pas garantir que les établissements ne puissent pas être identifiés à partir des données ainsi communiquées. Il n'est effectivement pas exclu que certains établissements, même pseudonymisés, puissent néanmoins être identifiés en raison des données individuelles qui ont déjà été rendues publiques, notamment dans le cas des grands établissements et des États membres ne comptant que quelques établissements.

276    Au demeurant, les griefs de la requérante concernant d'autres prétendues distorsions dans la répartition des établissements entre les bins au sein des différents piliers de risque, même à les supposer recevables au regard de la jurisprudence citée aux points 72 à 75 ci-dessus, relèvent d'une question de fond, et non de la motivation de la décision attaquée.

277    Le grief de la requérante selon lequel le CRU, en adoptant, en 2022, une nouvelle décision portant sur les contributions ex ante pour la période de contribution 2016, aurait indûment prolongé la durée des procédures nationales doit également être rejeté, la requérante ayant omis d'expliquer l'incidence de ce grief dans le cadre de la violation de l'obligation de motivation de la décision attaquée.

c)      Sur la deuxième branche, relative à l'absence de fourniture des données individuelles des autres établissements

278    La requérante fait valoir que la motivation de la décision attaquée est insuffisante en ce qu'elle ne fournit pas les données individuelles des autres établissements, sans lesquelles il lui est impossible de contrôler le calcul de sa contribution ex ante. Les données communiquées par les établissements conformément à l'annexe II du règlement délégué 2015/63 ne seraient, en réalité, pas des données confidentielles, car elles seraient accessibles au public ou résulteraient d'informations publiées, telles que des rapports d'activité de ces établissements.

279    Ainsi, le CRU n'aurait pas soigneusement mis en balance l'obligation de motivation et l'exigence de protection du secret des affaires, en prévoyant, par exemple, une procédure de consultation des dossiers adéquate qui aurait permis une communication complète des données utilisées dans le calcul des contributions ex ante. Dès lors, la requérante a invité le Tribunal à demander au CRU de présenter tous les documents pertinents pour ce calcul.

280    La requérante considère que le CRU n'a pas respecté les exigences relatives à l'obligation de motivation définies par la Cour dans l'arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), car il ne lui aurait pas fourni tous les éléments du calcul de sa contribution ex ante qu'il aurait pu transmettre sans violer le secret des affaires. À cet égard, la Cour ne se serait pas livrée à une énumération limitative de tous les éléments que le CRU doit divulguer.

281    Selon la requérante, tout d'abord, il incombe au CRU de démontrer le caractère confidentiel de chaque donnée qu'il n'a pas divulguée et qui est nécessaire pour vérifier le calcul des contributions ex ante.

282    Ensuite, en ce qui concerne la protection du secret des affaires, il n'existerait, pour certaines des données non communiquées par le CRU, aucun risque d'atteinte aux intérêts des établissements concernés résultant de leur transmission. Tel serait le cas, par exemple, des multiplicateurs d'ajustement de chaque établissement.

283    Par ailleurs, les données sur lesquelles se fonde le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2016 dateraient de l'année 2014, soit près de huit ans avant l'adoption de la décision attaquée, de sorte qu'elles auraient perdu tout caractère confidentiel. En effet, les données déclarées par les établissements fluctueraient fortement d'une année à l'autre et seraient, de ce fait, dépourvues d'intérêt pratique pour l'appréciation de la position économique de ces derniers.

284    Enfin, les données qui ne permettent pas d'identifier les établissements, y compris toutes les données agrégées utilisées dans les différentes étapes du calcul des contributions ex ante, devraient en tout état de cause être divulguées. Le CRU aurait pu, notamment, communiquer le total du passif de chaque établissement ainsi que son multiplicateur d'ajustement en effaçant le nom de l'établissement concerné, sans divulguer de données confidentielles. Ainsi, les établissements auraient pu effectuer une comparaison avec d'autres établissements de taille similaire, afin d'évaluer si l'ajustement en fonction du profil de risque correspondait à leur situation économique réelle et de vérifier l'affectation des établissements aux bins.

285    Au considérant 122 de la décision attaquée, le CRU a observé que les « secrets d'affaires des établissements – c'est-à-dire toutes les informations concernant l'activité professionnelle des établissements qui, en cas de divulgation à un concurrent et/ou à un public plus large, pourraient porter gravement atteinte aux intérêts des établissements – et les informations qui, si elles étaient largement divulguées, pourraient rendre accessibles à des acteurs externes des données qui ne sont pas censées l'être sur la situation du secteur bancaire de l'Union européenne en matière de résolution, [étaient] considérés comme des informations confidentielles ». Il a ajouté que, « [d]ans le cadre du calcul des contributions ex ante […], les informations individuelles fournies par les établissements par l'intermédiaire de leurs [formulaires de déclaration], sur lesquelles [il] s'appu[yait] pour calculer leur contribution ex ante, [étaient] considérées comme des secrets d'affaires ».

286    En outre, aux considérants 124 à 127 de la décision attaquée, le CRU a relevé qu'il lui était interdit de « divulguer les données de chaque établissement qui [étaie]nt essentielles pour le processus de calcul dans [ladite décision] », alors qu'il était autorisé à « divulguer les données agrégées et communes, dans la mesure où ces données [ét]aient cumulées, de sorte que les établissements concernés ne puissent pas être identifiés et que l'obligation de respecter le secret des affaires ne soit pas méconnu ». Cela étant, les établissements bénéficiaient, selon ladite décision, d'une « transparence totale quant au calcul de leur [contribution annuelle de base] et de leur multiplicateur d'ajustement » pour les étapes de calcul de cette contribution qui portaient sur le « calcul des indicateurs bruts » (étape 1), le « rééchelonnement des indicateurs » (étape 3) et le « calcul de l'indicateur composite » (étape 5). En outre, les établissements étaient en mesure d'obtenir les « données communes utilisées indifféremment par le CRU pour tous les établissements faisant l'objet d'un ajustement en fonction de leur profil de risque » pour les étapes de calcul portant sur la « discrétisation des indicateurs » (étape 2), l'« intégration du signe affecté » (étape 4) et le « calcul des contributions annuelles » (étape 6).

287    À cet égard, il convient de rappeler, premièrement, que le principe même de la méthode de calcul des contributions ex ante, tel qu'il ressort de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, implique l'utilisation, par le CRU, de données couvertes par le secret des affaires ne pouvant pas être reprises dans la motivation de la décision de fixation des contributions ex ante (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 114).

288    Deuxièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, l'obligation de motivation n'impose pas au CRU de faire figurer, dans la décision attaquée, des considérations détaillées démontrant le caractère confidentiel de chaque catégorie de données fournies par les établissements.

289    En effet, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence citée au point 250 ci-dessus, il n'est pas exigé que la motivation d'un acte spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d'une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l'intérêt que les personnes concernées par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications.

290    Or, d'une part, il découle des considérations figurant au considérant 122 de la décision attaquée que le CRU a considéré que l'ensemble des données déclarées par chaque établissement était couvert, dans sa globalité, par le secret des affaires, puisque la divulgation de ces données à un concurrent ou à un public plus large pourrait porter gravement atteinte aux intérêts de l'établissement concerné.

291    D'autre part, étant donné que la requérante a fourni ses propres données aux fins du calcul des contributions ex ante, conformément à l'article 14 du règlement délégué 2015/63, elle avait une pleine connaissance de la nature et des caractéristiques générales de chaque catégorie de ces données. Elle était ainsi, notamment, à même d'évaluer dans quelle mesure chacune de ces catégories de données pouvait comporter des informations confidentielles.

292    Dans ces conditions, la requérante disposait d'informations suffisantes pour comprendre et, le cas échéant, contester les raisons pour lesquelles le CRU avait considéré que les données individuelles des autres établissements étaient couvertes par le secret des affaires. Elle pouvait, notamment, contester, au regard de la nature et des caractéristiques générales de chaque catégorie de ces données, l'appréciation du CRU figurant au considérant 122 de la décision attaquée, selon laquelle lesdites données avaient un caractère secret et leur divulgation pouvait porter gravement atteinte aux intérêts de l'établissement concerné. Ainsi, elle disposait de tous les éléments nécessaires pour pouvoir contester le non-respect par le CRU des exigences dégagées par la Cour concernant la mise en balance de l'obligation de motivation avec le principe de protection du secret des affaires, telles qu'elles sont rappelées aux points 256, 259 et 260 ci-dessus.

293    Troisièmement, les éléments de preuve que la requérante a soumis au Tribunal ne suffisent pas pour démontrer que les données individuelles des établissements ne sont, en réalité, pas des données confidentielles, car elles se trouvent dans le domaine public.

294    À cet égard, d'une part, la requérante a indiqué, au soutien de son argumentation, qu'un grand nombre de données communiquées par les établissements seraient divulguées lors des tests de résistance publiés par l'Autorité bancaire européenne (ABE), par exemple des « données sur le capital (capitaux propres, fonds propres, ratio de fonds propres de base, etc.), le taux d'endettement ainsi que divers montants de position de risque (risque de crédit, titrisation, risque de marché, risque d'exploitation, etc.) ». En outre, l'ABE réalise, selon la requérante, des exercices annuels de transparence à l'échelle de l'Union, dans le cadre desquels cette autorité publie notamment, « en ce qui concerne les différents établissements, des données détaillées relatives aux éléments du capital, aux montants des expositions au risque, aux ratios de fonds propres ».

295    Il convient cependant de relever que le test de résistance mené par l'ABE en 2015 à l'échelle de l'Union et les exercices annuels de transparence, auxquels se réfère la requérante, ne portent que sur un nombre circonscrit d'établissements ainsi que sur un nombre restreint de données, bien moins nombreuses que celles communiquées dans le cadre du calcul des contributions ex ante. Ainsi, la requérante n'a pas démontré que les données publiées dans le cadre des activités de l'ABE concernaient tous les établissements soumis à l'obligation de verser des contributions ex ante.

296    D'autre part, la requérante s'est référée au fait que les exercices annuels de transparence évoqués au point 295 ci-dessus visaient à compléter les publications des données par les établissements eux-mêmes sur la base, notamment, des articles 431 à 455 du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1), ainsi que de l'article 106 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338). Or, à cet égard, la requérante s'est contentée d'un simple renvoi à ces dispositions, sans expliquer quelles données individuelles concrètes des établissements utilisées lors du calcul des contributions ex ante se trouvaient obligatoirement, sur la base de ces dispositions, dans le domaine public au moment de l'adoption de la décision attaquée.

297    Par ailleurs, la requérante n'a pas soutenu, et encore moins démontré, que toutes les données utilisées pour la détermination d'au moins un indicateur de risque, dont le calcul requérait la combinaison de plusieurs catégories de données, étaient dans le domaine public au moment de l'adoption de la décision attaquée.

298    Quatrièmement, en ce qui concerne l'argument selon lequel les données utilisées pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2016 dataient de plus de cinq ans et, de ce fait, n'étaient plus couvertes par le secret des affaires et selon lequel, en dépit de cela, le CRU n'a pas indiqué les raisons pour lesquelles ces données n'avaient pas été divulguées, il convient de rappeler que le principe même de la méthode de calcul des contributions ex ante, tel qu'il ressort de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, implique l'utilisation, par le CRU, de données couvertes par le secret des affaires ne pouvant pas être reprises dans la motivation de la décision de fixation des contributions ex ante (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 114).

299    À cet égard, le CRU a indiqué, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles les données des établissements qui avaient été prises en compte aux fins du calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2016 étaient couvertes par le secret des affaires.

300    Aux considérants 128 et 129 de la décision attaquée, le CRU a motivé le besoin de garantir la confidentialité des données concernées en expliquant que ces dernières étaient spécifiques et sensibles dans la mesure où elles fournissaient une image complète, non seulement des établissements pris individuellement, mais du secteur bancaire de l'Union en ce qui concernait la résolution. Une fois ces données divulguées à certains établissements, le CRU ne pourrait contrôler davantage leur utilisation ou leur divulgation, de sorte qu'elles pourraient être utilisées pour menacer la stabilité du secteur financier.

301    Au considérant 130 de la décision attaquée, le CRU a précisé que les risques mentionnés au point 300 ci-dessus subsistaient même en ce qui concernait les données qui auraient daté, au moment de leur divulgation, de plus de cinq ans. Étant donné que le modèle d'entreprise, les activités et le type de clientèle des banques se caractérisent par une stabilité à court et à moyen terme, l'évaluation de la situation des établissements de l'Union en ce qui concerne la résolution, qui se reflète dans le calcul des contributions ex ante, tend à rester stable. En conséquence, la position relative d'un établissement par rapport à ses pairs en ce qui concerne la résolution peut rester largement la même sur une période supérieure à cinq ans. Si le CRU divulguait les données complètes, cela donnerait aux établissements et potentiellement aux autres acteurs du marché une image détaillée non seulement des différents établissements, mais également du secteur bancaire plus large de l'Union. D'autres acteurs du marché pourraient utiliser ces informations pour s'engager dans des activités susceptibles d'entraîner des risques pour la stabilité financière de l'union bancaire.

302    Aux considérants 131 et 132 de la décision attaquée, le CRU a considéré que, s'il était tenu de divulguer les données mentionnées au point 301 ci-dessus après un certain laps de temps, les établissements et les autres acteurs du marché pourraient accéder à une réserve de données en croissance constante et analyser ces données détaillées en utilisant des algorithmes de prévision ou d'autres outils pour élaborer des informations qui seraient à la fois utiles et sensibles, même sur le marché actuel. Le modèle d'entreprise de la plupart des institutions peut rester relativement stable et il est parfaitement concevable que les institutions qui étaient dans le groupe de celles présentant les risques les plus élevés au cours de la période 2016 puissent également se trouver dans ce groupe à la fin de la période initiale, en 2023. Partant, selon le CRU, les intérêts privés et publics l'emportaient sur l'intérêt d'un établissement à obtenir des données complètes afin de pouvoir recalculer ses contributions ex ante en détail.

303    Or, la requérante conteste le caractère suffisant des explications mentionnées au point 302 ci-dessus, en ce que, à la date à laquelle la décision attaquée a été adoptée, les données des autres établissements dataient de plus de cinq ans.

304    Pour apprécier cet argument de la requérante, il y a lieu de rappeler que, lorsque les informations qui ont pu constituer des secrets d'affaires à une certaine époque datent de cinq ans ou plus, elles sont considérées, en principe, du fait de l'écoulement du temps, comme étant historiques et comme ayant perdu, de ce fait, leur caractère secret, à moins que, exceptionnellement, la partie qui se prévaut de ce caractère ne démontre que, en dépit de leur ancienneté, ces informations constituent encore des éléments essentiels de sa position commerciale ou de celles de tiers concernés (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2018, Baumeister, C‑15/16, EU:C:2018:464, point 54 et jurisprudence citée).

305    À cet égard, il n'est pas contesté que les données individuelles des établissements utilisées pour le calcul de la contribution ex ante de la requérante, sur lesquelles est fondée la décision attaquée, dataient, au moment de l'adoption de cette décision, de plus de cinq ans.

306    Toutefois, il convient de constater que la requérante n'avance pas d'arguments, et encore moins d'éléments de preuve, susceptibles de remettre en cause le caractère suffisant, ou le bien-fondé, du raisonnement du CRU exposé aux points 300 à 302 ci-dessus. En particulier, la seule affirmation selon laquelle, en raison du temps écoulé, il y a lieu de considérer que les données concernées sont historiques et n'ont plus, de ce fait, de caractère confidentiel ne remet pas en cause le raisonnement du CRU selon lequel la divulgation de ces données pourrait avoir des conséquences préjudiciables pour la stabilité financière de l'union bancaire.

307    Cinquièmement, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel le CRU aurait dû divulguer, sous une forme anonymisée, les valeurs du multiplicateur d'ajustement et du total du passif de chaque établissement, il ressort de la jurisprudence citée aux points 251 à 260 ci-dessus que, s'agissant des données des autres établissements, le CRU est tenu de mettre à la disposition de l'établissement concerné des informations suffisantes pour que celui-ci puisse comprendre, en substance, de quelle façon sa situation individuelle a été prise en compte, aux fins du calcul de sa contribution ex ante, au regard de la situation de l'ensemble des autres établissements. Plus concrètement, il incombe au CRU de publier ou de transmettre audit établissement, sous une forme agrégée et anonymisée, les informations relatives aux établissements utilisées pour calculer cette contribution, dans la mesure où ces informations peuvent être communiquées sans porter atteinte au secret des affaires.

308    Or, indépendamment de la question de savoir si, au moment de l'adoption de la décision attaquée, les valeurs du total du passif et du multiplicateur d'ajustement de chaque établissement étaient couvertes par le secret des affaires, il est à noter, d'une part, que le total du passif de chaque établissement constitue une donnée nécessaire pour la première phase du calcul des contributions ex ante, à savoir la détermination de la contribution annuelle de base, conformément à l'article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, étant entendu que cette contribution doit, par la suite, être ajustée en fonction du profil de risque de chaque établissement sur la base d'autres données individuelles des établissements. D'autre part, le multiplicateur d'ajustement constitue une valeur intermédiaire résultant de plusieurs étapes du calcul des contributions ex ante et intégrant tous les indicateurs de risque utilisés par le CRU lors de ce calcul. Ce multiplicateur représente ainsi le profil de risque global de chaque établissement, qui est fondé sur tous les indicateurs de risque et qui n'a, au demeurant, aucun lien direct avec le montant du total du passif de l'établissement.

309    Dans ces conditions, la divulgation des valeurs du total du passif et du multiplicateur d'ajustement de chaque établissement n'aurait pas permis, sans divulguer toutes les autres données individuelles des établissements, d'atteindre l'objectif, recherché par la requérante, d'effectuer une comparaison entre sa situation et celle des autres établissements de taille similaire afin de vérifier le calcul de sa contribution annuelle de base ajustée en fonction de son profil de risque. De même, contrairement à ce que soutient la requérante, la divulgation de ces seules valeurs n'aurait pas permis de vérifier l'assignation des établissements aux bins.

310    Par conséquent, les valeurs du multiplicateur d'ajustement et du total du passif de chaque établissement ne peuvent être considérées comme des éléments sans lesquels les établissements ne peuvent pas comprendre, en substance, de quelle façon leur situation individuelle a été prise en compte au regard de la situation de l'ensemble des autres établissements concernés.

311    Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter l'argument de la requérante selon lequel la décision attaquée est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne fournit pas de données individuelles des autres établissements permettant de vérifier le calcul de sa contribution ex ante.

d)      Sur la troisième branche, relative aux disparités entre les États membres participants en ce qui concerne le rapport entre la composante du montant total des contributions ex ante des établissements d'un État membre calculée sur la base nationale et la composante dudit montant calculée sur la base de l'union

312    La requérante soutient que la décision attaquée ne justifie pas, s'agissant du montant total des contributions ex ante de tous les établissements agréés sur le territoire de chaque État membre participant, les disparités entre ces États membres en ce qui concerne le rapport entre, d'une part, la composante de ce montant calculée sur la base nationale et, d'autre part, la composante dudit montant calculée sur la base de l'union. En effet, pour certains desdits États membres, la composante relevant de la base nationale est plus élevée, à des degrés variables, que la composante relevant de la base de l'union, et inversement pour d'autres. En outre, l'analyse des valeurs agrégées permettrait de présumer que certains États membres financent la majeure partie des contributions calculées sur la base de l'union.

313    À cet égard, il y a lieu d'observer que le CRU a expliqué, au considérant 96 de la décision attaquée, que, en ce qui concernait le calcul de la partie des contributions annuelles relevant de la base nationale, le niveau cible utilisé avait été défini sur une base nationale en tenant compte uniquement des dépôts couverts des établissements de crédit agréés sur le territoire de l'État membre participant concerné, tandis que les données des établissements agréés sur le territoire des autres États membres participants n'avaient pas été prises en compte.

314    En revanche, selon le considérant 97 de la décision attaquée, en ce qui concerne le calcul de la partie des contributions annuelles relevant de la base de l'union, le niveau cible annuel est défini sur la base des dépôts couverts de tous les établissements de crédit établis dans les États membres participants.

315    Il en découle que les disparités et écarts évoqués par la requérante s'expliquent par la circonstance selon laquelle le calcul des contributions ex ante sur la base nationale et le calcul de ces contributions sur la base de l'union se fondent chacun sur des données différentes. Dans ces conditions, l'obligation de motivation pesant sur le CRU ne va pas jusqu'à lui imposer d'expliquer davantage les différences entre le calcul des contributions sur la base nationale et le calcul des contributions sur la base de l'union.

e)      Sur la quatrième branche, relative à l'absence de publication par le CRU des décisions intermédiaires

316    En ce qui concerne la non-divulgation des décisions intermédiaires, il ressort de la jurisprudence que la motivation figurant dans la décision fixant des contributions ex ante doit être considérée comme étant insuffisante lorsqu'elle repose, s'agissant de certains éléments pour lesquels le CRU doit fournir une motivation, uniquement sur d'autres actes juridiques, tels que les décisions intermédiaires que le CRU a adoptées aux fins de préciser et, dans certains cas, compléter certains aspects de la fixation desdites contributions, mais qu'il n'a pas publiées ou autrement communiquées aux établissements (arrêts du 28 novembre 2019, Hypo Vorarlberg Bank/CRU, T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16, EU:T:2019:823, points 194 et 199, et du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T‑365/16, EU:T:2019:824, points 171 et 176).

317    Toutefois, ainsi qu'il ressort du résumé de la décision attaquée aux points 8 à 20 ci-dessus, celle-ci comporte une motivation concernant la fixation des contributions ex ante pour la période de contribution 2016. Il en va ainsi, notamment, de tous les aspects du calcul de la contribution ex ante mentionnés par la requérante au soutien de la présente branche.

318    En outre, il ressort tant du considérant 195 de la décision attaquée que des observations du CRU sur le mémoire en adaptation que la décision attaquée constitue le seul acte destiné à calculer les contributions ex ante pour la période de contribution 2016 des établissements concernés et à leur fournir la motivation sous-jacente.

319    Par conséquent, rien n'indique que l'existence des décisions intermédiaires a eu une incidence quelconque sur l'étendue des informations dont la requérante disposait afin de pouvoir vérifier la légalité de la fixation de sa contribution ex ante et de la contester devant le juge de l'Union. En particulier, ainsi qu'il ressort de l'examen des autres branches du quatrième moyen, la requérante a pu comprendre tous les éléments du calcul de sa contribution ex ante sur la seule base de la décision attaquée.

320    Partant, la décision attaquée se distingue de la décision du CRU fixant les contributions ex ante qui faisait l'objet des affaires ayant donné lieu aux arrêts du 28 novembre 2019, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16, EU:T:2019:823), et du 28 novembre 2019, Portigon/CRU (T‑365/16, EU:T:2019:824). En effet, cette décision ne comportait pas, notamment, d'indications concernant la détermination par le CRU du pilier de risque IV, de telles indications ne figurant que dans les décisions intermédiaires en cause dans ces affaires (arrêts du 28 novembre 2019, Hypo Vorarlberg Bank/CRU, T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16, EU:T:2019:823, point 195, et du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T‑365/16, EU:T:2019:824, point 172).

321    Enfin, la requérante n'a pas expliqué comment – compte tenu des considérations figurant aux points 317 à 319 ci-dessus – la publication des décisions intermédiaires lui aurait permis d'exercer, dans de meilleures conditions, ses droits devant les juridictions de l'Union ni comment une telle publication aurait permis à ces dernières d'exercer plus efficacement leur contrôle.

322    Dans ces conditions, la seule absence de publication ou de communication des décisions intermédiaires ne saurait, en elle-même, entraîner un défaut de motivation de la décision attaquée.

323    Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.

5.      Sur le cinquième moyen, tiré d'un défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne certains choix discrétionnaires du CRU dans le cadre de la fixation des paramètres du calcul des contributions ex ante

324    La requérante fait valoir, en substance, que la motivation de la décision attaquée est insuffisante en ce qu'elle ne précise pas la manière dont le CRU a exercé la marge d'appréciation qui lui a été conférée par le règlement délégué 2015/63 et qui porte sur plusieurs aspects du calcul des contributions ex ante.

325    De plus, il ressortirait de l'article 6, paragraphe 5, du règlement délégué 2015/63 et des considérants 134 à 145, 149, 151 et 155 de la décision attaquée que le CRU dispose d'une marge d'appréciation pour définir des indicateurs de risque supplémentaires et rééchelonner les différents indicateurs de risque en cas d'absence d'application de certains de ces indicateurs. À cet égard, le cadre juridique n'offrirait pas une clarté suffisante quant à la méthode de calcul des contributions ex ante et aux critères déterminants de cette méthode. Le CRU aurait également omis d'expliquer, de façon adéquate, la manière dont il avait appliqué l'indicateur de risque « éventuelle appartenance de l'établissement à un système de protection institutionnel ».

326    Le CRU conteste l'argumentation de la requérante.

327    Pour ce qui est des indicateurs de risque supplémentaires, de la non-application de certains indicateurs de risque, notamment de l'indicateur de risque « fonds propres et engagements ou passifs éligibles détenus par l'établissement au-delà de l'[exigence minimale de fonds propres et d'engagements éligibles] », des rééchelonnements des différents indicateurs de risque ainsi que des autres aspects du calcul des contributions ex ante mentionnés par la requérante, la décision attaquée contient une motivation détaillée et circonstanciée. En effet, le CRU a précisé, aux considérants 138 à 140 de la décision attaquée, la manière dont il avait défini les indicateurs et sous-indicateurs de risque appliqués dans le pilier de risque IV. Il a également exposé, aux considérants 42 à 53, 135 à 138, 141 et 142 de la décision attaquée, les motifs pour lesquels il avait estimé nécessaire de ne pas appliquer certains indicateurs de risque et de procéder aux rééchelonnements des indicateurs de risque restants. Le CRU a indiqué, aux considérants 151 à 155 de la décision attaquée, la manière dont il avait rééchelonné les indicateurs de risque bruts conformément à l'annexe I, sous le titre « Étape 3 », du règlement délégué 2015/63 et la façon dont il avait appliqué un signe négatif ou positif à chaque indicateur de risque conformément à l'annexe I, sous le titre « Étape 4 », de ce règlement délégué. Or, la requérante n'a pas précisé les raisons pour lesquelles la motivation figurant aux considérants susmentionnés de la décision attaquée ne serait pas suffisante. Par ailleurs, le grief selon lequel le CRU aurait dû vérifier s'il aurait été possible de recourir à des valeurs approximatives, au lieu de ne pas appliquer certains indicateurs de risque, est sans pertinence pour l'analyse du présent moyen dans la mesure où il évoque une erreur de fond, remettant en cause le bien-fondé de l'approche du CRU, et non un vice de forme relatif à la motivation.

328    En ce qui concerne la motivation relative à l'indicateur de risque « éventuelle appartenance de l'établissement à un système de protection institutionnel » (ci-après le « SPI » et l'« indicateur de risque SPI »), il importe de relever que le CRU a expliqué, au considérant 157 de la décision attaquée que, même si l'article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 l'obligeait à pondérer l'indicateur de risque SPI selon les indicateurs de risque qui étaient énoncés à l'article 7, paragraphe 4, premier alinéa, sous a), de ce règlement délégué, il devait s'assurer que même des établissements présentant le profil le plus risqué pouvaient encore bénéficier de leur appartenance à un SPI dans le cadre du calcul des contributions ex ante. Dans cette optique, le CRU a indiqué, aux considérants 158 et 159 de la décision attaquée, que la répartition des établissements en trois catégories – risque faible, moyen et élevé – et la création subséquente de trois bins permettaient non seulement de tenir compte des particularités de ces établissements de façon suffisamment complète, mais aussi de garantir la proportionnalité de l'avantage que lesdits établissements retiraient de leur appartenance à un SPI.

329    Il découle également du considérant 160 de la décision attaquée que le CRU a assigné, dans cette même logique, les établissements qui présentaient un faible profil de risque, un profil de risque moyen et le profil de risque le plus élevé, respectivement, au troisième, au deuxième et au premier bin en leur appliquant un facteur d'ajustement de, respectivement, 9/9, 7/9 et 5/9 pour ledit indicateur. De cette manière, ainsi qu'il résulte d'une lecture conjointe des considérants susmentionnés, le CRU a fait en sorte que les établissements du troisième bin bénéficient pleinement de leur appartenance à un SPI et que la pondération de l'indicateur de risque SPI diminue progressivement en ce qui concernait les établissements assignés aux deux autres bins.

330    En outre, au considérant 161 de la décision attaquée, le CRU a expliqué que « [p]our les établissements n'appartenant pas à un SPI […], (la pondération de) l'indicateur de risque [SPI] n'[étai]t pas ajusté(e) ». Il a ajouté qu'« [u]n [indicateur rééchelonné transformé] égal à 1 [étai]t attribué à ces établissements ».

331    De telles explications permettent à la requérante de comprendre les raisons qui ont guidé le CRU lors de la pondération de l'indicateur de risque SPI et elles permettent au Tribunal d'exercer son contrôle juridictionnel. En particulier, la lecture combinée de la page 104 de l'annexe II de la décision attaquée et de la motivation figurant, notamment, aux considérants 53, 158 et 161 de cette décision permet de comprendre que tous les établissements ajustés en fonction de leur profil de risque, qui étaient au nombre de 1 717, étaient, dans un premier temps, répartis en trois bins comptant respectivement 574, 571 et 572 établissements, mais que, indépendamment de cette répartition initiale, les établissements n'appartenant pas à un SPI se sont vu attribuer un indicateur rééchelonné transformé égal à 1, de sorte qu'il n'y avait pas eu d'ajustement effectif de l'indicateur SPI pour ces établissements.

332    Pour ce qui est, au demeurant, de l'argumentation de la requérante concernant le prétendu caractère disproportionné de l'application de l'indicateur de risque SPI, celle-ci relève d'une question de fond et non de la motivation de la décision attaquée.

333    En ce qui concerne le grief relatif à la motivation du niveau cible annuel et le coefficient appliqué, les considérations détaillées prises en compte par le CRU figurent aux considérants 62 à 84 de la décision attaquée. La requérante ayant omis de préciser en quoi cette motivation serait insuffisante, il convient de rejeter ce grief. En outre, l'argument selon lequel le niveau cible a augmenté pendant les années suivantes n'est pas pertinent dans le cadre du recours relatif aux contributions ex ante pour la période de contribution 2016.

334    En ce qui concerne la motivation du traitement des corrections a posteriori, la requérante fait valoir, en substance, que la décision attaquée ne permet pas aux établissements de comprendre les raisons pour lesquelles les corrections a posteriori n'aboutissent pas à un nouveau calcul des contributions ex ante pour l'ensemble des établissements dans l'union bancaire, ni de vérifier le montant des corrections, puisque les établissements ne seraient pas informés de telles corrections ni des motifs de ces dernières, ce qui renforcerait l'opacité et le caractère non vérifiable du calcul des contributions ex ante. De plus, la différence entre, d'une part, le montant de ces contributions calculé pour la période de contribution 2016 et, d'autre part, le montant final de ces contributions après déduction de celles fixées pour la période de contribution 2015 et des ajustements résultant des retraitements et des révisions de données manquerait de transparence. En outre, les calculs du CRU seraient propices à l'erreur.

335    Aux considérants 172 à 174 de la décision attaquée, le CRU a expliqué la façon dont il avait appliqué l'article 14, paragraphe 5, et l'article 17, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63, qui régissent le règlement de toute différence entre la contribution annuelle calculée et versée sur la base des informations qui font l'objet de retraitements ou de révisions et la contribution annuelle qui aurait dû être versée à la suite de l'adaptation de la contribution annuelle. Au point 24 de l'annexe IIIb de la décision attaquée, le CRU a précisé qu'il ressortait du libellé de l'article 17, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63 qu'il ne disposait pas d'une marge d'appréciation dans le cadre des retraitements et des révisions. Par ailleurs, au point 30 de l'annexe IIIb de la décision attaquée, dans le cadre de l'observation de la requérante selon laquelle les corrections a posteriori auraient dû aboutir à un nouveau calcul des contributions ex ante pour l'ensemble des établissements de l'union bancaire, le CRU a attiré l'attention de la requérante sur le fait que l'article 17, paragraphe 3, du règlement délégué 2015/63 prévoyait que l'« autorité de résolution adapte la contribution annuelle, conformément aux informations mises à jour, lors du calcul de la contribution annuelle de ce[s] établissement[s] pour la période de contribution suivante ». Ces explications permettent à la requérante de comprendre les raisons qui ont guidé le CRU lors du traitement des corrections a posteriori et permettent au Tribunal d'exercer son contrôle juridictionnel.

336    En outre, le CRU n'était pas tenu de fournir une motivation plus détaillée concernant les motifs pour lesquels, à la suite de la correction des données a posteriori d'un établissement, il n'avait pas recalculé les contributions ex ante pour tous les établissements de l'union bancaire, mais seulement pour l'établissement concerné. En effet, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence citée au point 250 ci-dessus, il n'est pas exigé que la motivation d'un acte spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d'une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l'intérêt que les personnes concernées par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications.

337    S'agissant de la communication des corrections a posteriori concernant d'autres établissements, ou des motifs de ces dernières, il découle de la jurisprudence citée au point 251 ci-dessus que la décision attaquée ne doit pas nécessairement comprendre l'intégralité des éléments permettant à son destinataire de vérifier l'exactitude du calcul de sa contribution ex ante. Or, la communication de ces corrections, ou des motifs de ces dernières, impliquerait la communication à la requérante de données des autres établissements couvertes par le secret des affaires.

338    Pour ce qui est des griefs concernant la prétendue propension à l'erreur dans le calcul des contributions ex ante, l'utilisation par le CRU de données erronées ainsi que l'absence de nouveau calcul des contributions ex ante pour l'ensemble des établissements de l'union bancaire à la suite de la correction a posteriori des données de certains établissements, ces griefs relèvent de questions de fond, et non de la motivation de la décision attaquée. Par ailleurs, la requérante n'a soumis au Tribunal, au soutien desdits griefs, aucune argumentation et aucun élément concret qui permettrait à ce dernier d'examiner de tels griefs sur le fond, de sorte que ceux-ci ne répondent pas aux exigences rappelées au point 72 ci-dessus.

339    Enfin, la requérante fait valoir que le règlement délégué 2015/63 n'est pas suffisamment clair en ce qui concerne la méthode de calcul des contributions ex ante et les critères déterminants de cette méthode. À supposer que ce grief puisse être interprété en ce sens que, par celui-ci, la requérante excipe de l'illégalité des articles 4 à 7 et 9 ainsi que de l'annexe I de ce règlement délégué, cette dernière n'explique pas en quoi consisterait l'illégalité de ces dispositions. À cet égard, l'affirmation de la requérante, aucunement étayée, selon laquelle ledit règlement délégué confère au CRU une marge d'appréciation considérable ne suffit pas, à elle seule, pour contester la légalité desdites dispositions.

340    Les arguments restants soulevés dans le cadre du présent grief relèvent des questions, et non de la motivation de la décision attaquée.

341    Dans ces conditions, il convient d'écarter le cinquième moyen.

6.      Sur le sixième moyen, tiré d'une erreur de droit, en ce que la décision attaquée ne serait pas fondée sur la situation de fait existant au moment de son adoption

342    La requérante fait valoir que la décision attaquée viole l'article 102 de la directive 2014/59, l'article 69, paragraphes 1 et 2, et l'article 70, paragraphes 2 et 3, du règlement no 806/2014, l'article 4, paragraphe 2, l'article 6, paragraphe 2, sous a), l'article 7, paragraphe 2, sous a), l'article 17, paragraphes 3 et 4, et l'annexe I du règlement délégué 2015/63 ainsi que les principes de protection juridictionnelle effective et de proportionnalité, dans la mesure ou ladite décision ne reflète pas la situation de fait telle qu'elle existait au moment de son adoption.

343    La requérante soutient que, dans la décision attaquée, adoptée le 7 décembre 2022, le CRU est parti d'une hypothèse de croissance des dépôts couverts de moins de 3 %, qui se serait révélée erronée au regard des taux de croissance réels des dépôts couverts entre 2016 et 2022. Par ailleurs, le nombre d'établissements relevant du champ d'application du règlement no 806/2014 aurait diminué entre 2016 et 2022. Dès lors, la charge excédentaire provoquée par des prévisions erronées du niveau cible au cours de la période 2016 aurait dû être supportée par un nombre réduit d'établissements. Lors de la fixation du niveau cible, le CRU aurait également dû tenir compte de la guerre en Ukraine, de la pandémie de COVID-19 et de l'inflation. En outre, il aurait dû prendre en compte les corrections a posteriori ainsi qu'examiner s'il avait été possible d'appliquer l'indicateur de risque « fonds propres et engagements ou passifs éligibles détenus par l'établissement au-delà de l'[exigence minimale de fonds propres et d'engagements éligibles] ».

344    Le CRU soutient que le fait d'agir comme l'exige la requérante aurait donné lieu à une contribution ex ante considérablement plus élevée pour la période de contribution 2016, remettant en cause l'intérêt à agir de la requérante. En outre, il conteste le bien-fondé du présent moyen.

345    À la suite de l'arrêt du 28 novembre 2019, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16, EU:T:2019:823), annulant les décisions initiales en ce qu'elles concernent la contribution ex ante pour la période de contribution 2016 de la requérante, le CRU a, le 19 mars 2020, adopté une nouvelle décision sur cette contribution. Puis, il a, le 7 décembre 2022, remplacé la décision du 19 mars 2020 par la décision attaquée afin de tenir compte de l'arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), portant sur le calcul de la contribution ex ante pour la période de contribution 2017. Le CRU a précisé, au considérant 21 de la décision attaquée, que les conclusions de la Cour dans ledit arrêt étaient pertinentes pour les établissements concernés, y compris la requérante, dans la mesure où la décision du 19 mars 2020 ne satisfaisait pas pleinement au niveau de motivation exigé par la Cour.

346    Selon une jurisprudence constante, à la suite de l'annulation d'un acte administratif, l'auteur de l'acte doit se placer à la date à laquelle il avait adopté l'acte annulé pour adopter l'acte de remplacement, en fonction des dispositions alors en vigueur et des éléments de fait alors pertinents (voir, en ce sens, arrêts du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 125 et jurisprudence citée, et du 10 novembre 2021, Di Bernardo/Commission, T‑41/20, non publié, EU:T:2021:778, point 90 et jurisprudence citée). En outre, il n'est pas tenu de se prononcer à nouveau sur des aspects de la décision initiale qui n'ont pas été remis en cause par l'arrêt d'annulation (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 1997, Tremblay e.a./Commission, T‑224/95, EU:T:1997:187, points 53 et 72 et jurisprudence citée).

347    En outre, le retrait de la décision du 19 mars 2020 par le CRU, à la suite de l'arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), ainsi que des ordonnances du 3 mars 2022, CRU/Portigon et Commission (C‑664/20 P, non publiée, EU:C:2022:161), et du 3 mars 2022, CRU/Hypo Vorarlberg Bank (C‑663/20 P, non publiée, EU:C:2022:162), produit des effets juridiques équivalents à ceux d'un arrêt en annulation (ordonnance du 6 décembre 1999, Elder/Commission, T‑178/99, EU:T:1999:307, point 20 ; voir, également, ordonnance du 9 septembre 2010, Phoenix-Reisen et DRV/Commission, T‑120/09, non publiée, EU:T:2010:381, point 23 et jurisprudence citée). Partant, la jurisprudence citée au point 346 ci-dessus s'applique également en l'espèce.

348    Il s'ensuit que le CRU, en adoptant la décision attaquée, devait se placer à la date à laquelle il avait adopté les décisions initiales. Il était contraint de fonder la décision attaquée en tenant compte des dispositions en vigueur et des éléments de fait pertinents à la date de l'adoption de ces décisions initiales. En outre, il n'était pas tenu de se prononcer à nouveau sur des aspects des décisions initiales qui n'avaient pas été remis en cause par les arrêts du 28 novembre 2019, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16, EU:T:2019:823), et du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), ce qui n'est contesté ni en droit ni en fait par la requérante.

349    Dans ces conditions, il convient de rejeter comme étant non fondé le sixième moyen, sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'argument du CRU selon lequel il serait irrecevable pour défaut d'intérêt à agir de la requérante.

7.      Sur le septième moyen, tiré d'une violation de l'article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), de la Charte en raison du non-respect du droit d'être entendu

350    La requérante soutient que la procédure de consultation organisée par le CRU préalablement à l'adoption de la décision attaquée n'a pas respecté son droit d'être entendue, consacré à l'article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), de la Charte, car elle ne lui a pas permis de présenter, de manière effective, d'observations sur le calcul de sa contribution ex ante.

351    En effet, la période de deux semaines au cours de laquelle ladite procédure a eu lieu aurait été insuffisante pour s'exprimer sur le projet de décision attaquée et les statistiques agrégées, ainsi que pour vérifier et analyser ces derniers, d'autant plus que les données communiquées n'auraient pas été suffisantes pour vérifier le processus de calcul et le montant de la contribution ex ante de la requérante. Ces vices seraient d'autant plus sérieux que le CRU disposerait d'une marge d'appréciation considérable dans la fixation des contributions ex ante.

352    Le CRU conteste l'argumentation de la requérante.

353    Le droit d'être entendu, consacré à l'article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 87 et jurisprudence citée).

354    En l'espèce, avant l'adoption de la décision attaquée, le CRU a mené, entre le 24 octobre et le 8 novembre 2022, une procédure de consultation dans le cadre de laquelle il a communiqué un projet de décision attaquée aux établissements concernés et les a invités, par le biais d'un formulaire en ligne, à saisir leurs commentaires sur le contenu de ce projet.

355    En outre, il ressort de la décision attaquée que le CRU a communiqué à la requérante un outil de calcul interactif, qui lui permettait de calculer sa contribution ex ante pour la période de contribution 2016, ainsi que des orientations quant à la manière de vérifier le calcul de sa contribution. Le dossier relatif à la consultation mentionnée au point 354 ci-dessus comprenait l'avis de consultation, le corps de la version préliminaire de la décision attaquée, la version préliminaire des résultats du calcul concernant la requérante dans le cadre des contributions ex ante pour la période de contribution 2016 et les statistiques des calculs, sous une forme résumée ou agrégée.

356    Dans ce contexte, d'une part, il ressort de la jurisprudence citée aux points 251 à 260 ci-dessus que, contrairement à ce que soutient la requérante, le CRU n'était pas tenu de lui communiquer l'intégralité des documents et des données relatives à chaque établissement en vue de lui permettre de vérifier, de manière complète, l'exactitude du calcul de sa contribution ex ante. En particulier, le CRU n'était pas obligé de lui communiquer les documents qui contenaient les données individuelles des autres établissements et qui étaient couverts par le secret des affaires.

357    D'autre part, la requérante n'a, notamment, pas contesté qu'elle était informée de la méthodologie suivie pour le calcul de la contribution ex ante pour la période de contribution 2016 ainsi que du résultat provisoire de sa contribution ex ante à payer, de sorte qu'elle était en mesure de remplir le formulaire fourni par le CRU en faisant utilement valoir ses observations concernant chacune des étapes de ce calcul.

358    Dans ces conditions, rien n'indique que la requérante n'a pas eu accès aux éléments qui constituaient le fondement du calcul de sa contribution ex ante et que le CRU était tenu de lui communiquer.

359    Par ailleurs, la requérante avait la possibilité de prendre position sur les éléments qui constituaient le fondement du calcul de sa contribution ex ante par le biais du formulaire en ligne mentionné au point 354 ci-dessus. Elle pouvait ainsi présenter ses observations sur les choix discrétionnaires du CRU dans le cadre du calcul de sa contribution ex ante, tels que la détermination du niveau cible annuel ou la précision de certains indicateurs de risque du pilier de risque IV, et elle était en mesure de calculer provisoirement sa contribution ex ante en utilisant l'outil de calcul fourni par le CRU.

360    À cet égard, il découle de la jurisprudence de la Cour qu'un formulaire prévu pour que les personnes concernées puissent porter leur point de vue à la connaissance de l'autorité compétente est, en principe, de nature à permettre à celles-ci de s'exprimer de manière circonstanciée sur les éléments devant être pris en compte par cette autorité et d'exposer, si elles le jugent utile, des informations ou des appréciations différentes de celles déjà soumises à ladite autorité (voir, par analogie, arrêt du 9 février 2017, M, C‑560/14, EU:C:2017:101, points 39 et 40).

361    Tel est le cas en l'espèce.

362    En effet, la requérante ne conteste pas que, dans le cadre de la procédure de consultation, elle a été invitée à formuler des observations sur tous les éléments pertinents du calcul de sa contribution ex ante.

363    S'agissant, en outre, du délai imparti pour soumettre des observations dans le cadre de la procédure de consultation, en l'occurrence deux semaines, il y a lieu de relever, d'une part, que la requérante n'a pas expliqué dans quelle mesure ce délai avait violé son droit d'être entendue. À cet égard, elle s'est bornée à affirmer qu'il était « utopique » de supposer que le projet de décision et les statistiques agrégées pouvaient être vérifiés et analysés dans un laps de temps aussi bref, sans faire référence à des aspects concrets de ces documents ni à des difficultés pratiques qui l'auraient empêchée de soumettre ses observations, dans le délai imparti, sur les éléments qui constituaient le fondement du calcul de sa contribution ex ante, tels que ceux mentionnés aux points 357 et 359 ci-dessus. Le seul élément concret que la requérante a mentionné dans ce contexte est le fait que les données communiquées par le CRU n'étaient pas suffisantes pour vérifier le processus de calcul et le montant de sa contribution ex ante. Or, ainsi qu'il a été constaté aux points 356 à 358 ci-dessus, il n'a pas été démontré que le CRU était tenu de communiquer à la requérante d'autres documents que ceux mentionnés au point 355 ci-dessus, de sorte que ce fait ne permet pas d'établir que le délai de deux semaines était insuffisant au regard du droit d'être entendu.

364    D'autre part, la requérante est soumise à l'obligation de verser les contributions ex ante depuis 2016, de sorte que, au moment de la consultation qui a eu lieu entre le 24 octobre et le 8 novembre 2022, elle avait participé aux procédures concernant cinq autres périodes de contribution. Il en découle que, lors de la procédure de consultation menée par le CRU, elle possédait déjà une bonne connaissance du processus de calcul de ces contributions. Dans ces conditions, en l'absence de circonstances particulières invoquées par la requérante, rien n'indique que le délai imparti pour soumettre des observations était insuffisant.

365    Par conséquent, l'argumentation de la requérante ne permet pas de démontrer que cette dernière n'a pas eu la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur tous les éléments de fait ou de droit qui constituaient le fondement de la décision attaquée.

366    Eu égard à ce qui précède, il convient d'écarter le septième moyen.

C.      Conclusion

367    Aucun des moyens invoqués par la requérante n'étant fondé, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.

V.      Sur les dépens

368    Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque l'équité l'exige, le Tribunal peut décider qu'une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l'autre partie, voire qu'elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

369    En l'espèce, la requérante demande à ce que le CRU soit condamné, en tout état de cause, aux dépens exposés en ce qui concerne la décision du 19 mars 2020.

370    Ainsi qu'il ressort des points 6 et 24 ci-dessus, il est constant que le CRU a adopté la décision attaquée afin de remédier au défaut de motivation dont était entachée la décision du 19 mars 2020  et que l'insuffisance de motivation de cette dernière décision a, notamment, conduit la requérante à introduire son recours. La requérante fait valoir, en substance, que le litige lié à la partie de la procédure désormais éteinte à la suite du retrait de la décision du 19 mars 2020 a été provoqué par le fait que cette décision n'était pas suffisamment motivée. Or, sans le retrait de ladite décision, la requérante aurait obtenu gain de cause.

371    En l'espèce, en tenant compte de l'élément mentionné au point 370 ci-dessus, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce, au regard des dispositions de l'article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, en décidant que chaque partie principale supportera ses propres dépens.

372    Conformément à l'article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Parlement, le Conseil et la Commission supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Kornezov

Petrlík

Kecsmár

Kingston

 

      Spangsberg Grønfeldt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 avril 2025

Signatures


*      Langue de procédure : l'allemand


1      Le présent arrêt fait l'objet d'une publication par extraits.

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